Vingt deuxième Convention des Arts Classiques du Tao « Au bord de l’eau »
17 et 18 octobre 2015 au Château Saint Marcel – La Charité-sur-Loire
Par Georges Charles
La Convention annuelle des Arts Classiques du Tao s’est réunie cette année pour la vingt-deuxième fois au Château Saint Marcel à La Charité-sur Loire près de Nevers. Donc en bord de Loire. Aux limites entre Sologne et Bourgogne. L’organisation de cette réunion a été réalisée par Jean Marie Ragon et l’Ecole Lan Long Yu Lin qui est associée à l’Ecole San Yiquan.
La Charité-sur Loire est une charmante ville comportant de nombreux vestiges médiévaux et de la Renaissance comme le très important prieuré clunisien, des remparts datant de Philippe Auguste et le « vieux pont » renaissance. Lors de notre convention elle accueillait une importante bourse aux livres, la vieille ville comptant de nombreux libraires et bouquinistes. C’est devant les rempart de cette ville, en 1429, qu’échoua Jeanne d’Arc devant le capitaine Perriet Gressart et ses Bourguignons. La cité se situe en effet aux portes de la Bourgogne et produit toujours un vin blanc réputé. Elle subit également plusieurs épisodes sanglants des guerres de religion. Dont une répétition de la nuit de la Saint Barthélémy en 1572. Elle fut, après la Paix de Saint Germain en Laye cosignée par Charles X et l’Amiral Gaspard de Coligny l’une des quatre places fortes, avec La Rochelle, Cognac, Montauban, assignée aux Protestants. Mais en 1576 elle est reprise à ceux-ci par le Duc d’Anjou, frère du Roi puis passe de nouveau aux Réformés. Les habitants, ne manquant pas d’humour, ont baptisé un raidillon se rendant aux remparts ……..On peut toujours lire cette plaque.
La ville, toujours touristique, compte plusieurs hôtels et quelques bons restaurants ainsi que plusieurs antiquaires. La Convention s’est réunie au Château Saint Marcel à l’initiative de Jean Marie Ragon de l’Ecole Lan Long Yu Lin, associée à l’Ecole San Yiquan et a regroupé 54 des 108 Membres Enseignants que comptent les 64 Associations déclarées Membres de la Convention.
La réunion des Membres et des Membres enseignants a débuté le samedi 17 à 15H00 par la traditionnelle liste des présence ainsi qu’à l’évocation et la lecture des courriers des Membres n’ayant pu être présents, particulièrement le courrier de Taoyinitalia ainsi que le courrier de Julien Debenat évoquant « Au Bord de l’Eau » et ses 108 braves.
Une connexion devait avoir lieu en direct avec Shenzhou dans le Hebei où s’était rendu spécialement Jean François Madelain, invité chez le Maître Zhang Kunlin mais cette connexion ne put s’effectuer l’opérateur n’ayant pas été reconnu par les autorités chinoises et le Château Saint Maurice ne bénéficiant pas de Wifi. Mais nous avons pu joindre Jean François par téléphone qui nous a confirmé la présence du Maître Zhang Qinlin qui a tenu à nous saluer chaleureusement. Il est vrai que nos Amis du Hebei ont, sur notre exemple, fondé une Convention annuelle, en 2011, ainsi qu’une Confrérie Xing Yi Tang regroupant les Enseignants comme nous l’avions fait initialement en 1993. La liste des présents et des absents ayant été excusés ayant été établie il a ensuite été procédé à la présentation des Nouveaux Membres à savoir douze cette année. La liste des Membres, comme chaque année sera remise à jour et présentée dans ce site ainsi que celle des Ecoles et Associations Membres.
