Beaucoup de coincidences !

Il n’est pas question, dans cette affaire, d’opérer un quelconque amalgame entre le Baron Rouge et le Petit Chaperon Rouge car le premier, avec ses quatre vingt victoires homologuées et plus de cent quarante six victoires répertoriées, était plus une machine à tuer qu’une victime. Von Richthofen ne dédaignait pas les trophées et il envoyait à sa mère, afin qu’elle l’expose dans une des pièces du manoir familial, une relique de l’avion descendu.

Morceaux de toiles portant le numéro identificateur de l’avion, cocarde, hélices, casques, lunettes, bottes, étuis à cigarettes, remplissaient donc peu à peu son musée personnel qui fut détruit lors de l’avancée des troupes soviétiques en 1945.

Quelques pièces de sa collection au manoir familial 

Le Baron Rouge était très fier de son image et passait une bonne partie de son temps à se faire photographier dans des tenues avantageuses qui faisaient oublier sa petite taille. Il fut l’un des premiers à utiliser les services d’une agence de presse attitrée afin de faire valoir au mieux sa légende.

Il peaufinait particulièrement le choix des photos qu’il dédicaçait et envoyait à ses admiratrices et admirateurs en y ajoutant un mot personnel. Ce qui lui valait des aventure sentimentales souvent très en avance sur son époque.

Manfred était amateur de beaux cuirs, qu’il se faisait tailler sur mesure, et de fourrures, particulièrement de lynx et de loup. Une célèbre photo du Baron avec la casquette posée crânement de travers et un col relevé servit de modèle au  » King  » Elvis.

Elvis casquette

The King Elvis en aviateur. Il fait un peu penser à quelqu’un !

Marlon BrandoPlus fort encore avec Marlon Brando dans « Mortelle randonnée » 

Manfred von Richthofen dans une magnifique pelisse de loup. C’est déjà une sacrée « Rock Star » avant l’heure.
Mike Jaeger peut aller se rhabiller !

Les frères von Richthofen : 119 victoires aériennes à eux deux. Lothar (39) et Manfred (80)

Contrairement à Mannock, qui prenait de grands risques pour se poser à coté de l’avion qu’il venait de vaincre, ce qui lui valut de se faire tuer après sa 73ème victoire, le Baron Rouge envoyait une équipe rechercher le trophée tandis qu’il arrosait sérieusement sa victoire. Son jeune frère Lothar, quand même crédité de presque quarante victoires, reprochait souvent à Mandred son coté froidement calculateur si imbu de son image de héros romantique.

Comme de nombreux pilotes allemands il possédait une mascotte, en l’occurrence un énorme dogue d’Ulm au pelage tigré qui répondait au nom de Moritz et qui, en l’absence de son maître, terrorisait le personnel.

Il est vrai que Mandred, jaloux de la taille de son frère,  accusait Lothar d’être un casse-cou brutal et sans cervelle. Lothar finit la guerre gravement blessé et se tua peu après dans un meeting d’acrobaties.

Certains pilotes alliés, ainsi même que certains pilotes allemands comme Udet (62 victoires), faisaient grief au Baron Rouge et à son  » cirque volant « , ainsi nommé à cause des multiples couleurs vives décorant les avions du Jasta 11, de plus souvent se livrer à la curée en choisissant de préférence des avions d’observation isolés qu’à un duel chevaleresque avec des avions de chasse performants. Mais comme on dit « c’était de bonne guerre ! ».

D’un autre coté Von Richthofen laissa de nombreuses fois plusieurs de ses jeunes pilotes, dont Kurt Wolff (33 victoires), abattre leur avion, alors qu’il aurait pu le faire rapidement, afin de leur donner confiance. Mais le but de la chasse et particulièrement du Jasta 11 était bel et bien d’empêcher ces avions d’observation alliés de faire leur travail de renseignement de l’ennemi et non de se livrer à des exploits sportifs. C’est le reproche qui sera fait plus tard au Lorrain René Fonck, titulaire de 75 victoires homologuées, as des as des alliés et pour qui l’efficacité primait sur le  » beau geste « .

