L’ECOLOGIE ET LES CLASSIQUES DE LA CHINE TRADITIONNELLE

La Chine et l’Ecologie ou l’écologie en Chine

Li Po sage et poète
La nature a surtout besoin qu’on lui foute la paix !
Conférence donnée par Georges Charles le 29 septembre 2007 à Royan La Chine est probablement, avec les Etats Unis, le pays qui pollue le plus la planète.

Ce sont également les deux pays où l’on condamne à mort et où on exécute légalement le plus de prisonniers de droit commun.

Il n’existe évidemment aucun rapport entre ces deux faits.

Mais le philosophe et homme d’action Wang Yangming (Wang Shouren, Wang Shou Jen ou
O’ Yomei) (1472 1529) aurait fait remarquer que la bienveillance ou la compassion concerne autant l’être humain que la nature puisqu’il en fait partie intégrante.

On ne peut donc pas prétendre aimer l’un si on détruit l’autre.

Mais la Chine, si décriée actuellement, et à juste titre, a légué au monde dans des textes classiques ce qu’on peut considérer comme les fondements essentiels de l’écologie.

Il faut, bien évidemment, remettre ces textes dans leur contexte d’époque puisqu’ils ont, pour certains, plus de deux millénaires. Il font donc désormais partie du patrimoine de l’humanité bien qu’ils soient peu connus des sinologues et encore moins des écologistes. Ils ont, évidement, été longtemps considérés comme des textes « mineurs » puisque traitant de sujets concrêts auxquels on préférait des abstractions poétiques généralement assez peu compréhensibles et sur lesquels on pouvait gloser inutilement à loisir. Lorsque le Prince de Wainan, petit fils du fondateur de la grande Dynastie des Han, affirmait simplement : « Quand la nature peut fort bien se passer de l’homme, l’homme ne peut pas se passer de la nature. L’homme doit respecter la nature » il énnonçait une vérité tellement évidente et simple qu’elle dérange encore et qu’on a besoin de paraboles compliquées, de métaphores difficiles, de statistiques truquées, de rapports illisibles pour bien s’en persuader.

Nous aimons ce qui est compliqué et inutile et rejetons ce qui est simple et efficace.

Cette simple efficacité, cette vertu (De ou Te) n’est pas liée à une quelconque morale opposant le bien et le mal, l’écolo et le pollueur.

Elle est comme la plante qui est, simplement, sans avoir à lui chercher des excuses, des raisons, des propriétés que l’on pourra breveter. Il est catastrophique qu’une plante disparaisse.

Point.

Il n’est pas dommage qu’une plante disparaisse parce que.

Parce que cette plante aurait pu contenir une quelconque substance qui autrait pu soigner telle ou telle maladie existante ou à exister. Que l’on cesse de créer arfificiellement des maladies et que l’on foute la paix à ces plantes que l’on a pas encore découvert et qui ne s’en portent pas plus mal ainsi. Que l’on cesse de nous gorger de chiffres et de bon principes n’aboutissant qu’à créer de nouvelles taxes permettant plus de pollution et plus de profit. Et que l’on revienne, surtout, au « bon sens » (Zheng Ming) tel que le définit Kongzi. * * Si, comme le souhaite Kongzi (Confucius), on « rectifie les noms », donc on redonne aux mots leur juste valeur écologie signifie littéralement en grec « oikos » – la maison, la famille, le clan, par extension le village et « logos » la parole, le discours, la méthode, l’image symbolique (synthème) par extension la science.
L’écologie est donc la science, la méthode qui permet la mise en relation de l’être avec son environnement. Il est à noter que les grecs anciens ne distinguaient pas le clan (humain) de la harde (animal) ou de l’espèce (végétal) ni même du genre (minéral).

