LES JONQUES CHINOISES

Jonque et sampang dans les eaux du Nord Vietnam
(indication de Jean Claude Michaud, architecte naval que nous remercions)

Les Chinois ont plusieurs légendes concernant la création de la première jonque.
L’une d’elles l’attribue à Fu Xi (1) qui leur en aurait expliqué la construction.
Quelles que soient ces légendes, les premières traces de l’existence de navires en Chine nous font remonter aussi loin que le troisième millénaire avant Jésus-Christ.

On sait, par un document Chinois, qu’ au début de notre ère une ambassade romaine fut envoyée en Chine et que la dernière partie de son voyage se fit vraisemblablement à bord d’une jonque chinoise.
Le mot jonque a lui même fait un long chemin avant d’arriver jusqu’à nous puisqu’il serait un emprunt au portugais junco, lui même un emprunt au javanais djong ou au malais adjong, emprunté au chinois chuan.

Jonque chinoise en baie de Hong Kong (J.C. Michaud)

Chuan : la jonque

Les témoignages des voyageurs occidentaux en Chine sur la flotte chinoise mentionnent tous son importance. Marco Polo, au XIIIème siècle, rapporte que l’empereur de Chine, Koubilaï Khan, entretenait 15 000 navires près de l’embouchure du fleuve jaune. Au XVIIIème siècle le père Bernardine, des missions portugaises, écrit qu’ il existe tellement de bateaux que l’on dit communément que l’empereur pourrait établir un pont de bateaux entre la Chine et Malacca qui est à 500 lieues de distances. Au XIXème siècle les Britanniques estimaient qu’il y avait plus de 4O OOO navires dans le seul port de Canton et ses environs.

Jonque – peinture sur soie Dynastie Ming (coll. GC)
jonque mandarin Dao Chan réservée aux transports officiels

 

La technique traditionnelle :

La construction d’une jonque (Chuan) nécessite un terrain en pente, sur lequel on dispose des rouleaux de bois ou à défaut des feuilles de choux puis des sacs de sable.
Une fois la jonque construite on éventre les sacs de sable et la jonque glisse vers la mer ou la rivière.
Il est à noter que la construction des jonques n’avait pas forcément lieu en Chine.
Au XVIIIème siècle il était moins onéreux de les faire construire à Brunei.
Comme on le constate les Chinois étaient déjà adeptes de la délocalisation !
Le constructeur de jonques se devait quant à lui d’avoir de très bonnes connaissances maritimes et être lui même un marin expérimenté.

Les jonques naviguent encore en mer de Chine année 2000

La jonque chinoise diffère de son homologue occidentale par de nombreux points.
De plus, dans ce domaine comme dans bien d’autres, les chinois avaient une certaine avance technologique.
Par la suite les occidentaux ont repris et adapté certaines des découvertes chinoises, avec parfois beaucoup de retard!
Ainsi les compartiments étanches déjà mentionnés par Marco Polo, et en usage en Chine depuis le début du premier millénaire n’ont été adopté qu’au XIXème siècle * .

 

Les voiles lattées

La première chose qui saute aux yeux de l’occidental ce sont ces lattes de bois qui font ressembler la voile chinoise à une sorte de store à la vénitienne.
Cet agencement qui peut paraître sans utilité permet de diminuer ou d’augmenter la surface de la voile en fonction de la puissance du vent.
Chaque partie étant relativement indépendante les unes des autres, si l’une d’entre elle est déchirée, la jonque peut quand même continuer à avancer.
Les mats ne sont pas disposés en file droite mais décalés les uns par rapport aux autres. De plus, les voiles ne sont pas mises perpendiculaire à l’axe du navire mais parallèle à celui-ci.
Les voiles peuvent ainsi pivoter d’un côté où de l’autre et continuer à prendre le vent même lorsque le bâtiment vire de bord, c’est ce qu’on appelle le gréement aurique.
On en trouve les premières mentions écrites dans un texte chinois datant du IIIème siècle de notre ère.
Les occidentaux n’ont adopté la mâture multiple qu’au XIV ème siècle seulement. Et ce probablement sous l’influence chinoise.
C’est à l’aide de navires ainsi modifiés que Christophe Colomb a pu rejoindre l’Amérique L’adoption du gréement aurique s’est fait au xxème siècle, quant aux divers avantages de la voile lattée il semble ne pas encore avoir été découvert par les occidentaux.