Contrairement à la plupart des pilotes Fonck, tireur exceptionnel, entretenait sa forme physique, ne buvait pas, ne fumait pas, ne sortait pas avec des  » créatures « , réglait lui-même son moteur et ses mitrailleuses et pratiquait même, ce qui est exceptionnel pour l’époque, du Yoga Pranayama. Cela lui permettait de supporter les contraintes de l’altitude. Sa stratégie était fort simple : il montait le plus haut possible, observait, trouvait le meilleur angle et plongeait comme un aigle sur sa victime, généralement le dernier avion de la formation, qu’il abattait d’une courte rafale visant le pilote.

Le capitaine René Fonck, l’As des As français avec 72 victoires homologuées officiellement. 

 Froid, calculateur, assez détestable mais d’une efficacité mortelle. On dit qu’il ne prit jamais aucune balle dans son
avion !
Fonck survécut à la Grande Guerre mais se compromit quelque peu dans la collaboration. Il considérait Goering (Göring) comme un ami ou du moins comme un confrère. Il est vrai que ce dernier, avec ses 21 victoires, et  qui succéda au Baron Rouge à la tête de la Jasta 11, vouait à Fonck une grande admiration. Seul Manfred Von Richthofen dépassait le score de victoires homologuées de Fonck. Qui évidemment prétendait avoir abattu 186 avions ennemis.

Si les circonstances le permettaient il remontait vivement et abattait l’avion en tête de la formation laissant les autres totalement désemparés.

René Fonck et son Spad XIII avec la cigogne « aux ailes hautes ». On disait que c’était l’avion le mieux entretenu de toute l’Armée de l’Air.

Il profitait de la panique pour prendre la fuite. L’excellent état de son avion, un Spad XIII au moteur surpuissant, qui ne prit jamais une seule balle, faisait ensuite la différence. Cette méthode lui permit un assez grand nombre de doublés, de triplés, de quadruplés. Il descendit sept avions dans la même journée, quatre le matin et trois l’après midi, le tout en moins de trois heures, établissant un record qui sera égalé mais jamais dépassé. De retour au terrain il déclarait ses victoires, dont il tenait une comptabilité rigoureuse, et allait se coucher sans autre forme de procès. Ne buvant pas il n’arrosait donc pas ses victoires  et passait pour un « bonnet de nuit ». Ses mitrailleuses n’avaient généralement tiré que quelques balles. Assez déplaisant et vantard, au demeurant, il affirmait avoir descendu près de deux cents avions ennemis. Fonck suscitait nécessairement le respect mais n’avait que fort peu d’amis. Il lui arrivait bien évidemment de critiquer ceux qui préféraient prendre des risques comme Guynemerqui attaquaient bien trop souvent de face.

Un jour Guynemer laissa la vie sauve à un pilote qu’il avait largement dominé pendant tout le combat mais qui s’était retrouvé à court de munitions. Il s’avéra qu’il s’agissait d’Udet, encore jeune pilote, qui devint le second as allemand et qui raconta sa mésaventure avec admiration pour l’Archange dont il avait fini par reconnaître la cigogne peinte sur le fuselage. Lorsqu’il apprit que celui-ci venait de se faire descendre peu après sa 54ème victoire Fonck eut cette oraison funèbre expéditive  » Avec sa façon de combattre, c’est étonnant que cela se soit pas arrivé plus tôt ! « .

De fait Guynemer,  » L’Archange « , était beaucoup plus aimé, sinon adulé, par le public que ne le fut Fonck.

Fonck et Nungesser entretenaient également une inimitié significative. Nungesser, ancien pilote de courses comme l’As Américain Rickenbacker (qui se nommait en fait Richenbacher (26 victoires) et que ses compatriotes américains avaient surnommé  » le Teuton fou « ) était un sacré casse-cou au sens propre et au sens figuré. Victime de nombreux accidents liés à sa témérité il fallait le plus souvent le porter jusqu’à l’habitacle où il rangeait ses béquilles. Passant du lit d’hôpital à son avion et réciproquement il n’en obtint pas moins de 45 victoires et de dix sept blessures ! Nungesser buvait et fumait sans réserve, se livrant à des escapades parisiennes qui, souvent, se finissaient en bagarre. Au tout début de la guerre, engagé volontaire, il avait  » réquisitionné  » sur la Marne une voiture allemande d’état major de marque Mors après avoir liquidé ses occupants à coup de revolver et de sabre, ce qui lui valut le surnom de  » Hussard de la Mors « .