Ainsi les êtres humains appartiennent à une famille humaine, les aimaux à une famille animale, les plantes à une famille végétale et les pierres à une famille minérale.
Chacun évolue dans un milieu qui lui est particulier mais qui est mis en relations avec les autres milieux, le tout formant une famille « globale », en grec olismos de olos, holos – entier, tout, totalité qui a donné le terme holisme puis holistique (à rapprocher de l’anglais whole – la totalité – mais aussi de holy – saint, sainteté, sacré et de health – la santé, sain.

On donne génréralement le grec olos comme provenant lui même dedeux racines indo-européennes qui seraient solvos ou solwos (qui a par la suite égalementdonné salus, la santé, salutaire, bienveillant) et kalos qui signifie également entier, unique, principe.Actuellement l’écologie ne semble plus être qu’une doctrine (logos) opposant l’être humain pollueur et inconscient à l’être humain éveillé et bienveillant, donc un clan (oikos) à un autre.

En fait il semble bien que la nature et surtout sa destruction serve de prétexte à entretenir un marché fort rentable où la taxe remplacera le profit. Dans l’optique chinoise très classique, l’antique du Feng Shui (littéralement « vent et Eau »), avant de devenir comme le « Zen » une mode baba puis bobo puis gogo avait justement pour but de situer l’être humain dans son environnement et de faciliter ses activités sans pour autant faire de tort à son environnement. Ce qui est somme toute, avant son détournement folklorique et sa mise sur le marché « New-Age », une forme ancienne et particilièrement efficace d’écologie. Mais Gandhi, lui-même affirmait « La terre peut produire assez de richesses pour largement satisfaire aux besoin de tous mais pas assez pour la cupidité de quelques uns ». Voici donc quelques uns de ces textes anciens et chinois et de leurs références. Ils mériteraient qu’on s’y attarde, qu’on dépasse quelque peu le forme, et qu’une parcelle de cette sagesse éclaire, enfin, les esprits de nos édiles et de nos savants. Nous y avons, cependant, ajouté quelques commentaires lorsque ceux-ci nous ont semblé souhaitables. Cela nous permettra de constater qu’en matière d’écologie : « La Chine est un bon modèle mais un mauvais exemple » Wenzi (Vie siècle Av. JC.) « Lorsque la vertu est parfaite les marchands sont à l’aise au marché, les paysans heureux dans leurs champs, les dignitaires satisfaits de leurs charges, les lettrés cultivent le Tao et le peuple est heureux. Lorsque la vertu décline, les taux de taxation ne connaissent plus de limite, les meurtres et exécutions sont incessants, les contestataires châtiés, les sages et les lettrés méprisés. Sur ce les monts s’effondrent, les fleuves se tarissent, les vers de terre ne peuvent plus respirer et les champs sont vidés de leur végétation ».

« Ce qu’on appelle vertu, c’est élever, nourrir, faire avancer, faire grandir, avantager généreusement sans préférence (abandonner) et, par là, de s’unir au ciel et à la terre puis au Tao. C’est pourquoi ce qui engendre c’est le Tao, ce qui fait grandir c’est la vertu, ce qui fait aimer c’est la bienveillance (humanité), ce qui répartit c’est l’équité (la justice), ce qui fait respecter c’est l’observance rituelle (convenance ou bienséance) « . Liu An (Petit fils du fondateur de la Dynastie Han ) Wainanzi (Houai Nan Tseu)

« Lorsque la nature peut se passer de l’homme, l’homme ne peut pas se passer de la nature, l’homme doit respecter la nature » Liu An reprend le Calendrier des Xia (Hsia) dans « Règles saisonnières »

« Premier mois de Printemps : « Couper des arbres est alors prohibé. On ne doit ni renverser les nids, ni tuer les fœtus et les faons des cerfs. On ne peut rassembler les foules, ni construire de murailles ou de remparts (pour que l’énergie ne soit pas bloquée et puisse circuler librement)

Deuxième mois de Printemps : « On ne doit assécher ni rivières ni marais, vider ni réservoirs ni étangs, ni incendier les forêts de montagne. Aucune grande affaire ne doit être entreprise qui gène les travaux agricoles. Aucun animal ne doit être sacrifié »