maquette de jonque chinoise

L’existence du gouvernail est attestée en chine dès le Ier siècle avant Jésus-Christ alors qu’en occident les premières traces de son utilisation ne remontent pas au-delà du XIIème siècle de notre ère.
La taille et la forme de ces gouvernails varient selon les régions et les jonques.
Un texte chinois du XIIème siècle, le gao li tu jing, fait mention de gouvernails interchangeables sur les grandes jonques qui faisaient route vers la Corée.
On changeait de gouvernail en fonction de la profondeur des eaux.

Une jonque sympa dans une vitrine de Limoges

La boussole et la girouette :

La découverte du magnétisme et l’invention de la boussole sont elles aussi très anciennes, quatre siècles avant Jésus-Christ, si l’on en croit les textes de cette époque, ce n’était déjà pas une nouveauté.
La boussole servait au départ dans la construction des maisons, L’orientation de celles-ci ne se faisant pas n’importe comment. Néanmoins, selon J. Needham, son application dans la marine a été beaucoup plus tardive.
Les premiers compas seraient apparus pour la première fois au moyen-âge, entre le Ixème et le XII ème siècle.

La girouette est un autre élément qui à sa place à bord de la jonque.
Sa fonction est essentiellement magique. Une girouette en forme de poisson est signe d’harmonie puisqu’il se trouve dans son élément. La girouette peut servir à éloigner les koueï (Gui) (2) , dans ce cas son pennant est peint en rouge.
Toujours dans une optique de prévention anti-koueï, il est possible d’acquérir une girouette en forme d’épée ou de miroir.
Dans ce dernier cas, les koueï s’enfuiront pris de terreur par leur propre reflet.

La jonque peut être décorée de diverses manières, tout dépendant du type de la jonque, de son origine géographique, de sa fonction et aussi du souhait de son propriétaire.
Sur les jonques de pêche un oeil regardant vers le fond de la mer permet de mieux repérer le poisson, pour la jonque de commerce l’oeil doit regarder loin devant pour éviter le danger.
Toutefois l’oeil n’est pas présent sur les jonques fluviales.
Dans certaines régions il est même remplacé par un taiji ou un ba gua (3).

pakua

Bagua (Pa Koua) avec miroir pour éloigner les Gui !

Le dragon,le phénix ou la chauve-souris peuvent aussi être représentés.
Les voiles de la jonque représentent bien les « ailes de chauves souris » ou, comme les Chinois les nomment « Rats volants du Bonheur » !

jonques dans le port d’Aberdeen à Hong Kong 1975

Les pavillons ont aussi leur place.

Dans la chine ancienne ils permettaient de différencier les fonctionnaires civils et militaires ainsi que leurs grades respectifs.
Une jonque de guerre arborait un pavillon représentant un dragon à quatre griffes, l’usage du dragon à cinq griffes étant exclusivement réservé à l’empereur. Les autres jonques arborant des pavillons choisis sur les conseils d’un spécialiste en feng shui (4).

Enfin, à part quelques exceptions notables comme le grand fujienois, la jonque chinoise ne possède pas nécessairement de quille. C’est, selon certains spécialistes, ce qui explique qu’il n’y a pas de jonque de haute mer. Toutefois selon J. Needhan, spécialiste de l’histoire des sciences chinoises, il y aurait des traces d’une possible découverte de l’Amérique par des Chinois.
Toutefois on ignore tout des jonques qui auraient pu permettre un tel voyage.

De retour de l’école Aberdeen Hong Kong 1973
Bruce Lee n’est pas loin ! (G.C.)