Le général Foch, mis au courant de l’exploit, décida de le décorer personnellement et lui permit de garder la voiture. Venant du front au volant de ce véhicule il traversait la campagne, la banlieue et Paris à tombeau ouvert. Un chauffeur de taxi à qui il avait fait une queue de poisson et voyant son uniforme de hussard chamarré eut le tort de le traiter de  » Planqué ! « .  » Nunge « , comme l’appelaient ses amis, sortit de la voiture, prit ses béquilles et se déplaça difficultueusement jusqu’au taxi. Saisissant le type par le col il le sortit de son véhicule et lui administra une homérique paire de gifles. Des témoins l’ayant reconnus l’applaudirent et il fut mené en triomphe jusque sur les Grands Boulevards. Une autre fois, à l’Opéra, un officier d’aviation plus gradé voulut lui imposer un salut.  » Nunge  » lui demanda s’il avait déjà volé. L’autre lui répondit que non.  » Nunge  » le jeta par dessus la rambarde du grand escalier en hurlant  » Alors c’est le moment d’apprendre ! « . Mais on avait trop besoin de lui pour relever ce fait et l’officier en question retira sa plainte.

« Nunge » et son mécanicien « Pochon » : une paire de sérieux lascars !

Son avion peint en blanc portait ses armes de  » Hussard de la Mors «  composées d’un cœur noir dans lequel figurait un cercueil, une tête de mort, une paire de tibia et un flambeau. A vrai dire  » Nunge  » reprenait le flambeau de Navarre, un autre casse-cou impénitent, l’un des tous premiers  » as  » français,  » La Sentinelle de Verdun  » qui, bien avant le Baron, avait fait peindre son avion en rouge vif. Pilote extraordinaire, il ne supportait pas la discipline militaire et ne cessa d’avoir des problèmes avec ses supérieurs. La mort de son frère jumeau, également pilote, le plongea dans une profonde dépression l’empêchant probablement de devenir l’as des as français. « Nunge » disparaitra avec Coli le 9 mai 1927 en tentant de traverser l’Atlantique mais des témoins virent l’ « Oiseau Blanc », leur avion, survoler la terre. Il s’écrasera probablement dans les marais et ne sera jamais retrouvé.

Le  » Père  » Dorme, lui-même, si tranquille au sol, faisait preuve d’une folle témérité en combat et deux fois son avion fut arrosé du sang de son adversaire.

Pilote extraordinaire crédité de 23 victoires, son avion ne fut jamais touché et il mourut d’une balle en plein cœur. Rien a voir avec la froideur calculée et méthodique de Fonck !

Du coté allemand, malgré une certaine fantaisie dans la décoration des avions, on privilégiait beaucoup plus la stratégie et le travail d’équipe. Böelcke (40 victoires) fut le premier à instaurer les règles du combat aérien en escadrille dans son fameux  » Diktat « , règles qui sont toujours valables de nos jours. Il fut le  » Maître  » de la plupart des as allemands. D’ou son surnom de  » Maester « . Le fameux  » Cirque du Baron Rouge  » procédait directement de ces règles. Le Baron engageait ses pilotes à les respecter au pied et à la lettre. L’une des plus importantes de ces règles était de ne JAMAIS s’écarter de la formation aérienne en combat et ceci quelles que soient les circonstances. Et SURTOUT, sauf en cas de mitraillage, de ne jamais s’approcher du sol. Le Baron Rouge, ce 21 avril rompit pourtant ces deux règles sur laquelle il ne transigeait jamais. Il s’écarta donc de la formation en combat pour poursuivre  » Wop  » May qui semblait en difficulté. La victime désignée devait être bien tentante pour inciter le Baron à cette manœuvre. Wolff voyant le Baron s’éloigner s’écria alors  » Pourquoi vole-t-il si loin et si bas ! « . C’est une première coïncidence.

Tous les historiens s’accordent sur un fait : pendant la Grande Guerre l’armée occidentale la plus rigide était, de loin, l’armée britannique. Les troupiers britanniques étaient les plus brimés et le moindre manquement à la discipline de fer imposée par des officiers de carrière était brutalement réprimé. Parfois par une punition corporelle. Cette fameuse discipline était donc beaucoup plus pesante dans l’armée britannique que dans l’armée allemande, où contrairement à une légende, il était possible de discuter un ordre si celui-ci semblait contraire à la logique ou au bon sens. Le simple fait que les avions allemands pouvaient être peints comme le souhaitaient les pilotes ayant fait leurs preuves est significatif. Les as britanniques, même les plus réputés, comme Mannock ou Bishop, devaient se contenter des couleurs réglementaires et seul un chiffre ou un chevron discret permettait de les reconnaître.

