Le Tao-Yin de la Duchesse
ou Marquise de Dai

par Georges Charles

La Noble Dame Xin Zhui de Dai reconstituée au Musée de Changsha.

Une précision : les titres nobiliaires chinois ne correspondent pas tout à fait aux titres nobiliaires occidentaux il est donc possible de retrouver la Dame Xin Zhui en tant que Duchesse de Dai ou Marquise de Dai. Hou peut en effet se traduire par marquis ou par duc. En référence et par comparaison à l’Empire Russe il peut dont être question de Grande Duchesse. Une découverte archéologique sans précédent à Mawangdui près de Changsha

En 1972 lors d’une fouille de sauvegarde*, les archéologues chinois effectuent une découverte extraordinaire. (* une faction politique avait voulu creuser un abri souterrain dans le tertre et en atteignant la chambre mortuaire, comme dans toutes les bonnes légendes chinoises et particulièrement « Au Bord de l’Eau », les gaz contenus dans celle-ci s’ enflammèrent au contact de l’air et produisirent une torchère qui se vit à plus de 30 km ! L’incendie provoqué risquait de détruire les tombes et il fut alors décidé de les fouiller, ce qui n’avait jamais été tenté jusqu’ici)

Le tombeau N°1 de Mawandgui avec les 3 cercueils et les chambres tels qu’il se présenta aux archéologues lors de la fouille de 1972

Ce qu’on pensait jusqu’alors être la Tombe du Roi Chevalier, littéralement Ma Wang Dui (Ma = cheval par extension cavalier puis chevalier ; Wang = roi, suzerain, empereur ; Dui = tertre, tumulus, tombeau) est en fait les trois tombes du Marquis de Dai, Premier Ministre du Roi de Chin, de sa femme, Xin Jue, la Duchesse de Dai, et de son fils. Les tombes 2 et 3 du Marquis et de son fils étaient en assez mauvais état. Par contre la tombe N°1, celle de la Duchesse*, était parfaitement conservée.

Marquise de Dai

Reconstitution du visage de la Marquise de Dai peu avant son décès par les archéologues chinois, la coiffure et la tenue ont été respectées scrupuleusement. (Il s’agit bien évidemment d’un titre nobiliaire approximatif au ceux utilisés en occident et il n’est donc pas étonnant qu’on retrouve parfois les dénominations de « duchesse », de « marquise », de « Noble Dame ». Mais si le Marquis est « Houjue » (Marquis), sa femme est « Gongjue » (Duchesse) jusqu’à la mort de celui-ci puis « Hujue » (Marquise) après la mort de son mari. Son mari étant décédé après elle elle a donc été enterrée, suivant le rite chinois de l’époque, en tant que « Duchesse » !) Elle était constituée de diverses chambres de bois et de bois laqué qui s’encastraient parfaitement les unes dans les autres. La dernière d’entre elles constituait la chambre funéraire à proprement parler. Les archéologues furent stupéfaits de constater qu’elle était parfaitement intacte et que tout ce qu’elle contenait avait été miraculeusement préservé des injures du temps. Dans trois cercueils qui s’emboitaient parfaitement et dont le dernier était recouvert d’une bannière en soie reposait la dépouille de Xin Jue, la Marquise de Dai, parfaitement conservée également.

Les trois cercueils de la Duchesse au Musée de Changsha

Et la bannière funéraire de Mawangdui

Détail de la Bannière montrant le cheminement de la Duchesse dans l’Au-delà Elle est acompagnée de trois servantes tandis que l’Intendant et le Chambelland s’inclinent à son passage.

Elle avait conservé ses cheveux, ses cils et sa peau était souple. Les articulations pouvaient se plier et les archéologues ne manquèrent pas de le constater puisque la scène fut filmée plus tard où ils manoeuvraient ses membres comme le ferait un kinésithérapeute d’un patient. Ils parvinrent même à l’asseoir sans provoquer aucun dégât. La marquise était vétue de plusieurs robes de soie d’une finesse incroyable, la dernière d’entre elles ne pesant pas plus de trente grammes ! Suivant l’un des médecins qui avait été convoqué dès l’annonce de la découverte de ce corps qui ne ressemblait nullement à une momie « Elle semblait avoir été inhumée depuis peu ».

La dépouille mortuaire de la Duchesse de Dai

Du fond de ce tombeau deux mille ans d’histoire vous contemplent !

