Le combat au-dessus de la Somme
L’engagement au dessus du Vermandois…la routine !
La tentation !
Ce dimanche 21 avril 1918 le temps est clair mais nuageux. Un important combat s’engage entre une formation d’avions britanniques, des avions de reconnaissance et de bombardement mais également des sopwith de la 209e escadrille de la RAF, et le « cirque volant » dirigé par le Baron Rouge.
On a prétendu que « Wop » May était un néophyte auquel Roy Brown aurait donné l’ordre de quitter la formation en cas de combat aérien. Même un caporal chef de l’Armée de l’Air sait que cet ordre est totalement contraire à toute règle de sécurité en vol et surtout en combat aérien, le novice devant à tout prix demeurer au centre de la formation, protégé par ses ailiers. On sait, par ailleurs que « Wop May » s’est élevé au dessus de la formation puis a brusquement piqué pour s’en éloigner. Manœuvre qui ne pouvait pas passer inaperçue d’un prédateur à la vue d’aigle qu’est MVR.
Pendant le combat débutant au dessus de Bray sur Somme, « Wop » May quitte la formation et se dirige vers le nord-ouest, il est immédiatement repéré par Manfred von Richthofen qui se lance à sa poursuite. Brown et deux autres avions, suivant des témoins, se lancent à leur tour à la poursuite du Baron Rouge facilement identifiable puisqu’il pilote son triplan DRI écarlate. Ils le rejoignent au dessus de Sailly le Sec et Brown ouvre le feu. Le triplan du baron, dit-on, tressaute sous plusieurs impacts.
Entre temps, « Wop » May, le novice-acrobate, s’en est fort bien tiré et a rigoureusement suivi la Somme en volant au ras de l’eau sur plusieurs kms. N’importe quel chasseur de canards (on est dans la Somme près d’Amiens où justement la spécialité culinaire est le pâté de canard !), et les Anglais s’y connaissent, savent qu’au dessus d’une surface d’eau, probablement en fonction d’un effet d’optique, on a tendance à tirer trop bas, donc en dessous et en avant de la cible, et qu’il convient de corriger la hausse si l’on veut faire mouche. Certains chasseurs à la hutte prétendent même que les balles des canardières sont attirées par l’eau. Richthofen est chasseur mais préfère le sanglier. Il ignore probablement ce détail. Il doit donc s’étonner de ne pas réussir à toucher May qui le promène jusqu’à Vaux sur Somme.
Le canal de la Somme juste au dessus duquel eut lieu la poursuite. Juste en face en haut de la côte du Belvédère Sainte Colette on aperçoit nettement la cheminée de la briqueterie qui a du servir de point de repère au Baron Rouge.
Parvenu au cirque de Vaux, aussi nommé « Belvèdère Sainte Colette », donc au pied de la falaise, étrangement May romp le combat. Suivant les témoins Brown et ses deux acolytes ont déjà dégagé le terrain. Alors qu’il n’y a aucun autre avion de l’Axe à proximité. Etrange. Il y a, suivant les témoins, quatre avions britanniques et un avion allemand. May, Roy Brown et deux ailiers. Les Britanniques rompent donc le combat alors qu’ils se retrouvent dans une supériorité numérique évidente. Dans des circonstances « normales » ce serait le Conseil de Guerre assuré. May, le casse-cou est le dernier à dégager. Le Baron arrive sur le cirque et vire, comme prévu, vers la gauche, le nord-est, pour retourner vers les positions allemandes. A cet instant précis le triplan se présente de flanc à une dizaine de mètres des tireurs postés sur les flancs du Belvédère.
Le Fokker DRI se présente de flanc !
Le soldat Robert Buie affirme » J’avais le doigt sur la détente… je me rendis compte que mes balles avaient touché le coté droit et l’avant de l’appareil « . Le soldat Mac Diarmid de la 53ème batterie commente » Quelque chose fut éjecté de l’appareil, c’étaient les lunettes du pilote « . Ce détail a son importance car, par la suite, les blessures du visage de Von Richthofen furent attribuées à ses lunettes. Il est possible qu’une balle les aient heurtées. Mais ce ne sont donc pas ses lunettes qui le blessèrent lors de l’atterrissage forcé puisqu’il les avait déjà perdues en arrivant au sol. Plusieurs témoins attestent que le bruit du moteur du DRI se modifie brusquement comme si il avait été touché. Le sergent Popkin ajoute
» Je dus attendre le passage du premier (May) pour tirer sur le second de la hauteur abrupte qui borde la vallée et sur laquelle étaient installées nos batteries. J’ai lâché 80 coups « … un coup par victoire du Baron !
Il s’avère, suivant les recherches effectuées par Siegfried Missalla sur Geoportail que suivant les courbes de hauteur et les distances Popkin, à quelque emplacement qu’il fut, n’a pu, à aucun moment, toucher le DRI. Il est donc « out », comme d’ailleurs Roy Brown qui, si il a pu atteindre l’avion, n’a pas touché le Baron Rouge.
Mais Manfred von Richthofen a visiblement été touché par les Lewis trafiquées de Buie ou de Evan, ce qui est attesté par l’une de ses bottes en fourrure conservée à l’Australian War Museum et qui présente un orifice causé par une balle juste en dessous du genou de la jambe droite.
coupe transversale du Fokker DRI du Baron Rouge. On distingue le siège baquet que l’on a retrouvé intact alors qu’on a prétendu qu’une balle l’avait traversé !
Le pilote, blessé, est donc contraint de se poser car l’avion se manœuvre, au niveau du palonnier, par deux pédales actionnées par les pieds. Mais il est une certitude confirmée par plusieurs pilotes militaires et experts en aéronautique : le Fokker DRI ne peut pas se poser si le pilote ne le contrôle pas. Si on relâche les commandes il se met en vrille et s’écrase. Or le DRI se pose, durement, mais il se pose. Le Baron était nécessairement vivant pour cette dernière manœuvre. Blessé mais vivant.