L’ordre du jour étant respecté Thierry Borderie nous a ensuite présenté l‘Académie des Arts Martiaux Chinois Classiques (AAMCC) qu’il vient de fonder et dont l’inauguration a eu lieu le 26 septembre dernier au Château de Monteton près de Duras. Une vingtaine de participants étaient inscrits à cette première session. Il nous a informé des but et des moyens de cette nouvelle Académie à laquelle participe activement l’Ecole SanYiquan. Georges Charles était présent à l’inauguration et a dirigé plusieurs ateliers. Thierry Borderie communique les dates des prochaines réunions de l’Académie. Il nous informe également qu’il a déposé à l’INPI le terme duan qui, en chinois, signifie niveau. Ceci afin de le protéger et, éventuellement, de faire en sorte de pouvoir le délivrer tout à fait légalement pour celles et ceux qui le souhaiteraient. Thierry Borderie nous propose que la prochaine Convention ait lieu les 15 et 16 octobre prochains au Château de Monteton, près de Duras (47 Lot-et-Garonne) ce qui est unanimement accepté après que les Membres Présents aient voté pour que la Convention des Arts Classiques du Tao continue et prolonge ses activités. L’Association IDAMCT est reconduite, également à l’unanimité, dans ses fonctions d’Association Mandataire de la Convention et gestionnaire des deux sites tao-yin.co et tao-yin.fr qui, à terme, devraient se regrouper en un seul. Les participations et cotisations annuelles sont portées à 30 euros pour les individuels et à 80 euros pour les Associations et Ecoles ceci après près de 15 ans de non augmentation.
Les Cousins du Hebei et la filiation du Xingyiquan Les relations avec nos homologues du Hebei sont abordées. En effet la Convention, également à son unanimité, souhaite pouvoir inviter en France et, probablement, en Italie le Maître Zhang Qinlin accompagné de deux personnes à l’horizon 2017. Il est noté que nos Amis du Hebei nous ont toujours reçus sur place avec la plus grande disponibilité et la plus grande gentillesse. Ils ont également participé à l’élaboration et au complément de financement de la Stèle franco-chinoise reconnaissant notre filiation avec le Xingyiquan de Hebei et la pierre tombale du Maître Guo Yunshen a pu, grâce à notre action et à la leur, être récupérée, remise en état et disposée sous la bonne garde du Maître Zhang Qinlin lui-même. Georges Charles en tant que Maître Successeur en Titre (Shengren Daoshi) de l’Ecole San Yiquan, au niveau de la Cinquième Génération à partir de Li Laoneng (Li Luo Neng ou Li Neng Jan), est toujours cordialement invité à se rendre sur place mais ne compte pouvoir le faire dans l’immédiat. Ce bon échange de procédé entre nos branches respectives permettra donc d’affermir nos relations entre Enseignants et Pratiquants de ce qui est désormais considéré comme un « Trésor spirituel et immatériel de la Chine » et un « Héritage historique et culturel de la Chine », le Xingyi Quan.
Georges Charles précise que cette Stèle permet, officiellement, de faire reconnaître la filiation directe avec le « Maître Héréditaire » Li Laoneng mais également, dans une certaine mesure, la réhabilitation du Maître Guo Yunshen (Fo Junsha « La Paume assassine du Bouddha » – alias « La Paume Divine Dévastatrice » qui n’avait pas forcément bonne presse en Chine), la sauvegarde de sa pierre tombale. Ainsi que la mention du Maître Wang Zemin (Wong Tse Ming, Tai Ming Wong, Wong Tai Ming…), l’un des disciples de Wang Xiangzhai (c’est ce qui est précisé au dos se sa tombe au Cimetière des Collines Parfumées près de Pékin, pardon, Beijing) mais comporte également, nominalement, le nom de l’Ecole San Yiquan, le nom de la Confrérie Xing Yi Tang (qui fut à l’origine de cette Convention) et le fait que Georges Charles transmette également le Daoyin Qigong. Ce qui remet, évidemment, pas mal de choses en place et est la réponse, gravée dans le marbre, à des questions qui se sont posées sur la réalité de cette transmission. La stèle est, d’ailleurs, intitulée officiellement « Stèle de Bienveillance » . La bienveillance (Ren ou Jen), vertu confucéenne, a toujours été, et de loin, préférable à la malfaisance ou à la médisance qui est parfois malheureusement pratiquée dans ce milieu pourtant restreint.
Tir à l’arc chinois ou Kung Dao
Notre Ami et Membre Enseignant Gérard Depreux n’ayant pu se joindre à nous était représenté par son élève, et complice, Bernard Réveil. Il avait prévu d’effectuer un tir de cérémonie pour l’ouverture de notre Convention. Il était difficile sinon impossible de le remplacer aussi c’est Jean Luc Saby, qui étudie également sous sa direction le tir à l’arc et qui échange les principes essentiels du Daoyin, qui s’est proposé de nous montrer comment l’arc se prépare, se tend et se bande. Avec le rappel du catactère Yin (préparation) que l’on retrouve dans le Daoyin -Tao-Yin et qui se représente, pour le caractère chinois, avec un arc et une corde. C’est l’origine de « étendre-ployer » (Tao-Yin) puisqu’il faut étendre la corde vers le Ciel tandis qu’on ploie l’arc vers la Terre. Originellement le Tao-Yin Chi Kung (Daoyin Qigong) se nommait Tao Yin Shen Ti (Etendre et ployer Esprit (Ciel) Terre).