Troisième mois de Printemps : « Faites réparer digues et talus afin d’en accroître l’imperméabilité. Procédez au déblaiement des canaux et fossés afin de les faire communiquer. Ouvrez les routes et dégagez les voies. Faites arrêter chasses et battues. Veillez à ce que les flèches à fils et les filets à oiseaux et à poissons, les appâts empoisonnés ne sortent par aucune des neuf portes. Il est défendu de couper les mûriers blancs et les mûriers tinctoriaux. On prépare treillis et clayons, paniers et corbeilles.

Premier mois de l’été : « En ce mois les cents plantes médicinales sont récoltées. On encourage les activités agricoles ; On éloigne les grands animaux mais on ne les pourchasse pas ».

Deuxième mois de l’Eté : « On interdit de couper la renouée qui sert à la teinture, de brûler le charbon de bois, de sécher les tissus au soleil pour éviter qu’ils deviennent rêches ; portes et portails ne doivent pas être fermés. Aux passes et aux marchés aucun droit d’octroi ne peut être exigé. Les femelles porteuses sont isolées du troupeau. On se prépare à recevoir le jeune bétail et on prépare l’étable et l’écurie selon les règlements qui sont promulgués.

Troisième mois de l’Eté : « Il faut faire provision de bois, de bambou et de roseau. Il faut faire distribuer et répartir les surplus de foin et préparer les granges et remises. En ce mois les arbres sont en pleine feuillée, il est interdit de les abattre. Il est recommandé de détruire les mauvaises herbes, de fumer les champs et d’engraisser les terres de bordure ».

«Premier mois de l’Automne : « Il faut achever digues et talus, consolider buttes et levées afin de se prémunir contre les eaux de ruissellement. On défriche et on fait récolter le bois mort pendant l’été ».

Deuxième mois de l’Automne : « On peut ériger murailles et remparts et prélever le gibier qui est en abondance afin qu’il épargne les récoltes. Il faut ramasser la récolte, récolter légumes et céréales, faire des provisions et semer le blé d’automne. On donne libre accès aux passes et aux marchés pour faire venir les marchands ambulants afin de faire rentrer des denrées et des biens de façon à satisfaire tous les besoins. Des quatre régions on vient et on s’assemble, des contrées lointaines tous arrivent ; biens et marchandises ne manquent pas. On peut alors dépenser ses économies en vue de bien préparer l’hiver. Les cent affaires, dès lors, sont menées à bien ».

Premier mois d’Hiver : « La végétation jaunit et dépérit. On coupe alors le bois de chauffage pour le transformer en charbon de bois. On saisit les traitements et salaires injustifiés afin de rendre justice aux moins fortunés. On fait communiquer les routes, on dégage les voies. On inspecte les réserves de nourriture et de combustible.

Deuxième mois d’Hiver : « Les cultivateurs et artisans fatigués peuvent prendre du repos et souffler. On professe l’Art Militaire et on s’exerce au tir à l’arc et à la coduite des chars. On perçoit les contributions sur les sources, les rivières, les cours d’eaux, les fontaines et les étangs sans commettre aucun abus »

Troisième mois d’Hiver : « On veille à ce que le millet glutineux et le riz soient utilisés en proportion convenable et mélangés au ferment au moment le plus opportun. La macération et la cuisson doivent être effectués très purement, l’eau de source choisie, les récipients d’argile être de bonne facture et qualité. Aucun écart à ces règles ne doit être toléré. En ce mois on utilise les surplus. Les chasses et les battues peuvent être procédées dans la montagne mais on se garde de tuer trop d’animaux afin qu’ils puissent se reproduire.