Or on estime que cette inhumation eut lieu en 194 avant notre ère, les textes dans ce cas recoupant les constatations scientifiques. Le corps flottait dans un liquide qui s’évacua lors de l’ouverture de ce dernier cercueil. La découverte par elle même était donc extraordinaire ne serait-ce que par la conservation exceptionnelle du corps de la défunte. Une autopsie effectuée ultérieurement et filmée démontra que tous les organes et viscères, y compris le cerveau, avaient été également préservés et étaient en excellent état.

Cette autopsie démontra que la Duchesse de Dai avait succombé à un étouffement du à l’absorbtion d’une peau de melon d’eau qui avait bloquée son système respiratoire. Il fut, dans un premier temps, constaté que pour son âge, estimé à 58 ans, et pour l’époque elle était en bonne condition physique si on excepte une légère arthrite cervicale et un taux de cholestérol plus élevé que la moyenne. Sa dentition était également en bon état ainsi que sa chevelure, noire et parfaitement conservée. Le compte rendu médical de cette autopsie fut alors publié dans ce sens dans la communauté scientifique chinoise puis mondiale.

Il s’ avérait alors que malgré une charge importante, celle de l’épouse du premier ministre du Roi, ce qui implique une multitude de banquets, de réceptions, elle demeurait donc dans une forme physique qu’auraient pu lui envier de nombreux contemporains ! Mais cette découverte fut rendue encore plus extraordinaire par l’environnement du cercueil de la Duchesse. Il était accompagné de nombreuses pièces mobilières qui, suivant les écrits retrouvés de son Intendant, avaient été choisies par la Duchesse elle-même. Ce qu’on nomme plus prosaiquement un testament. Et celui-ci avait été respecté à la lettre.

Les archéologues trouvèrent plus de 3000 objets dont la plupart avaient été inventoriés et répertoriés par l’Intendant de la duchesse sur ses ordres. Il y a avait, bien évidemment les trois cercueils de bois laqué et la fameuse bannière qui recouvrait le dernier cercueil. Celle-ci était en soie et représentait le voyage de la Duchesse après sa mort jusqu’à son élévation au plus haut niveau, donc au rang d’immortelle. Cette bannière très symbolique reprenait les motifs essentiels de la cosmogonie chinoise classique, avec, tout en haut la lune et le soleil et qui représentaient la dualité/complémentarité du Yin/yang mais aussi l’Illumination (Ming). Cette bannière symbolisait également la vision énergétique de l’être humain avec ses différentes parties, ou contrées, et les principaux « points de contrôle » utilisés dans les pratiques énergétiques comme le Daoyin.

Une importante bibliothèque.

Non loin du triple cercueil se trouvait disposé, dans une chambre, la bibliothèque choisie par la Duchesse et dénotant une grande érudition ou, tout au moins, le souci d’un choix très particulier et très éclectique. Cette bibliothèque consistait principalement en rouleaux manuscrits (Boshu).

Un des rouleaux « Boshu » : une parcelle du Daodejing !

L’un de ces rouleaux (Daoyin Tu Boshu) présentait la pratique du Daoyin, donc de la « gymnastique » taoïste telle qu’elle était pratiquée au second siècle avant notre ère. Une quarantaine de personnages, hommes et femmes de tous âges, y sont représentés dans des postures diverses avec pour bon nombre d’entre-elles un son et un organe ou un viscère correspondant à la pratique concernée. Quelques personnages pratiquent avec un bâton long, ce qui atteste que l’Art du Bâton était connu bien avant l’arrivée de Bodhidharma à Shaolin et que cet art était inclu dans les pratiques médicales.

personnage au bâton du rouleau du Daoyintu Deux mille ans avant Ling et sa « Gymnastique Suédoise » !

Il s’agit bien évidement là d’un témoignage essentiel sur ces pratiques que l’on nomme aujourd’hui « Qigong » et qui, alors, faisaient partie intégrante de la médecine classique. Celle-ci utilisait donc le principe de prévention il y a plus de 2000 ans.