Jean Luc Saby nous présente, a cette effet, deux arcs dont l’un d’étude confectionnés sur commande en Chine. L’un représente un arc de la Dynastie Ming, l’autre un arc de la Dynastie Qing. Qing Ming dans la tradition chinoise c’est « Pureté Clarté », symbolisme essentiel qu’on retrouve dans les saluts de l’Ecole San Yiquan. L’arc de la Dynastie Ming se nomme d’ailleurs « Clarté de Lune » (Ming Yue).
En ce qui est du symbolisme, Georges Charles opère une relation avec le symbolisme occidental du tir à l’arc où il convient bien qu’il ait une bandaison avant de pouvoir tirer un coup ! Les anciens caractères chinois ne peuvent pas le contredire puisqu’on y voit un individu fortement membré en train de bander son arc ! Georges Carles rappelle le symbolisme des caractères pariétaux que l’on retrouve dans les grottes ornées où l’arc tient une place importante. Il explique également que les cupules que l’on trouve sur certains animaux ne sont pas le fait d’un rituel de chasse imbécile où un crétin au front bas projetterait une lance contre un dessin mais représentent bel et bien des constellations célestes.
Telles qu’elles étaient perçues à cette époque lointaine. On voit mal comment de tels artistes auraient pu s’intéresser d’aussi près aux animaux qu’ils côtoyaient et oublier le ciel sous lequel ils vivaient. Dans le même registre Olivier Chouteau soulève le fait que des recherches récentes attestent de la présence de caractères chinois de près de 3000 ans mais en Amérique du Nord. On rejoint une certaine similitude entre les « caractères » rupestre, donc de l’art des grottes ornées, des « caractères » chinois antiques retrouvés sur des os de félin et de bovidés et des « caractères » runiques de l’Europe du Nord. Georges Charles rappelle le simple fait que ce n’est pas parce qu’on ne sait pas lire (ou peut pas lire) une chose que cette chose n’est pas une écriture. On n’écrit que ce que l’on sait lire. Si on ne sait pas lire on ne peut pas prétendre que l’écriture n’existe pas. C’est le phénomène d’un individu bac littéraire plus douze plongé dans un aéroport de province en Chine : il ne sait pas lire car il ne peut rien lire ! Il devient donc parfaitement analphabète et se retrouve dans la position d’un enfant de trois ans qui est obligé de demander ce qui se passe.
Si il arrive à comprendre que le chinois ne s’écrit pas mais se dessine il aura déjà fait un premier pas vers le minimum de compréhension. Et il en est strictement de même par rapport à la pratique. Quelqu’un qui ne pratique pas est exactement dans la posture de ce littéraire qui ne comprend pas ce qui est écrit parce que c’est du chinois ! Il est donc très difficile de demander à un ministère de comprendre ce qu’est la pratique puisque le référentiel utilisé sera totalement différent. Il est donc toujours préférable de se baser sur l’organisation de la pratique qui, elle, demeure compréhensible même à un néophyte ou un béotien. C’est à cela, particulièrement, que sert la Loi de 1901.
Comme quoi le simple tir à l’arc « chinois » peut nous emmener très loin !
Pratique en groupe et en ateliers
Une Convention réussie ne se conçoit pas sans pratique même et surtout si certaines moutures anciennes en ont été privées faute de temps et, souvent, d’un ordre du jour trop chargé et sujet à de multiples discussions et disgressions. Cette année il a été décidé, coûte que coûte, de réaliser cette pratique le dimanche matin à partir de neuf heures. Ce qui au vu des agapes du « Dîner des Provinces » du samedi soir, tenait des coulisses de l’exploit. Il a donc fallu sérieusement passer du projet (le fameux « praujais » cher à G.C. !) à la réalisation, c’est à dire l’action du réel. Donc sur le terrain. Et devant le perron du Château Saint Marcel et de son grand parc aux couleurs de l’automne.