« Pour régir les êtres on les mesure à l’aune du Yin/yang ; pour régir le tout il existe six mesures : le ciel est le cordeau (vertical) et la terre le niveau (horizontal), le Printemps est le compas, l’été la balance, l’automne l’équerre, l’hiver le poids de la balance ».Taishang Ganying Bian (Tai Shang Kan Ying Pien) de Wang Xiang


(Dynastie des Song)
Taishang : « Très élevé » ; « sublime » ; qui est attaché au Tao (Ric 4621 et 4271) Gan : ce qui est produit sur les actions du Ciel et de la Terre par les actions humaines (Ric 2529) Ying : Récompense ou châtiment attaché à chacune des actions humaines (Ric 5821) Bian : livre ou traité (Ric 4034)

Ce qu’on traduit généralement par « Le livre des peines et des récompenses

 » « On suit la raison quand on ne foule pas les chemins de la perversité. Lorsqu’on a un cœur compatissant pour tous les êtres vivants. Quand on évite de faire du mal aux insectes, aux plantes, aux arbres. Ne pas tirer des flèches aux êtres qui volent dans les airs. Ne pas poursuivre ceux qui courent sur la terre. Ne pas détruire les terriers des animaux ou les trous des insectes. Ne pas effaroucher les oiseaux qui sont dans les arbres. Ne pas boucher les ouvertures où les oiseaux vont nicher. Ne pas renverser les nids. Ne pas blesser les femelles qui portent ou casser les œufs dans les nids. Ne pas disperser les épis naissants et ne pas gaspiller ceux qui sont déjà murs. Ne pas tailler ou couper sans nécessité. Ne pas immoler d’animaux sans avoir égard aux rites établis. Ne pas jeter et faire perdre les cinq espèces de grains. Ne pas nuire et faire de mal aux animaux. Ne pas lâcher des courants d’eau ni faire du feu sans précaution. Ne pas se servir de poison pour faire mourir les animaux ou les plantes. Ne pas tuer sans motif tortues, lézards et serpents. Ainsi l’homme véritablement heureux dit le bien, voit le bien, fait le bien. En un jour il réunit trois sortes de biens. Comment peut-on donc ne pas pratiquer la vertu ? ». Zhang Zhai (1020 1078) « A l’origine, l’esprit de tout homme au monde ne diffère en rien de celui de l’être réalisé * .


Dès que l’égoïsme vient s’interposer et que les désirs matériels viennent l’obstruer, ce qui était grand devient petit et ce qui circulait librement se bloque ».
* « Etre Réalisé » littéralement Zheng Ren ou Etre Rectitude donc Etre Droit ce qui correspond littéralement à quelqu’un qui s’est lui-même « rectifié » et qui a donc atteint un niveau de compréhension puis permettant une « action juste ».


Plusieurs précisions : Ren correspond, en chinois, à la personne humaine dans son ensemble et non dans son individualité. Nous nous sommes habitués à traduire Ren (ou Jen) par homme auquel nous ajoutons majuscule. Ren c’est donc l’Homme comprenant la femme, l’enfant, le vieillard. Donc l’homme élargi (comme on élargit un prisonnier en le laissant libre de ses mouvements et en levant la contrainte par corps). Mais malheureusement ce Zheng Ren est souvent traduit par « le saint » avec ou sans majuscule. Et au masculin. Ren ne possède par de genre. Il est à, la fois, comme le Taiji qui est la manifestation du Tao à la fois Yin et à la fois Yang (CF Etiemble dans la préface de Philosophes taoïstes 1 à la Pléiade !).
Je préfère donc traduire, simplement, par être (éventuellement par être humain).
Etre suffit.
Etre.
On peut, heureusement, être sans penser !
« Je pense donc je suis »
Qui dois-je suivre ?
Pourquoi suivre ?
UNe fois encore dans le système chinois « être » suffit et ne se conjugue pas.
« L’homme suit son destin comme le veau suit sa mère » affirme un dicton populaire chinois.
L’homme avec ou sans majuscule est-il donc un veau ?
Cela fait penser à ceux qui « croient en Dieu ».
Quel manque de confiance car si ils croient c’est qu’ils n’en sont pas persuadés.
Dieu se suffit à lui-même et n’a probablement que foutre qu’on croit ou pas en lui.
Il en va de même pour le Tao.

