Préceptes Des Maîtres
Du Poing De L’Interne

Par Georges Charles

La plupart de ces préceptes ont été publiés, la plupart du temps en langue chinoise ou japonaise, certains ont été traduits avec plus ou moins de fidélité puisque la plupart des traducteurs quelle que soit leur compétence ne pratiquent pas, d’autres ne le furent pas. Les autres m’ont été confiés par Wang Zemin (Wang Tse Ming, Wong Tse Ming, Tai Ming Wong) (1909 2002) qui les avait lui-même recueillis de son Maître Wang Xianzhai et pieusement retenus ou notés, ce que j’ai fait à mon tour. A l’époque ou nos Amis Chinois de Shenzhou ont décidé d’ériger un Mémorial à la mémoire de Li Laoneng et de ses successeurs, me situant dans cette lignée au titre de San Yiquan, j’ai pensé qu’il devenait important de transmettre ces préceptes qui sont une partie de la sagesse de la Chine et probablement de la sagesse humaine.

Je les ai déjà publiés au fil de mes ouvrages et particulièrement dans le « Rituel du Dragon » aux Editions du Charior d’Or mais j’ai pensé qu’il pouvaient également figurer dans ces pages destinées à un plus large public. Certains argueront le fait que l’on ne les retrouve pas ailleurs et qu’ils sont donc suspects mais c’est justement parce qu’on ne les retrouve pas ailleurs que j’ai pensé qu’il était important de les transmettre sans avoir besoin d’un intermédiaire ou d’une caution extérieure à la pratique et à l’enseignement de ce qui les concerne.

Je rappelerai ce que disait Guénon

 » Il y a ce qui est écrit et ce qui n’est pas écrit, il y a ce qui est dit et ce qui n’est pas dit, il y a ce qui est montré et ce qui n’est pas montré. Entre ce qui est écrit et ce qui n’est pas montré existe un vaste monde. C’est celui de l’initiation. »

Une autre citation de René Guénon – la crise du monde moderne –

« Ceux qui sont qualifiés pour parler au nom d’une doctrine traditionnelle n’ont pas à discuter avec les profanes ni à faire de polémique ; ils n’ont qu’à exposer la dictrine telle qu’elle est, pour ceux qui peuvent la comprendre, et, en même tempps, à dénoncer l’erreur partout où elle se trouve, à ,la faire apparaître comme telle en projetant sur elle la lumière de la vraie connaissance, leur rôle n’est pas d’engager une lutte et d’y compromettre la doctrine, mais de porter le jugement qu’ils ont le droit de porter »Cité par J.A. Lavier dans tradition et médecine (1976)

En écrivant ce qui est montré, dans la pratique, je ne romps pas un mystère mais désire me situer, simplement, dans ceux qui offrent une clé pour ouvrir une porte qui habituellement reste close. Il faut cesser les affaires de clans. Un clan c’est comme un maison et il faut l’aérer de temps à autre sinon elle reste close. Ces préceptes apportent comme un courant d’énergie, un courant d’air pur et cela est bien rafraîchissant, plus que ces histoires de clochers et de Landerneau qui sentent le moisi et le renfermé. C’est l’Hexagramme de la Majesté, de la Prospérité (Tai ou 11eme) qui s’oppose à celui de la Limitation ou du Demeuré (Pi ou 12eme) .

Yijing 11 Tai

Hexagramme 11 : Tai La Grangeur, la Majesté, la Prospérité
Yijing 12 Pi
Hexagramme 12 : Pi La Stagnation, l’Obstruction, l’Adversité, Le Demeuré

Dans le premier cas la Terre influe le Ciel, en retour le Ciel influe la terre et entre deux la multitude des Etres en sont motivés. Dans le second cas la Terre est sous le Ciel et l’on reste chez soi, demeuré. Le Retour au Clan constitue l’Eveil du Maïtre (Jia Ren ou 37 eme)après l’Obscurcissement de la Lumière (Ming Yi ou 36eme) donc le Retour à l’Unité qui s’ouvre vers la Multitude (Yi Wan).

Hexagramme 37 Jia Ren

Hexagramme 37 Jia Ren : Le Retour au Clan, Le Clan, La Famille, La Maison
Hexagramme 36 Ming Yi
Hexagramme 36 Ming YI : Obscurcir la Lumière, Mort du Disciple

Wang Bi (IIIeme siècle après Jc) explique

« La doctrine toute entière du Maître Kong (Confucois) tient en deux caractères Zhong et Shu et rien d’autre ! « 

Zong c’est s’élever au plus haut de soi même, c’est la verticale, Shu c’est s’ouvrir vers les autres, c’est l’horizontale. La Tradition est ce qu’explique Wang Bi et rien d’autre. Je reste très attaché à la tradition orale unissant le Maître à son Disciple ou, au moins, le professeur à son élève et qui perpétue, dans un cas comme dans l’autre la transmission d’un patrimoine souvent négligé par ceux-là même qui se prétendent les défenseurs de la tradition. Or ces préceptes sont le coeur de la pratique et surtout de sa compréhension, ce qui peut se traduire étymologiquement par « prendre en soi » (con-prendre ou com-prendre c’est prendre en soi) et « prendre en soi » c’est littéralement s’approprier donc passer du commun au propre, à ce qui est propre, personnel, les anciens Chinois diraient « authentique » (Zheng – littéralement droit, conforme, que l’on a rectifié donc rendu droit). On passe du lieu commun (les communs qui désignaient autrefois les commodités ou les aisances – que l’on nommerait désormais euphémiquement les toilettes) à ce qui m’est propre, donc très personnel sinon privé ou privatif. Mais il serait dommage, sinon égoïste, donc uniquement lié à un ego refermé sur lui-même, que ces préceptes demeurent d’usage privé ou strictement personnel et ne servent pas à celles et ceux qui recherchent une Voie ou qui se sont aventurés imprudemment sur celle-ci sans en connaître les limites.

Hexagramme 13 Tong Ren

Hexagramme 13 Tong Ren : La Communauté, l’Union, La Concorde, L’Harmonie

Après le « Retour au Clan » c’est simplement vers quoi il faut tendre. Après s’être élevé (Zhong) encore convient-il d’accepter de s’ouvrir ves les autres (Shu).

 

Préceptes des principaux Maîtres de l’Interne et du Xingyiquan

 

GUO YUNSHEN (Kuo Yun Shen) ou Fo Junsha.

Guo Yunshen

Guo Yunshen ou Kuo Yunshen d’après sa pierre tombale à Shenzhou. Guo Yunshen est connu dans toute la Chine sous le surnom évocateur de « Mortelle Paume du Bouddha » (Fo = Bouddha ; Jun = paume ; Sha = tuer) que l’on traduit, étrangement, par la « Paume Divine » ou la « Dévastatrice Paume Divine ».

Disciple direct de Li Nenjan ( Li Laoneng, Li Loneng ou Li Lonei), un célèbre convoyeur de fonds (Piaoshi) aux multiples aventures, il était réputé pour la puissance terrifiante de sa paume qui était capable de fissurer un mur de briques de plus de soixante centimètres de haut.

Redoutable combattant il mit à mal bon nombre d’adversaires lors de défis qu’il relevait ou, parfois, provoquait.

Deux combattants exceptionnels lui donnèrent pourtant du fil à retordre. Il s’agissait de son condisciple Che I Chai qui le mit en mauvaise posture lors d’une altercation et de Dong Haiquan (Tung Hai Chuan) qui fit connaître le Baguazhang (Pa Kua Chang ou « Paume des Huit Trigrammes »).

Les deux hommes ne purent se départager mais certains admettent que Dong ne voulut pas faire perdre la face à Guo en le dominant.

Il y eut donc match nul. A la suite de cette rencontre un accord fut passé entre les deux écoles, le Xingyiquan et le Baguazhang, afin que les anciens puissent échanger leurs connaissances réciproques.

De ce fait bon nombre d’experts étudièrent conjointement les deux arts et échangèrent des élèves. Il faut constater que, malgré la rudesse des mœurs d’époque et l’attachement très fort aux principes rigides motivant les écoles, il existait alors une forte confraternité entre enseignants et pratiquants. Ce qui est souvent loin d’être le cas de nos jours où les enseignants pourtant issus d’une même école ou d’un même style passent le plus clair de leur temps à feindre de s’ignorer ou à se dénigrer. La redoutable paume de Guo lui valut d’effectuer de la prison à la suite du décès d’un élève qui avait voulu le tester.

Guo fut donc obligé d’adapter sa pratique et de créer une forme statique tout en simplifiant les enchaînements jusqu’à pénétrer leur essence. Déjà Li Nenjan souhaitait donner à sa pratique une plus grande influence de l’intention (Yi ou I) sur la forme (Xing ou Hsing). De ce fait il créa le Yiquan (I Chuan) (Poing de l’Intention).

Guo amplifia ce processus en engendrant le « Poing des Cinq Formes » (Wuxingquan ou Wou Hsing Chuan). Suivant Guo, le Yi (Yi de Xingyi ou de Yiquan) (I de Hsing I)(Ric. 2348), ou intention (volonté, vouloir) est l’entité viscérale centrale issue de la Rate et correspondant à l’élément Terre et à l’action Heng (contrer)mais aussi au principe alchimique de production (Ric.1755 – exercer une influence ; prospérer se dit de l’influence du Ciel qui pénètre toutes choses et les fait prospérer).

Ce Yi est alors considéré comme la quintessence (quinta essencia ou cinquième essence) de la pratique. Cette quintessence contient le potentiel des quatre autres mouvements :

  • Métal (Jin) issu des Poumons et correspondant à l’action Pi (fendre)
    mais aussi au principe alchimique de cristallisation et à l’entité viscérale Po (Pro) (Ric. 4148) ;
  • Eau (Shui) issu des Reins et correspondant à l’action Zuan (piquer, percer)
    mais aussi au principe alchimique de dissolution et à l’entité viscérale Zhi (Tche) (Ric. 821) ;
  • Bois (Mu) issu du Foie et correspondant à l’action Peng (projeter en frappant)
    mais aussi au principe alchimique de régénération et à l’entité viscérale Hun (Roun) (Ric. 2286) ;
  • Feu (Huo) issu du Cœur et correspondant à l’action Pao (éclater)
    mais aussi au principe alchimique de sublimation et à l’entité viscérale Shen (Ric. 4317).

De ce fait, les « Cinq Poings » : Hengquan (Ric. 1759) ; Piquan (Ric. 3967) ; Zuanquan (Ric 5207) ; Pengquan (Ric 3916), Paoquan (Ric. 3832) se limitèrent désormais à un simple mouvement et non plus à un enchaînement complexe ce qui différencia alors définitivement le Xingyiquan (Hsing I Chuan) de forme « naturelle » ou « spontanée » (Ziran ou Tseujan) initiée par Li Nenjan puis par Guo Yunshen des formes orthodoxes (Laojia) ou « anciennes ».

C’est ce que Guo Yunshen nommera WUXINGQUAN ou WOU HSING CHUAN qu’il transmettra à ses disciples donc Wang Xiangzhai qui nommera la nouvelle Ecole issue de celle de Guo le DACHENGQUAN (TA TCHENG CHUAN) puis lorsqu’il arrivera à Pékin (Beijing) le YIQUAN.

Par la suite le DACHENGQUAN-YIQUAN deviendra le LIANANQUAN avec Wang Zemin (Wang Tse Ming ou Wong Tse Ming) (1909 2002) puis, par transmission, le SAN YIQUAN ou SAN I CHUAN avec Georges Charles (Cha Li Shi) à partir de 1979.

Guo Yunshen à la fin de sa vie résumait sa pratique et sa transmission par cette formule :

« la prison m’a fait comprendre le statique( Terre ou carré) Li (Nenjan) m’a transmis l’art du linéaire (Etre Humain ou triangle) ; Dong (Haiquan – donc le Bagua-) ma fait pénétrer le cercle (Ciel et cercle) et les Taoïstes m’ont initié au spontané (Tao et Ziran) ».

Par la suite les disciples de Guo conservèrent ce principe ou s’en éloignèrent, préférant alors revenir à ce qui se faisait avant.

Parmi ceux qui conservèrent ce principe, le plus connu est probablement Wang Yuseng également nommé Wang Xiangzhai (Wang Hsiang Chai) (1885 1966) qui créa le Dachengquan (Ta Tcheng Chuan) ou « Poing du Grand Achèvement ». Vers la fin de sa vie il reprit l’appellation de Yiquan, qui continue à être utilisée de nos jours par la plupart de ceux qui pratiquèrent avec lui après 1949.

De son coté Wang Xiangzhai eut de nombreux disciples et ceci durant les diverses périodes de son enseignement tantôt très ésotérique, très taoïste, très confucianiste, très combatif, très énergétique, très sportif, très officiel. Très officiel puisqu’il sera inhumé dans le cimetière très officiel réservé aux Membres Emintents du Parti et aux Célébrités et Personnalités de Wanan dans les Colines Parfumées près de Pékin, cimetière où est également enterré Li Xiao Lung alias Bruce Lee !

Chacun d’entre eux étant bien évidemment intimement persuadé d’avoir été présent au bon moment et de désormais transmettre le seul héritage possible à l’exclusion de tout autre. Il est vrai que le même processus s’est produit avec le Maître Ueshiba et s’est largement amplifié après sa mort.

Il existe donc désormais, comme le Yiquan « officiel », l’Aïkido « officiel », également plus ou moins héréditaire,et, à coté, ce qui est enseigné sous un autre nom par ses plus anciens disciples directs : Li Nenjan et Guo Yunshen avaient pourtant souhaité, afin de différencier la Xingyi de forme « naturelle» (Ziran) de la forme orthodoxe « Laojia), que les disciples reconnus et figurant sur un généalogie utilisent un nom particulier pour leur pratique et leur enseignement, de ce fait Li utilisa le terme Yiquan ; Guo le terme Wuxingquan ; Wang Xianzhai le terme Dachengquan ; Sawai le terme Taikiken ; Wang Tseming le terme Liananaquan. Mais Wang Xiangzhai revint sur ce principe en nommant, à nouveau, son enseignement Yiquan.

Ce qui ne simplifia pas le problème d’autant plus que le Dachengquan (Ta cheng Chuan), récupéré, se mit alors à désigner des pratiques très différentes les unes des autres, soit proches de l’ancien enseignement de Wang Xiangzhai d’avant 1949 soit des formes de synthèses effectuées à partir du Yiquan, du Bagua et du Taijiquan…(Wang Xianjie) sinon du « Qigong ».