Une partie du rouleau du Daoyin Tu ; le Traité du Daoyin (Tao Yin) Premier document historiquement daté sur le « Qigong »

Mais la Duchesse ne s’intéressait pas uniquement à la gymnastique « respiratoire et mécaniste » ou de « gymnastique pneumatique » comme la définissent parfois nos sinologues patentés. La liste de tous les ouvrages serait fastidieuse et presque redondante mais parmi les rouleaux il y avait deux versions du Daodejing de Laozi (Tao Te King de Lao Tseu), le fameux « Traité de la Voie et de sa Vertu ». Qu’on devrait d’ailleurs traduire plus simplement par « Traité de l’Efficacité de la Voie », vertu (De) représentant simplement l’efficience, ce qui rend efficace, l’action et non une quelconque relation à la moralité. Comme les plantes médicinales possèdent une vertu particulière à chacune. Egalement une version du Yijing ou Yi King (I Tching) le « Traité des Mutations » avec de nombreux commentaires démontrant déjà qui’il ne s’agissait pas d’un simple ouvrage de chiromancie ou de divination mais d’une oeuvre essentielle à la compréhension des phénomènes.

Egalement plusieurs ouvrages de tendance taoïste dont le Huang Lao et le Yun Kai Jing, un traité très particulier sur les nuages. Traité qui évidement n’a pas été traduit puisqu’il n’intéresse personne. Que pourraient, en effet, connaître de plus que nous des savants d’il y a deux millénaires sur ce sujet particulier qui, pourtant, intéresse le climat ? Un traité sur les « Miscellanées du climat et de l’astronomie », un traité sur « l’observation des Cinq Etoiles » et le « Livre de Soie » qui est probablement la première étude raisonnée sur les comètes et qui décrit précisément, illustrations à l’appui, plusieurs d’entre-elles.

Les comètes du « Livre de Soie » : un répertoire astronomique sans précédent connu

Un traité concernant la morphopsychologie des chevaux, donc l’étude de leur caractère en fonction de leurs particularités physiques. Un traité concernant la topographie de la Chine du Sud et de l’Etat de Shangsha comprenant diverses cartes, divers plans à la fois civils et militaires et ceci dans le procédé très proche de la projection Mercator qui ne sera utilisée en Europe que récemment. Un traité de la chambre à coucher décrivant de nombreuses pratiques énergétiques mais dans un contexte très poétique. Plusieurs ouvrages médicaux comprenant le « Guide de la palpation des pouls » ; les « Recettes pour 52 maladies » ; un « Codex de pharmacie » décrivant les effets de nombreuses plantes et substances minérales. Un « traité de stratégie des Royaumes Combattants » (Zhan Guo Ce) ainsi que plusieurs ouvrages sur les travaux socio-économico-politiques de Gan De et de Shi Shen. Et bien évidemment un « Livre des Rites » (Liji) comportant une importante section sur les « Prescriptions Mensuelles » (Yue Ling) dans la version la plus complète connue à ce jour.

Un autre fragment de traité écrit sur de la soie De la théorie à la réalité : Mais la Duchesse ne s’est pas contentée de demander à son intendant de présenter des ouvrages. Dans une autre chambre étaient regroupés des objets dont 1400 tissus divers, de très nombreux objets laqués, des bronzes, des instruments de musique, dont un Sheng, orgue à bouche à 22 tuyaux, et un orchestre au grand complet composé de 162 figurines de bois peint.

Figurines tombe de la Duchesse de Dai

Quelques unes des figurines de l’orchestre retrouvé dans la tombe. Photo Shawei

Une robe se soie pesant moins de trente grammes et qui tient dans un poing fermé

Un mot de l’intendant précisait que la Duchesse avait souhaité que les plus habiles artisans de la province soient ainsi représentés dans ce qu’il produisaient habituellement. Dans une autre chambre, encore était disposé un extraordinaire banquet avec, pour chaque plat le descriptif et des indications concernant les saisons. A coté de ce banquet des couffins contenaient des herbes médicinales avec des indications précises.

L’un des couffins du banquet : des cailles en sauce rouge aux cinq parfums

des boites en laque contenant de la pharmacopée

Un précieux cofret destiné au Feng Shui

Un coffret en bois précieux comportait la mention « corne de rhinocéros », lorsqu’il fut ouvert les savants présents constatèrent, c’est dans le rapport de la fouille, que la corne de rhinocéros tant convoitée était une reproduction en bois. Avec un mot de l’intendant à la destination de celui qui ouvrirait cette boite : « La Duchesse m’a demandé de remplacer la corne de rhinocéros par une copie en bois car elle trouve inconvenant qu’on tue un aussi noble animal pour soigner des maladies vulgaires ». Lorsque l’on sait que l’indication de la corne de rhinocéros ne concerne que les troubles de l’érection on comprend alors le petit mot, et probablement, le mépris de la Duchesse teinté d’un certain humour condescendant. La Duchesse de Dai s’intéressait à de nombreux sujets et à l’écologie, ou du moins aux sciences de la nature et de sa protection, suivant de par ce fait les règles des « Prescriptions Mensuelles » qui sont bien en avance sur ce qui est appliqué de nos jours dans la protection de l’environnement et ceci particulièrement en Chine !