Wang Yangming (1472 1529)

Le philosophe et homme d’action Wang Yang Ming
qui ne cessa de dénoncer les « boutiquiers de Confucius »
Littéralement « la petite boutique de Kongzi »

« L’Etre réalisé est celui qui conçoit Ciel/Terre et les dix mille êtres comme un seul corps. Il considère le monde comme une seule famille et le pays comme une seule personne. Quand à opérer des distinctions entre les objets et une séparation entre le moi et l’autrui c’est le propre de l’être mesquin . Que l’Etre réalisé conçoive le Ciel/Terre et les dix mille êtres comme un seul corps ne procède pas d’une intention délibérée ; c’est la nature de l’être humain et de son esprit qui l’unit foncièrement à l’univers entier. L’être mesquin est diminué par son étroitesse de vue et de cœur. C’est ainsi que même cet être mesquin à la vue d’un enfant sur le point de tomber dans un puits ne peut réprimer un sentiment d’effroi, son sens de l’humain faisant alors corps avec celui de l’enfant. Certes l’enfant appartient à la même espèce que ces être humain. Mais devant les cris pitoyables et les airs apeurés de bêtes sur le point d’être tuées, il ne pourra pas d’avantage supporter ce spectacle, sa bienveillance (humanité) faisant corps avec les bêtes. Mais ces bêtes sont proches de l’être humain. Or à la vue de plantes menacées de destruction, il ne pourra s’empêcher de ressentir de la commisération, sa bienveillance faisant corps avec les plantes. Les plantes sont malgré tout des êtres vivants. Mais même devant des débris de tuiles et de pierres d’anciennes habitations, il sentira son cœur se serrer, sa bienveillance faisant corps avec ces débris. Tous ces sentiments même le cœur de l’homme le plus mesquin ne saurait y échapper ». Suivant Mencius (Mengzi) Livre 2 -Les questions de Gongsun Chou

 

L’arbre dans la nature

et dans le symbolisme chinois lié à l’écologie Un exemple particulier à la Chine classique : les références multiples à l’arbre en tant que symbole de vie et de connaissance.
L’arbre est présent en horoscopie (troncs célestes et branches terrestres), en énergétique et en médecine classique (point racines, branches collatérales des méridiens d’acupuncture) mais aussi dans l’élément Bois symbolisant le renouveau, la régénération.

Il est présent, en tant que symbole dans de multiples pratiques d’évail et de sagesse : pas de Taijiquan (Tai Chi) sans enracinement ; pas de Yiquan, de Dachengquan, de Sanyiquan ou de Qigong du Tao (Tao-Yin Qigong) (Daoyin ou Do In) sans posture de l’arbre ; pas de Kung Fu Wushu bouddhiste ou de Chan (Zen) sans monastère de Shaolin qui signifie « Petite Forêt », pas de Karatedo classique sans Shotokan (Les Pins bleus qui ondulent sous la brise) du Fondateur ; pas de jujutsu ou de judo sans l’Ecole de la Souplesse de la branche de saule qui laisse tomber la neige accumulée et revient en place.
Mais pas d’arbre sans respect de la nature !

Faux arbre sur la N1

Nouvelle écologie : les antennes dérangent, on les camoufle dans de faux arbres !
pour en savoir plus cliquer ici

Commentaire du Laozi Benyi (Sens Originel de Laozi) de Wang Bi « Le fruit est doux et savoureux, à l’intérieur est le noyau. C’est une image du Ren (bienveillance ).Le Ren est le noyau d’immortalité. Il est le fuit du bien et s’identifie avec le pouvoir de transformation. Ce noyau doit être protégé et cultivé pour croître ainsi qu’une semence pour se développer ainsi qu’une plante qui grandit dans le ciel et s’étend dans la terre. N’est-ce pas emplir la totalité (l’univers*) ? »