Actuellement, le moins que l’on puisse dire est que la situation est des plus confuse puisque les « anciens » maîtres ne sont plus là pour justifier ou expliquer leurs choix. Pendant de très nombreuses années ces diverses pratiques et tendances demeurèrent confinées à la Chine continentale si on excepte les cas de Kenichi Sawai qui enseignait au Japon depuis l’après guerre et de Wang Tseming (Wang Tse Ming ou Tai Ming Wong) qui enseignait en France depuis 1949 et qui continua de le faire jusqu’en 1979, date à laquelle le Yiquan et le Dachengquan demeuraient totalement inconnus en France.

Pour demeurer rigoureux avec le fait historique, tout au plus existait-il une pratique du Taikiken de Sawai animée par Jan Kallembach, un expert hollandais de l’école Kyokushinkai de Matsutatsu Oyama, que faisait venir Maurice Portiche actuellement Consul de France au Japon. Kallembach et le Japonais Sato purent ainsi initier au Taikiken des Karatekas français de renom tels que Jacques Legrée ou Alain Setrouk lors de stages qui eurent lieu à partir de 1975.

De son coté, Georges Charles, depuis 1974, avec l’autorisation de Wang Tseming (alors Tai Ming Wong de son état civil français), enseignait conjointement l’Externe (Waijia) et l’Interne (Neijia) comprenant l’Ecole Sanyiquan (San Yi Chuan ou « Poing des Trois Unités »), issu du Lienanquan et donc du Yiquan et le Tao-Yin Qigong du Lingbaoming tels qu’il furent transmis à Wang Tseming par Wang Xiangzhai avant le changement de pouvoir politique et les implications de ce changement dans la pratique et l’enseignement des Arts du Poing.

A la suite de ce changement il est plus que probable que, à cause de multiples interdictions propres au nouveau régime et historiquement connues, les aspects ésotériques et symboliques du Dachengquan, donc du Yiquan et du Tao-Yin, furent simplement passées par pertes et profits. A tel point qu’une importante partie de ces pratiques demeure actuellement inconnue de la majorité des pratiquants chinois et à plus forte raison occidentaux. Ce n’est pas pour autant qu’elles ont disparu dans le néant.

Cet aspect ésotérique et hautement symbolique est, heureusement, hautement présent dans les écrits des « anciens » maîtres les plus réputé qui ne cessent d’affirmer qu’il s’agit bien là de la pratique du Quanshu ou du Xingyi de forme « naturelle ». Il aurait donc été dommage que ces textes ne soient pas publiés en langue française, ceci afin de restituer l’Esprit de la pratique.

Que ceux qui pensent que le Maître du Maître de leur Maître, ou ses condisciples les plus directs, ne connaissait pas la Pratique ou racontait n’importe quoi lui lancent la première pierre en faisant un peu attention lorsqu’elle retombera de bien haut. Comme l’affirme un proverbe chinois

« On bute plus souvent sur une taupinière que sur une montagne ! ».

Mais comme on dit dans « Au Bord de l’Eau » : trève de billevesées voici ces fameux préceptes ou ces fameuses maximes :

 

Les Préceptes de Guo Yunshen – La Paume Divine – Recueillis et notés puis traduits par Wang Zemin (1909 2002) et transmis à Georges Charles entre 1969 et 1979 à Paris.

« Le Xingyi de forme évolutive (Ziran) est semblable à la méditation taoïste. Les deux ont pour but la recherche de la vacuité. Mais où la méditation va de l’action à l’inaction, nous allons dans le Xingyi de l’inaction à l’action. Cela nous permet d’atteindre la vacuité/plénitude».

« Comme dans la méditation taoïste nous pratiquons trois mutations : L’essence (Jing) se transforme en énergie (Qi), l’énergie (Qi) se transforme en esprit (Shen) et l’esprit (Shen) se transforme en autre chose encore (Hua). Cette autre chose est la vacuité/plénitude ».

« Après une pratique concrète du Xingyi de forme évolutive (Ziran), le Qi dispersé dans tout le corps est néanmoins concentré dans l’Océan du Souffle (Qihai) et toutes les parties du corps sont coordonnées et harmonisées ».

« L’art du poing consiste à pratiquer l’art du poing. Mais l’art du poing ne le limite pas à la seule pratique puisqu’il est art de vie. Une vie bien remplie c’est également la pratique de l’art du poing surtout lorsque vous ne pratiquez pas celui-ci ».

« L’interne masque la Boxe. Un boxeur d’interne ressemble à tout sauf à un boxeur ».

« Il faut peu de temps pour apprendre le Xingyi de forme évolutive (Ziran) mais beaucoup plus pour le comprendre. Certains au bout de longues années de pratique n’ont toujours rien compris, mais ils n’ont pas totalement perdu leur temps puisqu’ils ont au moins pratiqué. Il est simplement dommage qu’ils fassent perdre du temps à ceux qui souhaitent comprendre ».

« Dans la pratique du Xingyi de forme naturelle (Ziran), lorsque votre main droite va de l’avant, votre main gauche vient vers l’arrière. La bonne sensation consiste à la pousser et non à la tirer, ceci sans précipitation, comme si on dévidait un fil de soie ou on tendait un arc. Lorsque vos deux bras poussent vers l’avant, faites comme si vous poussiez une charrette dans une cote, ce sont les jambes qui poussent et non les bras et encore moins les mains ».

« Renforcer les os signifie se tenir comme une montagne tout en conservant la mobilité d’une branche de saule rouge (osier) ».

« Le premier stage de la mise en application de la pratique est comme un ciseau d’acier qui avance avec force pour enlever l’écorce mais qui tombe avec la légèreté d’un morceau de bambou sec. Le second stade est comme une flèche qui jaillit de l’arc mais qui tombe sans poids comme le vent. Le troisième stade suit le vent et chasse la lune ».

« Dans le Xingyi de forme évolutive (Ziran) le poids du corps ne se répartit jamais également sur les pieds, cela facilite le mouvement et évite le « double poids » et sa rigidité statique. Cela permet également de bien différentier le dur et le souple ».

« La posture San Ti engendre une fondation solide car le pied avant est léger et le pied arrière lourd. Ainsi entre le Yang léger du Ciel et le Yin lourd de la Terre San Ti qui correspond au Tao manifesté dans l’Homme engendre naturellement les Cinq Mouvements. Il suffit de laisser faire le Flux (Taisu) ».

« Le Xingyi de forme évolutive (Ziran) n’est pas compliqué car il est justement naturel. La nature n’est pas compliquée puisqu’elle est naturelle. Elle est donc ni bonne ni mauvaise, elle est ainsi (Ziran Men). Nous recherchons simplement l’harmonie et ne faisons aucun miracle. Il suffit donc de se comporter comme une personne tout à fait normale effectuant un acte naturel et non comme un individu extraordinaire prétendant faire quelque chose de merveilleux. Simplement et naturellement avec la pratique la plus naturelle qui soit la volonté (Yi) et le progrès de persévérance (Kung-Fu) viendront peu à peu ».

« Il est tout à fait possible de pratiquer le Xingyi de forme évolutive pour entretenir sa santé. Plus difficile est de pratiquer l’Art du Poing ! ».

« La pratique est facile (Xingyi), parvenir à un bon résultat l’est moins ».

« Si j’ai à réellement combattre un adversaire d’un coup d’œil j’estime son poids, sa force, sa souplesse et sa détermination. J’essaie de rapidement découvrir son point faible. Je ne me bloque sur rien et ne me laisse pas influencer par un quelconque détail. Je ne prévois rien. En combat réel la meilleure stratégie consiste surtout à ne rien prévoir d’avance. Ce que l’on prévoit ne fonctionne jamais. Ce faisant j’évite de commettre des erreurs et laisse ce soin à l’adversaire. Même si je ne le défais pas je ne suis pas battu. Mais tout combat comporte un risque certain c’est pourquoi je préfère pratiquer (jouer – Shi) avec un partenaire que de m’affronter à un adversaire qui, si je ne le tue pas, deviendra probablement un ennemi ».

« En combat il convient d’observer la distance idéale vous séparant de votre adversaire et de ne pas exposer vos points vitaux essentiels situés sur l’axe central du corps. Protégez votre corps avec vos coudes qui plongent. Soyez mouvant et flexible. Ne soyez pas effrayé de modifier constamment vos tactiques. N’utilisez pas la force. Demeurez calme et vous resterez stable. La précipitation a toujours été l’ennemi de la paix et n’a jamais apporté aucune victoire ».

« La fonction du Xingyi est tout d’abord de conserver une bonne santé et de vivre plus vieux tout en restant plus jeune. En ce fait le Xingyi n’a rien à envier à la médecine par les plantes ou par les aiguilles. La seule différence consiste dans le simple fait que le Xingyi permet, en plus, d’éveiller l’esprit tout en apprenant à se défendre efficacement si nécessité s’en faisait sentir. Rien ne sert de surveiller sa santé avec grande attention si on ne sait pas se défendre et que l’on met cette santé en péril si on est attaqué. Savoir se défendre est une pratique de santé ».

« Le Xingyi de forme évolutive (Ziran) consiste en fait en deux choses essentielles : l’art et sa fonction ».

« Le Xingyi de forme évolutive (Ziran) est essentiellement une forme de méditation active (Zhan Chan) utile tant à la santé qu’à l’art d’autoprotection ».

« le Xingyi de forme évolutive (Ziran) ne vise pas à la destruction car en apprenant à le pratiquer on apprend à ne pas l’utiliser à mauvais escient. Il permet donc de s’opposer à la violence et non de favoriser celle-ci ».

« LeXingyi de forme évolutive (Ziran) est comme le squelette humain, interne. Donc nécessairement utile bien qu’on ne le voit pas ».

« Cela peut sembler une motivation étrange d’apprendre quelque chose dont on espère qu’elle ne servira pas ; mais c’est la vraie valeur de l’interne où le but de la pratique n’est pas d’atteindre un résultat illusoire d’une efficacité théâtrale (Boxe du Théâtre de Pékin) mais de pratiquer un art de vie le plus longtemps possible ».

« Cela révèle la raison pour laquelle il n’y a pas, contrairement à d’autres écoles recherchant cette efficacité théâtrale, de combat dans l’entraînement. Tandis qu’un expert peut rencontrer un autre expert sans le blesser, un débutant ne le peut pas. Bon nombre d’experts ont été blessés par des débutants qu’ils ne voulaient pas blesser ou ont été contraints de blesser des débutants qui voulaient les blesser. Pratiquer pour se blesser n’est pas une bonne pratique ».

« La nature même des techniques de combat du Xingyi de forme évolutive (Ziran) est telle que si elles sont effectuées correctement en combat elles sont dangereuses. Si ces techniques de combat sont restreintes, contrôlées ou déviées de quelque façon que ce soit il ne s’agit plus de Xingyi de forme évolutive (Ziran) . C’est pourquoi nous évitons le combat en entraînement et préférons les éducatifs qui demeurent sans danger. Dans ce cas il ne s’agit plus d’un combat contre un adversaire mais d’un jeu (Shi) avec un partenaire. Même si le jeu comporte toujours quelques risques ceux-ci sont moindres que dans un combat. Le Xingyi de forme évolutive (Ziran) ne consiste pas à prendre des risques et moins encore à en faire prendre à ceux qui pratiquent en confiance ».

« La pratique demeure toujours sous le contrôle de la méditation active. Cela veut dire qu’elle est parfaitement contrôlée. Il en est autrement du combat qui peut toujours échapper à ce contrôle. Mieux vaut donc pratiquer que combattre ».

« Se tenir debout comme un pin dans la montagne et demeurer aussi calme qu’un cadavre jusqu’au moment de l’action qui jaillit avec la puissance de l’éclair ».

« Il ne s’agit pas de penser mais d’agir, pas de retenir mais de faire, pas d’expliquer mais de comprendre. Dans ce cas, l’intention est mobilisée mais l’esprit reste libre et le corps sait quoi faire ».

« Si l’externe possède des limites, l’interne n’en n’a pas, pratiquer l’interne est donc sans limite ».

« Kai signifie que les choses grandissent et se déploient, Ho qu’elles se rassemblent et se concentrent. Lorsqu’on déploie on doit penser à rassembler pour obtenir une forme (Xing). Lorsqu’on rassemble on doit penser à déployer pour atteindre une aisance inexprimable et une intention (Yi) inépuisable ».

« L’Externe (Waijia) consiste à pratiquer les formes (Xing), l’Interne (Neijia) à mobiliser l’énergie (Qi) ».

« Il est important que le travail théorique non seulement suive le travail pratique mais aussi le précède ».

« Le Métal est le seul des Cinq éléments dont le principal usage est à la fois de protéger et de donner la mort ».

« Il n’y a pas de règles établies pour battre un ennemi. La seule règle utile pour battre un ennemi consiste à ne pas avoir de règle. C’est pourquoi nous ne considérons pas le partenaire comme un adversaire qui pourrait devenir un ennemi. Le partenaire doit demeurer un ami ».

« La structure corporelle considérée comme une unité fondamentale rassemble sous son autorité quatre parties essentielles constituées de 12 partie interdépendantes. Cette Unité Fondamentale (Tai Yi = Grande Unité) se trouve elle-même directement mise en relation avec les énergies de la Terre (Ti), de l’Etre Humain (Ren) et du Ciel (Tian). Il y en a trois sous la dépendance de la tête : le sommet du crâne, le haut du visage, la partie située sous le creux de la joue. Il y en a trois sous la dépendance du tronc : les épaules, l’épine dorsale, le bassin. Il y en a trois sous la dépendance du membre supérieur : le bras, l’avant bras, la main. Il y en a trois sous la dépendance du membre inférieur : la cuisse, la jambe, le pied. Il existe des liaisons entre ces parties ainsi la main est liée au pied, le bras à la jambe, les épaules au bassin. Le genou, le coude, la colonne vertébrale permettent de réunir ces liaisons qui, ainsi, retrouvent leur unité tout en conservant leur liberté. Unir et séparer (Kai Ho) est le but de cette pratique qui rejoint ainsi ce que propose l’alchimie interne (Neidan). Le coude sépare le bras de l’avant bras mais unit l’un et l’autre dans un mouvement rendu possible par sa présence. Un bras sans coude constituera une unité mais une unité sans mouvement. Lorsque Trois (San) et Un (Yi) s’unissent harmonieusement le mouvement devient alors possible. Le Xingyi de forme évolutive consiste donc à retrouver son unité tout en conservant la mobilité ». « Dans un premier temps, correspondant au stade ordinaire le Qi ne fait que circuler. Il va des épaules aux doigts, il va des cuisses aux orteils, il va du coccyx au sommet de la tête. Dans un second temps, correspondant au stade évolutif ou naturel (Ziran ou Tseujan) le Qi pénètre dans la profondeur. Il parvient jusqu’au Tantien (centre inférieur) puis enveloppe le corps tout entier. Dans un troisième temps, correspondant au stade extraordinaire, le Ciel permet la libre utilisation du Qi ».