Il semble donc particulièrement étrange que les Australiens et Néo-zélandais de la 43eme batterie se trouvent à Vaux sur Somme alors qu’ils auraient du se trouver entre Albert et Fricourt, à près de 12 km de distance. Il est encore plus étrange que le Commandant Davis, le 18 avril, ait demandé à ce que ses meilleurs tireurs soient dotés de mitrailleuses Lewis à la place des Vickers jugées trop lourdes. Donc de remplacer une arme lourde réglementaire de dotation par une arme légère d’appoint déclassée.

Ce qui ne peut se concevoir, au niveau de l’armée britannique, sans un ordre émanant directement de l’état major. Ces armes d’appoint furent, de plus, bricolées puisqu’on y adjoint un viseur en forme de collimateur d’avion. Dans quel but ? Des mitrailleurs, considérés comme des tireurs d’élite, dissimulés à flanc de coteau et bénéficiant d’armes automatiques légères permettant un meilleur suivi et munies de collimateurs d’avion ne pouvaient agir que sur un ordre express et dans une mission particulière. Laquelle ? On leur adjoint même un  » observateur  » anglais également doté d’une Lewis trafiquée. Tout ceci exactement trois jours avant que le Baron Rouge ne soit abattu précisément sur ce secteur vers lequel il a été attiré. Autre coïncidence pour le moins étrange.

Quelles que soient les circonstances du tir qui toucha Von Richthofen et son fameux triplan rouge,  » Wop  » May, le pseudo néophyte, et  » Roy  » Brown, l’as confirmé, laissèrent celui-ci s’écarter sans le poursuivre et prirent tour à tour le chemin de leur terrain de Bertangles.  » Roy  » Brown prétendit plus ou moins avoir touché le Baron quelques instants avant que celui-ci ne vire devant le cirque de Vaux. Il n’en poursuit pas moins sa route linéaire comme si rien ne s’était passé. Nos deux lascars, officiers de l’armée britannique, abandonnent donc le combat en plein combat sans autre forme de procès alors qu’ils se trouvent au dessus de leurs lignes et en supériorité numérique, à plus de deux contre un. En effet, suivant plusieurs témoins, deux autres avions anglais sont présents à ce moment et  à immédiate proximité et s’éloignent également en direction de Bertangles. Pourquoi ? Le  Baron Rouge inspirait-il une telle frayeur pour que des pilotes confirmés, à quatre contre un,  ne poursuivent pas son avion déjà mis en difficulté puisqu’ils prétendaient l’avoir déjà touché ?  En temps normal cette « défilade » aurait valu le Conseil de Guerre aux quatre pilotes. Si ils ont laissé « filer » le Baron Rouge c’est que nécessairement ils avaient une raison et, surtout, un ordre. On appelle cela « filer à l’anglaise » ou « jouer les filles de l’air » !

Ou le fait de rompre le combat au dessus du cirque de Vaux afin de laisser les mitrailleurs faire leur travail était-il une autre coïncidence ?

Nous  n’épiloguerons pas sur le fait que des photographes aient pu être présents sur le terrain, en pleine guerre,  quelques dizaines de minutes après que le Baron ait été descendu, ni que des couronnes mortuaires aient été prêtes pour les funérailles du Baron à Bertangles un lundi matin à 10H00, le lendemain de sa mort.

Tout cela fait penser à une sacrée organisation, on dirait presque une chasse au tigre, et à une opération menée de main de maître avec peu de place pour le hasard. Opération comme  seul le SIS (Secret Intelligence Service) est en mesure de concevoir et de réaliser. Le responsable de telles opérations au SIS (n’oublions pas Werner Voss !) à cette époque est « Quex » Sinclair.

C’est une balance comptable où il y a d’un côté un hasard exceptionnel, des tas de coïncidences dignes d’un comte de fées, des arrangements flagrants avec la vérité, des faux témoignages ou du moins très arrangés, des historiens complaisants et de l’autre une remarquable organisation basée sur la manipulation (deception) et qui fera école (Fortitude, Mincemeat, Flash…). Murphy et ses Gremlins  contre Machiavel qui aurait lu Sun Tsu.