* Les Chinois classiques n’ont aucune notion de ce que l’on nomme, ici, l’univers et moins encore de notion de l’universel. Pour eux le Tao est incréé et ne possède pas de limite ni dans le temps ni dans l’espace. Ce qui n’est pas le cas de notre univers ni de cett notion, étrange, d’universalité. Comme l’universalité des Droits de l’Homme qui s’arrête, souvent, à la porte du commissariat de police.
« Le Principe ou Tao est la semence, le noyau. Il est le potentiel (Wuji). L’unité, la Vertu ou De est la racine. La condition primordiale ou Ren, la bienveillance est le tronc. L’Equité ou Yi représente les branches, c’est la multiplicité manifestée. Les convenances ou Li est les feuilles . Zhi ou la connaissance est la floraison. La floraison provient de la semence. Les feuilles proviennent de la racine ». « Le Tao est comme un arbre. Plus il accumule de substance, plus il s’éloigne de la racine. Moins il en accumule plus il se rapproche du Faîte (Taiji) » Chapitre XXXVIII du Daodejing de Laozi

Le Daodejing (Tao Te King) c’est, littéralement, le Traité (Jing) de la Voie (Tao) et de son efficace (Te ou De). Efficace, efficacité, c’est la vertu. Donc ce qui agit sans chercher à intervenir. Comme la plante agit (vertu médicinale) sans chercher à intervenir. « Après la perte du Tao vient la Vertu (De)
Après la perte de la Vertu (De) vient la bienveillance (Ren) Après la perte de la bienveillance (Ren) vient l’Equité (Yi) Après la perte de l’Equité (Yi) viennent les convenances (Li)
La politesse est l’écorce de la loyauté et de la Confiance
La Prescience (Sien Che) est la fleur du Tao
Ainsi l’Etre Réalisé s’en tient au fond et non à la surface.
Il s’en tient au noyau et non à la fleur ».

Il serait plus que temps de considérer les arbres avec respect et d’en classer certains qui valent bien des monuments classés !

Yijing (Yi King ou I Ching) Livre des Mutations : Premier Hexagramme Qian* « Les feuilles de l’arbre commencent à pousser, c’est l’action de la cause initiale (Bois). Les fleurs s’ouvrent c’est la liberté d’expansion (Feu).

Les fruits se forment c’est le bien (Terre).
Les fruits se développent et mûrissent c’est la perfection, la vie se perpétue ainsi dans la forme (Métal) ».
* De même que pour l’univers, inconnu des Chinois classiques, la notion de création leur échappe parfaitement. Accoler à cet hexagramme le terme création, créateur fut-il mouvement, ne correspond en rien à cette vision chinoise et n’évoque rien qui ait rapport avec cette Chine du classicisme fut-elle bouddhiste, taoïste, confucianiste, poétique, chiromantique ou même onirique. Ni « création » ni « achèvement » mais préexistence et transformation caractèrisent le Yijing ou Yi King (I King, I Ching…).
Qian se manifeste dans sa splendeur, se révèle mais n’est issu d’aucune création ni le fait d’aucun créateur.
Il ne s’agit pas d’une quelconque entreprise que l’on crée, qui se crée, qui est créée puis qui va disparaître comme dans une faillite organisée.
Il échappe, heureusement, aux « boutiquiers de Confucius » tels que les dénonçaient Wang Yang Ming.
Mais ce n’est pas faute que ceux-ci tentent toujours de l’emballer pour nous le livrer avec un mode d’emploi !
Bouddhisme