« Pour comprendre le Xingyi il faudrait étudier jusque dans les moindres détails comment ses formes s’engendrent nécessairement à partir d’elles-mêmes sans recours à des formes qui leur sont extérieures ».

« Lorsque vous pratiquez le Tao n’est pas loin, il est dans le corps, il est en vous, il est vous. Ne perdez donc pas de temps à le rechercher ailleurs ! ».

« Il est important que le travail de la théorie non seulement suive le travail pratique mais aussi le précède ».

« Lorsque le Yin est calme et le Yang contrôlé la compréhension (Jingshen) est globale ».

« Le Souffle essentiel ( Jing Qi) Shao Yang de la Terre monte comme un nuage (Yun), le Souffle spirituel ( Shen Qi) Shao Yin du Ciel descend comme la pluie ».

La Pierre tombale de Guo Yunshen à Shenzhou

Guo Yunshen

En octobre 1932 (21 ème année de la république instituée en 1911) Wang Xiangzhai et ses élèves sont revenus sur le territoire du district Shen, au sud de la province du Hebei, dans le bourg de Dong’Anzhuang, près de Heng Shui, pour nettoyer la tombe du maître Guo Yun Shen et ériger une pierre tombale. A cette occasion, une épitaphe a été écrite (peut-être par Wang Xiangzhai lui-même sous un nom de plume « Lian sou qing xu zi », qui se traduit ainsi « le Gentilhomme au Lotus, l’Homme pur et vide »).

Estampage du haut de la pierre tombale de Guo Yunshen à Shenzhou

Sur la pierre tombale de Guo Yunshen à Shenzhou

Li ú fang : laisser une bonne réputation Mín guó ershi yi nian shi yue gu dàn : un beau matin d’octobre de la 21 ème année de la République populaire. Quán fa dà shi Gu o Y ú n Sh e n xi ansheng zhi mù : Tombe du grand maître de l’Art du Poing, monsieur Guo Yun Shen. Zhòng mén xià jí zhu tóng rén deng jìng lì : Erigée avec respect par tous ses élèves et collègues. Shòu : Longévité

Texte originel en Pinyin Zimu de l’épitaphe de Guo Yunshen (Kuo Yun Shen) le Maître de Wang Xiangzhai

quan shi yun shen guo gong shen xian dong an zhuang cun ren sheng ping shang yi xia xi quan bang xun shi fang you jiao you ji bian yan nan si de yue wu mu liu he yi quan quan pu jian lian chuai mo shen de yi quan mi ao si fang zhi wen ming er zhi zhe yi jing bi shi mo bu gan bai xia feng xian gui men qiang dang ri zhi de yi lin xi yi yi lei jie neng yue neng fei gao chu shao lin wan wan di yi ti chang yan ren zhi ling yi quan ling shuang chui chi jiong xi bu huo fen yi ying chi ji zi pi tai jiao guan ru meng ge jie wei ren fen shen ti chang yu ti cao jiu tao zhong tian she wu lin yi quan yi ke guo jia wu shi ze wei xue xiao jian nan you shi ji jiang chang ying liu qiang guo ji chu qi zai zi si yu zi zhe ji men zhu ren ge juan zi shi shu bei biao mu zheng wen yu yu yin di bi zhi zhi yi zhi bu xiu lian sou qing xu zi zhuan bing shu

La traduction de l’épitaphe Le Maître de l’Art du Poing, monsieur Guo Yun Shen, originaire du bourg Dong’Anzhuang, situé dans le district de Shen, a vénéré toute sa vie la justice et l’esprit chevaleresque, et a aimé profondément le poing et le bâton. Il a cherché les maîtres, visité les amis, voyageant dans tout le nord du Hebei. Il a hérité du manuel du Liuheyiquan (« poing de l’Intention et des Six Harmonies ») de Yue Fei. Il l’a simplifié et approfondi, comprenant le secret du Poing de l’Intention. Des visiteurs ont été attirés par sa réputation des quatre coins du pays. Après avoir combattu avec lui, ils ont tous reconnu leur défaite, et sont devenus ses élèves. En peu de temps, ceux qui ont étudié avec lui les écailles et les plumes ont pu bondir et voler, mille fois mieux que Shaolin. On a promu son art, mais les hommes doués manquent dans la région. C’est pourquoi le Poing de l’Intention touche à sa fin et ne déploie pas ses ailes. A cette croisée des chemins, que les grands esprits s’appliquent à promouvoir le Poing de l’Intention et à l’intégrer comme discipline au sein du vieux système sportif et martial. Quand le pays est en paix, cela peut renforcer la santé des hommes. Au contraire, s’il est en guerre, cela peut servir sur le champ de bataille. La base d’une armée solide et d’un pays puissant est là. Ses élèves et ceux qui défendent cette idée ont tous donné de l’argent pour ériger la pierre tombale et décorer la tombe, et on m’a demandé cette épitaphe, alors j’ai nettoyé mon pinceau, et je l’ai écrite pour les siècles des siècles. Ecrit (et calligraphié) par le Gentilhomme au Lotus, l’Homme pur et vide.

 

WANG XIANGZHAI (Wang Xiang Chai ou Wang Yu seng) :

Wang Xiangzhai ou Wang Hsiang Chaoi 1885 1963

Wang Xiangzhai ou Wang Hsiang Chai (Wang Yuseng) Wang Xiangzhai (Wang Yuseng) (24/11/1885- 12/07/1963) est né au village de Weilen (Wei Jia Cun), dans le comté de Shenxian de la province de Hebei. D’assez faible constitution il suivit assez tôt l’enseignement du fameux Guo Yunshen, surnommé Fo Junsha, successeur de Li Laoneng ( Li Loneng, Li Luoneng, Li Nenjan), de la forme dite « naturelle »ou mieux « évolutive » (Ziran ou Tseujan) du Xingyiquan.

Par la suite il voyagea près d’une dizaine d’années en Chine afin de pratiquer divers styles d’externe et d’interne dont le Tao-Yin Fa de l’Ecole du Lingbaoming. Vers les années vingt il s’installa à Shanghai où il créa sa propre méthode qu’il nomma Yiquan (I Chuan) ou « Poing de l’Intention ». Par la suite, au début des années quarante, il décida d’ouvrir un autre cours à Pékin et il fit alors référence, pour diverses raisons, au Dachengquan (Ta Tcheng Quan) ou « Poing du Grand Accomplissement ».

Ces deux méthodes cohabitèrent donc naturellement puisqu’il utilisait indifféremment l’un ou l’autre terme en fonction de l’orientation de son cours. Yiquan se référait plus à la forme léguée par Guo tandis que Dacheng prenait plus en compte une forme de synthèse entre divers éléments incluant des principes de Taijiquan (Poing du Grand Faîte) et de Baguazhang (Paume des Huit Trigrammes). Comme de nombreux enseignants chinois, Wang Xianghai, faisait évoluer son enseignement en fonction des pratiquants auxquels il s’adressait. Tantôt celui-ci était très martial, Wang se révélant un redoutable combattant, tantôt il était plus axé sur les pratiques de santé ou d’éveil de tendance taoïste puisqu’il transmettait à certains la pratique du Tao-Yin Fa (Daoyinfa) du Ling Pao Ming (Lingbaoming), tandis que d’autres n’étudiaient que la pratique du Zhanzhuang (posture statique correspondant à « embrasser l’arbre »).

Wang Xiangzhai ou Wang Yusen 1964

Photo de Wang Xiangzhai en 1964, donc deux ans avant son décès. Visiblement il ne pratiquait pas QUE la Posture de l’Arbre !

A l’instar de l’Aïkido du Maître Ueshiba, la pratique et l’enseignement de Wang Xiangzhai étaient très évolutifs et ce qui était vrai à une certaine période ne l’était plus à une autre. Ce qui fut toujours difficile à accepter pour certains de ses « anciens » persuadés d’avoir étudié « à la bonne période » et refusant ainsi certaines évolutions ou, au contraire, certaines involutions dues aux circonstances historiques. A partir de 1949 Wang Xiangzhai, dont certains des élèves avaient quitté la Chine, enseigna officiellement en fonction des circonstances tantôt un art de santé se référant purement et simplement au « Qigong » (Chi Kung), tantôt une pratique sportive, tantôt un art martial quand celui-ci fut à nouveau autorisé.

Mais il dut généralement oublier les références au taoïsme qui faisaient la particularité de son enseignement avant la révolution. De ce fait la plupart de ses élèves, qui furent très nombreux, n’entendirent jamais parler de cette partie de son enseignement. Wang Xiangzai eut une immense importance sur le renouveau du « Qigong » en République Populaire de Chine et ce n’est qu’assez récemment que l’on redécouvrit sur le continent l’autre version plus « martiale » de son art. Il mourut le 12 juillet 1963 à Tianjin. Il repose dans le cimetière très officiel de Wanan dans les Collines Parfumées non loin de Pékin, cimetière réservé aux Membres et Hauts Dignitaires du Parti et aux célébrités, un peu le compromis entre Arlington et le Père Lachaise.

Préceptes de Wang Xiangzhai ou Wang Hsiang Chai

Recueillis, notés et traduits par Wang Zemin (1909 2002) entre 1939 et 1949.

« Les Cinq éléments de notre méthode naturelle (Ziran) représentent simplement cinq principes symboliques mis en application dans le mouvement et en combat, non une méthode figée et encore moins des enchaînements complexes. Je me souviens à ce sujet de l’enseignement magistral de mon dernier maître (Guo Yunshen) à propos de ces cinq mouvements : Le métal correspond à ce qui transforme les os et les muscles en quelque chose d’aussi dur que le diamant qui, ainsi, peut rayer l’acier mais qui en même temps protège comme une armure ou un bouclier. Il s’agit d’une force purement minérale, presque cristalline située sur l’extérieur du corps. Le bois se réfère à la force protectrice d’un arbre et à se capacité de croissance et de flexibilité. C’est aussi la capacité de saisir et projeter. Le feu correspond à une force réflexe d’un membre qui se retire brutalement et vivement lorsqu’on va se brûler ou à l’explosion d’un canon (Pao). La terre est la stabilité, l’équilibre, ce qui absorbe et ce qui produit. L’eau est la souplesse de la fluidité, ce qui se retire et qui est insaisissable. Cela est très simple à comprendre plus difficile à mettre en pratique. En utilisant ces Cinq éléments il convient d’agir et non de réfléchir car, dans le cas contraire, en combat, il est à peu près sur que l’on prendra un coup avant d’en donner un. C’est pourquoi l’Esprit (Shen) reste libre alors que l’Intention (Yi) est mobilisée dans l’élément (Xing). Dans ce cas les Cinq éléments deviennent un redoutable moyen d’agir sans chercher pour autant à intervenir. Le maître Guo utilisait sa fameuse paume dévastatrice, correspondant au bois, dans cette optique particulière ».

« Lorsque l’on veut pratiquer l’Art du Poing, il convient de se poser sérieusement la question suivante : quel est le but précis de ma recherche ? Lorsqu’on est conscient de ce but, on parvient plus certainement à un résultat. La plupart des pratiquants souhaitent pratiquer l’Art du Poing dans deux buts. Le premier est de maintenir le corps en bonne santé, le second et de pouvoir se défendre. Une bonne santé est essentielle à la plupart des activités de la vie. Une bonne santé est donc plus importante que d’apprendre quelques trucs pour se défendre. Mais il ne faut pas négliger ce dernier aspect pour autant. Se protéger lors d’une agression c’est aussi protéger sa santé. Trouver une bonne méthode qui allie ces deux aspect est donc très important. Si l’on pratique d’une façon correcte une méthode éprouvée, dans ce cas, et sur ces deux plans, les bénéfices seront immenses. En pratiquant dans l’erreur il est par contre possible d’une part d’affaiblir le potentiel de santé et d’autre part d’être leurré sur la capacité que l’on a de riposter efficacement à une agression. Dans les deux cas cela est préjudiciable. Chaque mouvement doit donc être en accord avec deux principes : maintenir et affermir la santé et permettre une défense efficace et utile ».

« Dans la vie de tous les jours celui qui pratique se doit d’être toujours bien présent tant dans sa posture que dans son équilibre. Qu’il soit assis, debout, couché, qu’il se déplace il doit considérer ceci comme faisant partie intégrante de sa pratique».

Sur la pierre tombale de Wang Xianzhai au cimetière Wunan près de Pékin :

devant : Tombe du grand maître de boxe Wang Xiang Zhai, notre maître défunt Le créateur du Yi Quan et du Da Cheng Quan Ses disciples et collègues l’ont érigée avec respect Ecrit par son disciple Li Jian Yue dit Guang Huai

derrière : L’épitaphe de monsieur Wang Xiang Zhai Le prénom de monsieur Wang est aussi Nibao. On l’appelle aussi habituellement Yuseng ou Maodun Laoren. Il est né en 1883, dans le village de Weijialin du district Dian dans le Hebei. Il a appris le Xing Yi Quan du grand maître Guo Yun Shen. Monsieur Wang a été entraîneur de l’armée des huit bannières, officier d’état-major de l’institut des entraîneurs de wushu de l’armée de terre, entraîneur de wushu de l’armée de terre au Fujian, et juge principal de la compétition de wushu national à Hangzhou. Il a fondé l’institut du Yi Quan au temple Tai à Pékin

[ temple des ancêtres de la famille impériale, rebaptisé en 1950 « palais des travailleurs du peuple » ]. En 1950, il a assumé des responsabilités au sein de l’Association Sportive de Wushu. Il a travaillé à l’Institut de Médecine Traditionnelle Chinoise à Pékin et à Baoding. Monsieur Wang a beaucoup contribué à la protection de la santé des chinois. Il a visité beaucoup de grands maîtres de wushu et parlé avec eux. Il était très connu en Chine parce qu’il a créé le Yi Quan, prenant le meilleur, laissant de côté le moins bon. En 1963, il est mort à Tianjin de maladie. Il a écrit beaucoup d’ouvrages, par exemple « Quan Dao Zhong Shu » (l’élite de la boxe), « Yi Quan Zheng Gui » (Méthode correcte de Yi Quan), « Quan Xue Yao Xi » (explication de l’étude de la boxe), etc. Beaucoup d’élèves de monsieur Wang ont fondé l’institut du Yi Quan en Chine et dans d’autres pays, par exemple la Grande-Bretagne , les Etats-Unis, la France , l’Allemagne, le Japon, le Canada, l’Australie, l’Argentine, Singapour, le Brésil, Hong-Kong, etc. L’âme de monsieur Wang a été consolée par ses élèves car le Yi Quan a continué avec eux.