 

 

Entre mer et rivière :

L’équipage d’une jonque se compose de la manière suivante:

  1. • un capitaine ou laoban
  2. • un pilote dont la tâche consiste à sonder la route, donner des indications à l’homme de barre, à sonder les mouvements du courant qui peuvent entraîner l’intervention du sao
  3. • quatre ou cinq hommes pour manipuler le sao.
  4. • une équipe pour manoeuvrer la godille latérale.
  5. • l’homme de confiance du pilote (lao jin gong)
  6. • un cuisinier
  7. • pour une jonque de rivière, une équipe de haleurs pouvant atteindre ou dépasser cinquante hommes ; cette équipe peut loger à bord de la jonque ou, s’il n’y a pas de place, dans une embarcation légère à faible tirant d’eau qui suit la jonque : le hou ban.
  8. • quatre bons nageurs pour dégager l’aussière de halage lorsque celle-ci s’est prise dans un obstacle.

Si nécessaire, il est tout à fait possible d’engager des haleurs supplémentaires.
Il s’agit en général de villageois habitant à côtés du chemin de halage.
Si l’obstacle à franchir est vraiment important, on décharge la jonque pour l’alléger, le chargement est alors transporté par voie de terre, une fois l’obstacle franchi on recharge la jonque. Dans les cas graves et urgents le cuisinier n’hésite pas à se joindre à l’équipage et peut même jeter quelques poignées de riz pour apaiser les esprits du fleuve. Toutefois, comme il vaut mieux prévenir que guérir, les passages dangereux sont signalés par des balises de bambous et de banderoles en papier.

Si la monté du fleuve peut s’effectuer à l’aide de la voile, la descente se fait exclusivement par les rames.
Les mâts sont alors amenés et couchés à l’extérieur le long de la coque. En ce qui concerne le salaire, l’équipage le reçoit avant l’embarquement et les hommes sont nourris pendant toute la durée du voyage.

De retour de la pèche Nouveaux Territoires Hong Kong 1975 (G.C.)

 

Les 9 999 jonques impériales !

Selon une légende un empereur ayant fait construire une flotte de dix mille jonques et souhaitant connaître la quantité de fer employée, en aurait fait brûler une entière; puis fait peser le métal restant.
Les empereurs suivant auraient conservé par tradition le chiffre de 9 999.
La flotte impériale comporte trois types de jonque:

– Liang Chuan :
La jonque grain.
Elle ne faisait qu’un voyage dans l’année, six mois pour l’aller et six mois pour le retour, et ne portait qu’un quart de la cargaison qu’elle pouvait transporter afin d’éviter l’envasement dans le canal impérial (5).

Toutefois ce dernier s’envasant de plus en plus on se mit à accorder plus d’importance au transport par mer.
De plus, les capitaines de ces jonques avaient la possibilité de prendre à leur bord des marchandises dispensées du droit de douane.

-Long Yi Chuan :
La jonque des vêtements du dragon, servait à transporter les étoffes.
Liang chuan et long yi chuan étaient toutes deux destinées au transports des impôts payés en nature.

-Dao Chuan :
La jonque mandarin, était destinée au transport des mandarin, ainsi que des ambassadeurs, officiels de toutes sortes, et diverses personnes de marque.

Une jonque en barbotine ! (Collection GC)

 

La flotte de guerre :

Dans le domaine militaire il convient de faire la différence entre le cantonnais construit en tek, ou bois de fer, et le fujiennois construit en sapin, moins solide et réclamant plus de soin; l’ennemi principal étant les vers.

Jonques de guerre sous les Ming
Notez les fusées « inventées » par le Capitaine Français Le Prieur à son retour de Chine et qui servirent pendant la guerre de 14 18 pour détruire les ballons allemends…
L’autre jonque « explosive » Mère-enfant est prévue pour se séparer en deux parties une fois la mise à feu effectuée.