Un bel arbre entre ciel et terre

« L’arbre Pippal (figuier ou Ficus religiosus) est rattaché à Bouddha du fait que celui-ci atteignit l’Eveil (Boddhi) dans son ombre »
Voir article sur Bouddha et Saint Josaphat)
cliquer ici « L’arbre a sa racine, l’eau a sa source » (Mu Pen Shui Yan) Le Livre des récompenses et des peines méritées par les actions humaines suivant la sublime doctrine Traduction Abel Rémussat 1816 (librairie orientaliste Paul Geuthner Paris ) « On suit la raison (vertu/efficacité ou De/Te) quand on ne foule point le sentier de la perversité (littéralement lorsqu’on conserve sa rectitude sur la Voie ) (CF per-versus : en dehors de la règle)
Lorsqu’on a un cœur compatissant pour tous les êtres vivants
Quand on évite de faire du mal aux insectes, aux herbes, aux arbres
On transgresse cette règle lorsque
On tire des flèches sur les êtres qui volent dans les airs ; quand on poursuit ceux qui courent sur terre ; quand on détruit les trous et nids des insectes ; quand on effarouche les oiseaux qui se reposent sur les arbres ; quand on bouche les ouvertures où les oiseaux vont nicher ; quad on renverse les nids déjà construits ; quand on blesse les femelles qui portent et lorsqu’on casse les œufs des nids.
Lorsqu’on disperse les épis qui sont déjà murs.
Quand on coupe et qu’on taille sans nécessité.
Quand on abat un arbre par simple commodité.
Lorsqu’on se sert de poison pour faire mourir insectes, animaux, plantes ou arbres.
Quand on jette ou perd par négligence les cinq sortes de grain (anecdote de Confucius/crétin)
Il y a récompense si on fait une mauvaise action, qu’on se corrige et qu’on se repente en réparant sa faute ; qu’on quitte une mauvaise voie (per-versus) et qu’on pratique la vertu (De). Alors on ne manquera pas d’obtenir le bonheur. C’est ce qu’on appele le retour du mal au bien.
Ainsi l’homme véritablement heureux dit le bien, voit le bien, fait le bien. En un jour il réunit les trois sortes de biens. En tois ans le Ciel lui envoie infailliblement le bonheur et la paix.
Le mauvais dit le mal, voit le mal, fait le mal. En un jour il amasse les trois sortes de maux, et en trois ans le ciel ne manque jamais de lui envoyer le malheur et le conflit. Comment alors ne pas pratiquer le bien et la vertu ? » (force morale, fortitude).
Et, pour l’instant, nous vous proposons ce texte, étonnant, de Charles François Dupuis qui était, probablement, un rationaliste très éclairé qui mériterait d’être relu avec plus d’attention.
Lorsque vous rentrez dans la bibliothèque en rotonde du Musée Guimet c’est l’ouvrage qui est immédiatement à portée de main et à hauteur de regard.
Il est probablement le précurseur de l’hypothèse Gaïa mais avait l’inconvénient de ne pas être californien et un peu trop en avance sur son époque.
Et probablement sur la nôtre aussi.
Un précurseur de l’hypothèse Gaia se réfère à la Chine antique Charles François Dupuis, Membre de l’Institut, dans Abrégé de l’Origine des Cultes (1822)

Musée Guimet

« De l’Univers animé et intelligent. Avant de passer aux applications de notre système et aux résultats qu’il doit donner, il est bon de considérer dans l’univers tous les rapports sous lesquels les anciens l’ont envisagé.

Il s’en faut et de beaucoup qu’ils n’aient vu dans le monde qu’une machine sans vie et sans intelligence mue par une force aveugle et nécessaire. La plus grande et la plus sage partie des philosophes ont pensé que l’univers renfermait éminemment le Principe de Vie et de mouvement que la nature avait mis en eux, et qui n’était en eux que parce qu’il existait éternellement en elle, comme dans une source abondante et féconde dont les ruisseaux vivifiaient et animaient tout ce qui a vie et intelligence.

