Théisme et Japon

Par Georges Charles
Depuis Ohsawa, le fondateur

de la macrobiotique, on ne sait plus trop si le théisme est

une philosophie, pour ne pas dire une religion, ou, au contraire,

une maladie honteuse source des pires calamités comme la

guerre, le cancer, la dégénérescence ou les

odeurs de pied.
Il est de fait que les Japonais non-macrobiotes consomment beaucoup

de thé, une moyenne de quatre litres par jour et par habitant,

ce qui est peut-être excessif.

 

Ce qui est surtout excessif est le rapport

quelque peu masochiste que les Japonais entretiennent avec la chaleur.

 

Lorsqu’ils se baignent c’est dans l’eau bouillante des stations

thermales volcaniques ou dans l’eau, non moins bouillante, du traditionnel

O Furo.
De quoi transformer le sang de tout occidental normalement

constitué en boudin noir.

Lorsqu’ils boivent, au gré, de la soupe ou du thé,

cela doit également être bouillant.
Evitons de parler

du riz qui passe directement de la boule électrique dans

le gosier.
Un riz qui ne fume pas lorsqu’il parvient à la

bouche est considéré comme sans  » Ki  »

(énergie vitale) puisque sa vapeur subtile (justement exprimée

dans l’idéogramme Ki… ) ne profite pas pleinement aux narines,

donc aux poumons.

Même le vin de riz, le Saké, se boit chaud.
C’est tout

dire.
Médicalement cela implique nécessairement un

grand nombre de cancers de l’œsophage dus à cette chaleur

excessive et répétée, un grand nombre de fois

par jour, tout au cours de la vie du Japonais moyen.
Le thé

est le doigt, l’excès de chaleur la lune.
Mais, lorsqu’une

stratégie énergétique est principalement basée

sur l’excès de Yang on évite de parler de corde dans

la maison d’un pendu.

 

 

Quoi qu’il en soit le thé, au Japon, demeure une institution.
Le Japon, plus encore que la Chine, est le pays du paradoxe.
Lorsque

le Chinois parle d’esthétisme on peut souvent s’attendre

à un déferlement de mauvais goût trouvant son

aboutissement dans la décoration tapageuse des restaurants

dits chinois.
De la fresque murale paysagère aux dragons,

phénix et autres jades de plastique en passant par les lanternes

à fanfreluches et faux laques de Coromandel on a immédiatement

une idée assez immédiate et fulgurante de ce qu’est

le bon goût cantonnais post révolutionnaire.

 

Lorsque le Japonais parle de dépouillement et de simplicité

il faut s’attendre à une bonne quinzaine d’années

d’études assidues avant de savoir, naturellement, reposer

un bol de terre sur une tablette de bois.

Suivant le Maître Fondateur de l’école Urasenke, créée

au treizième siècle, Sen Rikyu, tout est pourtant

si simple :
« Simplement le thé c’est chauffer de l’eau

naturellement, l’infuser correctement, le boire convenablement « .
Et c’est là où tout se complique.

D’abord  » simplement le thé  » c’est du

Gyokuro (thé vert de la meilleure qualité) finement

broyé en poudre, le Matcha.
Chaque école de thé

possède sa propre recette particulière de Matcha quant

à l’origine des feuilles, à leur séchage, à

la manière de le broyer, à la finesse et à

la couleur de la poudre obtenue.  »

 

Thé vert non broyé

 

thé Matcha

Thé vert broyé Izu Matcha utilisé pour la cérémonie du thé
(Cha Do ou Cha No Yu)

 

 

thé vert broyé japonais

La liqueur ou infusion de thé vert Izu Matcha

 

thé vert japonais

Présenter la liqueur de thé avant de la boire rerspectueusement

La cérémonie du thé implique les cinq sens :
Voir (Printemps) – le Bois
Toucher (Eté) – le Feu
Sentir (Automne) -le Métal
Ecouter (Hiver) – l’Eau
Goûter (5eme Saison de transition)
– la Terre

 

De manière à atteindre l’Harmonie (Aî) dans l’Equilibre (Sei).
Autres sortes de thés japonais :
Sencha ; Bancha ; Matcha ; Hojicha ; Tencha ; Fukamuchi ; Genmaicha…