Les plus gros navires éperonnaient les plus petits, on n’envisageait l’abordage seulement lorsque la jonque de l’adversaire était de taille égale à la sienne. Les petit bâtiments tels que le ba jing chuan servaient à la capture des chefs ennemis dont les jonques avaient été détruites.
Ils étaient aussi utilisés comme éclaireur ou patrouilleurs dans la guerre contre les pirates.
Le yuan yang jiang chuan, ou jonque canard mandarin, était constitué de deux navires liés l’un à l’autre qui se séparaient à l’approche de l’ennemi permettant l’effet de surprise et l’abordage des deux côtés à la fois.

Une jonque blindée du XIIIe siècle qui aurait pu servir de modèle aux cuirassés du Potomac de la guerre de Sécession

Le zi mu chuan, jonque mère-enfant, était aussi constitué de deux jonques.
Une petite jonque, l’enfant’ dans la cale arrière d’une grande jonque, la mère, dont la partie avant étaient remplie de paille et de chanvre huilé, le tout relié à un tonneau de poudre.
Lorsqu’on attaquait la jonque adverse on se fixait à elle à l’aide d’un crochet placé à l’avant.
Puis, après un jet de flèches et de pierres destiné à désorganiser l’équipage ennemi on mettait le feu à la partie mère de la jonque et on s’enfuyait avec la partie enfant.

Dans le port d’Aberdeen Hong Kong (1975) : Jonques et Sampans
Notez le Tai Pak navire amiral de la flotte Hakka (restaurant flottant !)

Une infinie variété :

Il serait difficile de faire une liste exhaustive des jonques chinoises car il n’y en a pas deux semblables.
Elles varient en fonction des époques mais surtout des régions et de leur emploi.
Citons comme dernier exemple le wai pi gu chuan, jonque tordue à l’arrière.
C’est une jonque que l’on trouve dans la région de fu zhou, ville située près du fleuve Wujiang.
La navigation sur ce fleuve est rendue très difficile par l’existence de nombreux rapides très violent.
Le wai bi gu chuan est conçu pour y naviguer. La jonque n’a pas de gouvernail, à l’avant cinq ou six hommes tiennent les avirons, une grande godille est tenu par le pilote qui est au-dessus du rouf, une autre godille est installé à l’arrière.
La partie avant s’incline à bâbord, la partie arrière, très surélevée, s’incline à tribord., ce qui donne à l’ensemble une physionomie vraiment très particulière.

 

Une jonque de guerre chinoise à trois mats au XIIIe siècle
Caractéristiques : étambot de poupe ; gouvernail ; voiles à armatures
Illustration : Joseph Needham « La science chinoise et l’Occident » Ed. du Seuil Point Sciences

La jonque chinoise fut à l’origine de nombreuses inventions qui révolutionnèrent la marine !

La jonque chinoise est à elle seule un véritable répertoire d’inventions qui, utilisées par les occidentaux, modifièrent la face du monde.
Suivant les travaux de Joseph Needham de l’Université de Cambridge, confirmés par de nombreuses découvertes archéologiques et historiques on peut désormais attribuer aux Chinois l’invention du gouvernail, du gouvernait l’étambot, par conséquence de l’étambot de poupe, du gouvernail contrepesé ou « gouvernail à fenêtres » donc perçé de trous ce qui facilite la manoeuvre sans nuire à son efficacité, du gouvernail axial suspendu pouvant donc être descendu ou relevé grâce à un palan, ceci en fonction de la profondeur de l’eau, de l’aile de dérive, de coque à compartiments étanches, de mats multiples à voiles carrées et à armatures.
Ceci dès le premier siècle de notre ère comme en atteste une poterie représentant une jonque et conservée au Musée d’Histoire de Canton !
Sans bien évidemment parler de la fameuse boussole qui équipait les jonques dès cette époque.

boussole

La boussole chinoise antique avec poisson de fer aimanté

Pour donner quelques comparatifs la plus ancienne allusion au gouvernail occidental se trouve dans la scuplture d’une église datant de 1180, le gouvernail compensé et les compartiments étanches n’ont été utilisés par la marine anglaise qu’au XIXe siècle ! Il est vrai que les chinois, utilisant les bambous, connaissaient donc le principe de ces compartiments qui facilitaient le flottage. Les Chinois inventèrent également les bateaux à godets et à aubes depuis le XIIe siècle, technique qui ne fut reprise en occident qu’au XIXe siècle.
Needham, en connaisseur, affirme que


« Il n’est pas exagéré de dire que la supériorité de la Royal Navy ait été, en grande partie, due à l’empressement avec lequel elle a appliqué à ses navires les anciennes techniques chinoises ».

