Le maquis du Mont Mouchet – l’origine et la fin des maquis

Refuser de savoir est pire que d’ignorer – GC.

« Il y a ce qui est dit et il y a ce qui est écrit. Entre ce qui est écrit et ce qui n’est pas dit existe un vaste monde  »

Une contre-enquête de Georges Charles* sur les maquis et la résistance.
* Petit fils de Georges Charles. Agent P2 « Marsouin » fusillé au fort de Bondues le 16 janvier 1944.

 

Le premier maquis et Georges Guingouin, Compagnon de la Libération

Initialement le maquis est un couvert végétal méditerranéen composé d’arbustes, d’épineux comme la myrthe, le cade, le genèvrier, l’arbousier, les lentisques, les chênes verts, les panicauts situé sur de la rocaille et qui forme un univers particulier, généralement impénétrable à celui qui ne le connaît pas. C’est aussi le seul mot corse communément employé dans la langue française. En Corse, depuis des siècles, « prendre le maquis » (A macchja) c’est se réfugier dans celui-ci après avoir commis un crime d’honneur le plus souvent lié à une vendetta. Donc échapper aux autorités policières et à la justice.

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La Police Nationale : un réveil souvent très tardif (affiche de 1942) On note la francisque en bas de l’affiche : pour l’instant elle kollabore ! Le terme fut repris pendant l’occupation et devint quasiment officiel, ceux qui prenaient le maquis devenant naturellement des « maquisards ». Il était donc question d’échapper aux autorités, à la police et à la justice en rejoignant ces fameux maquis. Probablement le premier à utiliser ce terme et à le mettre en pratique fut Georges Guingouin (2/02/1913 27/10/2005), un ancien cadre du PC en rupture avec sa hiérarchie en raison de son refus viscéral des pactes de non-agression et d’amitiés germano-soviétique qui furent co-signés, à Berlin, par des responsables du PC français.

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Georges Guingouin, initiateur du Maquis Dès juillet 40 il fit savoir qu’il entrait, malgré ces pactes soutenus par le PC, en résistance contre l’occupant et en février 41 créa le premier groupe armé de « francs tireurs » dans la sapinière de la commune de Soudaine (Corrèze). Il fut donc immédiatement exclu du PC et qualifié officiellement de « fou qui vit dans les bois » ou du « fou des bois » ! Il prétendit par le suite que sa tête avait été mise à prix et qu’il avait échappé à plusieurs tentatives d’assassinat.

Mais il entreprit rapidement plusieurs opérations, attaques de convois d’approvisionnement, vol de papiers officiels et de tampons, sabotages dans des entreprises qui travaillaient pour l’occupant qui lui valurent une sérieuse réputation. Réputation qui lui permit d’amplifier ses effectifs et ses coups de mains . A tel point que Pétain, mis au courant de cette activité maquisarde, affirma le 12 août 41, qu’il « sentait un vent mauvais se lever sur la France ».

Guingouin ne cessera jamais, jusqu’à la libération, de harceler les allemands et les collaborateurs allant jusqu’à se permettre de libérer Limoges avec ses propres troupes. Mais le 8 août 45 puis le 25 août les maquisards de Guingouin s’en prennent à des agents de renseignement du réseau Alliance porteurs d’un ordre de mission du BRCA (service de renseignement du Gouvernement Provisoire de la République Française, donc gaulliste) allant jusqu’à les passer à tabac et à les aligner contre un mur dans un simulacre d’éxécution. Ce fait, attesté dans « Le temps de la méprise » de André Girard aux Editions France Empire, qui lui même fut collé contre le mur après avoir reçu une dizaine de coups de crosse, démontre bien l’animosité qui régnait alors entre des réseaux politiquement différents ! Plainte fut déposée contre Guingouin qui, bien que Compagnon de la Libération, sera emprisonné pour ce fait en 1953 et, à son tour, gravement passé à tabac au point d’en risquer d’en perdre la vie. Il ne comptait donc pas que des amis dans le milieu de la résistance souvent fort tardive au demeurant !

Ni parmi bon nombre d’anciens collaborateurs recyclés après la libération et qui, enfin, pouvaient se venger à bon compte.. Ni parmi ses anciens camarades qui ne lui ont jamais pardonné d’avoir commencé à résister au moment même où ils collaboraient avec l’occuppant Si cela vous étonne quelque peu, voici la page qui lui est consacrée par l’Ordre de la Libération ! Cliquez ici. Mais Guingouin était un précurseur car, en réalité, les autres maquis armés ne se constituèrent début 43 suite à l’instauration du STO ou Service du Travail Obligatoire.

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Pas très rassurante cette affiche ! Le choix : milice, sto, chantiers de la jeunessse…ou maquis ? Le 1er février 43 est, en effet, procédé au premier recensement général et obligatoire des travailleurs puis le 16 février 43 est instaurée la Loi imposant le STO et qui concerne les hommes de 16 à 60 ans et les femmes sans enfant de 18 à 45 ans. Fin 1942 les autorités allemandes ne comptabilisent en effet que 240 000 travailleurs volontaires ce qui est loin du quota fixé initialement avec le régime de Vichy.

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Avec, souvent, à la clé un retour sous forme de cendres ! Les Alliés bombardent journellement l’outil de production nazi. Celui-ci décide donc d’instaurer ce service obligatoire qui vise particulièrement les jeunes gens de 20 à 22 ans et ne justifiant pas d’un emploi considéré comme essentiel à l’économie du Grand Reich. C’est à dire la majorité de celle classe d’âge ! Fin 45 près de 400 000 travailleurs volontaires et de 650 000 STO auront été envoyés en Allemagne.

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Un marché de dupes mais qui ne convainc que très modérément le travailleur ! On estime que près de 25 000 d’entre eux ne sont pas revenus, souvent victimes des bombardements alliés sur l’outil de production du Reich. Bon nombre de jeunes gens seront donc « réfractaires au STO » et décideront alors de prendre le maquis. Cette qualité de « réfractaire au STO » ne sera officiellement reconnue que le 24 février 2005 soit 60 ans après la libération mais on attend toujours officiellement, à ce jour, l’attribution au  » titre de reconnaissance de la Nation aux réfractaires du STO » C’est dire qu’ils ne furent pas particulièrement bien vus puisque échappant à l’autorité de l’Etat ! Il existait alors plusieurs filières pour échapper à ce fameux STO ! Il était possible de s’engager dans les « Chantiers de Jeunesse » ce qui valait, officieusement, dérogation.

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La vieille rengaine de Vercingétorix à Pétain ! Heureusement un certains nombre de cadres de ces chantiers (Uriage…) rejoindront les maquis d’Auvergne et de Savoie. A la décharge de ces fameux chantiers créés le 30 juillet 1940 par décret du Maréchal Pétain, et qui avaient pour but de prendre en charge les appelés non encore incorporés dans l’armée après l’armistice, ils furent aussi un vivier des futurs cadres du maquis. Il était évidemment possible de s’engager dans la Milice, corps policier et para-militaire créé par Darnand le 30 janvier 43 à partir du SOL (Service d’Ordre Légionnaire), soit juste avant l’instauration du STO.

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La Milice annonce la couleur Mais le V se transformera souvent en Vendu ! Où même de s’engager purement et simplement dans la Gestapo (police politique secrète allemande) qui recrutait et offrait, probablement, des perspectives d’avenir !

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La Gestapo elle aussi recrute en France et en Belgique ! Il faut bien lutter contre le terrorisme. Comme ce jeune homme à l’air bien sympathique. Acht ! Mais bon nombre de jeunes choisirent une autre possibilité : le maquis

 

L’afflux des « jeunes » au maquis…un épineux problème !

Dès l’instauration du Service du Travail Obligatoire bon nombre de jeunes gens décident alors de « prendre le maquis ». Donc d’échapper à la contrainte du travail obligatoire en Allemagne. Il existe déjà quelques maquis principalement constitués de républicains espagnols ayant fui le régime de France, d’Italiens ayant fui le régime de Mussolini, de Polonais ayant fui le régime de kollaboration avec les nazis et n’ayant pu rejoindre l’angleterre…et de Français ayant fui le régime de Pétain et qui sont, pour la plupart, recherchés par la police française et les autorités allemandes. Parmi ces maquisards quelques militaires, généralement échappés des camps de prisonniers, mais une majorité de civils. Leur principale préoccupation est d’ échapper aux recherches et de survivre en milieu hostile puisque la plupart de ces maquis se situent en régions de montagne. Ils ne disposent généralement que de quelques armes légères, armes de chasse ou armes de poing de petit calibre. Quelques uns ont pu emporter une arme réglementaire, mousqueton ou mitraillette mais ne disposent que de très peu de munitions. L’approvisionnement est toujours aléatoire et on évite de faire du feu afin de ne pas se faire repérer. Les habitats se composent de tentes, de cabanes de bois et de feuilles ou de granges abandonnées. Par sécurité la plupart de ces maquis se déplacent constamment mais tout en demeurant sur le même secteur. Le maquisard vit donc sur le « pays » et demeure assez mal équipé. Et les groupes sont composés, souvent au maximum, d’une quinzaine d’individus. Les autorités les considèrent bien évidemment comme des « bandits de droit commun » dans le meilleur des cas et comme des « terroristes » si ils ont commis des exactions ou des coups de mains visant à l’approvisionnement en nourriture, en armes ou en munitions.