Pharmacopée chinoise

Les plantes médicinales trouvées dans le tombeau Certaines étaient aussi bien conservées que le corps de la Duchesse de Dai. Photo Shawei. Difficile à avaler d’un coup ! Comme la peau de melon qui était restée dans l’oesophage de la Duchesse tout cet environnement extraordinaire, relaté dans les compte rendus initiaux de la fouille, fut difficile à avaler pour des scientifiques de tendance pour le moins matérialiste. D’autant plus que ces mêmes scientifiques avaient du mal à conserver la dépouille de Mao dont le souvenir planait sur Changsha puisqu’il y fut élève ! Que des lointains ancêtres d’une époque impériale révolue puissent parfaitement conserver un corps parfaitement intact pendant plus de deux mille ans alors que eux mêmes avaient la plus grande difficulté à conserver la momie de Mao, pourtant éviscérée, leur posait quelques problèmes intellectuels.

Le fait, également, que l’environnement de la Duchesse, extraordinairement riche dans sa diversité ne l’était pas sur un plan strictement pécuniaire posait un autre problème celui-ci idéologique. Les découvertes de tombes anciennes s’accompagnaient généralement de richesses monétaires importantes : bijoux, pierres précieuses, or, argent dénotant la cupidité des classes dirigeantes des anciens régimes alors que le peuple vivait dans l’indigence. Dans le tombeau de la Duchesse, rien de tel. Que des objets magnifiques mais d’une grande simplicité et ayant motivé le travail des artisans, travail reconnu pour sa valeur dépassant de loin une valeur marchande.

Le trésor de Mawangdui ; le travail des artisans laqueurs de la province !

Il fut donc difficile de traiter la Duchesse comme on le faisait généralement pour des contemporains tels que le Prince Liu Sheng et la Princesse Dou Wan, en fait les fils et fille d’un paysan parvenu devenu Empereur, fondateur de la Dynastie Han, qui s’étaient fait inhumer dans des cercueils de jade cousu d’or. Et dont les corps étaient tombés en poussière après une très longue putréfaction. Difficile d’admettre que la Dame Xinzhui (Zin Hui), bien que faisant partie d’une très haute noblesse, avait, malgrè sa charge et sa fonction d’épouse d’un premier ministre, conservé une rectitude exceptionnelle et une élévation d’esprit qui l’honore plus de deux millénaires après son décès.

Humanisme et Bienveillance Il s’agit d’une personne vraisemblablement très humaniste, et plus que cela encore, bienveillante envers ses semblables, qui ne l’étaient pas puisque appartenant pourtant à des classes sociales bien inférieures à la sienne, mais également envers l’environnement, les animaux, la nature et qui tournait son regard vers le cosmos puisque s’intéressant aux étoiles, plusieurs notes de sa main dans l’ouvrage sur l’astronomie en attestent. Cette Bienveillance (Ren) ou « humanité » est l’une des clés essentielles du Taoïsme puisque laozi (Lao Tseu) lui même énonce au chapitre XXXVIII (38) du Daodejing (Tao Te King)

Après la perte du Tao (Tao) vient l’Efficience (ou Vertu) (De) Après la perte de la Vertu vient la bienveillance (ou « humanité ») (Ren) Après la perte de la Bienveillance vient la Justice (Yi) Après la perte de la Justice vient la Bienséance (politesse) (Li)

Ce qui est également repris par Zhuangzi (Tchouang Tseu) et dans le Huainanzi (Huai Nan Tseu) Déjà Mengzi (Meng Tseu ou Mencius) dans la « Grande Etude » (Daxue ou Ta Hio) explique qu’il ne faut pas se contenter de l’humanité (ou humanisme -sinon parfois humanitaire) envers ses semblables « humains » mais étendre cette « bienveillance » envers les animaux, les plantes, l’environnement. Il était déjà remarqué par ce penseur que la notion d’humanité concernant l’humain seul est trop variable puisque celui qui a le pouvoir, et particulièrement qui exerce un pouvoir totalitaire, décide qui est humain, qui l’est moins et qui ne l’est pas. Il se doutait donc déjà qu’il pouvait y avoir une différence dans l’humanité, donc dans l’humanisme, entre un jeune Chinois riche et en bonne santé et une vieille Tibétaine malade. Et qu’en quelque sorte des SS entre eux étaient des gens fort polis, aimables et serviables, sinon courtois, donc faisant preuve d’humanité. Ils ne devenaient inhumains que vis à vis de celles et ceux qui n’était pas tout à fait considérés comme des humains à part entière par les scientifiques de leur bord. Il est donc parfois difficile de demander à un scientifique appartenant à un régime totalitaire de considérer l’humanité avec bienveillance.