Ses enfants et élèves sont [ liste incomplète car certains noms sont difficilement lisibles sur la tombe ] : • Wang Dao Zhuang • Wang Dao Nan • Wang Yu Zhen • Wang Yu Fang • Wang Yu Bai • Zhao Dao Xin • Bu En Fu • Han Xiong • Han Xing Yuan • Zhang Chang Xin • Li Yong Zong • Yang De Mao • You Peng Xi • Yao Zong Xun • Li Jian Yu • Zhang Zhong • Wang Bin Kui • Ze Jing Jian Yi • Yu Yong Nian • Chen Bi • Dou Shi Ming • Kong Qing Hai • Sun Wen Qing • Pang Gui Lin • Li Xing • Zheng Wen • Wang Sheng Zhi • Wang Fu Lai • Wang Shi Chuan • Zhang En Tong • Zhou Zi Yu • Gou An • Wang Ze Min Ses enfants et ses élèves ont construit la stèle pour lui.

Il est à noter que le dernier nom des Disciples porté sur la tombe est celui de Wang Zemin qui a ainsi l’honneur redoutable de cloturer cette liste.

 

SUN LUTANG (Sun Fukuan) le « Maître aux Trois Paumes » :

Sun Lutang ou Sun Fukuan 1859 1933

Sun Lutang ou Sun Fukuan Sun Lutang (Sun Fuqan) (1859-1933) est né à Bao Ding (Pao Ting) dans le nord de la province du Hebei (1859 ou 1860 ou 1861 ?). A l’âge de treize ans, ayant perdu ses parents, seul et désespéré il tenta de se pendre mais fut sauvé in extremis par Li Gueiyan (Ki Kouei Yuan), l’un des principaux disciples de Guo Yunshen, qui le prit sous sa responsabilité et le considéra comme son fils adoptif. Il étudia donc l’art du Xingyiquan avec Li qui, par la suite, le présenta personnellement à Guo.

A dix neuf ans, muni d’une lettre de recommandation de Guo, il se rendit à Pékin pour étudier le Baguazhang sous la direction de Zheng Dinghua (Cheng Ting Hua) qui était l’un des disciples de Dong Haiquan (Tung Hai Chuan), maître incontesté de cette discipline et qui enseignant celle-ci aux officiers de la Garde de l’Empereur. Pendant de longues années il pratiqua de concert ces deux arts internes et à cinquante ans il décida d’étudier le Taijiquan sous la direction d’un maître également très réputé : Guo Weizheng (1849 1920). Par la suite il créa sa propre école de Taijiquan nommée Kaihe Hobu Jia (Ecole des pas rapides dans l’ouverture et la fermeture) dite aussi Ecole Sun (Sunshi Jia). Son autorité et sa compétence dans les trois arts interne lui valut le surnom évocateur de « Maître aux Trois Paumes » ou « Maître des Trois Excellences » .

Fin lettré, poète, calligraphe, cavalier émérite et tireur à l’arc extraordinaire il laissa à la postérité trois ouvrages fondamentaux sur le Xingyiqan (Xingyiquan Xue), le Baguazhang (Baguazhang Xue) et le Taijiquan (Taijiquan Xue) ainsi qu’un travail de synthèse sur l’Art du Poing (Quanshu), le Quan Yi Shuzhen. Il demeure donc l’un des principaux praticiens et théoriciens des Arts Internes et, probablement, celui qui les a conjointement le mieux maîtrisé.

Les préceptes de Sun Lutang

« Le Tao incorpore l’Univers et est la fondation originelle du Yin/yang . Dans l’Art Interne du Poing le Tao incorpore l’Interne (Neijia) incluant le Xingyi, le Bagua, le Taiji. Ces trois formes s’expriment différemment mais leur principe est identique ; tout y commence et y finit par la vacuité. C’est pourquoi le Qi originel (Yuanqi) y est présent. C’est ce qui fait que le ciel soit bleu, la terre paisible et rend possible l’achèvement (Dacheng) de l’Etre Humain. L’Interne est, ainsi, naturellement, en conformité avec les enseignements de Confucius, le Lao Tseu et du Bouddha. J’ai toujours entendu dire que l’Art du Poing de Style Interne représente parfaitement le Tao mais je ne l’avais pas bien compris jusqu’à ce j’étudie les principes secrets qui motivent l’obtention de la vacuité/plénitude (An Ching). Dans notre pratique nous combinons le lourd et le léger, le lent et le rapide de manière à respecter le principe explicite de la nature (Ziran Men) (littéralement « ouvrir la porte du naturel »). L’art du poing est difficile à pratiquer au début mais devient peu à peu de plus en plus facile. Vous pratiquez réellement lorsque vous n’avez plus conscience de pratiquer mais d’agir naturellement ».

« En pratiquant l’Art Interne du Poing nous avons pour but de consolider notre santé, d’améliorer notre condition physique, d’accroître la capacité d’autodéfense, d’éveiller l’Esprit et, éventuellement, d’agir sur le cours du destin ».

« Retrouver la racine de l’Interne grâce à la pratique c’est parvenir à l’Energie originelle du Ciel Antérieur (Xian Tian). Cette racine n’est pas seulement la base ou la fondation c’est aussi et surtout la source où la vie est sans limite, comme un torrent éternel sans origine. Pour que la vie coule d’elle-même il faut purifier sa source. Pour que le tronc soit solide il faut consolider la fondation. Pour que les rameaux fleurissent il faut alimenter les racines. Voilà en quoi réellement consiste le principe du naturel (Ziran) ».

« Seul celui qui, à chaque cycle respiratoire (Huxi), se fond dans le Tao peut pénétrer dans le mystère de l’Art du Poing ».

« L’Esprit (Shen) provient du cœur et est l’expression de la Loi Céleste. Il se répand dans tout le corps et parvient jusqu’au bout des doigts. De la même manière la pulsion du Qi parvient jusqu’au bout des doigts. Pendant la pratique le Qi doit se répandre graduellement tandis que la pulsion est continue. La pratique consiste donc à faciliter la circulation de l’Esprit en libérant celui-ci et à diriger le Qi en respectant sa pulsion ».

« L’Art Interne du Poing ne consiste pas uniquement en des exercices superficiels mais dans une pratique qui permet le perfectionnement de l’Etre Humain et la consolidation de sa santé. Ce perfectionnement concerne la culture et le développement de la force interne et est omniprésent tout au long de la vie et ceci jusqu’à un âge très avancé ».

« Grâce à la pratique de l’Art Interne du Poing le sage comprend mieux la cause de la mauvaise circulation de l’énergie vitale. Il suit donc le Tao pour se perfectionner lui-même et accroître sa santé. C’est le principe essentiel qui unit tous les systèmes de l’Art du Poing (Quan Shu) et non pas quelques affinités entre les formes et les mouvements. La Tao est la pulsation (Taisu) du Qi Unique (Tai Yi) du Faîte Suprême (Taiji). En demeurant en posture Wuji (« Infini ») il faut chercher à atteindre l’état de vacuité/plénitude et revenir à la source de l’Etre. C’est le seul moyen de restituer le Qi originel (Yuanqi) du Ciel Antérieur (Xantian). Le Qi originel est serein et parfait, il se trouve au Centre et demeure indifférent à tout. Cette position et cette recherche permettent de concevoir tout l’existant sans bouger. Telle est la posture nommée Wuji qui engendre le Taiji. Le Maître Li Dongyuan dit que l’Etre Humain en partant du vide (Xiu Wu) donne naissance à l’Esprit, le Shen, qui s’accumle et produit l’Essence, le Jing. C’est ainsi que le vide fait naître l’existant. En cultivant le Jing on enfante le Qi. En cultivant le Qi on donne naissance au Shen. En cultivant le Shen on engendre le vide à partir de l’existant. C’est là le vrai Tao de toutes les méthodes de l’Art du Poing ».

« La force réelle de l’Art Interne du Poing réside dans le simple fait qu’elle ne se limite pas uniquement dans la possibilité de l’utiliser en combat ».

« L’étape initiale de la pratique de l’Art Interne du Poing c’est le vide dépourvu de forme (Wuji). Le processus s’achève dans les multiples manifestations du Faîte Suprême. Au fond il convient donc de se baser sur Wuji (l’Infini) et de comprendre les multiples possibilités de l’Esprit (Shen) dont les mutations (Yi) ne connaissent pas de limite ».

« Pour parvenir à un résultat il suffit de pratiquer régulièrement. Le succès est le résultat de cette pratique régulière et d’elle seule. Il n’y a aucun autre secret et il ne faut escompter aucun autre miracle. Le secret de la pratique réside dans la pratique. Et voilà qu’un jour on arrive à comprendre l’essence de tout ce qui existe. Les yeux retrouvent leur don de voir et le cœur le don d’éprouver des sentiments. Le succès est garanti à celui qui s’entraîne régulièrement avec sincérité et sans détour. Et, ma foi, ce ne sont pas des vaines paroles ! ».

« L’étude et la pratique de l’Art Interne du Poing est un moyen efficace pour comprendre et réaliser l’essence du Yijing (Yi King ou I Tching). La pratique établit des liens naturels entre la Terre et le Ciel en assurant la bonne circulation du Qi et en favorisant ses mutations ».

« L’art Interne du Poing n’est pas uniquement une pratique solitaire puisqu’elle permet de se retrouver entre pratiquants passionnés. Il constitue donc réellement une partie intégrante de la culture et de la société. Lorsqu’on pratique le groupe est uni par les techniques de l’Art du Poing qui est un art à part entière et un moyen privilégié de prévenir les maladies et de prolonger la vie ».

« Pour les sages de l’Antan, le Tao c’est la pulsion du Grand Flux. Le Tao n’est ni grand à l’extérieur, ni petit à l’intérieur. Pour réaliser la pratique il suffit de se conformer à cette pulsion, à demeurer à l’écoute de l’interne tout en tenant compte de l’environnement et des circonstances ».

« L’action du Yin contient en soi le Yang et réciproquement. Ainsi la pulsion du Qi unique est constituée par l’action réciproque du Yin et du Yang ».

« Ji Rang, mon partenaire et mon frère dit que l’Unique naît du néant et n’a pas de base matérielle. Deux Origines (Liang Yi = Tai Yin et Tai Yang) découvrent la Racine de l’Unique tandis que les deux phénomènes (Shao Yang et Shao Yin) et les Quatre Manifestations (Nord, Est, Sud, Ouest) sont inséparables. Ceci fait naître des dizaines de milliers de mouvement et correspond à la vérité. Il convient d’exécuter le Si Xiang (Quatre Symboles – Tortue Noire, Dragon Vert, Oiseau Rouge et Tigre Blanc -) en tenant compte de tout cela ».

« En pratiquant le Si Xiang on met en œuvre quatre principes : le mouvement ascendant de l’Energie (Qi) ; la réalisation personnelle (Cheng), l’engendrement du mouvement (Zhuan) et la coordination dans l’harmonie (He) ».

« Si on respecte la figure du Taiji, le Yang monte du coté gauche et engendre le soleil ; le Yin descend du coté droit et fait apparaître la lune. Quand le soleil se lève, la lune disparaît. Quand la lune se lève le soleil disparaît à son tour. Se soleil et la lune se succèdent mutuellement et engendrent les quatre saisons de l’année. Le sombre et le clair, à leur tour, engendrent la Vertu (De). Ceci constitue donc les changements (Yi) naturels du Céleste et du Terrestre ».

« Les Six Harmonies (Liu He) sont les suivantes : La sensation (Tang) et l’intention (Yi) ; l’intention (Yi) et l’énergie (Qi), l’énergie (Qi) avec la puissance physique (Li). Cela constitue les trois Harmonies internes (Nei He). Les mouvements issus de la ceinture scapulaire (épaules) sont coordonnés avec les mouvements issus de la ceinture pelvienne (hanches) ; les mouvements des coudes sont coordonnés avec ceux des genoux ; les mouvements des mains sont coordonnés avec ceux des pieds. Cela constitue les trois Harmonies externes (Wai He) ».

« Il est nécessaire que le mouvement soit naturel. Il convient donc de passer harmonieusement d’une forme à l’autre. De cette manière l’interne et l’externe agissent et s’unissent dans le Qi unique ».

« Un débutant qui ne connaît pas encore les principes essentiels doit exécuter les formes avec une grande précision. Lorsque le principe est conçu, la forme a moins d’importance. La cohérence et alors parfaite et il ne reste plus qu’à s’exercer ».

« L’art du Poing (Quanshou) est l’incarnation vécue du principe créateur du Tao. Ce principe contient les transmutations de l’Esprit effectuées sous l’influence du Taiji. La pratique de l’Art du Poing c’est le mouvement et le repos, la sortie et le retour, la croissance et la décroissance, la concentration et la dissolution, l’offensive et la retraite. Tout ceci incarne parfaitement les multiples transmutations possibles qui ne connaissent pas de limite. La pratique de l’Art du Poing est donc sans limite ».

« L’Art du Poing c’est la pulsion du Tao. Chaque battement du cœur associe le pratiquant au Grand Vide (Taixu). Cette pulsion embrasse la Terre et le Ciel. En se répandant dans les six directions elle atteint tout ce qui existe. Lorsqu’elle s’intériorise elle atteint le centre du cœur et permet alors l’union avec le vide. Cette union avec le vide dans l’intériorisation n’est possible que dans la quiétude du grand silence ».