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La mitraillette du bandit – qui n’est pas encore résistant – et l’outil du travailleur : une vision d’époque mais qui est encore dans certains esprits ! Ils risquent donc dans le meilleur des cas la prison, dans le pire la livraison aux autorités allemandes donc l’exécution sommaire, souvent après avoir étés suppliciés, ou le camp de concentration. C’est dans ce contexte déjà difficile que les maquisards voient peu à peu affluer ces « jeunes », souvent des citadins, munis d’une simple valise et de quelques effets afin de ne pas éveiller les soupçons durant le transport en train ou en cars. Le voyage se finit le plus souvent à pied, parfois à pied nus les chaussures de carton n’ayant pas supporté la marche. Et ce sont les habitants sympathisants, ils ne sont pas la majorité, qui les récupèrent, les nourrissent souvent , les équipent parfois et les envoient vers le maquis le plus proche.

C’est à dire à quelques heures de marche en pleine montagne ou forêt. Où ils ne sont pas nécessairement reçus avec des effusions de joie. Mais les groupes devenant de plus en plus nombreux et importants, les maquisards sont bien obligés de les intégrer et de les initier à leurs nouvelles conditions de vie. Qui sont évidemment très spartiates. Ce gonflement des effectifs du maquis ne passe pas inaperçu des autorités officielles ni des principales instances de la résistance qui souhaitent, bien évidemment, récupérer le phénomène. Dès mai 1942, Henry Frénay, fondateur du Mouvement Combat envoie à Londres un rapport important sur la situation des maquis. En septembre 42 il part pour Londres et demande officiellement à ce que les maquis reçoivent des armes.

Il remet au Général de Gaulle le rapport du 28 janvier 43 où il demande « l’assurance formelle de Londres que les maquis soient ravitaillés en vivres et en munitions ». De Gaulle lui donne sa parole et lui assure que le nécessaire sera fait. Mais il semble que les alliés ne voient pas, à cette époque, d’un bon oeil la livraison d’armes et de subsides à ces maquisards dont ils ignorent les motivations exactes. Faute de mieux, De Gaulle, accepte un statut-quo Les armes et les moyens seront donc parachutés mais de manière mesurée. A vrai dire l’un comme les autres ne tiennent pas trop à ce que ces maquis récemment constitués se tournent vers les communistes si ils n’ accèdent pas à leur demande justifiée de fourniture d’armes et de moyens permettant simplement à ces maquis de survivre. Mais ils ne tiennent pas, non plus, à armer des maquis qui auraient déjà rejoint ces mêmes communistes, ceci notamment sous l’influence des espagnols et des italiens fort politisés.

En fait de nombreux parachutages auront lieu mais ne comportant généralement que des armes légères d’assez médiocre qualité, des uniformes et du matériel de campagne, quelques radios et des subsides permettant normalement d’acquérir du ravitaillement. Fin 43 la plupart des maquis seront donc mieux équipés mais sans pour autant constituer une force militaire significative. Ce qui permet, néanmoins, à ces mêmes maquis de mener plusieurs opérations visant à récupérer des équipements, des armes et des munitions.

Début 44 la plupart des compagnies du maquis seront donc équipées d’uniformes militaires ou para-militaires (récupérés dans les chantiers de la Jeunesse sinon dans des entrepots de la milice) et d’au moins d’une arme à répétition de type fusil mitrailleur. Ainsi que d’explosifs et de moyens de mise à feu en relative quantité. Chaque maquisard possède, ou peu s’en faut, une arme individuelle, généralement une Sten, et quelques grenades.

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Le pistolet mitrailleur Sten MK2 emblème des maquis une arme simple mais redoutable à courte distance !

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La propagande collaborationniste ne se prive pas de comparer Churchill et sa Sten à un gangster de Chicago ! Ce qui permet plus d’efficacité dans les coups de mains et les sabotages. Et entre temps les « jeunes » se sont aguerris et ne demandent que d’en découdre avec, souvent, beaucoup d’inconscience. Les forces allemandes et leurs supplétifs de la Milice et des Francs Gardes demeurent motivés, bien commandés et bien armés. La tactique consiste donc, naturellement, à les harceler, à attaquer brutalement puis à se replier en laissant quelques maquisards embusqués.

Cette méthode donne de bons résultats et les troupes allemandes ne se déplacent plus sans prendre d’importantes précautions. Plusieurs collaborateurs et miliciens sont abattus ou victimes d’ attentats. Les autres sont désormais prévenus des risques qu’ils encourent désormais.

 

Une résistance regroupée mais surtout pas unie !

Cet afflux de résistants dans le maquis à la suite de l’instauration du STO incite mes mouvements de résistance à tenter un regroupement. Le 27 mai 1943, sous la présidence de Jean Moulin, à lieu le première réunion du CNR ou Conseil National de la Résistance qui regroupe alors huit mouvements de résistance, trois de la zone nord et cinq de la zone sud, six partis politiques et deux organisations syndicales. Officiellement chacun accepte le manifeste qui affirme que « la résistance doit former un tout cohérent, organisé et concentré » et qui, en fait, conforte le Général de Gaulle dans sa légitimité de chef politique de la France Combattante Unifiée mais c’est le Général Giraud qui est alors reconnu comme le chef de l’armée française. Il est donc décidé, en juin 1943 de créer le Comité Français de Libération Nationale (CFLN) qui est reconnu par les alliés et co-présidé par De Gaulle et Giraud. Mais ce faisant la politique reprend assez rapidement le dessus sur la résistance et, malgré le manifeste, les clivages s’accentuent entre les divers mouvements.

Ce fait est déploré par d’authentiques résistants de la première heure, comme Philippe Viannay, fondateur de « Défense de la France » qui écrit alors : « Nous pensons simplement qu’il est sage de préparer dès maintenant la reconstruction de le société française si nous ne voulons pas que d’autres plus habiles qui, jusqu’à présent, se sont tenus à l’écart de la résistance française, ne viennent s’imposer à notre place »

Les mouvements gaullistes souhaitent, par exemple, privilégier le renseignement au profit des alliés affin de permettre à ceux-ci de prévoir le débarquement. Les mouvements communistes ou de gauche souhaitent, au contraire, privilégier l’action armée sur tout le territoire. De Gaulle souhaite éviter les représailles et préfère attendre l’intervention des armées alliées sur le territoire national pour déclencher une éventuelle insurrection. En fait, en tant que militaire de carrière il se méfie des civils surtout lorsqu’ils sont armés. Après la libération il n’aura de cesse de souhaiter que ces civils armés soit intègrent l’armée soit retournent à leurs activités civiles.

Ce qu’il résume souvent dans l’une de ses formules favorites « Qu’on le veuille ou non, il faut toujours que les choses finissent par rentrer dans l’ordre » – Charles de Gaulle

Les dirigeants communistes, par contre, suivant l’exemple des partisans soviétiques, souhaitent entreprendre des actions armées afin de harceler sans cesse les allemands et leurs alliés collaborateurs. Ils se tournent donc vers une résistance armée qui, au fil des coups de mains, des attentats, des sabotages gênèrent des représailles. Mais ils estiment que celles-ci, en réaction, facilitent le recrutement pour cette lutte armée qui s’effectue désormais à visage découvert. Ce faisant, ce clivage n’incite pas les Alliés à accroître les livraisons d’armes à la résistance. Comme il faut bien garder la face la stratégie des parachutages est globalement maintenue mais « adaptée » à la situation.

Certains maquis situés en dehors des zones de combat et constitués de quelques hommes reçoivent des quantités d’armes impressionnantes tandis que les maquis surchargés de combattants reçoivent des bérets et des chaussettes pour le prochain hiver. Ce qui accentue encore le clivage entre les deux principales tendances qui s’accusent réciproquement de trahir le mouvement initié avec le CNR. Et ce qui provoque des incidents, parfois très graves, entre les différentes factions des réseaux. Ces incidents aboutiront, sans le moindre doute, à l’arrestation du Général Delestraint, de Jean Moulin, de Pierre Brosolette et de bien d’autres qui, pour ainsi dire, ne seront pas trahis mais livrés.