Georges Charles a dirigé, pour celles et ceux qui le souhaitaient, une pratique de groupe basée à la fois sur la pratique et la transmission du « Poing des Cinq Eléments » (Wuxingquan) attribuée à Guo Yunshen, le Maître de Wang Xiangzhai, donc ce qui précédait au Dachengquan puis à sa version particulière du Yiquan (Yiquan est, originellement, le nom de l’Ecole particulière du Xingyiquan de Li Laoneng (Li Luoneng ou Li Neng Jan) quand celui-ci, après 1949 est venu enseigner à la Capitale du Nord, à savoir Pékin – Beijing – alors qu’à Shanghaï il continuait de nommer son Ecole Dachengquan. Le terme Yiquan fut d’ailleurs celui utilisé par Yue Fei (1103 1142) dans la transmission de ce qui deviendra, par la suite, le Xingyiquan puisque il nomma celle-ci Liuhe Yiquan (Liu Ho Yi Chuan – Poing des Six Harmonies et de l’Unité). Suivant des recherches effectuées à Pékin, notamment par Xavier Garnier lorsqu’il rendit visite à la fille de Wang Xiangzhai, il a été dit que celle-ci et Wang Zemin aient pu étudier cette forme sous la direction du fils de Guo Yunshen, en dehors de l’acceptation de Wang Xiangzhai qui était très exclusif. Une stèle lui étant destinée a été érigée à Shenzhou dans le Hebei. Ce qui démontre qu’il fut aussi considéré comme un maître authentique.
Georges Charles a également souhaité effectuer un parallèle avec le « Poing des Cinq Dragons » (Wu Lung Quan) tel qu’il lui a été transmis en 1975 à Hong Kong par Yuen Yik Kai (Yuan Yixi), Patriarche du Hung Gar et disciple direct de Yeung Shut Fu lui-même disciple de Fu Lin Hin.
Ceci pour démontrer, si il en était besoin, que « Interne » (Neijia) et « Externe » (Waijia) sont deux branches issues d’un même tronc et que la différenciation n’est utile que pour celles et ceux qui ne pratiquent pas mais « font du… (Kung-Fu – Qigong – Taiji- Karaté avec l’accent, yoga du rire… » comme on « …fait les pyramides, la Thaïlande, son âge, la gueule, un infarctus, donc en touriste et sans trop le faire exprès.
Puis des ateliers se sont mis en place avec Thierry Borderie, Thierry Potin, Michel Béjaud, Olivier Chouteau, Jean Luc Saby, Christian Peltier ce qui a permis pas mal d’échanges sympathiques entre enseignants.
Les « Banquet des Provinces »
Comme chaque année il avait été décidé que chacun des Membres participant à cette 22e Convention amènerait quelques spécialités de sa Province, de sa région, de son coin ou de son bled sinon de sa ferme. Ce qui a été fait et ce qui a permis quelques agapes sérieuses à partir du samedi midi, le « banquet des Provinces » ayant « officiellement » lieu le samedi soir mais se prolongeant, évidemment, le dimanche midi et souvent un peu chez soi puisque, par tradition, tout est « à bandon » et donc en abondance. Une liste des mets présents remplirait bien sinon un ouvrage, du moins une revue de gastronomie. Et on risquerait, en plus, d’en oublier. Entre les supers huîtres (pas pour Parisiens !) de diverses provenances dont de Vendée et de l’Ile de Ré, le jambon de montagne de Alain, le Neufchatel et sa confiture, le redoutable « curé nantais », les boudins de la Valée d’Aure, le Comté affiné longuement en fruitière, les diverses terrines de viandes, de poissons, de légumes, une soupe gargantuesque faite sur place, des farcis à la viande, des raviolis whenzhou, un saumon fumé artisanal à l’aneth, plusieurs salades composées, des fromages de partout comme si il en pleuvait et des vins de toutes provenances, et des meilleurs, sans parler du Champagne de nos Amis de Reims et encore d’autres « espécialités ed’chez nous…et d’ailleurs » il a bien fallu se faire une raison et constater qu’il n’y avait pas que des macrobiotes dans cette illustre compagnie qui n’aurait pas dépareillée les repas des Mousquetaires au bord de Loire ou des Cent Huit Chevaliers d’Au Bord de l’Eau . Et, évidemment, quelques alcools de derrière les fagots. Mais nous n’en dirons pas plus !
Cette joyeuse Compagnie s’est séparée le dimanche vers 15H00.
Jean Marie refermant les portes du Château après un dernier gros coup de balais collectif et un décompte des verres cassés.
On a donc promis de nous retrouver, de se retrouver, en 2016 au Château de Monteton.
Honni soit qui mal y pense !