« Qu’est-ce que Wuji ? C’est l’état dans lequel se trouve un homme avant d’entreprendre une recherche. La pensée est présente mais non encore structurée. Le Qi unique est encore dans l’état du chaos et son mouvement est indéterminé, ce mouvement provient de l’émotion de l’Univers, il s’élance et tourne sans limite ni mesure. Il croit et diminue sans interruption. L’extérieur (Wai) perd en pratique et l’intérieur (Nei) perd en nutrition, sachant que le Flux va là où il va et ignorant que le flux retourne de là où il est allé. Lorsque ce n’est pas contrôlé cela prend une telle ampleur que le corps se vide et que l’énergie s’affaiblit. Le Yang se transforme en Yin et, en fin de compte, le Yin disparaît. Nous nous retrouvons donc dans l’incapacité de faire quoi que ce soit. Ainsi lorsque dans l’art de préserver la santé la recherche est mal orientée, il y a de quoi s’indigner. Seul l’être réalisé par la pratique sait user du pouvoir du flux et du reflux pour améliorer la nature du corps. Nous pouvons trouver dans les principes du Xingyiquan, du Taijiquan et du Baguazhang une voie pour renouer avec nos origines. C’est la voie du Qi unique qui s’étend et se contracte. Il est indispensable de comprendre l’intérêt de ces techniques de base et de les assimiler par la pratique. Efforcez vous de les travailler jusqu’au plus haut point de leur bienfaisance. Utilisez les pour atteindre le flux du Qi embryonnaire originel harmonieux mais non indéterminé. Si cette recherche est menée correctement, sans déviation, alors les générations à venir seront capable de suivre cet enseignement pour leur plus grand profit mais vous serez également en mesure de prendre conscience de dix mille choses. On dit alors que l’état de Wuji produit Taiji. Le Maître Li Dong Yuan a pu affirmer « L’Etre Humain (Jen) est naturellement vide et ne crée pas l’esprit (Shen). Maintenez l’esprit et créez le Qi. Maintenez le Qi et produisez le Jing ». J’ajouterai : « Cultivez le Jing et transformez le en esprit. Cultivez l’esprit et transformez le jusqu’à la vacuité ». L’idée est que la Voie de l’Art du Poing donne vie aux principes de transformation »

« L’immobilité et la réceptivité définit l’attitude corporelle Wuji. Le mouvement définit Wuji dans sa fonction. Lorsqu’on est immobile la poitrine est complètement vide (Laozi Daodejing 3). L’Esprit n’a pas de place pour la pensée. Les yeux fixes et imperturbables contiennent l’esprit. A l’intérieur il n’y a pas de regard. A l’extérieur ils ne doivent pas regarder. Lorsqu’on se met à bouger, le flux circule naturellement, tournant sans cesse. En même temps il n’y a ni ligne droite, ni ligne courbe ni aller ni retour, ni union ni séparation de l’esprit ou des pensées. « Poitrine vide » et « absence de pensée » sont des principes liés à l’esprit. C’est seulement lorsque le ventre se remplit (Laozi Daodejing 3) et que l’énergie se concentre que nous parvenons à l’état de vide, à la racine du néant. C’est alors qu’il est possible d’engendrer du Qi en partant de Wuji. Ce Qi est comme une brume, comme une nuée (Yun). On ne peut en discerner ni l’épaisseur, ni la densité ni la clarté ou le sombre. La forme est celle d’une averse torrentielle (Yu) comme une giboulée de printemps. On ne distingue pas ce qui est pur de ce qui est trouble. Concernant le combat il est donc impossible de fixer une forme définie et pré-arrangée. Cela se nomme donc l’étude et la pratique de Wuji. Il n’est pas facile de comprendre et d’appréhender ces principes. Mais dès lors que l’énergie du corps en mouvement aura atteint ce haut niveau, vous serez en mesure d’en prendre connaissance et de l’utiliser ».

« Qu’est-ce que la forme Taiji ? Elle est générée par Wuji. C’est la mère du Yin/Yang. Se tourner vers la gauche engendre le Yang. Se tourner vers la droite engendre le Yin. Tourner est le mouvement fluide et continu du flux unique. Taiji est le Qi unique, le Qi unique est Taiji. Nous utilisons le corps pour parler du Taiji et nous utilisons nos fonctions pour parler du Qi unique. Yin/Yang s’engendrent et se dominent mutuellement. Une fois Yin, Une fois Yang. Le Yin devient Yang et le Yang devient Yin. De ce fait le Yin c’est le Yang et le Yang c’est le Yin. Ainsi ce qui est en haut est comme ce qui est en bas puisque l’un descend et que l’autre s’élève. C’est le Qi unique et son mouvement permanent de flux et de reflux. Sans aucun doute c’est quelque chose de vivant qui s’ouvre et qui se referme. Ensemble Yin/yang pivotent autour d’un axe qui est le centre. Ce centre est la base de la vie de l’individu, la source de la transformation. Le Qi du Dantian est le fondement des Huit Trigrammes. Ce Qi est la racine du Ciel et de la Terre, la mère du Yin et du Yang. C’est le Taiji. Ainsi Liang Yi est créé à partir de Taiji »

« La forme corporelle est un ensemble dont aucune partie ne peut être séparée ou confuse. Si l’une des parties se trouve séparée ou confuse alors l’énergie du corps dans son entier entre en disharmonie. La taille et les hanches, les épaules et les coudes sont reliés avec les quatre extrémités qui sont : les dents qui sont les extrémités des os ; la langue qui est l’extrémité de la chair ; les ongles des mains et pieds qui sont les extrémités des tendons ; les pores qui sont les extrémités de la circulation du sang et de l’énergie. Pour rechercher cet effet il convient de contrôler le Qi du cœur et de le faire descendre dans le Dantian (Laozi Daodejing 3). Le corps entier ne doit plus avoir qu’un seul principe ».

« Qu’est ce que la forme Liang Yi ? C’est le principe de contraction et d’expansion du Qi unique engendré de la forme Taiji. La rotation à gauche donne le principe Yang tandis que la rotation à droite donne le principe Yin. C’est le Qi unique qui s’exprime en allant de l’avant. Lorsqu’il y a l’idée d’un déplacement fluide cela donne le principe Yang de Taiji. Il devient le Qi de l’expansion. L’expansion et la contraction trouvent leur voie dans le mouvement fluide. Ce qui est grand n’est pas nécessairement à l’extérieur, ce qui est petit n’est pas nécessairement à l’intérieur. Il importe donc peu que cela soit grand ou petit, ample ou restreint, large ou mesuré. C’est à chacun de décider en fonction de son Qi, se sa force et de sa mobilité. Lorsque le Qi unique se manifeste le Ciel, la Terre et les Dix Mille Etres se manifestent à l’intérieur du corps. Il en va ainsi de l’expansion et de la contraction du Qi unique. Lorsque le Liang Yi se manifeste pleinement le Si Xiang (quatre figures) émerge ».

« En général on a besoin d’être relié à l’au-delà et à l’en-deça, au dedans et au dehors, aux six combinaisons et au Qi unique du Taiji. Les six combinaisons sont : L’esprit (Shen) et la Volonté (Yi) ; la Volonté (Yi) et l’Energie (Qi) ; l’Energie (Qi) et la force (Gong). Ce sont là les trois combinaisons internes. L’épaule et la hanche ; le coude et le genou ; la main et le pied. Ce sont là les trois combinaisons externes. Interne (Nei) et Externe (Wai) ne font qu’un. L’Interne est la poutre maîtresse (faîtière) et l’Externe est le toit. L’externe protège l’interne mais l’interne soutient l’externe. Poutre et toit sont nécessaires à l’unique solidité de l’édifice ».

« Qu’est-ce que la forme Si Xiang ? Liang Yi se constitue d’une partie Yin et d’une partie Yang. Taiji engendre Liang Yi. Si Xiang en est la manifestation qui se symbolise (Xiang) par des traits pleins ou des traits brisés. Yang est plein, Yin est brisé. En ajoutant à chacun un trait plein et un trait brisé nous obtenons Tai Yang avec deux traits pleins ; Tai Yin avec deux traits brisés ; Shao Yang avec un trait plein inférieur et un trait brisé supérieur : Shao Yin avec un trait brisé inférieur et un trait plein supérieur. Ces figures sont la composante de Si Xiang. Ces « quatre figures » ou « quatre symboles » représentent à leur tour le Feu du Tai Yang ; l’Eau du Tai Yin ; le Bois du Shao Yang et le Métal du Shao Yin. Les parties du corps avec lesquelles ils sont en relation sont le Cœur, les Reins, le Foie et les Poumons. En combat cela correspond à avancer, reculer, tourner vers l’intérieur et tourner vers l’extérieur. Intérieur correspond à Shao Yang et à gauche et Extérieur correspond à Shao Yin et à droite. Les Si Xiang sont subordonnés à la Terre. Le centre du Taiji des Si Xiang est la Terre. La méthode pour pratiquer Si Xiang correspond à l’idée de la séparation des quatre saisons et de la saison intermédiaire de Terre qui les réunit pour les harmoniser. C’est réellement la Voie du Qi Unique reliant entièrement ce tout. Vous ne pouvez pas ignorer cela lorsque vous pratiquez ».

 

CHE YI ZHAI ou CHE I CHAI

Che Yizhai ou Che I Chai

Che I Chai, comme Guo Yunshen étudiait sous la direction de Li Nenjan ou Li Laoneng mais contrairement à Guo était d’un naturel paisible et calme. Il refusa de se joindre à une expédition punitive contre une bande villageoise qui avait dévalisé un convoi placé sous la protection de Li et qui, en l’absence de celui-ci, avait été attaqué. De retour de cette expédition le bouillant Guo, couvert de sang, reprocha à Che son attitude de lâche. Celui-ci répondit que les affaires privées de Li ne le concernait pas et qu’il réprouvait la violence. Guo le défia alors en combat singulier et tenta de placer sa fameuse paume. Li l’esquiva et projeta Guo sur le sol face à terre. Li posa sa paume sur la nuque de Guo en lui disant « Cela suffit maintenant ! ». Guo se retrouva bloqué un bon moment et se le tint pour dit. A la suite de cet épisode sanglant Li Nenjan fut contraint de changer de province et de nom. Il n’en continua pas moins ses activités de convoyeur de fonds (Biaoshi).

Les préceptes de Che Yizhai ou Che I Chai

« Le Xingyi est semblable à la théorie de Mengzi (Mencius) qui affirme : « Quand dans le corps il y a pureté et brillance (ou transparence) de l’Esprit (Shen), débarrassé de toute souillure et ayant retrouvé sa lumière innée, le Zhi (Ric 821 signifiant détermination, force d’âme, caractère et correspondant à l’entité viscérale attribuée aux reins) libéré et le Qi (Ric. 485 signifiant souffle, énergie, vitalité, énergie vitale) donnent toute leur mesure et tiennent de la divinité (ou du merveilleux) ». C’est une théorie très importante et qui semble très compliquée à comprendre mais qui se réalise simplement par la pratique ».

« Lorsque vous projetez votre énergie elle doit aller partout jusqu’aux extrémités des doigts, des orteils et même des cheveux. Lorsque vous la concentrez elle revient immédiatement à l’intérieur. Cela est difficile pour un débutant mais au fur et à mesure il doit y parvenir. Cela peut prendre un jour, un mois ou plusieurs années mais c’est l’essentiel (le cœur) de la pratique ».

« Chaque action doit prendre son origine dans la vacuité mais éclate avec puissance. C’est la douceur malléable du Yin qui engendre la vitalité énergique du Yang. Nous allons donc du vide au substantiel. Cela est également vrai en Bagua et en Taiji qui prônent la perfection de cette vacuité aboutissant à la totale plénitude. Les trois écoles internes insistent donc sur la vacuité de l’esprit tandis que Shaolin met d’avantage l’accent sur la force corporelle (Li) ».

« En libérant l’Esprit (Shen) et en concentrant l’intention (Yi) l’Océan du Souffle (Qihai ou Tantien) est mis en mouvement. L’énergie mobilise alors le sacrum puis gagne tout le corps jusqu’aux extrémités. Lorsque vous atteignez l’équilibre dans la stabilité et la mobilisation le Qi originel (Yuanqi ou Yuen Chi) circule alors et s’exprime dans la pulsion Yin/Yang ».

« Pour bien pratiquer le Xingyi il convient tout d’abord de se mettre en accord avec le précepte essentiel du Zhongyong (Invariable Milieu) de Confucius : « Celui qui se perfectionne lui-même embrasse ce qui est juste et bon et s’y attache de toute ses forces. Il l’étudie complètement, se le fait expliquer à fond, le médite attentivement, le distingue clairement et le pratique sérieusement. La vraie perfection est l’œuvre du Ciel ; la faire briller en soi même est le travail (Gongfu ou Kong-Fou) de l’Etre Humain ».

« Lorsque nous pratiquons le Xingyi nous ne nous bloquons pas et évitons toute rigidité tant dans le mouvement que dans le déplacement. Nous agissons toujours avec l’esprit de liberté et en dehors de la contrainte. Il n’existe pas de règle rigides permettant de battre un ennemi et encore moins pour préserver la santé. Quand l’action est naturellement bonne son résultat est naturellement positif et cela seul compte. En dehors de l’art de combat le Xingyi renforce le Qi, rend l’esprit lumineux et subtil, raffine la nature humaine et forge le tempérament. Finalement le corps et ses diverses fonctions physiques, énergétiques, psychiques en profitent sans qu’il soit un instant question de s’opposer à ce qui motive la nature ».

« Après de très nombreuses années de pratique, je puis affirmer que la force acquise après la naissance n’est pas la force la plus utile. La force du Xingyi réside dans la force d’avant la naissance, dans la force embryonnaire. Il suffit de la cultiver par la pratique. Cette force peut ensuite être utilisée de manière inconsciente pour protéger la vie et prolonger celle-ci. Alors l’Art authentique du poing est présent. Le père de cet art, Zhang Sanfeng (Chan San Feng) nous a légué ce profond secret, nous devons le transmettre aux pratiquants authentiques et sincères ».

 

BAI SI YUAN ou PAI HSI HIUAN Bai Si Yuan (Pai Hsi Yuan)

est également un disciple de Li Nenjan, donc frère de pratique de Guo Yunshen.

« La fonction essentielle du Xingyi est d’éviter la maladie et de prolonger la vie dans de bonnes conditions ainsi que le ferait la médecine par les plantes, l’acupuncture ou le massage médical. Un pratiquant assidu doit pouvoir, au delà de soixante dix ans, conserver un corps dynamique et souple et une énergie vitale tonique sans qu’il soit contraint de prendre des médicaments fortifiants ou d’être tout le temps en consultation. Pour beaucoup c’est une économie de temps et d’argent assez considérable. Grâce à notre pratique nous savons donc comment gérer notre respiration et comment mieux utiliser le mouvement (ou rendre le mouvement utile…). Apprendre est facile, le plus difficile est de persévérer dans la pratique…lorsque l’on sait comment faire, faut-il encore faire et continuer de faire. C’est le seul et unique moyen de parvenir à un résultat. « Apprendre est une chose, pratiquer en est une autre »… ne cessait de répéter Li Nenjan. Nombreux sont ceux, en effet, qui cessent la pratique alors qu’ils n’on jamais réellement pratiqué et qu’ils se sont bornés à apprendre un peu par ci, un peu par là, un peu comme ci et un peu comme ça. Au départ il est important de bénéficier d’un bon enseignant qui vous montre non seulement comment pratiquer mais pourquoi pratiquer. Avec un bon enseignant sept ou huit pratiquant sur dix continueront la pratique mais sur cent pratiquants il n’existe probablement qu’un seul bon enseignant potentiel ».