Mais de tout cela il ne faut évidemment pas parler et encore moins écrire. Francis Nazé lors de la présentation de l’ouvrage collectif « Ils étaient 68 », au Musée de la Résistance du Fort de Bondues, près de Lille, où fut fusillé mon grand père, Georges Charles, le 16 jancier 1944, évoquait lors de son discours « la résistance comme une maladie honteuse dont il convient de ne pas trop parler ». On peut évoquer ou invoquer la Résistance, faire lire de belles lettres très émouvantes, faire retentir la Sonnerie aux morts puis la Marseillaise et le Chant des Partisans, déposer une gerbe et garder une minute de silence. Et surtout prolonger celle-ci le plus longtemps possible afin de ne pas déranger l’establishment. Et comme on dit dans le milieu « laisser les morts enterrer les morts » !

 

Le regroupement des maquis…erreur ou manipulation !

En janvier 1944 se créent les MUR (Mouvements Unifiés de Résistance) qui ont pour but de coordonner l’action des différents maquis situés notamment dans le Massif Central et en Savoie. Le premier février 1944, le Comité Français de Libération Nationale créé les Forces Françaises de l’Intérieur ou FFI qui, officiellement, sont mises sous la tutelle de De Gaulle et de Giraud, donc de Londres et d’Alger.

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Une affiche très symbolique lorsque l’on sait que les différentes factions se détestent cordialement ! Cela a évidemment pour but de contrôler une éventuelle insurrection. Mais bon nombre de maquis et de combattants appartenant à la mouvance communiste, comme les Francs Tireurs de Guingouin, décident de conserver leur autonomie au sein des FTPF (Francs Tireurs et Partisans de France) qui deviendront les FTP. De son coté l’ORA (organisation de Résistance de l’Armée), issue des cadre militaires qui peu à peu se sont détachés de Vichy mais qui constitue une force non négligeable puisque très organisée et pouvant rapidement disposer de la logistique militaire et de nombreuses armes ne voit pas d’un bon oeil ce regroupement de civils armés dirigés par des civils se parant de grades militaires. ORA qui de son coté se méfie de De Gaulle considéré comme factieux et de Giraud nommé « vieille baderne ».

Mais plus encore des communistes. De Gaulle, malgré ses réticences, est bien contraint d’accepter la reconnaissance officielle par les Alliés d’un mouvement armé sur le sol français. Et il accepte le principe des plans « montagnard » et « caïman » qui prévoient l’insurrection des FFI dans le Vercors et dans le Massif Central si un débarquement allié avait lieu. Dans cette optique il est précisé que des armes et des conseillers spéciaux, sinon des troupes parachutées, seraient envoyées sur les maquis concernés donc les Glières, le Vercors, les Maquis d’Auvergne (Mont Mouchet, Truyère) et du Limousin. Il est originellement question d’attendre le débarquement ou les débarquements alliés pour déclencher ces fameux plans qui d’une part, consisteront au regroupement des maquisards sur un réduit désigné et , d’autre part, au début d’une insurrection armée à grande échelle et en coordination avec les différents maquis.

 

L’affaire du maquis des Glières ou une exécution programmée

Pourtant le 8 février 1944 a lieu à Annecy une importante réunion entre un certain Cantinier (en fait Rosenthal), officier de liaison avec Londres, et les responsables du Maquis des Glières. Ce maquis, situé sur un plateau, a été constitué afin de réceptionner les parachutages alliés destinésà la résistance locale. Il comporte une centaine d’hommes dirigés par le Lieutenant Tom Morel, un héros de la bataille de France en 1939, décoré Officier de la Légion d’Honneur sur le front de Savoie. Ces hommes sont principalement des républicains espagnols au nombre de 50 et une cinquantaine de FTPF qui malgré leurs opinions politiques acceptent de bon coeur le commandement sans concessions d’un militaire Saint Cyrien qui ne cache pas ses opinions de droite. Cantinier est porteur d’un ordre qui a pour but de regrouper le plus grand nombre de maquisards sur le plateau des Glières en vue d’établir une base d’attaques contre les Allemands et la Milice.

Le chef régional de l’A.S. (Armée Secrète) s’oppose à ce projet qui mettrait en péril la raison d’être du plateau. Ce chef c’est tout simplement le Commandant Valette d’Osia, commandant le 27eme Bataillon de Chasseurs Alpins* cantonné à Annecy. Mais mis en minorité il ne peut qu’accepter le fait accompli *. Le commandant Jean Valette d’Osia *Le Commandant Jean Valette d’Osia, un Officier de Tradition, reconstitue à l’époque, avec l’aide du Capitaine Maurice Anjot et d’autres officiers du 7eme BCA, dont Théodose Morel, dit « Tom », un bataillon « fantôme » ou « secret » destiné à prendre la maquis le moment venu, avec armes et bagages et en uniformes. Il recrute donc en secret officiers, sous officiers, chasseurs et les entraine spécifiquement à leur future mission.

De nombreuses manoeuvres en montagne sont l’occasion de faire disparaître armes légères, uniformes et provisions. De quoi renconstituer, normalement, au moins 3 compagnies et donc le 27eme BCA qui passerait alors officiellement du côté de la résistance. Son but était simplement de convaincre les alliés d’armer une unité régulière, ce qui posait moins de problème que d’armer des « civils » dont on ne controlait pas toujours les opinions et les actes.

Il savait donc parfaitement qu’il existait une forte réticence à fournir des armes autres que celles destinées à des sabotages ou à des coups de mains limités aux maquis. Il faut quand même avouer que les autorités militaires italiennes, qui occuppent Annecy et une partie de la région, dont les Glières, ferment plus ou moins les yeux sur ces agissements car Valette d’Osia a conservé de fortes amitiés avec certains officiers et parle parfaitement italien. Malheureusement des documents compromettants seront saisis par les Allemands lors de leur occupation de la zone italienne, plusieurs officiers italiens étant arrêtés à cette occasion. Valette d’Osia sera également arrêté par les autorités allemandes, interrogé sans le moindre ménagement mais il réussira à fausser compagnie à ses gardiens dans le train qui le tranportait à Paris. Il passera à Alger puis en Angleterre où il essaiera de convaincre les Alliés, et de Gaulle, d’armer les maquisnotamment en armes lourdes qui leur font cruellement défaut.

Peu avant son arrestation, en juillet 43 il fera parvenir une télécopie à Londres dont la teneur ne laisse aucun doute sur ce qu’il pense de l’aide apportée au maquis des Glières :

 » Nous n’admettons pas que la puissante RAF aidée par la petite aviation française dont les pilotes ne demandent que cela soit incapable d’assurer les envois demandés. Stop. La constitution des unités a amené bien des hommes à se découvrir. Il est lâche d’exposer ces hommes à des représailles ennemies faute d’armement. Stop. Effort organisation actuelle a été entrepris sur demande. La carence actuelle constitue une tromperie criminelle. Stop. Prétendons que équipe réception capable de recevoir bonne conditions matériel envoyé. Stop. Pour notre part estimons que comédie a assez duré. Si pas d’envoi a bref délai abandonnons résistance mais dans ce cas inutile à camarades alliés de venir après guerre faire du sport dans montagne de Savoie. Ils seraient reçus à coups de rares fusils existants inemployés pour la boches. Stop. » Général Valette d’Osia « 42 ans de vie militaire » Editions Elan (1988)

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Le commandant Valette d’Osia du 27eme BCA Le moins qu’on puisse dire est que ce haut responsable de la résistance savoyarde ne se prive pas de dire à Londres ce qu’il pense des approvisionnements qu’on lui avait promis puisqu’il va jusqu’à employer le qualificatif de « tromperie criminelle ».

Il est également très clair sur le fait que le regroupement des maquis a bien été effectué sur demande, donc sur ordre, mais sans aucun moyen ni aucune aide. Preuve en est cet appel à l’insurrection diffusé à la BBC le 6 février 1944 et qui est lu par Maurice Schumann :  » Sédentaires armés rejoignez d’urgence les maquis de Haute Savoie. Sédentaires armés joignez vous d’urgence aux maquis… »

Ce à quoi répond Valette d’Osia : « Depuis notre arrivée (en Angleterre) nous avons appris que le débarquement devait se faire attendre encore des mois. Cet ordre fou si il était suivi d’évécution allait mettre la Savoie à feu et à sang ! Notre réaction fut assez violente. A la vacation suivante la BBC diffusa l’annulation de l’ordre précédemment émis ».

Par la suite, évidemment, comme beaucoup qui revinrent de Londres, il a mis de l’eau dans son vin mais ce qui ne l’empècha pas de publier ce télégramme accablant dans l’un des tomes de son ouvrage (42 ans de vie militaire T2 Elah 1988). Pour la petite histoire, comme pour la grande, il était lié à l’Action Française, donc sympathisant de la droite extrême, comme, par ailleurs Maurice Anjot et Théodose « Tom » Morel ce qui ne simplifia pas leurs rapports avec, d’une part certains maquisards, et d’autre part avec les Alliés, et De Gaulle, qui se méfiaient des nationalistes. * Le 27eme BCA est l’un des cinq bataillons de chasseurs qui porte la fourragère rouge car le régiment, donc le bataillon pour les chasseurs, a été décoré de la Légion d’Honneur.