 

Une jonque avec stabilisateur latéral et une jonque à aubes

Concernant les fameuses voiles chinoises Needham explique encore

« L’assemblage nattes-bambou offre un réel avantage : le navire peut encore naviguer proprement même si sa voilure est réduite de moitié, soit par la déchirure, soit par la détérioration du mat ou des matérieux. Une voile occidentale ainsi abîmée n’est plus d’aucune utilité. De plus, les tringles de bambou maintiennent en permanence les voiles tendues, rendant celles-ci plus efficaces, aérodynamique ment parlant : une voilure trop enflée, qui « fait le sac », crée des turbulences d’air superflues. Encore aujourd’hui, les voiles des yachts de course ne semblent pas assez raidies et se gonflent parfois démesurément et inutilement. Il est sur que la communauté des champions de voile auraient beaucoup à apprendre des anciennes techniques chinoises ».

Mais visiblement les travaux de Needham n’intéressent que quelques vieux rats (Laoshe) de bibliothèques et ce n’est pas demain la veille que la supériorité de la technologie occidentale de pointe sera remise en cause par des « chinoiseries ».

Précisons quand même que la conquête(6) de l’Amérique par Christophe Colomb fut effectuée grâce à ces inventions chinoises que sont la jonque, la « Santa Maria » étant une copie de jonque comportant un gouvernail, et la boussole. La Santa Maria mesurait 28 mètres. A la même époque le « Bateau aux Trésors » de Zheng He faisait plus de 120 mètres !

« Bateau aux Trésors » de Zheng He et Santa Maria de Colomb
Illustration de Jan Adkins 1993
Issu de Les Navigateurs de l’Empire Céleste de Louis Levathes (Filipacchi 1994)

Une jonque symbolique dans la pratique du Qigong du Tao (Tao-Yin Qigong) : l’oreille

Comme la jonque chinoise (Chuan), l’oreille présente trois parties bien distinctes correspondant à la Terre : la quille ; à l’être humain : la coque et au ciel : le voile.
La quille correspond au lobe et est mise en relation avec le physique, l’équilibre, la stabilité.
La coque correspond à la conque et est mise en relation avec l’émotionnel, le relationnel, donc la capacité de ressentir.
La voile correspond au pavillon et est mise en relation avec l’esprit (Shen), le spirituel, la capacité d’imagination.
Un bon équilibre entre ces trois parties indique une vie équilibrée.
Peu de quille peu de coque et beaucoup de voile indique un individu idéaliste.
Peu de quille, un coffre moyen et une grande voile indique un fonceur…
Une grande quille, un grand coffre et peu de voile indique un souci de réussite dans les affaires.
Une grande quille, un grand coffre et une grande voile indique un individu d’exception
(cf. De Gaulle qui étonnait les chinois de par la dimension de son nez et de ses oreilles !)
Bizarrement les Bouddha ou Poussah sont représentés avec d’immenses lobes tombant presque sur les épaules. C’est le signe d’une grande sagesse et d’un grand détachement.
Les lobes rabattus à l’horizontale (comme le comique Muller !) sont le signe d’individus perturbateurs…

L’image du gouvernail, de la rectitude et du gouvernement

Dans les « Entretiens » (Lunyu XII) il est relaté que Confucius affirme :

« Gouverner, c’est être dans la rectitude » (Zheng Che Zheng Ye)

et il ajoute encore :

« Gouverner ou diriger les êtres humains, c’est leur faire suivre la bonne Voie »