La rectitude (Yi ou Zheng Yi) se doit nécessairement d’être accompagnée de cette bienveillance, ce qui est le cas de la Duchesse de Dai mais pas nécessairement des scientifiques qui se sont permis de la disséquer au nom de la science alors qu’il savaient fort bien l’effort incroyable qui avait été consenti pour la conserver dans son intégrité. Et rien dans le contexte qui est celui de la Duchesse ne justifie ce crime. Donc cette inhumanité exercée au nom de la science qui, alors, peut être jugée comme une science totalitaire. Aller à l’encontre de ce que la Chine a de plus élevé dans ce patrimoine culturel et spirituel désormais mondial n’est pas faire preuve de sagesse ni de clairvoyance. Mais démontre la brutalité de cette science qui se prétend humaniste mais ne respecte pas la personne humaine dans ce quelle a de plus sacré et de plus élevé. Donc qui ne respecte pas la simple bienséance. Et qui est donc bien loin du Tao.

 

Le reportage sur les momies proposé par Arte

Un reportage exceptionnel mais un commentaire « pédagogique » au possible ! Le jeudi 21 septembre 2006 à 19h00 passait sur ARTE un reportage exceptionnel sur les momies chinoises dans un cadre plus large d’une série sur les momies. (Momies de Chine en chair et os – réalisation Steve Talley, ST Thomas Production 2004)

C’est le sympathique acteur et comédien Michel Creton qui était chargé de la version française. Les images étaient réellement extraordinaires et s’attachaient, bien évidemment, à la dépouille de la Duchesse. Il fut plusieurs fois remarqué que le terme de momie ne correspondait pas du tout au corps tel qu’il était conservé.

Les manipulations de celui-ci étaient étonnantes puisque on voyait les articulations se ployer très naturellement et que l’on put même asseoir, sans difficulté, la dépouille. Ce qui implique qu’il n’existait pas de rigidité cadavérique. Des commentaires furent également effectués sur les cheveux et les dents en excellent état, ce qui est pour le moins étonnant après un séjour de plus de deux mille années dans un cercueil contenant du liquide. Plusieurs fois le médecin appuya sur le thorax de la dépouille ce qui provoqua une dépression mais immédiatement le retour du thorax en position initiale.

La même chose sur un mort aurait provoqué une dépression sans retour ou avec un retour beaucoup plus lent que celui constaté et filmé. Les doigts des mains et les orteils comportaient encore des ongles bien visibles. On assista, sans la moindre gène, à l’éviscération du corps, donc à la vue du foie, de l’estomac, de l’intestin et même du cerveau qui, en juger à l’image, semblait en excellent état de conservation. Le tout sans trop de précautions d’ailleurs.

Un rappel des circonstances de la fouille fut effectué avec des images d’archives et des images de synthèse fort bien faites et concernant, notamment, l’emboitement des diverses parties de la chambre funéraire et des cercueils. Les principaux objets, dont les trois cercueils, la bannière, les laques et les pièces principales du banquet furent également présentés rapidement. Pas un mot, ou succinct, sur la bibliothèque.

La seule question qui semblait se poser est « Comment ont ils réussi à conserver le corps dans cet état ? » Et suivaient plusieurs hypothèses hasardeuses et faisant évidement plus ou moins appel au hasard telle la présence de quantités de mercure et d’arsenic dans le sol de Mawangdui. Le commentaire, du moins sa traduction, ne parlait d’ailleurs pas de mercure mais de « cinabar » qui est simplement du cinabre. Or le cinabre (Dan ou Tan) fut toujours considéré par les Taoïstes comme une matière essentielle à la transmutation. Le ventre, par exemple, se nomme « Champ de Cinabre Inférieur » (Xiabu Dantian) dans les pratiques énergétiques.