Cet honneur incombe également aux 6eme, 8eme, 16eme et 30eme bataillons de chasseurs. Au moment de sa dissolution, en novembre 1942, suite à l’invasion de la zone libre ou « zone Nono » (pour non-occupée !) par les troupes allemandes il est le détenteur du seul drapeau, ou fanion, des chasseurs que le bataillons « bleu cerise » (donc portant la fourragère rouge) gardent à tour de rôle. Le précieux drapeau est mis à l’abri dans la famille du Lieutenant Jean Monet et sera activement recherché tant par les Italiens que par les Allemands qui auraient souhaité en faire un trophée. Le drapeau sera restitué en 1945 lors de la reconstitution officielle du 27eme BCA.

Mais après la dissolution officielle du fameux bataillon, Valette d’Osia, Maurice Anjot, Théodose « Tom » Morel et quelques auttes officiers n’auront cesse de le reconstituer secrètement avec les armes et uniformes dissimulés dans le maquis. Le bataillon « secret » recrutera ses propres chasseurs et comptera, en mars 1943 trois compagnies soit un effectif total de 300 hommes, chasseurs, sous officiers et officiers.

Le 27eme BCA est donc toujours, et plus que jamais, détenteur de cette fourragère « bleu cerise » (le « rouge » étant un terme évité par les chasseurs, de même que le « jaune » qui se dit « bleu jonquille » ). Au sujet de la fourragère rouge peu après la Libération Pierre Messmer (qui n’était pas non plus un gauchiste !), qui avait justement commandé un régiment détenteur de la Légion d’Honneur, fut stupéfait de voir la police parisienne paradant avec cette fourragère rouge provenant de stocks récupérés à Vincennes. Il se rendit auprès de Diethelm, le Ministre de la Guerre, pour faire un scandale.

Diethelm lui annonça que l’autorisation venait « d’au dessus », donc du Général de Gaulle. Messmer demanda immédiatement à être reçu et devant témoins apostropha le Général en ces termes (c’est Messmer lui-même qui l’affirme dans ses mémoires !) « Vous ne pouvez pas faire ça ! Considérons qu’ils se sont un peu rachetés de toutes leurs saloperies, mais vous n’allez quand même pas leur refiler la Légion d’Honneur ? » et celui-ci répondit « Messmer, en ce moment il faut avant tout que l’ordre soit rétabli et les policiers sont là pour ça. Il se sont tellement compromis pendant quatre ans qu’avec la fourragère, au moins, ils relèvront la tête ! C’est tout Messmer ».

Qui se le tint pour dit. Et le 12 octobre 1944 la police parisienne sera citée à l’ordre de la nation avec attribution de la Légion d’Honneur. De son coté Tom Morel, absent à la réunion mais tenu au courant de la décision critique vivement celle-ci comme étant totalement contraire aux règles de la guerre clandestine. Assez rapidement les effectifs du « Régiment des Glières » passent de 100 à 450 hommes avec l’apport de l’A.S. qui joue le jeu et des FTPF de la région. Plusieurs parachutages sont effectués mais qui ne comportent que des armes légères, pas de mitrailleuses lourdes, pas d’armes anti-chars, pas d’explosifs, pas de mines, pas de radios*.

* L’Ecole des Cadres de Manigod qui comporte un effectif total de 85 personnes ne dispose début 1944 que de 17 mousquetons (fusils d’un modèle ancien), huit mitraillettes sten, un tromblon lance-grenade Vivien Bessière (VB), trois fusils mitrailleurs modèle 1924 modifiés 1929, six grenades défensives, pas d’explosif, pas de radio. Romans-petit, qui a remplacé Valette d’Osia, à la tête du 27e Bataillon de Chasseurs, reconstitué secrètement, qui soutient le maquis des Glières fait à son tour part de son opposition à ce regroupement qu’il considère comme plus dangereux qu’efficace. Un envoyé du BCRA de Londres (service de Renseignement de la France Libre, donc sous les ordres de Passy lui-même directement placé sous les ordres de De Gaulle), Jean Rosenthal, alias Cantinier, confirme la nécessité de ce regroupement qui doit donner la preuve que le résistance française représente une force avec laquelle les Allemands doivent désormais compter.

Le capitaine Théodose « Tom » Morel

Tom Morel qui critique toujours vivement et ouvertement ce regroupementet qui préfère la dissémination des maquis dans la montagne*, suivant les règles de la guerrilla, est abattu de plusieurs balles dans le dos dans la nuit du 9 au 10 mars dans des circonstances assez compliquées où les témoignages diffèrent. *Les différents camps ou refuges du maquis, généralement des regroupements de chalets d’alpage étaient situés au Bouchet de Serraval, à Banderelle (Espagnols), à Faverges, à la Cola de Manigod (cole des Cadres), au Col des Saisies et étaient visités fréquemment par Tom Morel qui apportait des ordres, des nouvelles, du ravitaillement.

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Théodose « Tom » Morel : un brillant officier de Chasseurs issu de Saint Cyr en uniforme d’officier du 27eme BCA. Proche de ses hommes et vivant avec eux, ne cessant pas de visiter, à pied, les différents maquis des Glières et apportant son énergie et du ravitaillement, souvent à ses frais, il est réellement considéré comme l’âme des Glières et, malgrè ses opinions politiques fortement marquées à droite, est apprécié même des républicains espagnols qui reconnaissent ses qualités de chef et de meneur d’hommes. Cet assassinat est officiellement mis sur le compte de la Milice et d’un officier de celle-ci qui aurait trahi la parole qu’il aurait donnée à Tom Morel lorsque celui-ci était venu demander la libération de plusieurs maquisards détenus et d’un médecin qui soignait les deux camps sans poser la moindre question ceci en échange de deux soldats allemands capturés à Manigod.

Le capitaine Maurice Anjot

Il est remplacé, sur ordre de Londres, par le Capitaine Maurice Anjot qui ne discute pas les ordres reçus mais les exécute sans le moindre état d’âme.

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Le capitaine Maurice Anjot du 27eme BCA Anjot est celui qui, avec le Commandant Valette d’Osia, a permis la constitution parallèle d’un bataillon « fantôme » du 27eme BCA, organisé et armé celui-ci. Ses supérieurs reconnaissent ses capacités de synthèse et d’organisation mais aussi son manque total de charisme qu’il compense par une rigidité exceptionnelle ce qui lui a valu le surnom étonnant du « Prussien »(surnom cité par Claude Antoine dans Capitaine Maurice Anjot – le chef méconnu des Glières Editions Lapeyronie).

Si on excepte leurs idées politiques communes, nettement marquées à droite, tout l’oppose donc à Tom Morel et son arrivée au maquis est très mal perçue par les maquisards qui, tout à coup, se retrouvent plongés dans un univers de défilés, de manoeuvres, de corvées et autres revues d’armes et rapports de semaine. Mais qui acceptent néanmoins les ordres que Anjot leur impose. Il se rend bien compte de la situation et comprend que seule une évacuation des Glières permettrait de s’en sortir, mais de Londres on lui fait comprendre qu’il doit continuer à occuper le plateau puisqu’un débarquement allié est proche et que d’importants parachutages doivent avoir lieu, sur le plateau, avec, cette fois-ci, des armes lourdes et des conseillers militaires SOE et SIS *.

Il a même été question, suivant Rosenthal, alias Cantinier, envoyé du BCRA de Londres, du parachutage d’un régiment canadien. A son sujet Humbert Clair*, le chef de l’A.S. qui a remplacé Valette d’Osia, ne saurait être plus direct :

« Il est exact que je me suis laisser piéger par Cantinier qui s’est conduit comme un salopard. mais à l’époque je n’avais pas de raison de douter de l’authenticité du télégramme qu’il m’a mis ous le nez. Le résultat a été de me faire remettre en poche l’ordre d’évacuation des Glières(….) Il n’est en effet pas besoin d’être énarque pour comprendre, à la lumière des évènements du premier semestre 1944, qu’aucun responsable de la conduite de la guerre, n’aurait été assez idiot pour balancer un bataillon sur Glières au mois de mars. Seulement, voilà, à l’époque on était dans le bleu et ce qui est invraissemblable aujourd’hui était alors parfaitement crédible ». (cité dans Capitaine Maurice Anjot par Claude Antoine Editions Lapeyronie P. 205).

