Wang Yang Ming, le retour !

« Non aux boutiquiers de Confucius !  »
Wang Yang Ming alias Wang Shouren alias O’Yomei (1472 1529)

« La petite boutique de Confucius ! »
Lu Xun alias Zhou Shuren (1881 1936) Initiateur du Mouvement du 4 mai 1919

« Wang Yang Ming en Chine c’est comme pour vous Coluche en France, un fouteur de merde ! « 

 

Wang Yang Ming, le retour…Tatatsoin !

Yohan Radomski m’avait déjà prévenu : En prenant récemment le train dans une gare de banlieue de la proximité de Shanghai il avait été étonné de découvrir dans un kiosque un ouvrage de vulgarisation sur Wang Yang Ming et sa psychologie « mystérieuse » !

Wang Yang Ming

Wang Yang Ming, sa vie, son oeuvre en kiosque de gare !

Et il m’avait aussitôt envoyé la photo de l’ouvrage en question. De passage en France, Xavier Garnier, alias « Shawei » m’a confirmé ce fait en m’apportant plusieurs de ces ouvrages très grand public puisque l’équivalent de notre « Livre de poche » et qui sont, effectivement, vendus à grande échelle dans tous les kiosques de gare de la Chine continentale.

Wang Yang Ming ouvrages

Les ouvrages sur Wang Yang Ming désormais disponibles en Chine sans les kiosques de gares En haut les oeuvres de Wang Yang Ming, textes, poésies, aphorismes, philosophie du Xin Xue.
En dessous trois ouvrages grand public sur la « psychologie mystérieuse » du Maître Wang.

Wang Yang Ming ou Wang Shuren et O4Yomei au Japon

Wang Yang Ming (Wang Shouren) (1472 1529) Penseur et homme d’action.
Il est représenté « en pied » avec, à côté de lui, une partie de la stèle qui figure, sur ordre de l’Empereur Longqing, dans le Temple de Confucius à Qufu dans le Shangdong.
Wang Yang Ming est donc dans la vitrine le plus populaire de cet immense pays et on se doute donc que la réhabilitation est effective et évidente.
Je rappelle à celles et ceux qui ne seraient pas au courant de cette nouvelle bienveillance que Wang Zemin (1909 2002) (alias Wong Tse Ming, alias Tai Ming Wong, alias Wang Tsö Ming…) sous la direction duquel j’ai étudié pendant près de dix ans et qui était l’un des élèves directs de Wang Xiangzhai (Wang Yuseng ou Wang Nibao) (1885 1963), avait obtenu en 1949 le statut de réfugié politique en France car il revendiquait avoir eu Wang Yang Ming comme ancêtre ce qui avait eu pour conséquence de lui attirer de très graves ennuis lors de l’arrivée des communistes au pouvoir à Shanghaï.
De son côté Wang Xiangzhai est enterré dans le cimetière des personnalités les plus officielles de ce régime dans les Collines Parfumées à proximité de Pékin, pardon Beijing.
La doctrine de Wang Yang Ming était donc considérée il y a encore très peu de temps comme particulièrement subversive puisqu’elle place l’individu et sa conscience morale (Zhong) au dessus du groupe donc des mouvements politiques et sociaux.
Ce qui ne l’empèchait nullement d’être un grand humaniste. Et ce qui lui occasionna déjà de graves problèmes avec l’autorité impériale de son vivant. Sa supplique à l’Empereur où il accisait les « boutiquiers de Confucius » de pervertir le pouvoir lui valut un long exil dans le nord de la Chine.
Exil où il recevait plus de mille visiteurs par jour venus lui demander conseil ce qui avait pour conséquence de rendre furieuses les autorités qui l’avaient condamnées à cet isolement. Et ce qui ne l’empèchait pas de former des disciples à l’Ecole de la « Pureté du Coeur » (Xin Xue). Et de reprendre le principe énnoncé sous les Tang que « Les trois doctrines s’harmonisent en un » (San Jiao He Yi).
Ces « Trois Un  » (San Yi) sont évidemment le Taoïsme, le Bouddhisme, le Confucianisme.
Ce qui avait également pour autre conséquence de rendre furieux les intégristes de tous poils qui ne tenaient pas du tout à une bonne entente entre ces philosophies en action.
Si on ajoute le fait que, en tant que haut magistrat, Wang Yang Ming avait fait dilligenter des enquêtes sur les eunnuques et leurs turpitudes diverses on se douite qu’il n’était pas nécessairement le bien venu ni le plus apprécié des hauts fonctionnaires.
On pouvait lui reprocher, en tant que Mandarin, d’avoir réprimé des révoltes paysannes mais il ne pouvait, ensuite, s’empêcher de rechercher la cause de ces révoltes, qui pouvaient s’apparenter à des jacqueries, et d’en punir les coupables.
Qui n’étaient généralement autres que des individus au pouvoir et qui avaient outrepassé leurs droits et leurs devoirs.
Il fut donc, pendant tout son mandat, le précurseur des « opérations mains propres » et le dénonciateur des abus du pouvoir ainsi que de tous ceux qui en profitaient pour s’enrichir sur le dos des administrés.
Il échappa à ce qu’on nommerait actuellement plusieurs attentats et autres tentatives d’intimidation et assassinats grâce, disait-on, à la « vertu chevaleresque » (Wu De) et à sa capacité et son savoir faire (Kung-Fu ou Gongfu).
Il fut même sévèrement roué de coups ce qui hypothéqua sa santé mais nullement sa détermination à rendre la justice et à rechercher comment élever l’Etre Humain au dessus de sa condition par une vision philosophique, et pratique, qui lui valut, et qui lui vaut encore, la preuve, une grande réputation.
Après sa mort il fut réhabilité par l’Empereur lui-même qui décréta qu’une stèle figure pour l’éternité dans le Temple même de Confucius. Honneur extrême qui n’eut que trois autre équivalents dans toute l’histoire de la Chine et du confucianisme.
Ce faisant, explicitement, l’Empereur, lui-même, avouait que Wang Yang Ming avait eu raison de dénoncer les « boutiquiers de Confucius » qui avaient envahi le palais.
Mais visiblement les « marchands du Temple » ne s’en portèrent pas plus mal et notre bon Confucius continue à être mis à toutes les sauces !
Le retour de Wang Yang Ming augure que certains auraient peut-être envie de faire la ménage.