Mais visiblement aucun rapport ne fut effectué entre le « cinabar » et ce cinabre là. Et il fut évidemment question du fameux liquide que l’on retrouva, par ailleurs, dans une autre tombe filmée et montrée dans ce même reportage. Il s’en suivit une explication « scientifique » d’infiltration au travers des multiples parois de la chambre (y compris de l’argile et du charbon de bois !) et du cercueil et une animation virtuelle montrant qu’une simple goutte d’eau avait pu de frayer un chemin. Visiblement les scientifiques chinois donnant cette explication tirée par les cheveux n’avaient pas lu les explications et constatations d’autres scientifiques chinois traitant des laques de l’époque Han qui étaient déjà, grâce à leurs mutiples couches

(plus de 300 couches dans certaines laques) parfaitement imperméables et plus durables que la majorité des matières plastiques contemporaines (cliquer ici pour article sur la laque et les laques). Donc l’infiltration au travers de couches contenant à la fois mercure et arsenic et, partant, la conservation du corps de la Duchesse ne serait due qu’au simple hasard. Simple hasard dont ne bénéficie pas la dépouille momifiée et éviscérée de Mao qui est en très mauvais état à tel point qu’elle a du être congelée ! Le hasard comme l’instinct est bien pratique pour expliquer « scientifiquement » ce que les scientifiques ne parviennent pas à expliquer rationnellement.Comme une influence venue d’ailleurs et d’autre part et qui a bon dos.

Mais jusqu’ici rien à reprocher à un documentaire qui se veut à la fois scientifique, didactique et pédagogique, puisqu’une information précisait, lors du générique qu’il pouvait être utilisé avec profit dans les écoles. En ce qui concerne le pédagogique j’y ai déjà consacré un édito. Cliquer ici.

Mais il fallait bien qu’il y eut un hic. Grâce à quelques images de synthèse bien senties et répétitives à souhait, la Duchesse de Dai, exclue de tout son environnement intellectuel et spirituel attesté par les fouilles elles-mêmes, est considérée comme une grosse radasse uniquement soucieuse de retrouver puis de profiter pleinement, dans l’au-delà chinois, donc aléatoire, les avantages de sa qualité. Donc de s’empifrer, de bâfrer et de boire, de se marrer en se faisant taper sur le ventre, sinon dans la rondelle, désolé c’est ce qui est sous-entendu, par ses copines de débauche de la Cour du Premier Ministre du Roi de Chin. Pendant bien évidemment que le petit peuple trimait à la construction de son fabuleux mausolée digne, dixit, « d’une vulgaire duchesse ».

Où est la vulgarité ? Est-elle dans cette personne qui démontre une culture aussi vaste et éclectique incluant le Yijing, l’art de la guerre, la politique, la médecine, les pratiques de santé, l’écologie, le souci de l’esthétisme, la spiritualité, l’art de vivre ou dans ces scientifiques bornés et leurs collaborateurs dévoués qui ne considèrent que le matériel dans ce qu’il a de plus grossier et de plus bas ? Et qui, visiblement, n’ont jamais eu le temps de lire un seul des ouvrages de la Duchesse. Ce n’est pas leur faute puisque les études et les démarches sociales qu’ils ont entreprises pour aboutir à la profession qu’ils exercent ne leur ont guère laissé de temps pour ce loisir futile. Ils se rattraperont peut-être lorsqu’ils seront à la retraite, mais j’en doute. Et Michel Creton, tombé à son insu dans le piège de la crétinisation scientifisée, est plus plaisant en policier à blouson de cuir et à gros révolver sur les chaines dites publiques, comme les filles du même nom, qu’en zélateur de cette science là sur ARTE.

Lorsque d’autres scientifiques ont imaginé envoyer dans l’espace un message par le biais du radio télescope américain Arecibo le 16 novembre 1974 ou le disque message de la sonde Pioneer 10 à l’intention d’une éventuelle vie extérieure à notre système solaire ou que, plus prosaîquement, des archéologues et des sociologues, donc des scientifiques, aussi, enterrent des poubelles qui serviront à leur lointains descendants pour se faire une idée de notre civilisation actuelle nous savons que c’est un « fait-exprès ».

Le message de Pioneer 10 envoyé dans la sonde spaciale. Il est à noter que les humains ne se reproduisent pas. Dès fois que cela donne des idiées aux Martiens.

Le message électronique Arecibo du 16 novembre 1974 à destination de l’infini.

