LA SAGA DU WU SHU

Premiers nuages dans le ciel

En l’an 844, l’empereur Wou Tsong fait saisir le trésor du monastère de Shaolin. C’est le début d’une suite de conflits sanglants qui ne s’apaiseront qu’avec l’empire des Song, en 960. Mais le sort de Shaolin n’est pas réglé pour autant, car l’empereur autorise les laïcs à pratiquer les arts martiaux.

En 712, un nouvel empereur monte sur le trône & Hiuan Tsong (Xuan Zhong), contrairement à ses prédécesseurs, ne souhaite s’entourer que de poètes et de philosophes. Les destinées de Shaolin ne l’intéressent donc nullement. De son côté, le monastère dirigé par Shen Hui tente de retrouver la sérénité du temps de Boddhidharma et se retranche sur lui-même. En 755, un général d’origine turque An Lu Shan se révolte et marche sur la capitale. Cette fois-ci, nul ne peut l’arrêter et l’empereur est contraint au suicide. Cette révolte et ce suicide marquent la décadence et la fin de la dynastie des Tang qui ne réussira plus à s’imposer. A la suite de graves difficultés politiques, de nombreuses réformes fiscales ont lieu. L’une d’entre elles vise notamment les monastères bouddhistes considérés comme trop puissants ou trop riches.

HUI CHENG ET L’ABOLITION DES MONASTERES

Shaolin est évidemment directement concerné et doit abandonner à l’état une bonne partie de ses richesses. Shaolin pour la première fois de son histoire, entre donc en sédition contre le pouvoir impérial, réussissant à faire valoir par la force son bon droit pendant quelques années. En 843, l’empereur Wou Tsong (Tangwusong) excédé promulgue un édit réquisitionnant les monastères. Shaolin ne cède pas. En 844, une forte armée impériale se présente au pied du Mont Song. Après une bataille acharnée, les moines sont finalement dispersés, le trésor saisi… et le monastère partiellement dévasté. Deux moines, Lu Zhishen, surnommé le moine tatoué, et Wu Song parviennent à s’enfuir et organisent une résistance paysanne. Leur renommée est telle qu’ils serviront de modèle au fameux roman «Au bord de l’eau» et seront considérés par le peuple comme «deux des cent huit étoiles». A la suite de ces persécutions, un véritable climat d’insurrection se développera dans toute la Chine. En 875, un soulèvement populaire éclate dirigé par Huang Chao, lettré bouddhiste ayant étudié à Shaolin dans sa jeunesse. Ses armées conquièrent le Hopei et le Chantoung. En 879, Canton est assiégée et prise. L’empereur fait appel à ses anciens ennemis, les Turcs, pour le soutenir. Cela n’empêche pas Huang Chao de s’emparer de la capitale et de se proclamer empereur en 880.

Son premier geste est de restaurer les principaux monastères… Malheureusement en 884, les Turcs, enfin parvenus à leurs fins, s’emparent à leur tour de la capitale, s’emparent de lui et le tuent. Ils sont à leur tour battus par un ancien rebelle, Tchou Wen, qui replace sur le trône un prince de la Dynastie Tang, Hui Cheng. Celui-ci peu désireux de voir renaître une révolution populaire ou religieuse, abolit purement et simplement les monastères en 890… Plus de 4 500 temples et de 40 000 pagodes sont fermés. 300 000 bonzes et bonzesses sont expulsés et rendus à la vie civile. Les quelques centaines de milliers de serviteurs des monastères deviennent des serviteurs de l’état. Tchou Wen se révolte de nouveau et en 907, après avoir destitué l’empereur, proclame la fin de la dynastie Tang… et sa nouvelle dynastie des Leang.

SHAOLIN TOMBE EN DESUETUDE

Connaissant les ficelles du métier, Tchou fait tatouer le numéro de chaque régiment sur le front des soldats, ce qui empêche les désertions. Malgré ses promesses, il ne rétablit pas le bouddhisme, mais au contraire ordonne des persécutions sanglantes. Cela ne lui porte pas chance puisqu’il est poignardé par son propre fils… qui lui même est assassiné par l’un de ses frères qui se suicide peu de temps après… La dynastie des Leang aura duré 13 ans, et à la chute de celle-ci, la Chine toute entière est plongée dans une immense bataille pour le pouvoir entre Turcs et Chinois. Pendant près de 50 ans, époque connue sous le nom de «période des cinq dynasties», des armées ravageront le pays. Le monastère Shaolin sera directement touché par cette crise. L’avènement de l’empire des Song, en 960, ne permettra même pas son renouveau… l’empereur Tai Tsou autorisant la pratique des arts martiaux par des laïcs, le monastère tombé en désuétude sera abandonné de 960 à 975.