* Humbert Clair, alias Lachenal, alias Navand (ou Navant) est le chef de l’A.S. (Armée Secrète) en Savoie. Arrêté sur dénonciation le 30 septembre 1943 il est incarcéré à Montluc il réussit à s’échapper le 21 octobre de la même année grâce au coup de main entrepris par un groupe de FTP mené par Lucie Aubrac pour faire libérer son mari lors d’un transfert. Tandis que les FTP emmênent Aubrac, il est laissé sur le terrain avec un autre détenu, un Polonais, auquel il est attaché par des menotes.

Le Polonais parvient à se libérer de ses entraves et Humbert Clair prend ainsi la clé des champs et parvient à se réfugier chez un couple de résistants puis à reprendre du service auprès de Romans-Petit. Cet épisode, relaté dans « Aubrac Lyon 1943 » par Gérard Chauvy (Albin Michel) P. 254 255 montre le peu de considération qui existait alors entre réseaux différents surtout lorsqu’il existait un clivage politique. Aubrac était de gauche et civil, Clair était de droite et militaire. Il semble que certains ont donc décidé en haut lieu, à Londres, que les Glières ne devaient pas être évacuées. Anjot, motivé par Clair et les assurances données par Cantinier décide donc, contre toute logique et contre toute attente, de maintenir la position coûte que coûte. Et Londres sait qu’il la maintiendra jusqu’au bout. Le choix du personnage a donc été effectué en parfaite connaissance de cause.

* Les seuls conseillers militaires SOE envoyés par Londres dans la région est ce qu’il a été coûtume de nommer « le couple Chambrun ». Un tout jeune officier Peter Churchill, aliasMichel ou Raoul, et son agent de liaison, une petite blondinette frisée comme un mouton et âgée de 19 ans, Odette Samson, alias Lise. De quoi, en effet terroriser les Allemands et la milice et « mettre le feu à l’Europe » (Set Europe ablaze). Les deux agents secrets seront capturés à Saint Jorioz et déportés tous deux reviendront. Peter Churchill réussit à faire croire qu’il était le neveu de Churchill et que Odette était sa femme. Dans le doute ils ne furent pas exécutés. Devant ce regroupement, très militarisé grâce à Anjot, et qui ne passe pas inaperçu les autorités allemandes décident de réagir et lancent une attaque concertée avec la Milice. Plus de 3000 hommes du corps de montagne du Général Pflaum et 6500 miliciens et divers corps (Gardes Mobiles, Francs Gardes…) cernent et attaquent le plateau avec l’assistance de l’artillerie de montagne et de l’aviation.

C’est donc presque 10 000 hommes bien entraînés, bien armés et bien nourris qui montent à l’assau des Glières. En face il a été établi par la suite qu’il existait les 320 chasseurs du 27eme BCA Morel-Anjot répartis en trois compagnies et 131 maquisards soit 451 combattants ne bénéficiant pas d’armes lourdes.

Il va sans dire que le combat est désespéré et « pour l’honneur ». Entre le 24 et le 26 mars 1944 le plateau est nettoyé, les défenseurs tués au combat ou achevés. Les Allemands et la milice feront quelques prisonniers qu’ils exhiberons avec complaisance. On dénombre plus de 150 morts dont le Capitaine Anjot et de très nombreux blessés. Les Chasseurs suivant leur tradition ont « fait Sidi Brahim », c’est à dire qu’ils ne se sont pas rendus vivants.

Les deux tiers des effectifs sont tués, blessés ou fait prisonniers. Rares seront ceux qui pourront échapper à la nasse mise en place car il était aussi difficile de pénètrer au Glières que d’en ressortir ! De leur coté les troupes allemandes et la milice n’ont subies que des pertes relatives contrairement aux légendes dorées qu’on nous ressort sans cesse. L’opération est donc un désastre et le réduit n’a pas tenu jusqu’au débarquement, très loin s’en faut. Si on ajoute le matériel détruit et le fait que le plateau des Glières ne puisse plus servir de base pour la réception des parachutages destinés à la résistance autre que militaire on comprend que le modèle du regroupement des maquis ne semble pas être la meilleure solution ! Tout au plus on en retire une épopée épique qui vaut celle de Roland à Roncevaux. Un site consacré au combats du Plateau des Glières.

La conclusion de l’affaire sera apportée par un télégramme du BCRA daté du 6 avril 1944 « 

Sommes désolés des évènements Haute Savoie. Stop. Attendons vos cables avec impatience. Stop. Remercions de nous tenir fidèlement au courant Signalez nous les pertes dès que possible. Stop. Somme hélas impuissants devant tragédie des Glières. Stop. Malgrè insistance auprès de la RAF n’avons pu obtenir qu’elle vienne bombarder les voies d’acces ou PC ou concentration boche. Stop. Insisterons inlassablemet. Stop ».

Comme on dit maintenant à tout occasion dans les séries policières américaines « Désolé ! » C’est un peu facile d’être désolé avec la peau des autres quand on a tout fait, ou peu s’en faut, pour arriver au drame. Pour reprendre les termes mêmes du Commandant Valette d’Osia « Comédie, lâcheté, tromperie criminelle ». Mais visiblement cela ne servira pas du tout de leçon et l’erreur sera plusieurs fois reproduite à plus grande échelle encore. La question que l’on peut actuellement se poser est : Est-ce réellement le fait du hasard ?

Peut-on uniquement évoquer comme on le fait officiellement « une longue suite d’erreurs attristantes » ? La suite peut éventuellement vous apporter un élément de réponse ou du moins, de réflexion. Un site fort complet de Alain Cerri sur les combats des Glières : http://alain.cerri.free.fr/index4.html#Un%20combat%20pour%20l’honneur Quelques ouvrages concernant les Glières : Glières par Michel Germain Editions La Fontaine de Siloe Un classique avec les photos des divers protagonistes et de nombreux témoignages. Capitaine Maurice Anjot, le chef méconnu des Glières par Claude Antoine Editions Lapeyronie Très bel album comportant de nombreuses photos et illustrations qui a pour but de pleinement réhabiliter la mémoire de Maurice Anjot, quelque peu oublié au profit de Tom Morel mais que ne cessa de soutenir cette résistance armée et militaire qui dérangeait quelque peu les Etats Majors de Vichy et de Londres.

 

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Le Mont Mouchet : une erreur stratégique ?

Le 16 mai 1944 le Général de Gaulle, à Alger signe deux documents qu’il remet à Jacques Soustelle, alors Secrétaire Général du Comité d’Action en France et qui précisent le rôle que devra tenir la résistance au moment des opérations de libération du territoire. La directive principale est le plan « Caiman » qui concerne les opérations militaires de la zone Sud/Ouest et Centre. Il est précisé que le déclenchement général ou partiel de ce plan est nécessairement lié aux opérations alliés après un débarquement sur le territoire national. Ce plan est soumis, après coup, au SHAEF (Commandement des Forces Alliées) où il est très mal perçu par le Général Eisenhower qui le juge « mal conçu, irresponsable et trop ambitieux ». « Les parachutages qui visent à ravitailler la résistance intérieure n’ont pas pour but de favoriser ni de déclencher une insurrection ni la création de bastions » précise Eisenhower. Devant cette critique il est alors conçu que le plan « Caiman » ne s’appliquera qu’au Massif Central qui devra être la tête de pont qui accueillera la « Force C ».

Il est donc supposé l’envoi massif de troupes aéroportées dans une nouvelle opération alliée nommée « Dragoon-Anvil » puis « Anvil » pour soutenir le maquis. Mais entre temps Emile Coulaudon dit « Gaspard », issu du Mouvement Combat de Henry Fresnay et chef de l’A.S. (Armée Secrète) pour la zone R6 (Puy de Dôme, Cantal, Allier, Haute Loire, Lozère) organise une réunion le 29 avril 1944, présidée par Henry Ingrand, également issu du Mouvement Combat, qui a justement pour but la levée en masse des maquisards et la création d’un réduit au Mont Mouchet. Cette réunion fait suite à la rencontre entre Emile Coulaudon et un agent britannique du SOE, nommé Southgate alias « Philippe » , le 20 avril. Cet agent lui donne la certitude du soutient des Alliés dans une semblable opération. Il s’avérera plus tard que ce fameux agent n’est pas le responsable du SOE pour la zone sud, mais un simple agent de liaison. Ou c’est du moins ce qu’on prétend pour ne pas trouver de responsable. Il est pourtant évoqué la constitution d’une force supplétive et composée d’unités spéciales en préparation. Elle serait destinée à être parachutée et amenée par planeurs à l’intérieur même des réduits organisés dans le cadre de « Montagnards » et de « Caiman ».

Ce corps spécial est désigné sous le nom de « Force C ». La « Force A » serait donc constituée des détachements français devant participer au débarquement en zone Nord, que l’on présume encore être le Pas de Calais. La « Force B » serait composée des détachements français placés sous le commandement du Général de Lattre de Tassigny débarquant en zone sud (Provence) L’ennui est que l’Etat Major des Alliés n’a jamais voulu entendre parler de la « Force C ».