Or dans la vision chinoise la plus classique gouverner c’est simplement tenir le gouvernail, être à la barre et mener le bateau que l’on dirige au bon port en évitant les écueils. Pour ce faire il convient de maintenir la rectictude personnelle (Zheng) malgrè le roulis et le tangage et de rester, quoi qu’il arrive, à son poste.
Donc dans la vision confucéenne celui qui gouverne dirige avec fermeté et rectitude mais en sachant trouver la bonne route qui ménera les passagers et marchandises à bon port. La rectitude (Zheng) n’exclut donc pas, au contraire, la capacité d’éviter les écueils en les contournant. La ligne droite étant bien souvent le plus court chemin vers le naufrage !
Ce qui dans un dicton populaire se résume dans cette formule lapidaire :
« La règle est droite, la vie est courbe »


ce qui implique également une autre règle chinoise oubliée des Occidentaux !
« Il est blessant de tenter faire rentrer des paroles carrées ou pointues dans des oreilles rondes »


Les occidentaux confondent donc de fait rectitude et rigidité ainsi qu’ils confondent manoeuvre habile et contretemps.
Un Chinois peut demeurer dans la rectitude (Zheng) tout en manoeuvrant habilement pour éviter l’écueil !
Puisque Confucius l’affirme c’est probablement qu’il a raison.

Mais, à vrai dire, les Parisiens pourraient passer aux yeux des chinois pour d’habiles stratèges puisqu’ils savent de tous temps bien manoeuvrer leur nef, qui ressemble par ailleurs très fort à une jonque, grâce à leur devise souvent mal comprise : « Fluctuat Nec Mergitur » Qui fut pendant très longtemps la devise des Nautauniers qui faisaient passer les pèlerins sur l’Ile de la Cité lorsqu’ils rendaient visite au Tombeau d’Isis (situé actuellement sous le parvis de Notre Dame !).

Cette devise, du latin de cuisine, peut se traduire textuellement par « Secoués sans sombrer » . Fluctuat, dans ce cas particulier n’indiquant pas la flotaison mais, au contraire les remous, les « fluctuations » de la rivière à l’approche de l’Ile. Fluctuat vien en effet de fluctus : vague, flot, lame, remous, agitation, troubles et de fluctuo : être agité, être submergé, ce qui a donné fluctuatio : agitation incertitude. En latin « fluctus civiles » représente les troubles civils, les insurrections populaires.
(Lexique Latin Français extrait du Dictionnaire de MM Quicherat et Daveluy – Librairie Hachette 1956 – Dictionnaire latin français de Félix Gaffiot ).

Fluctua nec mergitur peut se traduire par « submergé par les flots il ne sombre pas ». Donc « malgré les remous vous parviendrez à bon port » !  Ce qui est rassurant. Mais ce qui est pourtant traduit généralement par l’imbécile « flotte mais ne sombre pas » y compris dans les sites « officiels » ! Monsieur de La Palice n’aurait pas trouvé mieux « Si il flotte c’est qu’il ne sombre pas ! » Qui est somme toute très « faux cul ».

Désolé mais il faut comprendre réellement « les remous ne la feront pas sombrer » ! Ce qui est, avouons le, tout un autre programme beaucoup plus réaliste. Mais la réalité, sinon la vérité dérange encore.
Désolé.

La fameuse jonque, pardon, nef de Paris et sa formule très chinoise !

Cette corporation des Nautauniers de Lutéce ou du Parisis, grâce au droit de passage, réalisèrent les plus beaux et vastes termes de l’Occident qui se trouvaient à l’angle du Boulevard Saint Germain et du Boulevard Saint Michel. Termes qui furent désignés pendant des années par un panneau indiquant les « ruines de l’ancienne Abbaye de Cluny ». Il n’est pas bon de trop poser de questions sur le Culte d’Isis pratiqué à l’emplacement de Notre Dame et d’imaginer que des Gaulois de la tribu des Parisis passaient leur temps dans des termes somptueux ceci bien avant l’arrivée des Romains ! Pour revenir à la Chine classique le caractère « droiture », « rectitude » reprend la graphie d’un gouvernail !

