KUNG DAO ou la « Voie de l’Arc »

« Voie »: le terme recouvre souvent, un besoin existentiel profond dans un monde ou s’expriment majoritairement, les seules valeurs du paraître. Toutefois, la « Voie de l’Arc » ne saurait être un substitut « prêt à l’emploi », de nature à compenser les manques à être. Les rites exotiques peuvent séduirent, mais ne sont d’aucune utilité, sauf « cosmétique » dans la valorisation de l’image de soi. De tels errements ne mènent à rien, sinon à enchaîner les désillusions Pour autant une certaine ouverture d’esprit conduira le cherchant à vouloir projeter sa réflexion au-delà des apparences d’une tradition. Peut-être ressentira-t-il, assez d’affinité pour désirer en pénétrer la philosophie. En ce sens, pourquoi ne pas oser l’initiation dans la « Voie » de l’Arc? Il peut paraître incongru sinon paradoxal qu’un occidental puisse prétendre un jour maîtriser un « Art martial » appartenant, par essence à la culture chinoise, depuis des millénaires.

On pourrait alors paraphraser ainsi la pensée de Laozi, et objecter :

« Celui qui parle du « Kung Dao » ne le connaît pas… Celui qui n’en parle pas, le connaît… »

Cependant,

« Tous les chemins peuvent conduire au haut de la montagne, arrivé au sommet on contemple la même lune… »

Chaque vécu initiatique demeure singulier, toutefois un néophyte ne pourrait honnêtement entreprendre un tel cheminement et s’abstraire d’intégrer sincèrement les fondamentaux signifiants de la Tradition de l’Art. La « Voie de l’Art du Tir à l’Arc » est un tout cohérent, enraciné dans un passé culturel prestigieux. En tout état de cause, comme en témoigne la pratique Japonaise du Kyudo, très marquée par son prédécesseur Chinois: le « KUNG DAO », les valeurs que représentent ces « Arts chevaleresques » portent, restent toujours d’actualité par delà notre modernité.

 

UNE BREVE HISTOIRE DES TEMPS

L’amateur d’Histoire se passionnera à découvrir celle de l’immense . »CHINE ». Cette dénomination est venue de la dynastie « Qin ». Qui ne connaît la fastueuse tombe de l’Empereur Qin Shi Huang Di?

La Chine millénaire, s’est au fil de son histoire, constituée d’immenses espaces. Cette trame géographique, peuplée d’ethnies aux us et coutumes très différents, fut, au gré des circonstances, plus ou moins marqué par des influences culturelles, venues de fort loin (Moyen-Orient, Occident Grec…) On ne peut savoir avec précision l’époque et la population à l’origine de la mise au point de l’arc chinois. Toutefois, multiples graphismes, sur différents supports accréditent l’hypothèse la plus vraisemblable, à savoir que l’utilisation de l’arc à double courbure aurait vu le jour au sein des populations nomades des steppes. Aujourd’hui, cette arme originale est encore en usage parmi les populations mongoles, restées très attachées à leur archerie traditionnelle. Le tir à l’arc sera jusqu’au XIXe siècle considéré comme l’art martial le plus éminent, avant d’être balayé par l’efficacité des armes modernes.

Chaque ère dynastique ajoutera à la pratique de cet art sa part de connaissance technique, ce qui fit des chinois les meilleurs spécialistes de la discipline. Les matériaux constitutifs des arcs composites et des flèches d’aujourd’hui sont complètement modernes, cela dit, les principes fonctionnels sont connus depuis des millénaires.

 

VOIE DE L’ART

Trilogie de la sagesse Le tir à l’arc fait partie des « Six Dons du Ciel » avec la conduite d’attelage, la littérature, les mathématiques, la musique, la calligraphie. L’éducation des jeunes nobles, le recrutement des fonctionnaires Impériaux, la promotion des officiers passait par le tir à l’arc. Des joutes étaient organisées pour cela selon une réglementation et des rites extrêmement codifiés. Lettrés et notables pratiquaient le tir à l’arc en tant qu’Art, imprégné selon les époques par les réflexions philosophique issues des trois enseignements : le Taoïsme, le Confucianisme et le Bouddhisme c’han.

Dans la Chine ancienne, l’art de vivre passe par une ritualisation stricte des us et coutumes. Le rite est la manifestation symboliste des équilibres naturels, énergétiques, et sociaux. Le rite détermine la géographie du sacré, il procède d’une vision épinaturelle de l’environnement sensible. Il établi la relation projective: microcosme-macrocosme. De l’éthique à l’Étiquette, le rite donne sa pleine signification à la pratique de l’Art. Atteindre au « T’aï Ji » est d’un autre ordre que produire une performance propre aux satisfactions égotiques.