Wang Yang Ming

La couverture de Wang Yang Ming et sa « psychologie mystérieuse » !

Wang Yang Ming ou le néo-romantisme chinois !

Quand on ne sait pas trop à quoi sert un objet on le qualifie « objet du culte » pour ne pas dire magico-mystique. Il en va de même pour les caractères, j’emploie ce terme à dessein, que l’on retrouve dans la plupart des grottes dites ornées, donc comportant et des scènes animalières souvent d’un réalisme qui ne sera jamais dépassé par nos artistes « historiques » et des « signes » incompréhensibles puisqu’on ne sait plus les interpréter.
Notons à cet effet que les Chinois, lorsqu’ils n’écrivent pas en transcription occidentale, comme le Pinyin (Qigong, Kung-Fu, Taijiquan et on en passe)et qu’ils dessinent leurs fameux caractères (pour ne pas dire leurs foutus caractères !), donc leurs sinogrammes, ne savent pas écrire.
On n’écrit pas le chinois, on le calligraphie ou plutôt on le dessine quand on le le peint pas avec un pinceau et de l’encre de Chine.
Donc les Chinois qui n’écrivent pas le chinois en pinyin (ou en EFEO ou en Wade ou en Lessing ou en salmigondis phonétisé) mais qui utilisent des caractères chinois ne savent pas plus ou mieux écrire que leurs homologues dits préhistoriques lorsqu’ils utilisent des caractères préhistoriques.
Mais si les préhistoriques savaient écrire il ne s’agirait pas, ou plus, de préhistoire car ce qui différencie fondamentalement la préhistoire de l’histoire c’est l’écriture.
Maintenant si on rapproche les anciens caractères chinois Jiaguwen (littéralement os-écaille) justement tracés, ou dessinés, sur des os (omoplates de félins) et des carapaces de tortues, des signes dits runiques (Futhark ancien classique) et des « signes » des grottes dites ornées on se rend facilement compte, à moins d’être totalement borné sinon décérébré, qu’il existe, quand même, une grande similitude.
Or c’est cette similitude qui manque gravement lorsqu’on tente de classer Wang Yang Ming, par paresse mentale et par conformisme facultatif, presque par copier-coller, parmi les néoconfucianistes.
Nos amis Chinois actuels ne s’y trompent pas et en fait de néoconfucianiste le classeraient plutôt désormais dans le néo-romantisme puisque la néo-philosophie et ses nouveaux philosophes, à cheveux (de jadis puisque la plupart sont chauves, désormais) dans le vent et à chemise dépoitraillée, n’a pas encore atteint, et heureusement, le continent chinois.
Mais pour mieux renforcer son image vis à vis de la jeunesse chinoise actuelle on l’a donc affublé, non de la fameuse chemise, mais des cheveux dans le vent et d’une moustache de belle allure lui donnant, malheureusement, un sérieux air de ressemblance avec Chinese Gordon ! Et c’est un fait !

Wang Yang Ming

Wang Yang Ming à la campagne et au clair de la lune.
Les cheveux dans le vent et la chemise ouverte c’est un « nouveau-sino-philosophe » !