 

Une histoire secrète de la jonque et de l’art martial chinois !

La fameuse Ecole du Wing Chun (Wing Tsun ou Yongquan) provient en partie d’une transmission effectuée au sein de l’ethnie Hakka.
Les Hakka vivent au bord des lacs et des mers au sud de la Chine et sont réputés pour leurs fameuses jonques fluviales et maritimes qui servent d’une part pour le commerce et d’autre part pour la restauration et des plaisirs plus charnels encore.
Ces « Bateaux Fleuris » ou « Bateaux à lanternes rouges » permettaient aux clients de satisfaire leurs envies tout en ne risquant pas d’être surtpis puisque la jonque s’éloignait du rivage. On y faisait donc la fête, on y mangeait et on courtisait également des jeunes gens et jeunes filles dont c’était généralement le métier et la fonction.

Ces jonques appartenant aux familles (Clans, Jia ou Gar) Hakka, les jeunes filles du Clan officiaient souvent comme serveuses et hôtesses. Mais se méfiaient des entreprises de certains clients.

Ce qui les incitaient à pratiquer cette forme de boxe très particulière dont on dit qu’elle fut créée par une nonne bouddhiste.
Les postures particulières du « sablier » permettaient de conserver l’équilibre et les principales techniques permettaient de protéger les seins, le bas ventre et les fesses toiut en ripostant d’une manière graduée.
Le client trop entreprenant pouvait donc être repoussé, immobilisé, frappé ou projeté par dessus bord sans autre forme de procès?

Si les choses se passaient mal les pratiquantes de ce style popularisé par Bruce Lee qui avait pratiqué avec Yip Man, chef de Clan Hakka, utilisaient les fameux couteaux papillons de Canton « Chan Ma Tao » qui servaient à trancher les cordages ou, le cas échéant les longues perches qui permettaient de repousser les autres bateaux ou de dégager la jonque du quai.
Le mannequin de bois « Muk Jong ou Mu Ren » est simplement la reproduction du mat principal et sa jambe coudée lui servant de support.

Mais nos amis Chinois et, plus encore, les pratiquants occidentaux de ce style, généralement des gros barbus, n’aiment pas trop qu’on leur explique ce fait ou qu’on leur rappelle la fonction pratique du style ! Dans le port d’Aberdeen, à Hong Kong, existent toujours les « deux jonques amirales » de la flotte Hakka. Ces énormes bateaux servent toujours de restaurants flottants très appréciés des touristes.

Et on raconte que dans certaines parties de ces énormes patapoufs des mers, il existe encore quelques pièces réservées aux hôtes de marque.

Pendant que nous y sommes, nos amis Chinois prétendent que la Boxe Française (la savate ou le chausson marseillais) serait issue des formes de combat chinoises pratiquées sur les bateaux. Ce qui explique les positions des bras dans les gardes classiques : le boxeur s’accroche à un bout ou se soutient au bastinguage afin de ne pas tomber en effectuant ses coups de pied hauts. Les marins français auraient donc rapporté cette manière très particulière de combattre sur le pont d’un navire chinois. Mais ne le répétez pas, vous allez encore vous faire des amis !

Notes :

(1) Fuxi ou Fou Hi : il s’agit de l’un des Trois Augustes considéré comme le premier grand ancêtre des Empereurs de Chine. Il est considéré comme l’inventeur des bateaux à plusieurs voiles et comme l’inventeur des trigrammes (Bagua) du Yijing (Yi King ou I Ching) le Livre des Mutations.

(2) Les Kouei ou Gui (prononcer goueilles) sont des « esprits terrestres » ou entités considérées comme malfaisantes ou perturbatrices. Elles représentent souvent lâme des défunts ayant péri de mort violente ou n’ayant pas de sépulture, donc n’ayant pas trouvé la paix. Ils ne bénéficient donc pas du culte des ancêtres sur l’autel familial. Ces Gui tentent d’entraîner les vivants et sont particulièrement actifs sur les fleuves, les lacs, les mers de Chine où les âmes des noyés cherchent toujours à perdre les équipages.