« Fait-exprès ou simple hasard ? »

Maintenant lorsqu’il s’agit d’une autre civilisation (y compris que celle de la Chine actuelle !) et d’une autre époque, on ne peut imaginer qu’il s’agisse également d’un acte délibéré, donc d’un « fait-exprès ». Le seul problème est que nos scientifiques espèrent que leurs artefacts seront « inventés » donc découverts par des « gens » évolués et ayant une certains « conscience ». Ce que devait également espérer la Duchesse en effectuant ce voyage dans le temps et dans dans l’espace dans cet environnement idéal.

Elle ne devait pas penser aux « extraterrestres » ni aux « infracélestes » mais simplement aux êtres humains du futur. A nous. Mais elle est tombée sur « eux ». Les brutes en blouse blanche. Trop tard ou trop tôt. Comme si la sonde Pioneer tombait aux mains de pithécantropes arriérés. Il est possible que les « scientifiques » de l’époque des Han aient eu la faiblesse de croire que leurs lointains descendants pourraient peut-être, avec des moyens appropriés, rendre vie à la Duchesse parfaitement conservée par leurs soins. Ils se trompaient comme se trompent souvent les scientifiques. Leurs descendants n’étaient pas plus capables qu’eux. Et probablement même un peu moins évolués sur un plan spirituel.

Reste une autre lecture des images. Des formidables images. Car le reportage est toujours disponible et on peut le commander à ARTE Mais dans ce cas là mieux vaut baisser le son et mettre un disque qui aurait plu à la Duchesse. Maintenant quand les archéologues pleurent des larmes de crocodile sur l’engloutissement des vestiges antiques par le Lac du Barrage des Trois Gorges il convient peut-être de se dire que ces vestiges seront bien mieux sous l’eau pour des millénaires que dans un laboratoire ou un musée. Ils seront là, simplement mais préservés de cette cupidité à visage humain qui se croit évoluée mais qui procède en fait d’une immense suffisance. Ceci étant dit et butalement dit, j’en conviens, il faudrait encore pouvoir visionner le reportage chinois initial d’où est issu le document distribué par ARTE et qui a probablement été tronqué. Il s’agit, en effet, d’une série anglo-saxonne spécialisée sur les momies et il y a fort à parier que tout ce qui ne les concerne pas directement a donc été coupé au montage. De plus, comme souvent, la traduction du chinois en anglais puis au français, et par conséquence une adaptation « grand public », prend peut-être de nombreuses libertés avec le commentaire d’origine. C’est ce qu’on appelle actuellement de la pédagogie. Et, faute de mieux il faut donc se contenter de ce reportage en son état. Et remercier ARTE de l’avoir programmé. Ce que nous faisons de bonne grâce. Il faut avant tout être bienveillant.

 

Quelques compléments à cet article – 24 octobre 2010

Notre Ami et Confrère Shawei, qui réside en Chine vient d’avoir l’occasion de se rendre à Shangsha et de visiter le musée provincial consacré aux tombes de Mawangdui, et notamment à la tombe N°3 où était conservé le corps de la Duchesse (ou Marquise !) de Dai. C’est un musée très visité et qui ne désemplit pas et étrangement ce sont surtout des jeunes qui semblent le plus motivés par ces découvertes qui plongent le visiteur au coeur de la Chine antique.

Les photos confiées par Shawei renforcent mon hypothèse que la Duchesse était persuadée que si on parvenait à la conserver le plus parfaitement possible le plus longtemps possible il serait peut-être possible à une civilisation très avancée de la faire revivre. Sa tombe ressemble donc beaucoup plus à un vaissean « infra-terrestre » destiné à voyager dans le temps et sous terre qu’à un simple tombeau fut-il celui d’une personne très importante pour son époque. Tout son environnement, banquet, plantes médicinales et pharmacopée traditionnelle, laques et soieries, livres érudits avait pour but d’apporter le témoignage d’une grande civilisation.

Tombeau Suchesse de Dai 1

Les visiteurs se pressent pour observer le corps de la Duchesse au fond de son cercueil enterré pronfondément. Photo Shawei

Duchesse de Dai 2

On distingue le corps de la Duchesse de Dai au fond de la fosse tel qu’il reposait originellement. Photo Shawei

Tombeau Duchesse de Dai

Le tombeau de la Duchesse de Dai (dernière enveloppe de bois)

Duchesse de Dai 3

La dépouille mortuaire de la Duchesse de Dai qui mourut étouffée par une peau de pastéque. Photo Shawei