 

SUNG SI JUNG Ou HSUNG HSI JOUNG Sung Si Jung

(Hsung Hsi Jung ou Sung Hsi Jung) est également un autre élève de Li Nenjan.

« Tous les mouvements et toutes les postures du Xingyi tel que l’enseigne Li Nenjan sont très simples. Dans l’utilisation ces mouvements et ces postures peuvent malgré tout se transformer dans de multiples combinaisons. Ainsi un petit nombre de techniques peut produire de multiples applications. Dans cette méthode de Xingyi nous commençons les exercices par les « Cinq Formes » (Wuxing). Ces « Cinq Formes » permettent de coordonner de multiples actions utiles tant pour préserver la santé que pour combattre. L’action doit alors se dérouler de la manière la plus fluide et la plus libre afin que l’énergie puisse se manifester pleinement. Cette sorte d’exercice est en soi un art authentique et unique. A un certain niveau il permet de cultiver pleinement l’esprit tout en demeurant très utile pour se défendre ou éviter la maladie. Dans cette pratique il est important de retrouver la respiration du Ciel Antérieur ou respiration embryonnaire. Lorsqu’on retrouve cette force prénatale elle ne peut que renforcer la force acquise après la naissance de manière à renforcer la santé, accroître la vitalité et protéger son intégrité physique et morale en cas d’agression. Le Xingyi est donc à la fois un art de combat utile pour protéger la vie et une pratique taoïste utilisée pour prolonger la vie. Il convient donc de savoir différencier l’art et sa fonction et de ne pas se limiter aux apparences. Le Xingyi sert à paver le chemin pour retrouver l’énergie prénatale et pour aboutir à une longue et heureuse vie ».

 

KENICHI SAWAI ( 1903 -1989) : L’homme Droit (Gishi) venu du Japon

Kennichi Sawai 1903 1989

Kennichi Sawai

Guo Yunshen affirmait « l’interne masque le boxe, un pratiquant d’interne ressemble à tout sauf à un boxeur « . Cela fut à l’origine de l’aventure survenue, pendant la dernière guerre sino-japonaise, à un officier japonais nommé Kennichi Sawai. Expert dans différents Budo, dont le Judo, le Karatedo, le Kendo, l’Iaïdo (sabre) et le jodo (bâton, il passait le plus clair de son temps à rechercher les Chinois se prétendant maîtres dans l’art du poing et à les défier. Le plus souvent avec succès. Il entendit parler qu’un expert très réputé du nom de Wang Xiangzhai (Wang Hsiang Chai) transmettait une tradition qui lui avait été léguée par le fameux Guo Yunshen (Kuo Yun Shen ou Fo Junsha).

Il décida donc de le rencontrer et de lui lancer un défi. Wang, bien évidemment, ressemblait à tout sauf à un « boxeur » et, suivant Sawai, « ressemblait à un fonctionnaire, était insignifiant et marchait comme un canard ». Sawai lui proposa donc de se mesurer à lui. Wang n’était pas très rassuré car combattre un officier représentant une troupe d’invasion pouvait être source de graves problèmes, les Japonais ne se montrant pas tendres avec la résistance chinoise. Sawai lui promit l’impunité et lui donna sa parole que quoi qu’il advint, Wang ne serait pas inquiété. Wang, à contre cœur accepta donc le défi. Il salua courtoisement Sawai qui lui rendit son salut et attaqua immédiatement.

Une fraction de seconde après Sawai se retrouvait à plusieurs mètres sur le sol sans avoir rien ressenti de particulier. En tant que « professionnel » il admit que quelque chose d’anormal venait de se produire. Il proposa donc à Wang de se mesurer avec des armes afin de vérifier si celui-ci était réellement aussi fort qu’il le pressentait. Wang, toujours prudent, refusa…mais dit à Sawai qu’il pouvait utiliser son Bokken. Le Bokken (littéralement bâton (Bo) sabre (Ken) ou bâton en forme de sabre et plus précisément de lame de sabre) est un sabre d’entraînement en bois très dur qui peut se révéler une arme tout à fait mortelle. Miyamoto Musashi (1584 1545), le peintre-escrimeur japonais, auteur du Gorin No Sho (Ecrit sur les Cinq Roues) avait tué, en duel, plusieurs de ses adversaires avec un simple Bokken.

Sawai se mit en garde et, suivant son habitude, attaqua immédiatement après avoir salué Wang. Il se retrouva, une fois encore, sur le sol à plusieurs mètres tenant en main la poignée de son Bokken brisé. Wang l’aida courtoisement à se relever et Sawai ébahi le laissa faire, promettant, à l’avenir de faire quelque peu attention. Les deux hommes se séparèrent en bons termes et Wang ne fut pas inquiété. Après la guerre Kennichi Sawai revint en Chine pour devenir le disciple de Wang Xiangzhai dans l’art du Xingyiquan de forme naturelle et transmit cet héritage au Japon sous le nom de Taikiken. Il mourut il y a quelques années, mais au cours de sa carrière « martiale » au Japon, il fut également défié par d’autres Japonais et quelques Occidentaux qui, probablement, trouvaient qu’il ne ressemblait pas assez à un « boxeur ».

Ils finirent tous par aller examiner les aiguilles de pin de très près, soit dans les branches basses, soit au sol mais aucun d’entre eux ne fut jamais sérieusement blessé. Sawai cultivait sa rectitude dans le Zen debout (Ritsu Zen) que Wang Xiangzai nommait Zhanzhuang. Pour les Japonais l’épithète d’ « Homme Droit » (Gishi) est considérée comme supérieur à tout titre honorifique que l’on puisse décerner tant à un militaire qu’à un civil. Sawai aimait à citer ce qu’enseignait le Bushido ( « Voie Chevaleresque » ensemble de préceptes destinés aux Samouraï et repris par Inazo Nitobe dans un ouvrage qui porte ce nom et qui fut publié au Japon à la fin de l’ère Meiji) :

« La rectitude est l’ossature principale qui assure la fermeté et permet de se tenir debout et droit. Sans épine dorsale la tête ne pourrait se maintenir, ni les mains se mouvoir, ni les pieds supporter le corps. Ainsi sans la rectitude, ni le talent, ni le savoir ne peuvent faire d’une carcasse humaine un chevalier. Si l’on cultive sa rectitude le talent et le savoir sont secondaires ».

Nous verrons, plus tard, que ce fameux Bushido fut, en partie, construit et structuré à partir des travaux de Wang Yang Ming, connu au Japon sous le nom de O’Yomei, car ils influencèrent profondément les premiers Shogun (Gouverneurs militaires) dans la recherche d’un idéal politique qui faisait alors défaut à la classe dirigeante nipponne.

Peu de temps avant sa mort le Maître Sawai pratiquait encore cette posture chaque matin dans un parc où il se vantait d’être « le premier arrivé et le dernier parti ». Il pouvait demeurer, ainsi, plusieurs heures dans cette posture de l’arbre en expliquant qu’il pouvait contrôler le moindre de ses muscles et éviter, ainsi, la tétanie tant redoutée par ses disciples. Puis, le mouvement jaillissait, totalement dépouillé. L’efficacité de Sawai était proverbiale et cela lui valut d’entretenir d’excellents rapports avec des karatékas haut gradés de l’école du Kyokushinkai de Matsutatsu Oyama qui étaient réputés pour combattre au K.O. à frappe réelle et sans protection.

Lorsqu’un combattant de cette école était un peu trop confiant dans ses capacités, il était presque devenu une tradition de l’emmener rendre une petite visite à Sawai afin de lui faire perdre ses illusions. Plusieurs experts hauts gradés européens comme Ian Kallembach ou Jon Blumming pratiquèrent également sous sa direction, l’un comme l’autre mesurant près de deux mètres et pesant largement plus d’un quintal. Du haut de son mètre soixante et de ses cinquante kilos, lorsqu’il était en position basse, Sawai leur donnait encore du fil à retordre à plus de soixante dix ans.

Wang Tse Ming (Tai Ming Wong) rencontra Kennichi Sawai peu après la fin de la guerre. Comme cela se faisait généralement entre les disciples du même maître, en l’occurrence Wang Xiangzhai, ils échangèrent leurs connaissances. En échange de techniques d’externe, particulièrement dans la pratique de la « Mante Religieuse des Sept Etoiles du Nord » qui était un héritage de la famille Wang de Yue, Sawai put transmettre à Wang des techniques liées au Iai-do (sabre japonais) de l’école du Muso Shinden Ryu et d’anciens Katas de Judo créés par Jigoro Kano, le fondateur du Kodokan. Particulièrement la forme ancienne du Kime No Kata alors connue sous le nom de Shinken Shobu No Kata (Kata de combat) ; le Koshiki No Kata (Kata des Anciennes Chroniques ou Kata Antique) qui se pratiquait jadis en armure… Ce qui ne l’empêchait nullement de contenir des enchaînements aux noms très poétiques : – Tai Taiso (Flux et Reflux du Corps) – Yume No Uchi (Comme dans un rêve) – Ryoku Hekii (Contrôle de l’Energie) – Mizu Guruma (Roue du Moulin à Eau) – Mizu Nagare (Reflet dans l’Eau qui court) – Hiki Otoshi (Tirer et laisser choir) – Ko Daoré (Tronc d’Arbre Gisant) – Uchi Kidaki (Mortier et Pilon) – Tani Otoshi (Chute dans la Vallée) – Kuruma Daoshi (Roue Projetée) – Yu Dachi (Orage d’un soir d’Eté) – Taki Otoshi (Chute d’Eau) – Mizu Iri (Laisser couler l’Eau vers le bas) – Riyu Setsu (Poids de la Neige sur le Saule) – Saka Otoshi (Glisser sur la Pente) – Yuki Ore (La Branche qui Fléchit) – Iwa Nami (La Vague sur le Rocher)… et surtout le très ésotérique Itsutsu No Kata (Kata des Cinq Principes) qui, selon Jigoro Kano, contenait toute l ‘essence secrète du Judo. Kano n’enseignait ce Kata qu’à ses plus hauts gradés.

C’est le Maître Tabata Shotaro, 10eme Dan, qui le légua à Sawai lorsqu’il était sixième dan de Judo. Normalement ce Kata ne contient que Cinq enchaînements dont les noms eux-mêmes étaient considérés comme secrets et n’étaient pas divulgués : – Principe de concentration d’énergie et d’utilisation directe de celle-ci. (Feu) – Principe de retour à l’origine et de non-résistance. (Métal) – Principe cyclique du cercle et du tourbillon. (Bois) – Principe du flux et du reflux dans l’alternance du pendule. (Eau) – Principe de l’inertie du vide. (Terre) Ces Katas « anciens » ne sont malheureusement que très peu pratiqués dans le cadre du Judo sportif et olympique mais impressionnent toujours par leur puissance contenue et la grande impression de « rectitude » (Gi) qui s’en dégage. Ils n’en constituent pas moins, dans leurs rapports avec les « Cinq Eléments », la partie ésotérique, donc interne, du Judo classique.

 

WANG ZEMIN (Wang Tse Ming , Wang Tsö Ming, Wong Tai Ming)

Wang Zemin 1909 2002

Wang Tseming est né le 18/09/1909 à Canton (Guangzhou) au sein d’une famille fortunée qui faisait partie de l’ancienne aristocratie chinoise. Il s’agissait en effet de la famille Wang originaire de Yuyao, district situé dans le comté de Yue (Yueh ou Yao) situé au sud-est de Hangzhou dans la province de Zhe Jiang (Chekiang).

Cette famille comptait parmi ses ancêtres un poète et calligraphe renommé Wang Xichi (Wang Hsi Chih) (321 379) et le fameux Wang Yangming (Wang Yang Ming ou Wang Shu Jen) (Wang Shuren ou O Yomei) (1472 1529), philosophe et homme d’action, fondateur de l’Ecole de la Pureté du Cœur (Xinxue) appartenant au courant des Néo-confucianistes.

Celui-ci ayant été élevé par l’empereur en 1567, à titre posthume, au titre héréditaire de Marquis et à la plus haute distinction impériale de Wen Cheng (Achèvement de la Culture), puisqu’on lui rendait un culte officiel dans le temple de Kongzi (Confucius), la famille Wang de Yue reçut la charge du Comté et le tribut de plus de cent familles. C’est sur le Comté de Yue, à proximité de Hangzhou que se dresse toujours le temple funéraire et le tombeau du fameux général Yue Fei (Yueh Fei, Yuen fei, Yao Fei) (1103 1142), héros national chinois qui est donné comme le lointain fondateur du Xingyiquan (Hsing I Chuan) ainsi que le créateur du Baduanjin (Pa Touan Chin) ou « Huit Précieux Brocards » qui est une pratique énergétique toujours pratiquée de nos jours.

La biographie de Yue Fei (Yue Fei Zhuan) indique que celui-ci, alors orphelin, fut recueilli et élevé par cette même famille Wang. Toujours sur cet ancien comté on trouve un temple dédié à l’alchimiste Ge Hong (Ko Hung) (284 364) sur le sommet du Bao Shi Shan, endroit où il réalisa un élixir d’immortalité (Jing Dan). Mais l’un des endroits les plus étranges de ce comté de Yue demeure la colline Yu Wang (Yu Huang), berceau de la famille Wang (littéralement territoire (Yu Ric. 5899) des Wang) où se dresse un ancien temple taoïste dédié à l’Empereur de Jade. Près de ce temple sont disposées sept monumentales jarres de bronze figurant la constellation de la Grande Ourse (Teou ou Boisseau du Nord) remplies d’eau. En contrebas du temple se trouve un tertre en forme de Taiji entouré de huit champs (Ba Gua Tian) formant les huit trigrammes du Yijing. C’est l’emplacement d’un ancien autel où les empereurs des Song venaient solennellement rendre un culte (La vie quotidienne en Chine J. Gernet p.218 ssq).