(3) Taiji et Bagui (Tai Chi et Pa Koua) : Ce sont les antiques figures symboliques du Yin/yang et des Huit Trigrammes qi constituent des charmes très efficaces contre les Gui.
Le Bagua est très souvent muni d’un miroir. Les esprits malfaisants s’y reflètent et sont terrorisés par leur propre image et s’enfuient.

(4) Le Feng Shui (prononcer fongchoille) signifie « Vent et Eau ». C’est l’antique géomancie chinoise basée sur l’observation rationnelle des « veines de dragon » ou courants telluriques (Eau) ainsi que l’orientation favorable ou défavorable des constructions, donc leur orientation cosmique (Vent). Le vent représente le Ciel (orientation, climatologie). L’eau représente le Terre (failles, cavités ou « cavernes du Dragon ». Le Feng Shui, toujours très utilisé en Chine est l’ancêtre de la géobiologie. Un Feng Shui bien équilibré provoque « Vent favorable et Pluie opportune ». Il existe un Feng Shui spécialisé dans la construction des bateaux et dans la navigation. Dans un bateau la partie horizontale (coque) représente la Terre « douceur malléable et réceptivité », donc la stabilité). La partie verticale (mats)représente le Ciel ou la « Vigueur énergique », donc la capacité de naviguer. Le marin se situe donc entre stabilité et mobilité, entre Ciel et Terre et la jonque permet de flotter sur l’eau et de se déplacer grâce au vent.

(5) Le Grand Canal ou Canal Impérial a été commencé sous l’Empereur Yangdi
(604 617) en l’année 608. La première partie a été terminée en 613 mais sa construction s’est poursuivie jusqu’en 1327. Originellement large de 50 m et profond de 9 m, il comporte de nombreuses écluses et demeure navigable malgrè un ensablement permanent sur plus de 1800 km Avec les canaux latéraux, la longueur du Grand Canal atteint 2 800 Km. Il est classé lar l’Unesco dans l’inventaire du Patrimoine Universel.
Il relie Hangzhou à Pékin. Ce que l’on sait moins est qu’il comprend également le plus ancien canal artificiel souterrain qui traverse de part en part les montagnes du Shangdong. La régularisation du niveau de l’eau a été effectuée par Song Li, en 1411, grâce à un réseau de canaux et d’écluses qui collecte l’eau des rivières et des lacs adjacents. Il comporte donc de nombreuses inventions qui furent, plusieurs siècles plus tard, reprises en occident.

(6) Il est préférable de parler de conquête puisque l’Amérique avait déjà été découverte par ses propres habitants, les Amérindiens qui s’étaient peu à peu répartis sur tout son territoire du Détroit de Béring à la Terre de Feu, donc de l’Alaska à la Patagonie !
Il est fort probable que l’Amérique centrale fut découverte, plusieurs siècles avant Colomb par des navigateurs.
Il est par contre certain que les Wikings mirent le pied à une centaine de Km au nord de New York également plusieurs siècles avant la naissance de Colomb !
Mais cela est déjà une autre histoire.

 

BIBLIOGRAPHIE:

Sail and sweep in China . G.R.G. Worcester. London

The junks and sampans of the Yangtze. G.R.G. Worcester. Shanghai

Les jonques chinoises. Louis Audemard. Rotterdam

Les jonques chinoises de haute mer sous les Song et les Yuan. Jacques Dors. In Archipel n°18

La science chinoise et l’Occident par Joseph Needham Editions du Seuil – Point Sciences –

La tradition scientifique chinoise par Joseph Needham Collection Savoir Hermann 1974

Quand la Chine nous précédait par Robert K.G. Temple Editions Bordas
3000 ans de découvertes et d’inventions chinoises suivant les travaux de Needham

Voyageurs chinois à la découverte du monde par Dominique Lelièvre Editions Olizane 2004

Et un site fort sympathique et très documenté sur les jonques avec de nombreuses photos : cliquer ici