Tombeau Duchesse de Dai

Reconstitution du tombeau N° 3 de la Duchesse de Dai. Photo Shawei

Tombeau de la Duchesse de Dai

La vue en coupe du tombeau de la Duchesse de Dai Cela fait penser à un « vaisseau infra-terrestre » et non extra-terrestre. GC

Tombeau de la Duchesse de Dai

La tombe telle qu’elle reposait dans le tombeau lorsqu’elle fut « inventée » donc découverte. En archéologie on « invente » une tombe, une statue ou un trésor. C’est à dire, étymologiquement, qu’on la découvre, ou, plutôt qu’on la redécouvre. Une invention est donc une découverte. On découvre ce qui avait été recouvert, donc dissimulé, subtilisé, occulté. Ici comme en Chine « On ne (re)découvre que ce qui avait été oublié ! Notons formellement, comme dit Zhuangzi en tapant du pied « Il faut affirmer ce fait ! », que la tombe de Mawangdui, alias du « Roi Chevalier » était connue et identifiée en Chine depuis des siècles, sinon des millénaires mais qu’elle n’a jamais été fouillée ni pillée avant l’intervention de sauvegarde des archéologues chinois.

Suite à une manoeuvre délictueuse visant à creuser une gallerie dans le tertre le méthane contenu dans la tombe s’est enflammé provoquant une torchère qui risquait de tout embraser. Les fouilles ont donc été réalisées en urgence. Sans cette urgence la Marquise de Dai dormirait encore dans son vaisseau « intra-terrestre ».

Cornes de rhinocèros

Les fameuses reproductions en bois des cornes de rhinocèros « Il est inconvenant de tuer un aussi noble animal pour traiter des maladies vulgaires ! » Dixit la Dame Xin Zhui, Duchesse – ou Marquise de Dai – Ce mot de l’intendant de la Duchesse figurait dans un couffin contenant les répliques des cornes de rhinocèros. (NDLA) les cornes de rhinocèros sont censées traiter l’impuissance ou des problèmes sexules masculins.

Le rouleau du Tao-Yin Tu (Daoyindu).

Traité du Tao-Yin ou Taoyin ou Daoyin (Di In en japonais) avec des figures comprotant un son et un organe ou viscère. Notyez la présence de deux personnages utilisant un bâton pour effectuer ces exercices qui datent donc de plus de deux millénaires et qui sont, indirectement, à l’origine de la Gym Suédoise de Ling.

J’ai publié cette plance, pour la première fois, mais en noir et blanc au tout début des années 80 dant le Traité d’Energie Vitale (Encre). J’ai donc été l’un des premiers à faire connaître en France et dans la CEE, donc en Occident, à la fois le Tao-Yin (Daoyin ou Do In en japonais) et la Duchesse de Dai. Depuis cela a fait école et la Duchesse de Dai sert de référence à de nombreuses écoles de Tao-Yin et de Qigong mais je ne m’en plains pas.

J’ai également publié dans les revues La Vie Naturelle et Tao-Yin le « Calendrierde la Duchesse de Dai » qui est, par ailleurs relmis à jour chaque année dans ce site en fonction des lunaisons. L’heure « légale » est comme la médecine légale… une heure morte et une médecine de la mort ! Il convient donc de se baser sur les saisons lunaires et solaires ainsi que sur l’heure solaire et non sur des saisons et des heures définies par décrets par des gnômes ou des technocrates.

Lorsqu’il est question d’énergie on ne peut pas se couper de la nature et se baser sur des papiers fussent-ils officiels. Les calendriers énergétiques basés sur les dates légales et l’heure légale, donc « officiels » dont des calendriers pour les morts (ou pour les Saints !). Le calendrier énergétique chinois est donc calculé à partir de la première heure du premier jour du premier mois de l’Année chinoise donc le Nouvel An varie chaque année et non pas sur un calendrier à date fixe et ne ne tenant pas compte ni des lunaisons ni de l’heure solaire. Energétique et officiel (fut-il chinois !) ne font pas bon ménage ! De même pour la prise des pouls en acupuncture ou en énergétique, c’est l’heure solaire qui prévaut et non pas l’heure de la montre du praticien fut-lle réglée sur Dusseldorf !

La Bannière funéraire de la Marquise de Dai : un traité de cosmogonie et d’énergétique

Le Père Larre et Elisabeth Rochat de la Vallée y ont consacré plusieurs études au sein de l’institut Ricci.

Pour commander le documentaire à Arte http://www.video.tv/5-29-884-Momies-de-Chine,-en-chair-et-en-os.html