Dans cet environnement ancestral très particulier la famille Wang de Yue ne pouvait que détenir et transmettre un héritage à la fois ésotérique, culturel et chevaleresque. Wang Tseming étudia donc tant l’art du poing externe (Waijia Quanfa) familial de la « Mante Religieuse des Sept Etoiles du Nord » que les enseignements particuliers de Wang Yang Ming. En 1939 il se rendit à Shanghai pour étudier le Xingyiquan de forme naturelle sous la direction de Wang Xiangzhai (Wang Xiang Chai ou Wang Yuseng) avec lequel il pratiqua jusqu’en 1949.

A cette date il dut quitter la Chine car sa tête avait été mise à pris sous le seul prétexte qu’il descendait de Wang Yang Ming et qu’il risquait, suivant les nouvelles autorités en place, de reprendre le flambeau des Néoconfucianistes de l’Ecole de la Pureté du Cœur (Xinxue). Il se réfugia donc en France où il demeura jusqu’en 1979 sous le nom de Tai Ming Wong (Wong Tai Ming) qui correspond à son état civil français, son nom ayant été « vietnamisé » sur sa demande. Pendant cette période il continua de transmettre ses enseignements à quelques compatriotes Chinois et à Georges Charles qui travailla sous sa direction de 1970 à 1979. Lorsqu’il décida de se retirer en République de Chine (Taiwan) il légua la succession de cette transmission à Georges Charles (Cha Li Shi).

La forme de Xingyiquan transmise par Wang Tseming et héritée de Wang Xiangzhai est donc, et de loin, la première à s’être durablement implantée en Occident sous la dénomination de Liananqquan (Poing des Générations Circulaires) puis de San Yiquan (Poing des Trois Unités ou Poing des Trois Harmonies)… Il en est de même pour le Tao-Yin Fa (ou Daoyin Qigong) du Lingbaoming qui se fit connaître en France sous la dénomination de « Gymnastique Taoïste » au début des années soixante dix. Mais, Wang Tseming (Tai Ming Wong), suivant la propre appréciation de Guo Yunshen, « ressemblait à tout sauf à un boxeur »…et se chargeait d’une société d’import export ayant pignon sur rue plus que se faire connaître et reconnaître en tant que successeur de Wang Xiangzhai.

Il admettait simplement ceci :

« J’ai été obligé de quitter la Chine et Wang Xiangzhai a été contraint d’y demeurer. D’un coté comme de l’autre nous avons probablement fait ce que nous avons pu et jugé utile pour que notre art puisse se transmettre. Nous y sommes, d’une certaine manière, parvenus de part et d’autre et le reste ne concerne plus que l’histoire ».

A la date de parution de cet ouvrage (Rituel du Dragon) Wang Tseming vivait toujours dans un village de montagne au sud de Taiwan. Wang Zemin est décédé en 2002.

Bien que le nom de Wang Tseming (ou Wang Tsemin, Wang Tsö Ming…) soit présent dans les généalogies chinoises des disciples directs de Wang Xiangzhai ainsi que dans la généalogie publiée par Kennichi Sawai dans « Taikiken Essence of Kung-Fu » (Tuttle) tant dans la version japonaise que dans la version anglaise, il est généralement « oublié » très malencontreusement dans les généalogies publiées en Occident et particulièrement en France. Lorsqu’on est Chinois mieux vaut, en effet, demeurer le plus loin possible en Chine pour rester crédible aux yeux des Français. Le tourisme martial motive toujours plus de monde et de recherches universitaires que la pratique à long terme. Il est, par contre, heureusement cité comme l’un des principaux disciples de Wang Xiangzhai, avec le nom particulier de son Ecole, le Liananquan (Lien Han Chuan), dans «Encyclopédie des Arts Martiaux » de Gabrielle et Roland Habersetzer (Amphora) ainsi que dans l’ « Encyclopédie Mondiale des Arts Martiaux » de Patrick Lombardo (Editions E.M. Paris 1998). Son nom est gravé au dos de la tombe de Wang Xiangzhai et cloture la liste de ses disciples directs et cela suffit amplement.

Les préceptes de Wang Zemin (1909 2002)

Recueillis et notés pag Georges Charles, son successeur en titre, entre 1969 et 1979.

« On peut polir du jade, pas un hérisson »

« Il est au combien difficile de tenter de demeurer taoïste dans un pays qui ne respecte plus même Confucius ». (C.A.D. le minimum des règles de courtoisie et de politesse).

« La pratique se pratique ici et maintenant, le reste n’est que l’histoire ou l’histoire de l’histoire sinon les résidus de l’histoire. La pratique est vivante, l’histoire est morte ».

« Les Occidentaux sont exactement comme les Chinois, ils ont deux yeux et ne voient pas grand chose, ils ont deux oreilles mais écoutent et entendent mal, ils ont deux jambes et deux bras qu’ils ne parviennent qu’à coordonner avec difficulté mais ils ont un seul estomac qu’ils ne pensent qu’à remplir et une seule bouche qui est en perpétuel mouvement ».

« Il convient de se méfier des Occidentaux qui prétendent tout avoir compris de la Chine mais plus encore des Chinois qui prétendent comprendre les Occidentaux. Il convient donc de se méfier quelque peu d’un Occidental qui enseigne des pratiques chinoises à des occidentaux mais plus encore d’un Chinois qui prétend enseigner des pratiques chinoises à des Occidentaux. On a rarement vu, par contre, un Occidental enseigner à des Chinois. Cela se peut mais c’est fort rare ».

« Je ne suis pas un « Maître d’Armes ». Désolé. Lorsque je pratique pour me régénérer je ne peux pas rester des heures debout dans un parc à ne rien faire car, pendant ce temps, mes concurrents téléphonent à mes clients et cela me prend beaucoup de temps par la suite à rétablir la situation. Cette régénération doit donc être rapide et efficace. Donc dynamique ».

« Ce qui s’est passé jadis en Chine est très compliqué. Ce qui s’y passe aujourd’hui encore plus. Ce qui se passe aujourd’hui en cours est par contre très simple : il suffit de pratiquer pour comprendre la pratique et de comprendre la pratique pour mieux pratiquer encore. Le reste est baratin inutile ».

« Il existe trois stades essentiels. Le premier est l’étude de la pratique. Le second est la pratique. Le troisième est l’application de la pratique. On apprend à pratiquer, on pratique, on se réalise dans la pratique. Explication, Implication Application voilà qui est pourtant fort simple ».

« Il existe dans la pratique comme dans toute autre chose l’essentiel, l’important, le secondaire et le superflu. L’essentiel est de pouvoir se rendre du point A au point B. L’important est que le voyage se fasse en sécurité. Le secondaire est que cela ne prenne pas un temps fou. Le superficiel est que cela soit en plus plaisant. Dans une voiture les options sont superflues mais rendent le voyage plus agréable. Elle n’ont jamais réussi à faire voyager plus vite. Dans la pratique ces options rendent celle-ci plus agréable. Tant que l’essentiel est respecté il serait dommage de ne pas se faire plaisir. Malheureusement bien souvent il ne demeure plus que les options dans un véhicule en panne. Dans ce cas il faut retrouver l’essentiel et laisser le superflu ».

« Nos contemporains se méfient particulièrement de ce qui est simple et efficace et préfèrent de loin ce qui est compliqué et inutile. Lorsque cela ne fonctionne pas ils peuvent ensuite se plaindre aux autorités compétentes en évitant de se remettre en cause. Le Xingyi de forme naturelle est simple et efficace puisque son essence est contenue dans cinq mouvements. C’est probablement cela qui complique les choses et plus encore les rapports humains entre les enseignants de cette forme. Comme si la simplicité dans la pratique engendrait les complications entre les enseignants ».

« L’effet importe plus que le moyen. Un coup de poing sans effet n’est rien que gesticulation. Agir avec beaucoup d’effet et peu d’effort vaut mieux que le contraire. Mais sans effort il n’y aura jamais aucun effet. Beaucoup confondent donc manque d’effort et manque d’effet. Restreindre l’effort et accroître l’effet permet une pratique à long terme agrémentée de quelques résultats. Comme disent les commerçants Chinois « il faut commencer les affaires comme un gangster et les terminer en gentleman ». Ainsi ceux qui n’ont jamais pratiqué l’externe avec des voyous finissent donc souvent par enseigner l’interne à des dupes ou à des fripons ».

« Comme disait Guo Yunshen, dans la pratique ou dans le combat, il faut surtout se comporter comme un individu normal effectuant un acte ordinaire et non comme un être extraordinaire faisant des choses merveilleuses. Dans la réalité de l’autodéfense s’imaginer en Samouraï attaqué par des Ninjas à la sortie d’un super marché ou dans un couloir de métro est le meilleur moyen de s’offrir une grave désillusion et un séjour à l’hôpital, dans le meilleur des cas, ou même en prison. Mais ce type de cours se vend toujours très bien ».

« La vie bien que très courte est mouvement et pulsion. Nous aurons par la suite quelques millénaires ou un peu plus encore pour expérimenter, pour notre corps, l’immobilité redoutable du Wuji. Pour l’instant mieux vaut encore bouger. Le mouvement est essentiel ».

« Au lieu d’aimer vos ennemis, traitez donc mieux vos amis. Nombreux sont ceux qui ne sont qu’amour et harmonie et qui ne cessent de dire du mal de leurs propres frères de pratique. Une Voie d’Harmonie, dix fédérations ! »

« Etre en harmonie avec l’univers est chose facile, s’entendre avec son voisin de palier l’est moins »

« Il est difficile d’être aimé lorsqu’on n’est pas aimable ou respecté lorsqu’on n’est pas respectable. Etre aimable et respectable c’est déjà un bon point. Pour un enseignant, plus que pour tout autre encore, cela ne se décide ni par diplôme ni par décret ».

« Dans les affaires travailler est facile se faire payer l’est moins. Vendre n’est qu’un premier stade car il convient, ensuite d’être payé pour ce qu’on a vendu. Mais l’idéal est que le client soit satisfait et revienne avec un ami. Ce qui augure de bonnes affaires tant pour le vendeur que pour le client et même pour ses amis. Un bon client est celui qui vous amêne un ami. Un mauvais client est celui qui vous fait perdre jusqu’à vos amis ». « Quand les affaires ne vont pas bien il faut refaire la vitrine et repeindre le comptoir »

 » Dans le monde des affaires quand tu t’est cassé un bras, cache le dans ta manche et souris »

« J’ai été naturalisé et je me sens un peu, désormais, comme les animaux du Jardin des Plantes, je veux dire ceux qui sont empaillés. Moins libre de mes mouvements ».

« Lorsque je vais manger au restaurant chinois je regarde ce qui est dans l’assiette plus que je ne demande le diplôme de l’Ecole Hôtelière du patron. Lorsque je vais manger au restaurant français le diplôme de l’Ecole Hôtelière du patron est souvent accroché sur le mur. Cela rassure car on sait qu’on n’y mangera pas de cuisine chinoise. On n’est pas là pour ça. Il en va presque toujours de même pour les diplômes concernant l’enseignement de nos pratiques chinoises. Un acupuncteur est un acupuncteur qui peut être un médecin. Un médecin acupuncteur est un médecin qui peut être un acupuncteur. On peut être un bon médecin et un mauvais acupuncteur diplômé. L’un n’empêche pas l’autre » .

« Le diplôme d’enseignant c’est comme une photographie de mariage. C’est un instantané particulier à un moment précis. Avec un lac et des canards. Le mariage c’est autre chose, l’enseignement aussi ».

« La pratique de la fédération en solitaire rend sourd, à plusieurs elle devient nécessairement vulgaire. Les fédérations me font toujours penser à un sex-shop. On peut facilement y assouvir ses besoins et y dépenser son argent. On en sort toujours frustré ».

« J’aime bien la bière chinoise parce qu’elle est toujours brassée en Chine. La bière japonaise est souvent brassée en Belgique. Si j’ai envie d’une bière Belge, je commande une bière Belge. La preuve que les Japonais ne sont pas autant irréprochables qu’ils le prétendent puisque leurs bières ne sont même plus brassées au Japon « .

« Lorsque Tchouang Tseu dit « les poissons sont contents » on peut remplacer les poissons par n’importe quoi. Excepté les Japonais. Simplement parce qu’on ne peut pas savoir lorsqu’un japonais est content. Lorsqu’un Japonais vous sourit c’est peut-être qu’il a l’intention de vous tuer « .

« J’ai commencé ma vie en tant que Comte de Yue sous l’Empire. Je suis ensuite devenu citoyen de la République de Chine. Puis camarade lors de l’avènement de la République Populaire de Chine. J’ai été expatrié et réfugié politique en France sous un nom d’emprunt vietnamien. Ensuite j’ai été naturalisé Français sous ce même nom vietnamien. Je finirai probablement mes jours, faute de mieux, en tant que crapule nationalisto-capitaliste à Taiwan. Cela aura été une vie bien remplie pour un seul homme qu’on aurait, jadis, qualifié de Céleste. On vit une époque compliquée « .

 

ZHANG SANFENG (Chan San Feng) : Le Maître des Trois Pics.

Chan Sanfeng ou Zhan Sanfeng

Chan San Feng ou Zhan Sanfeng et le Dragon du Wudang

Zhang Sanfeng (Chang San Feng) est un maître taoïste qui aurait vécu sur le Mont Wudang durant la dynastie des Song du Sud (1127 1279) et à qui on attribue généralement la paternité profonde des Arts Internes du Poing du Mont Wudang ( Wudang Neijia Quanfa) et, partant, du Taijiquan (Tai Chi Chuan). Plusieurs chercheurs chinois et occidentaux émettent l’hypothèse qu’il s’agit plus d’un être mythique que d’un personnage historique et que les textes qui lui sont attribués sont probablement le fruit d’une œuvre collective plus tardive.

Il existe, par ailleurs, une polémique sur les dates le concernant. Certains le faisant vivre sous les Song, d’autres sous les Ming ce qui renforce cette hypothèse. Il est probable que les Taoïstes aient simplement cherché à contrer la grande influence bouddhiste se manifestant dans les couches populaires chinoises grâce à la fameuse légende de Shaolin et de ses moines invincibles pratiquant l’art du poing. Puisque Shaolin devait sa renommée à Bodhidharma, fondateur du Chan (Zen), d’origine indienne, donc étrangère, ayant trouvé refuge sur le Mont Songshan, il convenait donc de trouver un Maître authentiquement chinois et taoïste, de surcroît, résidant sur un lieu hautement symbolique.