Bien évidemment le Colonel Gaspard ignore ce fait. Par la suite cette réunion a étrangement souvent changé de date puisqu’on la reporte au 2 mai, au 15 mai puis au 20 mai. Mais un rapport des MUR précise pourtant : « Il y a là en cette après midi de la fin avril les principaux responsables régionaux et départementaux.. » Mais le 29 avril une importante réunion des responsables de la Résistance qui devait avoir lieu à La Chapelle Saint Laurent, près de Brioude, échappe de peu à un coup de filet visiblement bien préparé et qui ressemble fort à celui, réussi, de Calluire qui a permis aux Allemands de capturer Jean Moulin. Ce qui est certain, par contre, c’est que les représentants de l’ORA (branche militaire de la Résistance) ne seront pas invités à la réunion, quelle qu’elle soit, qui engage la mobilisation des maquis. Coulaudon, alias « Gaspard » obtient donc l’accord qui autorise à ordonner la levée en masse de tous les membres des divers réseaux de résistance de la Région R6 (Auvergne).

Il est précisé que tous les « sédentaires valides » sont également concernés. Un document des Forces Françaises de l’Intérieur signé par le Chef d’Etat Major Régional Gaspard et daté du 8 mai 1944 atteste formellement que : 1/ les effectifs des FFI doivent être immédiatement recensés de manière à ce que leurs membres puissent prétendre dans l’avenir jouir des prérogatives 2/ les membres agréés devront recevoir ordre de rejoindre immédiatement le maquis réduit du point de rassemblement qui leur sera fixé 3/Tous les autres en état de prendre les armes rejoindront le maquis d’où partira le Mouvement de Libération Générale de notre territoire (en gras). Il est précisé enfin: Tous les hommes qui n’étant ni maintenus au groupe de commandement, ni partant au maquis seront rayés des FFI. Ce qui a le mérite d’être très clair.

Il s’agit ni plus ni moins que d’une mobilisation générale. Pour confirmer l’accord des Alliés une mission Jedburgh (Agents spéciaux du SOE britannique) est présente le 8 mai et un important parachutage a lieu le 10 mai. Gaspard se croit donc assuré de l’appui du haut commandement allié. Ce même commandement allié qui critique ouvertement le plan « Caiman » qui vise à ce fameux regroupement. Une autre réunion a lieu le 15 qui fixe les modalités du regroupement et qui désigne officiellement le Mont Mouchet comme point central du regroupement, deux regroupement secondaires étant prévus vers Venteuges et vers Chaudes Aigues. Le 20 mai « Gaspard », devenu Chef Régional des FFI signe l’ordre N°1 enjoignant tous les résistants d’Auvergne de rejoindre le maquis. Il est encore précisé que tous les défaillants seront rayés des Forces Françaises de l’Intérieur et de la Libération. Le 25 mai la Commandant Antoine, Georges Archer, géomètre dans le civil croit bon en rajouter et fait placarder un nouvel avis dans toute la région: République Française Ordre de Mobilisation Générale « Par ordre du Général de Gaulle, tous les hommes valides de 18 à 45 ans sont appelés à servir volontairement dans les rangs des Forces Françaises de l’Intérieur, placées sous les ordres du Général Koenig. Ils se rendront à La Bastide, Commune de Venteuges pour y être incorporés au Bataillon Lafayette du 91e RI et seront porteurs de 48 heures de vivre et chaussés solidement. Signé Antoine  » Ce qui mettre évidemment bien dans l’embarras le Général de Gaulle et le Général Koenig qui n’étaient bien évidemment aucunement au courant de la situation.

Le Général Koenig lui-même niera vigoureusement l’existence d’un quelconque « plan Koenig » que Guillain de Bénouville évoquera pourtant plus tard. Le Bataillon Lafayette du 91e RI (Régiment d’Infanterie) n’existant également que sur le papier puisqu’il doit se constituer avec les « volontaires » concernés ! Et le 91E RI (Régiment d’ Infanterie) n’a évidemment rien à voir avec cette affaire. Par la suite, après la Libération, le Colonel Gaspard prendra sur lui la charge de cette mobilisation générale et admettra qu’il avait peut-être été un peu trop prompt à la manoeuvre. De ce fait il y aura une dilution des responsabilités dans ce qui devait nécessairement aboutir à un désastre très prévisible. Surtout que l’on dispose désormais de l’expérience fatale du Plateau des Glières.

Les dés sont donc jetés puisque ce sont des milliers d’hommes peu équipés et bien évidemment non armés qui rejoignent le fameux maquis du Mont Mouchet qui se retrouve immédiatement submergé. René Crozet (La Bataille du Mont Mouchet collection Histoire Editions la Plume du Temps) relate que son aumônier vient les voir (plusieurs jeunes qui partent pour le maquis) et leur déclare : « Je sais que vous devez partir au maquis. C’est peut-être très bien mais vous n’avez pas réfléchi de ce qui peut arriver à vos familles, je vous conjure de n’en rien faire. J’ai mes renseignements à la Gestapo, la police allemande n’ignore rien. Ils vont vous laisser partir pour mieux vous coincer; Arrêtez les frais ! »

Ce qui a aussi le mérite d’être on ne peut plus clair. Plusieurs parachutages ont lieu et on estime que cela représente, au plus, 3000 armes individuelles et 150 fusils mitrailleurs ainsi que 3500 grenades. Mais aucune arme lourde. Comme d’habitude. De ce fait les maquisards reçoivent à peu près tous une arme individuelle mais avec des munitions limitées. Le problème crucial des responsables du maquis devient assez immédiatement l’ approvisionnement et l’instruction des recrues qui, pour l’immense majorité, n’ont jamais utilisé d’arme. Approvisionnement qui rapidement devient une contrainte pour les villageois et agriculteurs du Mont Mouchet qui jusqu’ici ravitaillaient de bonne grâce le maquis mais qui se voient rapidement dépassés par les événements. Les anciens maquisards étaient pour la plupart des ruraux qui connaissaient le problème de la vie en montagne.

Les nouveaux maquisards sont pour l’immmense majorité des citadins qui ne comprennent pas que les boeufs de labour vont par paire et qui en réquisitionnent un sur deux au lieu de se contenter des vaches. « On est des hommes, pas des tantes, on ne mange pas de vaches, nous, on mange du boeuf » répond un jeune maquisard venu réquisitionner de la viande et qui abat froidement l’un des deux boeufs de labour d’une petite exploitation (témoignage local recueilli en août 2006). De nos jours on évite encore de parler de cette période d’autant plus que la plupart des villages, dont Paulhac, furent incendiés sous le prétexte qu’ils accueillaient des « terroristes » ! Mais, comme on dit, on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs !

Il y eut, néanmoins, au sein du maquis plusieurs exécutions consécutives à des actes de brigandage sur les populations civiles. Au début juin 44 le maquis du Mont Mouchet, ou plus précisément les trois réduits du Mont Mouchet, de Venteuges et de la Truyère, compte plus de 3000 maquisards. Le 28 mai 1944 un fait devrait donner à réfléchir. Le Maquis « Bir Hakeim » regroupé à La Borie et à la Parade, sur le Causse Méjean, entre Florac et Meyrueis est attaqué par surprise.

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Des opérations souvent bien planifiées ! Profitant du matin de la Pentecôte, le commandant Boehme à a tête d’une importante troupe allemande appuyée par des GMR passent à l’attaque au moment précis où les maquisards partant pour une mission embarquent dans des camions. Il sont au nombre d’une soixantaine. L’embuscade est bien préparée car près d’une trentaine de maquisards tombent rapidement sous les balles des Allemands et de la Milice.

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Juste avant l’assaut ! En fait la population civile aidera à enterrer 32 maquisards que les Allemands avaient dépouillés de leurs papiers personnels. Le lundi 29 mai les huit derniers combattants de la Borie se rendent, pour la plupart blessés et son emmenés sans ménagement dans un champ voisin où ils sont fusillés. Ce même 29 mai les 27 prisonniers faits lors des combats sont livrés à la Gestapo de Mende où ils sont atrocement torturés. Le 29 ils sont emmenés sur la route de Mende à Villefort et au col de la Tourette sont massacrés. La plupart des cadavres sont mutilés et ont été défigurés à coups de crosses et de bottes, donc rendus impossible à identifier. Les Allemands donnent l’ordre de les enterrer sur place mais le maire de Badaroux, un ancien combattant de 14-18 s’y oppose et finit par récupérer les corps qu’il fera inhumer côte à côte au cimetière du village. Il fut déterminé, par la suite, que le maquis avait été trahi sans que l’on puisse expliquer les raisons de cette forfaiture. Il n’y eut que trois survivants. Les traîtres furent jugés, condamnés et fusillés le 28 septembre.