Wang Yang Ming

Wang Yang Ming en mauvaise posture

La néo-philosophie, ou le le néoconfucianisme, mênent à tout à condition de savoir en
sortir !
Wang Yang Ming, magistrat intègre, a encore énervé un haut personnage de l’Etat, pardon de l’Empire et paie les pots cassés.

Wang Yang Ming

Wang Yang Ming retrouve sa superbe et pacifie les montagnes des brigands qui les infestent.

« Il est facile de vaincre des bandits tapis dans la montagne, mais il est plus difficile d’écraser l’ennemi caché dans notre coeur » (Wang Yang Ming ou Wang Shouren – cité en préface de l’ouvrage « La vie secrète du seigneur Musashi » par Junshirô Tanizaki (1935) paru chez Romans de Gallimard (1987). Wang Yangming alias O’Yomei est probablement plus connu au Japon qu’en Chine car sa doctrine de la « Pureté du Coeur » a profondément influencé la pensée japonaise moderne. Les Japonais ne le classent donc pas parmi les « néoconfucianistes » mais parmi les penseurs et les hommes d’action qui sont un modèle de droiture et de probité.
Il est significatif de trouver son nom associé à celui de Musashi qui est l’un des grands héros de l’histoire du Japon et, surtout, de son art et de sa pensée en action.
N’est-ce pas une certaine forme de « néoromantisme » ?

Wang Yang Ming

Wang Yang Ming enseigne à ses disciples le principe du San Jiao He Yi.
Les Trois Doctrines (Enseignements) s’unissent et s’harmonisent en Un.
C’est San Yi.

Mais Wang Yang Ming c’est aussi l’image de la sagesse.
Il fait partie de ceux qui ont voulu dépoussiérer Confucius mais également le Bouddhisme et le Taoïsme de tous leurs boutiquiers.
Pourquoi ne pas le qualifier de « néo-taoïste » ou de « néo-bouddhiste » et persister à lui refiler cette étiquette collante de « néo-confucianiste » ?

Wang Yang Ming

Wang Yang Ming au seuil de sa vie reçoit le Prince Héritier.
Contraint à l’exil dans les territoires incertains de la Chine du Nord, aux limites des frontières jadis défendues par Yue Fei, Wang Yang Ming recevait près d’un millier de visiteurs par jour venus lui demander conseil ou désireux, simplement, de l’approcher. Parmi ces visiteurs il eur la surprise et l’immense honneur de compter le Prince Impérial, héritier de la couronne, venu lui présenter son respect et, en quelque sorte, ses excuses.
Wang Yang Ming, après sa mort, sera réhabilité dans son titre et ses fonctions et, suivant un décrêt de l’Empereur Longqing ( règne de 1567 à 1572) sera honoré comme « Maître du Suprème Savoir ». Cet empereur décrètera également qu’une stèle de Wang Yang Ming figure dans le Temple de Confucius à Qufu et ceci « pour l’éternité ».

L’Empereur Longqing, suivant le modèle de Wang Yang Ming, réformera l’Etat en profondeur et instaurera une période de paix et d’équité. Il réorganisera également la défense des frontières en se réfèrant à Yue Fei.

Un mot sur les néoconfucianistes

Le terme « néo » n’incite évidemment à rien de très positif et ressemble un peu à ce terme « d’Inde » dont on affublait au XVIIeme siècle tout ce qui provenait du Nouveau Monde, donc des Amériques et de la Caraïbe et qui était plus gros, certes, mais de moindre intérêt gustatif. On avait donc rapporté le poulet d’Inde, devenu la dinde et par conséquent le dindon, à ce sujet il est bon de préciser que « made in Turkey » ne signifie pas fabriqué en d’Inde mais en Turquie, le blé d’Inde qui deviendra le maïs et qui remplaça le pois chiche jusque dans la confection de la socca, le marron d’Inde qui ne devint comestible que pendant les restrictions dues à l’occupation, le bois d’Inde ou piment de la Jamaïque qui se substituait au poivre, l’oeillet d’Inde dont on consomme les fleurs en remplacement du safran (safran du pauvre), la seule exception étant le cochon d’Inde provenant des Incas qui est plus petit que le cochon et qui, habituellement, ne se mange pas.

Néo quelque chose c’est généralement cette chose mais en ersatz donc en pas terrible.

On sait, par exemple, ce qu’est l’idéologie nazie, alias nationale-socialiste, mais on a du mal à cerner l’idéologie néo-nazie qui est le plus souvent représentée par des nazis d’Inde, en survêtements douteux, rasés, avinés et braillant des slogans incompréhensibles à la gloire d’une équipe de foot constituée majoritairement de gens d’autres couleurs que la leur qui est habituellement rose.