 

LEGENDES ET SYMBOLES

L’histoire de l’humanité naît dans les mythes, le romantisme des traditions s’enracine dans les légendes, les épopées et leurs héros. L’imagination explique ainsi les origines de la vie, et exorcise l’angoisse de l’inconnu, l’ensemble contribue à tisser des liens identitaires forts. La notion du temps se rythme selon les cycles de la nature, il fluctue en fonction de la vision des ères historiques, tragiques ou paisibles. Chaque civilisation projette ses idéaux dans un « âge d’or », en Chine on le situait à l’époque des Zhou. En ce temps là toute chose était en harmonie, par la vertu des Rites, la civilisation avait atteint un degré de sagesse, élevé au niveau du Ciel!

Pour la plupart des civilisations, l’Univers s’établit après le chaos, ou l’indifférencié primordial. Des êtres monstrueux divinités infernales ou en folie sont associés à la création du monde ou à ses catastrophes, un être providentiel, archétype du héros rétablira l’ordre des choses comme il convient, dans la plupart des cosmogonies antiques. En Chine, parmi plusieurs visions cosmogoniques liées aux différences ethniques, une est largement partagée, c’est la légende de « YI » l’Archer. Ce Maître de l’Arc vivait sous le règne de Jun l’un des cinq Empereurs mythiques.

Une des versions de la légende raconte que le couple impérial avait Dix Soleils pour enfants. Ils éclairaient la Terre à tour de rôle, mais un jour qu’ils s’avisèrent de monter ensemble dans leur char tiré par des dragons, ils engendrèrent la désolation sur la Terre. Armé de son arc, il abattit neuf des Dix Soleils et la vie reprit son droit du sol. Une autre fois notre héros, eut pour mission de débarrasser la Terre de monstres fabuleux qui semaient la terreur parmi les hommes.

L’Empereur « Fils du Ciel » est le média du Ciel dans le monde des hommes L’homme, entre Ciel et Terre doit conjurer le mal suprême: le chaos. Chaque être, chaque chose ayant « naturellement » sa juste place, rien ne doit bouleverser cette harmonie. La flèche tirée dans l’ouverture d’une gourde lors du solstice d’hivers, symbolise la traversée l’hymen de la Terre pour la rendre féconde au printemps. L’homme est en osmose avec son environnement, il respecte scrupuleusement son « lieu hiérarchique » dans la société, comme au sein de la famille. Chaque dignitaire, reçoit l’arc qui convient à son rang. Le tir en direction de chaque « orient » ouvre le monde au jeune homme. La « Voie du juste milieu »: en cible défini  » l’Empire du Milieu » représenté par l’idéogramme zhong.

VERTU ET RITES

Chaque catégorie de concours était ordonné selon un rite particulier: Le Grand Rite Impérial, le Rite de Bienvenue, le Rite provincial…etc. étaient parmi les plus renommés. Ces rencontres donnaient lieu à des examens officiels, pour le recrutement mandarinal, les épreuves de tir proprement dite, comportaient aussi des évaluations dans le domaine de la calligraphie, de la littérature, des mathématiques et un jugement des protocoles rituels.

Les lieux ou s’exercent la pratique sont qualifiés d’espaces (pavillon ou jardin) « de la Vertu »!

 

CALLIGRAPHIE DE LA FORME

La formation était dispensée par des Maîtres, lesquels imposaient au disciple ou étudiant une rigoureuse ascèse. Les enseignements avaient leurs secrets appris sous forme de poésies absconses. Les documents parvenus jusqu’à nos jours montrent qu’il s’agissait d’un véritable parcours initiatique. Des Maîtres comme Wang Ju, Li Chen Feng, Li Guang et Gao Yin, de mêmes les Maîtres archeriers étaient des personnages vénérés par tous et jusqu’à la Cour Impériale. Le tir à l’arc dans la « Voie de l’Art », se décline selon cinq aspects concomitantes: > L’expression rituelle > La maîtrise technique > La philosophie de l’enseignement > Le rapport de la gestuelle au Qi Gong > L’éthique comportementale

La partie purement technique basée sur ce que nous appelons aujourd’hui proprioceptivité et kinésiologie » en respiration contrôlée, avait atteint un niveau totalement abouti. La sublimation de l’Art, passe par son expression sous la forme de « dao yin » en rapport, avec la pratique en « qi gong ». Le qi gong a toujours été « consubstantiel » à la pratique du tir à l’arc, et bien sûr totalement intégré à son enseignement.

En fait, dans la pratique du « Kung Dao », l’habileté au tir ne représente qu’un cinquième des savoirs et « savoir être », le récipiendaire comprendra peu à peu la distinction entre ce qu’est un champion de tir olympique et un « shenjen » parvenu au 9è duan !

 

En conclusion le néophyte est invité à méditer sur le subtil rapport entre les propos attribués, pour les premiers : à Maître Kongzi …

« On peut juger de la vertu d’un homme en l’observant dans sa pratique du tir à l’arc… »

Voilà venu d’Extrême-Orient… Et les seconds à Socrate…

 » Connais-toi toi même et tu connaîtra l’univers et les dieux »

… Venant d’Occident.

 

Gérard Depreux
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Kung Dao La voie de l'arc chinois