L’homme n’avait pas encore la vanité de se croire plus parfait et plus achevé que le monde. Le monde paraissait animé par un principe de vie qui circulait dans toutes ses parties et qui le tenait dans une activité éternelle. On crut donc que l’univers vivait comme l’homme et comme les autres animaux, où plutôt que ceux-ci ne vivaient que parce que l’univers, essentiellement animé, leur communiquait, pour quelques instants, une infiniment petite portion de sa vie éternelle qu’il versait dans la matière inerte et grossière. Venait-il à se retirer à lui, l’homme et l’animal mourraient et l’univers seul, toujours vivant, circulait autour des débris de leurs corps par son mouvement perpétuel et organisait de nouveaux êtres. Le feu actif ou la substance subtile qui le vivifiait lui-même en s’incrporant à sa masse immense, en était l’âme universelle. C’est cette doctrine qui est renfermée dans le système des Chinois, sur le Yang et le Yin dont l’un est la matière céleste, mobile et lumineuse et l’autre la matière terrestre, inerte et ténébreuse dont tous les corps se composent.

L’univers fut donc regardé comme un être vivant qui communique sa vie à tous les êtres qu’il engendre par sa fécondité éternelle. Non seulement il fut réputé vivant mais encore souverainement intelligent et peuplé d’une foule d’intelligences partiellement répandues dans toute la nature, et dont la source était dans son intelligence suprême et immortelle. Le monde comprend tout ; il est animé et doué de raison.

Il résulte de ces principes philosophiques que la matière des corps particuliers se généralise en une matière universelle dont se compose le corps du monde ; que les âmes et les intelligences particulières se généralisent en une âme et une intelligence universelle, qui meuvent et régissent la masse immense de matière et d’énergie dont est formé le corps du monde. Ainsi l’univers est un vaste corps mu par une âme, gouverné et conduit par une intelligence, qui ont la même étendue et qui agissent dans toutes ses parties, c’est-à-dire dans tout ce qui existe, puisqu’il n’existe rien en dehors de l’Univers. Réciproquement, de même que la matière universelle se partage en une foule innombrable de corps particuliers sous des formes les plus variées, de même la vie ou l’âme universelle ainsi que l’intelligence, se divisant dans les corps, y prennent un caractère de vie et d’intelligence particulière dans la multitude infinie de vases divers qui les reçoivent.

Telle la masse immense des eaux, connue sous le nom d’océan, fournit par l’évaporation les diverses espèces d’eaux qui se distribuent dans les lacs, dans les fontaines, dans les rivières, dans les plantes, dans tous les végétaux et animaux, où circulent des fluides sous des formes et avec des qualités particulières, pour rentrer, ensuite, dans le berceau des mers, où elles se confondent en une seule masse de qualité homogène. Voila l’idée que les anciens sages chinois eurent de l’âme ou de la vie et de l’intelligence universelle, source de la vie et des intelligences distribuées dans tous les êtres particuliers à qui elles se communiquent par des milliers de canaux subtils. C’est de cette source féconde que sont sorties les intelligences innombrables placées dans le ciel, dans le soleil, dans la terre, dans les éléments et généralement partout où la cause universelle semble avoir fixé le siège de quelque action particulière. Ainsi les Chinois rendent un culte aux Esprits placés dans le soleil et dans la lune, dans la terre et dans le ciel ainsi que dans les éléments. Tous ces esprits, suivant les lettrés sont les émanations du Grand Comble ou Grand Faîte, c’est-à-dire de l’univers et de l’âme universelle qui le meut, donc le Tao.
Les Shen chez les Chinois qui suivent la Voie Universelle , donc le Tao, composent une administration d’esprits ou d’intelligences rangées en diverses classes et chargées de diverses fonctions dans la nature.
L’Univers, ainsi animé et intelligent, subdivisé en une foule de causes partielles, également intelligentes, fut partagé aussi en deux grandes masses ou parties. L’Une appelée la Cause Active , l’Autre la Cause Passive , censées s’unir pour tout produire. C’est-à-dire le monde agissant en lui-même et sur lui-même. Le Ciel contint la première partie, la Terre et les éléments comprirent la deuxième. Voila un des grands mystères de l’ancienne théologie universelle ».