On peut détester le confucianisme et même l’assimiler à une doctrine totalement révolue mais force est de constater qu’il s’agit quand même de quelque chose de très représentatif de la pensée chinoise qu’on veut désormais universelle.

Mais on imagine alors que le néo-confucianisme est le repaire des nostalgiques de la grande époque du Maître Kong, des espèces de Salafistes chinois revendiquant un retour aux origines et qui furent la cause de l’immobilisme chinois de ces derniers siècles.

Dès que quelqu’un se réfère à Confucius et qu’il n’est pas contemporain de ce dernier on lui refile l’étiquette infamante de « néoconfucianiste » donc, en quelque sorte, de holligan de la Voie du Milieu. Dans la vision d’Etiemble ce qu’étaient Béria ou Staline au regard de Marx !

Le simple fait que l’on colle ici dans le même sac des néoconfucianistes Zhu Xi et Wang Yang Ming dont les doctrines s’opposent en tous points incite à une certaine prudence vis à vis de cette classification occidentale et totalement arbitraire.

Zhu Xi

Zhu Xi (Chu Hsi ou Tchou Hi) 1130-1200
Qui commenta et organisa, commenta et classifia ce qui convient de nommer le « canon confucianiste » et que l’on donne comme l’un des fondateurs du « néoconfucianisme »

Il faut donc atteindre les très hautes sphères, là où l’oxygène se raréfie, pour entendre parler de « tendances » du confucianisme qui devient alors réaliste, idéaliste, syncrétiste, réformiste…et on en passe.
Concernant Wang Yang Ming, par exemple, donc le credo repris de l’époque des Song était « San Jiao He Yi » (les Trois Enseignements (Doctrines ; Ecoles) – Bouddhisme, Taoïsme, Confucianisme – s’harmonisent en UN – sous entendu Enseignement ), il est patent que ce terme de « néoconfucianiste » est totalement déplacé. Pourquoi pas « néoboudhiste » ou « néotaoïste » ? Il serait donc beaucoup plus réellement « néosanjiaohéiste » ce qui admettons le n’existe pas. Mais pas plus ni moins qu’existe le « néoconfucianiste » qui est une galaxie dont le soleil, éteint, serait Confucius.

Sans ces « continuateurs » de l’héritage de Confucius, Confucius n’existerait pas et il n’en resterait qu’un testament vide de sens et, surtout, d’intérêt.

Ce sont ses héritiers qui on fait prospérer la boutique et c’est aussi cela que dénonçait, en son temps, Wang Yang Ming, ce qui lui valut cinq dures années d’exil mais aussi, après sa mort, sa réhabilitation. Dans le Temple de Confucius où l’on plaça sa tablette.

Après de très longues années d’oubli, de critiques et d’interdit il revient à la charge, profitant de la vague Confucius pour, probablement, dénoncer encore « la petite boutique Confucius » comme il le faisait de son vivant. Rappelons qu’il est celui qui motiva les premières banderoles vues en 1989 sur la Place Tiananmen et déployées par les étudiants en philosphie « Non à la boutique de Confucius ! » reprenant ainsi le slogan de Wang Yang Ming qui avait déjà été exhumé par l’écrivain contestataire Lu Xun (1881 1936) dans le « mouvement du 4 mai 1919 ». Mais comme souvent on ignore, ou on feint d’ignorer, l’origine de la citation et Mao lui-même se vantait de « saccager la boutique de Confucius ! »

Lu Xun

Lu Xun (1881 1936) qui exhuma la formule de Wang Yang Ming lors de la mise en oeuvre du Mouvement du 4 mai 1919 « Non à la boutique de Confucius »

Luxun

Peinture « officielle » de Lu Xun en 1936

La réhabilitation de Wang Yangming est en cours, la preuve est cet ouvrage grand public que Yohan Radomski vient de découvrir dans le kiosque d’une gare de la banlieue de Shanghaï et qui présente « la vie et l’oeuvre de l’extraordinnaire Wang Yang Ming » !

Il y a peu de temps une intellectuelle chinoise mais, néanmoins calligraphe, me l’avait présenté de la manière suivante et mot à mot « Wang Yang Ming est pour nous (Chinois) ce que Coluche est pour vous (Français) : un fouteur de merde ! »
Coluche aurait probablement apprécié être comparé à celui qu’on présente désormais comme « l’un des penseurs les plus importants de la Dynastie Ming », ce qui est, somme toute, assez restrictif car il était avant tout non un penseur assis mais un homme d’action debout et en mouvement.

Wang Yang Ming et disciples

Wang Yang Ming (1472 1529) et ses disciples
Le groupe monumental est très réçent !

Wang Yang Ming

Wang Yang Ming (1472 1529)
Les Trois Enseignements s’unissent en Un !