 

L’assaut du Mont Mouchet

Le 2 juin à 7 heures du matin une force composée de miliciens et de troupes allemandes, dont 800 SS, provenant du Malzieu attaque le Mont Mouchet par le flanc sud. Cette troupe est mécanisée, donc appuyée pas des véhicules blindés légers, et appuyée par de nombreux mortiers. Elle est repoussée par les 2eme et 3eme compagnies et par le corps franc des « Truands » appuyés par la 12eme compagnie et des éléments du Corps Franc Laurent. A 15H les assaillants se replient en ordre non sans compter quelques tués et blessés.

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Un Maquisard et sa Sten : redoutable en embuscade Mais en difficulté face à un régiment de SS et des blindés même légers ! Sans engager de polémique stérile il semble bien que cette attaque ait eu pour but de « tâter le terrain » et de mieux définir les forces en présence.

Les Allemands ont nécessairement du remarquer qu’à part une ou deux mitrailleuses, les maquisards ne disposent d’aucune autre arme lourde. Entre temps les volontaires qui doivent constituer le fameux « Bataillon » La Fayette (qui deviendra simplement le Groupe Lafayette !) affluent à Venteuges, la plupart en costume de ville ou en bleu de travail. Une centaine d’hommes est armés et, faute de mieux, les autres sont refoulés, la plupart retournant à Saugues pour attendre la suite des événements. Quelques échauffourées ont lieu autour du Mont Mouchet, plusieurs jeunes volontaires rejoignant le maquis tombent dans des embuscades.

Plusieurs parachutages, toujours des armes légères, ont lieu si on excepte deux « rocket-guns » ou bazookas dont personne ne sait se servir. Le Capitaine Volle, alias « Lulu » permet néanmoins de les mettre en oeuvre et il les utilise assez rapidement contre un groupe d’Allemands dissimulés derrière un mur, pulvérisant celui-ci et la douzaine de soldats. Les bazookas seront affectés à Jean Chabannes et à Robert Solvignon qui, plus tard, seront tués dans les combats de la libération du Puy. Entre temps la nouvelle du débarquement allié en Normandie a galvanisé les Maquisards et provoqué un nouvel afflux de « volontaires », plus de 6000 ce qui amène les effectifs à près de 10 000 hommes. Sur le papier car la plupart ne peuvent ni être armés, ni être instruits et à peine ravitaillés. Le 10 juin, par contre, c’est une division allemande complète comprenant plus de 11000 hommes, et non pas 2200 comme il est parfois prétendu, soutenus par des blindés légers er moyens, de l’artillerie et des avions qui se présente face au Mont Mouchet.

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Du courage à revendre mais peu d’armes ! Les Allemands ont bien retenu la leçon du 2 juin et n’ont pas, cette fois-ci, lésiné sur les moyens.Cette importante colonne est pourtant stoppée près de Clavières par les hommes de la 4eme Compagnie (Hoche) bientôt soutenus par la 9eme compagnie. Mais les Maquisards ne disposent que d’armes légères et sont peu à peu contournés par les chars. Malgrè un combat héroïque les défenseurs succombent peu à peu mais ils permettent aux 10 e et 14e compagnies d’intervenir à leur tour pour bloquer la progression jusqu’au soir. Le 11 juin les Allemands utilisent alors toute la puissance de leur dispositif d’attaque et enlèvent peu à peu les positions dans des combats extrêmement violents.

Clavières est en flamme et les Allemands se vengent sur le village de Ruynes où ils fusillent 27 hommes en présence des femmes et des enfants puis mettent le feu au village. Neuf maquisards capturés sont également abattus comme « terroristes » malgré les brassards à croix de Lorraine et un ordre de mission en bonne et due forme. Plus de 200 camions convergent alors de diverses routes vers le Mont Mouchet. De nombreux villages accusés d’avoir accueilli les « terroristes » sont pillés et incendiés, donc Paulhac. En plus de 27 fusillés de Ruynes on en dénombre 13 à Clavières, 11 à Pinols, 5 à auvers et 25 otages sont encore abattus au Pont de Soubizergues le 14 juin.

La situation sur le Mont Mouchet devient intenable et faute de munitions l’ordre est donné de ne tirer qu’à vue et à courte distance. Le Colonel Gaspard, en fin d’après midi, donne l’ordre de repli général pour 22 heures. Ce repli, malgré de lourdes pertes, s’ effectue en bon ordre. Près de 3000 combattants réussissent à rompre l’étau qui se resserre peu à peu et à rejoindre le Massif de la Truyère. Les Allemands atteignent enfin la maison forestière qui servait de PC mais ne trouvent ni hommes ni matériel.

Ils incendient les quelques bâtiments puis se retirent. Le 20 juin, ces mêmes troupes encerclent le Massif de la Truyère, détruisent plusieurs villages. L’Etat Major FFI donne l’ordre du décrochage et de la dispersion. On dénombrera plus de 280 maquisards tués au combat, 180 blessés et une centaine d’otages civils seront exécutés en représailles. Sans arrêt des messages auront été expédiés à Londres et à Alger pour demander des parachutages d’armes et des renforts d’aviation.

Les positions allemandes ont été précisément définies et un simple bombardement aérien qui aurait pulvérisé les assaillants aurait pu changer le cours de l’histoire. Mais les Alliés avaient bien d’autres préoccupations que ce maquis du Mont Mouchet. Les FFI, ayant compris la leçon se regrouperont en 20 zones de guérilla et participeront activement à la libération mais cette fois-ci dans un combat mieux approprié fait d’embuscades, de coups de mains, de sabotages. Le Colonel Gaspard acceptera de prendre sur lui la responsabilité du désastre tout en constatant que les promesses de parachutages d’armes lourdes et de renforts n’ont pas été tenues et surtout que la fameuse « Force C » n’était qu’un leurre. Un pacte de « réconciliation du maquis » sera même signé, le 14 juillet au barrage de Laigles entre les FFI, les FTP et l’ORA. Et comme il fallait bien trouver une raison à ce gachis il sera officiellement admis que l’épisode du maquis du Mont Mouchet aura permis de bloquer une division allemande et, ce faisant, de l’empècher de rejoindre la Normandie. Ce qui n’était nullement dans ses intentions.

 

Jamais deux sans trois…le Vercors sacrifié

Comme si les tragédies des Glières et du Mont Mouchet ne suffisaient pas, la destruction du Maquis continue au Vercors. Entre le 6 juin et le 22 juillet 1944, le maquis du Vercors subira le même sort. Les mêmes maux produisant les mêmes effets, le débarquement en Normandie galvanise les Maquisards qui, une fois encore, reçoivent l’ordre de se regrouper sur le plateau du Vercors. Une fois encore des « émissaires » promettent des parachutages d’armes, d’armes lourdes, de ravitaillement, de postes de transmission et de renforts.

Une fois de plus des parachutages auront bien lieu mais ne comportant que des armes légères et des munitions en nombre restreint.

Des tonnes de matériel sur le papier mais pas de quoi tenir un siège en bonne et due forme. La République du Vercors est même proclamée à grand renfort d’affiches. En face la conception du Général Pflaum, chargé de la détection et de la destruction des maquis est simple : bouclage par encerclement du maquis, attaque d’un groupement commando par planeurs et attaque conjuguée de deux forces puissamment armées appuyées par des chars, de l’artillerie et de l’aviation.

Il compte sur le groupement Schäfer composé de plus de 200 parachutistes et d’une unité spéciale disposant de 20 JU 52 remorquant des planeurs, de 2 DO 17 tractant deux planeurs géants transportant du matériel lourd, de deux bataillons de chasseurs de montagne, de deux bataillons de la Wermarcht, d’une batterie complète d’artillerie de montagne soit près de 12 000 hommes bien équipés, bien armés et parfaitement entraînés aux conditions de combat en montagne. En face, compte tenu de la situation de regroupement on compte 2000 hommes bien armés individuellement mais ne disposant pas d’armes lourdes, de 1000 hommes moins équipés et disposant d’une simple arme personnelle allant du revolver d’ ordonnance au fusil de chasse ou d’un vieux mousqueton et de 1000 hommes qu’on pourrait qualifier de « civils » dont sans armes, mal équipés et n’ayant jamais effectué de service militaire ni combattu. On ne dispose en tout et pour tout que de deux postes émetteurs déjà obsolètes.