Le Mont Wudang était réputé comme important lieu de pèlerinage consacré à Zhenwu, le « Guerrier Noir Véritable » et on y trouvait de nombreux ermitages consacrés à la fois au Taoïsme et aux arts militaires. La méditation et la pratique taoïste pouvaient alors s’opposer à la méditation et à la pratique bouddhiste. C’est justement suite à l’une de ces méditations que Zhang Sanfeng eut la vision d’un combat entre un serpent et un échassier, le serpent par la fluidité de ses mouvements mettant en échec le reptile. Il en conclut donc l’avantage de la souplesse sur la force et de la fluidité sur le mouvement non continu. Ce qui l’incita à créer une méthode de combat originale où l’accent était plus mis sur l’énergie que sur la force physique et sur l’harmonie plus que sur la rapidité.

Il est amusant de constater que la Boxe de la Grue Blanche du Fujian (Fujian Baihequan) avait, à la même époque, été crée par une nonne bouddhiste qui avait assisté au combat d’un échassier contre un serpent, mais dans ce cas c’est l’échassier qui avait eu le dessus et qui avait servi de modèle. Quoi qu’il en soit, les taoïstes réussirent pleinement la manœuvre puisque le Taijiquan est pratiqué à grande échelle et qu’il existe désormais probablement beaucoup plus de pratiquants d’interne (Taijiquan…) que d’externe (Shaolinshi Quan).

Dans la vision strictement chinoise Zhang Sanfeng est d’ailleurs préféré à Yue Fei (1103 1142), général célèbre et qui fut à l’origine d’une forme de gymnastique énergétique, le « Baduanjin » (Pa Tuan Chin) ou « Huit Brocards de Soie », d’une forme de boxe (« Longue Main de Yue Fei ») et d’une pratique d’arme, la « Lance fondue à un crochet » qui fut à l’origine profonde du Xingyiquan (Hsing I Chuan)…donc du plus ancien des trois arts internes du poing. Mais Yue Fei possède plusieurs inconvénients : il est un personnage historique ayant réellement vécu et, surtout, il est issu d’une « minorité nationale » Hakka. Donc non Chinois.

Considéré comme un grand héros encore honoré dont le tombeau mémorial, situé à proximité de Hang Zhou, est toujours très visité il incarne la bravoure et le patriotisme, mais ne peut malgrè tout prétendre, en tant qu’appartenant à une minorité, à représenter ce qui est considéré comme « interne » à la Chine, donc appartenant à l’ethnie Han et aux provinces du Centre. De plus les Chinois se méfient quelque peu, à juste titre, des militaires (Wu) et surtout des généraux et des maréchaux auxquels ils préfèrent les civils (Wen) fussent-ils moines ou bonzes. La locution latine « Cedant arma togae » (…que les armes cèdent à la toge) impliquant que l’armée est inférieure au politique et dépendant de celui-ci illustre ce principe bien chinois. De ce fait, encore très récemment, les enseignants de l’art du poing issus du milieu militaire étaient moins renommés que ceux issus du monde civil, fut-il politique.

C’est, dans une certaine mesure, pourquoi le Taijiquan possède toujours, tant en Chine que dans le reste du monde, une plus grande et une meilleure réputation que le Xingyiquan. Le premier étant considéré comme un art pratiqué par les mandarins lettrés (Wen) tandis que le second était généralement plus pratiqué par les militaires (Wu) ou les médecins. De son coté le Bagua (Pa Kua) était particulièrement apprécié des mandarins versés dans l’art mathématique ou dans l’astronomie, sinon l’astrologie. Les préceptes de Zhang Sanfeng, ou qui lui sont attribués, concernent donc naturellement le Taijiquan mais également les arts internes issus du Mont Wudang.

Les préceptes de Zhang Sanfeng ou Chan San Feng

« La pratique authentique de l’Art du Poing doit servir à prolonger la vie et non à l’écourter prématurément ».

« Dans chaque mouvement le corps doit constituer une unité. Il est particulièrement important que toutes les partis du corps soient reliées les unes au autres avec souplesse et harmonie. Le corps entier est un tout dont les éléments sont harmonieusement joints. Qu’il ne s’y produise la moindre faille et cette unité sera préservée jusqu’à un âge avancé ».

« Les pieds représentent la racine, l’énergie, dont le contrôle réside dans la taille, passe par les jambes et s’épanouit dans les mains puis les doigts ».

« Lorsque la force est mal utilisée ou mal répartie, les mouvements du corps sont désordonnés et l’énergie se disperse en désordre. L’erreur doit alors être cherchée dans la mauvaise coordination entre la taille et les jambes. Gardez vous de cette faute dans tous les mouvements : vers le haut ou vers le bas, vers l’avant ou vers l’arrière, vers la droite ou vers la gauche ».

« Ce qui est en haut se dirige vers le bas, ce qui avance finit par reculer, ce qui va vers la gauche revient vers la droite. Lorsque la pensée se dirige naturellement vers le haut veillez à enraciner votre corps vers le bas. Lorsque vous désirez soulever un adversaire, poussez votre énergie vers le bas et ainsi vous briserez les racines de sa résistance et triompherez naturellement ».

« Bien que faisant partie d’une énergie unique il est possible de distinguer le vide et le plein. Par nature chaque attitude physique, chaque mouvement, chaque application possède en soi le vide et le plein. La transformation consiste à vider ce qui est plein et à remplir ce qui est vide tout en conservant l’unité fondamentale de l’énergie ».

« La forme ultime du Taiji provient du Wuji, le sans forme. Telle est l’origine du repos et du mouvement, la mère du Yin et du Yang ».

« De la familiarité avec la pratique naissent progressivement la compréhension et la réalisation de la force. De la réalisation de la force naît l’illumination spirituelle ».

 

MORIHEI UESHIBA (1883 1969)

Morihei Ueshiba

Morihei Ueshiba (Wang Shou Kao en Chine) N’en déplaise à certains Japonais et à leurs collaborateurs Morihei Ueshiba se rendit de nombreuses fois en Chine, plus particulièrement en Mandchourie ou il fonda une académie des Arts du Budo et du Wushu. Il souhaitait ne pas différencier Budo et Wushu. Il est donc normal sinon naturel que ses préceptes figurent parmi ceux des Maîtres de l’Interne et ceci sans la distinction de nationalité qu’on oppose généralement puisqu’il voulait, avec le Révérent Degushi créer une communauté asiatique qui regrouperait Japonais, Chinois, Mandchous, Mongols et tous ceux qui voudrait les rejoindre et qui serait, en quelque sorte le véritable « Royaume de la Paix Céleste ». Ce projet fut évidemment avorté avant d’avoir vu le jour !

MORIHEI UESHIBA (Wang Shou Kao en chinois) (1883 1969) : Le Fondateur de l’Aïkido. Si il a existé un Maître de l’Interne de l’Art Chevaleresque au Japon c’est, sans aucun conteste, le Maître Morihei Ueshiba. Connu en Chine sous le nom de Wang Shou-Kao, pseudonyme qui lui fut donné par Onisaburo Degushi (1871 1948), il participa avec celui-ci à une expédition qui avait pour but de réinstaller l’empereur de Chine sur son trône. A l’occasion de celle-ci le Maître Ueshiba rencontra plusieurs Maîtres Chinois de renom qui l’initièrent à la cosmogonie taoïste et au Baguazhang (Pa Kua Chang ou « Paume des Huit Trigrammes ») qui représentait la forme la plus ésotérique des Arts du Poing de l’Interne. Dès son retour au Japon le Maître Ueshiba connut l’illumination et décida de modifier sa pratique lui apportant une amplitude corporelle, énergétique et spirituelle jusqu’alors inconnue dans la pratique des Budo japonais.

Par la suite le Maître Ueshiba retourna de nombreuses fois à l’Université de Kenkoku en Mandchourie (Mandchoukuo), et ceci jusqu’en 1942, ou il occupait la fonction très honorifique d’Instructeur Impérial Principal concernant le Budo japonais. Il eut à ces diverses occasions de très nombreux contacts avec d’authentiques maîtres chinois réputés comme Zhou Xiang (Chou Hsiang) ; Yan Dewa (Yen Te Hwa) et Gao Yisheng (Kao I Sheng). C’est en Mandchourie, donc en Chine, qu’en juillet 1942 le Maître Ueshiba décida définitivement de donner le nom d’Aïkido à son enseignement. La première photo avec ces trois caractères date de août 1942 et a été prise à l’Université de Kenkoku, toujours en Mandchourie. Le Maître Ueshiba est assis avec derrière lui Hideo Oba et à coté du Maître Kenji Tomiki, derrière lequel se trouve un pratiquant chinois du nom de Liu Fangong. Ce n’est qu’en 1948 que les autorités japonaises reconnaîtront officiellement l’Aïkido et en 1949 que sera inauguré le Dojo de Tokyo. Par la suite, le Maître Ueshiba sera reconnu unanimement comme l’un des plus grands Maîtres du Budo japonais et un temple Shinto lui sera consacré.

Malheureusement la partie « chinoise » de l’enseignement du Maître Ueshiba a toujours été occultée car étant liée d’une part à une « secte » mystique, l’Omotokyo du Révérend Degushi, et, d’autre part non conforme avec l’esprit nationaliste nippon. Il semble qu’il soit désormais temps de lever quelque peu le voile sur cet aspect jusqu’ici méconnu de son enseignement le plus mystique et le plus proche de la tradition classique chinoise. Ce n’est pas un hasard si plusieurs éditions des textes du Maître Ueshiba ont été volontairement amputées de certains de ces passages, probablement jugés trop ésotériques, que l’on retrouve, heureusement, dans d’autres traductions plus sérieuses. Ce n’est pas un hasard, non plus, lorsqu’on persiste, parfois officiellement, à traduire Budo (ou Wushu) par « art martial » donc « art de guerre » ceci en totale contradiction avec la définition qui en est donnée par le Maître Ueshiba ainsi, d’ailleurs, que par les Maîtres Funakoshi et Kano.

Les préceptes de Morihei Ueshiba

« Le Budo est un art de paix ! »

« Tout sur terre et dans le ciel respire. Un inspire, un expire voilà la vie. Le souffle est la chaînette et la trame de la création. Lorsque la multitude des souffles composant l’univers se manifestent d’une façon sensible, alors émergent les formes de l’Aïki ».

« Soyez matinaux pour saluer le soleil. Inspirez et élevez vous jusqu’aux confins de l’univers, expirez et laissez vous pénétrer par le cosmos. Ensuite inhalez toute l’essence et l’émotion de la terre. Mélangez votre souffle au souffle de la terre en devenant le souffle même de la vie. Ainsi corps et esprit seront en harmonie, vous dissiperez colère et envie et serez rempli de la gratitude des Kami (esprits de la nature) ».

 » Comme il est expliqué dans le Kojiki, Izanami No Kami représente l’élément femelle, la réceptivité attachée à l’Eau, la force centrifuge et le coté droit des choses. Izanagi No Kami est l’élément mâle créatif associé au Feu, la force centripète et le coté gauche des choses. La gauche est le mouvement, source des mutations infinies. La droite est la stabilité qui contrôle, commande et dirige le Ki. La gauche protège, la droite renforce ».

« La vraie victoire est la victoire sur soi ! Harmonisez votre Cœur/Esprit avec celui des ancêtres du Ciel. Le véritable salut réside à l’intérieur de votre corps et de votre âme ».

« Les progrès sont pour ceux qui s’entraînent suivant les principes de l’Interne et de l’Externe. Ne cherchez pas d’autres secrets que ceux qui sont devant vos yeux ».

« Votre main droite est Yin mais manifestation du Yang. Votre main gauche est Yang mais émanation du Yin ».

« Aïki est une Voie difficile à comprendre et pourtant aussi simple que le cours naturel du Ciel ».

« Le seul remède contre le matérialisme et l’égoïsme est la purification des sens : vue, toucher, ouie, odorat, goût au travers du corps et de l’esprit. Lorsque les sens sont entravés la perception est étouffée. Plus elle est étouffée, plus les sensations sont contaminées. Cela crée désordre et perturbation dans la vie de chacun et, par conséquence, partout dans le monde, ce qui est le plus grand de tous les maux. Pour protéger le monde nous devons déjà nous défaire des souillures par la purification des sens ».

« Le corps devrait être triangulaire, l’esprit circulaire. Le triangle représente la production d’énergie et la posture physique la plus stable. Le cercle représente la sérénité et la perfection, source illimitée de techniques. Le carré est synonyme de solidité, base permettant d’établir tout contrôle ».

« Le corps tel que l’univers l’a créé est la représentation concrète de l’union du physique et du spirituel, du profane et du sacré. Il respire l’essence subtile de cet univers pour ne faire plus qu’un avec lui. La pratique est le moyen de se réaliser dans cette recherche sur la Voie de la vie. Pour appréhender ce mouvement subtil de la vie au travers de l’énergie il faut comprendre que la partie gauche du corps est la base du Budo et la partie droite celle où le Ki de l’univers se matérialise. Lorsque l’on aborde les confins de la liberté absolue, le corps devient lumière et subit des transformations merveilleuses. Le coté droit transmet sa puissance au coté gauche. Le gauche alors devient le bouclier et le droit le siège de la technique. Cette loi spontanée et naturelle doit trouver sa place au centre et l’être peut alors se manifester librement dans la rotation dynamique de la spirale ».

« En Aïkido il n’y a ni forme ni modèle. Les mouvements naturels sont les mouvements de l’Aïkido authentique. Etant sans forme et sans modèle sa profondeur est sans limite et sa réserve inépuisable ».

« Dans les temps anciens de vénérables sages composèrent le « Livre des Transformations » dans le but de suivre et d’indiquer le principe de la nature et de la vie. Ils établirent le Tao du Ciel et le nommèrent Yin/yang. Ils établirent le Tao de la Terre et l’appelèrent souplesse/rigidité. Ils établirent le Tao de l’Homme et le définirent générosité/droiture. En combinant ces trois pouvoirs ils les dédoublèrent. Ainsi dans le « Livre des randformations », le signe est toujours composé de six lignes. Le principe des Trois Pouvoirs est significatif par lui-même mais c’est au travers de la pratique et de sa réalisation que ce principe nous permet d’atteindre la réalité ultime du Tao ».

« L’Aïkido est le pont vers la Paix et l’harmonie pour tous les êtres et pour le genre humain. Le premier idéogramme de Budo, Bu, signifie « arrêter les armes de destruction ». Si sa signification profonde est comprise de tous dans le monde entier, rien ne me rendra plus heureux. Le créateur de l’univers, qui est le refuge de l’humanité, est aussi à l’origine de l’Aïkido. Le cœur du Budo japonais n’est qu’harmonie, paix et amour. Il est tout à fait normal que toutes et tous le reçoivent ».