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Une radio dans le maquis Ce qui l’image ne montre pas c’est que le maquisard de gauche pédale comme un forcené pour obtenir la liaison ! Donc on compte plus ou moins sur le réseau-fil des PTT pour communiquer entre les diverses compagnies. Lorsque les planeurs arrivent les Maquisards les accueillent joyeusement au cris de « Les Amerlos ! Les Amerlos ! » En fait ce sont les Allemands. De son PC radio le Capitaine Bernes, le 21 juillet, a le temps de télégraphier un message à Londres : « Sommes attaqués par des parachutistes. Nous défendons. Adieu »

La défense s’organise tant bien que mal et, comme au Mont Mouchet, les Maquisards cèdent pied à pied et pas à pas. Mais face à l’armement lourd des Allemands ne peuvent tenir plus d’une journée. Le 22 Chavant rédige son célèbre message envoyé conjointement à Londres et à Alger : « La Chapelle, Vassieux, Saint Martin bombardés par aviation allemande. Troupes ennemies parachutées sur Vassieux. Demandons bombardement immédiat. Avons promis tenir trois semaines. Temps écoulé depuis la mise en place de notre organisation : six semaines. Moral de la population excellent mais se retournera rapidement contre vous si vous ne prenez pas des dispositions immédiates. Et nous serons d’accord avec eux pour dire que ceux qui sont à Londres et à Alger n’ont rien compris de la situation dans laquelle nous nous trouvons et sont considérés comme des criminels et des lâches. Nous disons bien : criminels et lâches ». Ce qui vaut bien les messages rageurs du Commandant Valette d’Osia des Glières.

Ce télégramme sera communiqué à De Gaulle à Alger le 23. Il se contentera d’une moue et d’un geste d’impuissance. Le 23 vingt trois nouveaux planeurs arrivent et les combats se terminent. L’ordre de dispersion ne peut même pas être donné tant la situation est désespérée. Pflaum précise alors ses ordres :  » Il faut désormais ratisser le Vercors avec méthode, trouver les terroristes dans leurs refuges, les exterminer, découvrir les munitions accumulées, les provisions, détruire leurs dépôts, leurs cachettes afin de rendre impossible la réinstallation de l’ennemi dans le Vercors ». On n’en était pas encore à « aller les buter jusque dans les chiottes » mais pas loin !

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Une affaire qui souvent se termine mal ! En fait entre les Maquisards tués au combat, les blessés achevés, les civils massacrés pendus ou fusillés, les déportés non revenus des camps (notamment des infirmières qui avaient soigné des blessés des deux camps) il faudra compter près de 800 victimes françaises, si on inclut parmi celles-ci la cinquantaine de républicains espagnols et les Italiens qui combattaient au Maquis des Glières. La petite ville martyre de Vassieux en Vercors sera faite « Compagnon de la Libération » par le Général de Gaulle.

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Avec le plus souvent une issue très simple pourtant

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Ici, là ou ailleurs elle est toujours la même ! Alors qu’importe le lieu ou la date. Là n’est pas l’important. Une douzaine d’autres maquis, mais de moindre importance, subiront le même sort entre Juin et Juillet 1944 : Maquis de Vabre, de la Rocque, de Lacado, de La Bouvardière, de Montnègre, de Montmeillant…

Les Maquisards qui s’en réchapperont seront intégrés à la Première Armée Française, avec dans la plupart des cas un retour à la case zéro concernant le grade. Bon nombre d’entre-eux seront tués en Allemagne pendant l’offensive des Ardennes. Ceux qui s’étaient engagés pour la durée de la guerre ne seront pas démobilisés le 8 mai 1945 mais purement et simplement intégrés à l’Armée Coloniale et expédiés en Indochine. Puisque la guerre continuait ! Ils s’étaient engagés pour combattre les nazis et se retrouveront finalement face à des « terroristes » vietnamiens puis Algériens sinon Malgaches. Mais c’est déjà une autre histoire.

 

La première victime de la guerre : la vérité

Il ressort de tout cela que la première victime de la guerre demeure la vérité – la seconde étant les dix commandements – . Elle n’est pas facile à dire et moins encore à entendre. Surtout lorsque les victimes elles-mêmes refusent l’évidence et préfèrent en demeurer à l’histoire officielle dans une sorte de conspiration tacite. Celle dont le Président de la République et le Premier Ministre affirmait pourtant il y a peu et de concert « qu’elle n’existe pas en France ».

« Il n’y a pas d’histoire officielle en France ! » Il n’y a que les officiels de l’histoire. Ceux qui ont le droit de savoir, qui savent et qui généralement ne disent que ce qu’il convient de savoir. L’histoire se doit d’être PE-DA-GO-GIQUE ! A l’image d’un Président de la République venu déclâmer à Oyonnax « Ils y étaient » en évoquant le fameux défilé des maquisards du 11 novembre 1943 alors qu’à la même époque François Mitterand était encore en poste à Vichy ! Lui, il n’y était donc pas ! voir l’édito de septembre 06. Cliquer ici. En dehors de cette pédago-démagogie point de salut. Pourtant ce ne sont pas les documents qui manquent, au contraire. Ils sont souvent surabondants.

Mais il convient encore de les aborder dans le contexte de l’époque sans pour autant renier ce que nous savons désormais. Il est actuellement difficile voire impossible de lire et d’expliquer un document de 1942 sans impliquer la connaissance de ce qui s’est passé en 1944 dont ultérieurement. L’historien sait donc, par essence, comment et pourquoi la bataille a été gagnée ou perdue. Puisque celle-ci a été gagnée ou perdue. Il tend donc à expliquer celle-ci en fonction de ce qu’il sait à postériori.

Et ainsi il justifie historiquement la victoire ou la défaite. Celui qui est sur le terrain et qui reste dessus ne saura jamais ce que l’historien dira plus tard de la situation dans laquelle il se trouve. Et les témoins, souvent de bonne foi, n’ayant qu’une vue très partielle de ce qui se passe devront afin d’en savoir plus attendre qu’un historien leur explique ce qui s’est passé. Cela fait penser à ces millions de braves gens qui sont persuadés d’avoir entendu le Général de Gaulle faire son appel du 18 Juin. On leur a expliqué après qu’ils devaient l’avoir nécessairement entendu. Et ils voient le Général devant son micro, à Londres, lancer son appel.

Cela c’est l’histoire. Son fils, l’Amiral Philippe de Gaulle, lui-même, dans « De Gaulle mon père » (Pocket) explique page 191 « Sachant que son message radiophonique avait été très peu entendu, il voulait le faire reprendre…On lui fit valoir alors qu’un texte plus court conviendrait mieux… » Lorsqu’on expliquait cela il y a encore quelques années on passait pour un irresponsable ou un provocateur. C’est désormais fait admis : il y a eu plusieurs discours et celui que l’on connaît habituellement n’est pas celui du 18 juin mais du 23 tandis que la photo du Général en uniforme et devant son micro a été faite ultérieurement !

On confond simplement discours, intervention radiodiffusée, affiche, appel, film et témoignages ultérieurs au cinéma ou à la télévision. Cela c’est la réalité. Mais pas nécessairement toute la réalité. Et encore en admettant que les archives à ce sujet, si elles sont archivées, soient libres d’être consultées. Concernant la Résistance on nous a souvent présenté un fait monolithique avec, tout au plus, quelques dissensions mineures rapidement réglées à la Libération. Puis il y a quand même eu quelques questions, concernant notamment l’arrestation de Jean Moulin puis des éléments de réponse. Mais somme toute, comme on dit dans certains milieux « il faut laisser les morts enterrer les morts ».

Donc attendre que les derniers témoins soient disparus, comme cela va bientôt se faire pour la Première Guerre Mondiale, pour clore l’affaire. Mais cela c’est compter sans les descendants des descendants qui, désormais, souhaitent en savoir un peu plus et surtout un peu mieux. Et des « jeunes » qui, contrairement à ce qu’on affirme, souhaitent retrouver la mémoire laissée sous le boisseau par les « anciens ». Et comprendre ce qui s’est passé. Surtout pour que cela ne puisse pas se reproduire. Et que l’on ne leur raconte plus des histoires mais ce qui a pu se produire afin de comprendre. De comprendre pourquoi et comment des « terroristes » sont devenus des résistants puis des héros, puis des noms de rues ou de stations de métro, dans le meilleur des cas, ou des noms sur une simple plaque ou un monument.

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Terroristes avant hier, résistants aujourd’hui, héros demain puis finalement un nom sur une plaque ou un monument. Et pourquoi le terme de collaborateur est désormais passé dans la langue courante d’une manière très positive alors que celui de résistant suscite toujours une certaine méfiance. On est bien vu lorsqu’on collabore au sein d’une multinationale de l’agro-alimentaire mais beaucoup moins si on résiste aux forces de l’ordre lorsqu’on fauche des maïs OGM ! Et on finit par regretter qu’ailleurs les résistants à une occupation étrangère ne collaborent pas assez au processus de paix.

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Timbre postal de 1969 commémorant les combats du Mont Mouchet – Juin 1944 On pourrait croire que les combats se déroulent devant le monument qui, lors de ceux-ci, n’était pas encore érigé ! Un peu comme si les poilus de Verdun combattaient devant l’ossuaire de Douaumont. Et il est encore assez difficile de distinguer si il s’agit de maquisards ou de miliciens en uniforme. Il s’agit bien évidemment de maquisards !