Cérémonie du thé Cha No Yu

Cérémonie du thé : Cha do (Voie du Thé) ou Cha no Yu

 

Chauffer l’eau  » naturellement  »

implique le choix de l’eau.
Il s’agit donc d’eau « naturelle », l’eau du robinet demeurant réservée pour les poissons rouges !
L’eau de montagne est considérée

comme la meilleure à condition qu’elle provienne d’un torrent

coulant entre des rochers et des pins.
Vient, ensuite l’eau de rivière,

l’eau de source, l’eau de puits et, enfin l’eau de pluie.
Il convient,

ensuite, d’utiliser exclusivement du bois, éventuellement

du charbon de bois, d’arbre fruitier pour le feu qui doit être

clair et vif pour ne pas noircir le récipient de chauffe.
Seule une louche de bois à long manche, le hishaku peut être

utilisée pour puiser l’eau bouillante.

 » l’infuser correctement  » consiste à

utiliser la mesure exacte de Matcha contenu dans le pot (cha- ire)

à l’aide d’une autre cuillère, le Shashaku à

transférer cette mesure dans le bol (chawan), à verser

avec précaution l’eau bouillante et à battre, rituellement,

le mélange obtenu (chasen) avec un fouet de bambou.

 » le boire convenablement  » c’est tout d’abord

disposer d’une pièce réservée à la Cérémonie

du thé, la  » Maison du Vide « , subtilement

décorée par un simple bouquet de fleur et embaumée

par un encens précieux, au sol recouvert de tatamis de paille.

C’est, après les purifications et salutations rituelles,

savoir marcher, s’agenouiller, se relever, s’asseoir correctement,

étant, bien entendu, habillé comme il se doit, c’est

à dire en costume japonais traditionnel.
Costume traditionnel japonais qui, malheureusement, ne ressemble pas à ces « kimonos » de typs « Shirley » dans « Shirley et Dino » dont on voit s’affubler les occidentales imitant la fameuse cérémonie du thé – Chado ou Cha No Yu.
C’est aussi savoir

accepter le bol, boire une gorgée et le passer à son

voisin suivant un rituel formellement codifié en 1587 par

Hideyoshi Toyotomi.
Ensuite, chaque objet est consciencieusement

nettoyé et rangé, ce qui marque la fin de la cérémonie.

Il convient, encore, de ne commettre aucun impair en quittant la

 » Maison du Vide « .
En moyenne, un occidental ayant suivi trois années

de cours, l’équivalent de la  » ceinture noire premier

dan  » en commet encore une bonne douzaine qui lui sont

nécessairement pardonnées puisqu’il est et demeure

un  » Gajin « .
Le secret consiste donc à

se faire inviter en prétendant surtout ne jamais avoir assisté

à ce type de cérémonie et à prendre

un air béat en évitant simplement de casser quoi que

ce soit.

Le seul problème de tout cela est que le thé servi

pendant le Cha No Yu , ou Chado, cette fameuse Cérémonie

du Thé, est proprement imbuvable.
La seule chose comestible durant cette cérémonie demeure les pâtes de fruits délicates qui ont simplement pour but de faire passer l’amertume de la liqueur (je n’y peux rien c’est le terme officiel désignant l’infusion de thé ) verte !

Matcha thé vert japonais

La « liqueur » de la cérémonie du thé : on dirait de l’oeuf battu !

Thé japonais sucrerie

La petite sucrerie en forme de feuille de ginko qui va faire passer la liqueur.
Mais chacun sait que le

tireur à l’arc, au Japon, ne tient aucun compte de la cible

ni du résultat du tir…

Dans ce rituel savant, la boisson n’a donc aucune importance et

c’est cela qui est, justement, important.
Cela ne vous empêche

pas, en tant que barbare, de découvrir les multiples subtilités

du thé japonais dont certains crus sont aromatisés

aux algues ou au blé grillé.
Il va sans dire que le thé japonais s’accorde

parfaitement avec la gastronomie japonaise bien que les japonais

préfèrent souvent, à table, la bière,

le saké ou une soupe claire (Misoshiru) sinon un Cognac avec

de l’eau gazeuse et des glaçons.
Il est à rappeler que, comme dans le cas de la bière chinoise Tsing Tao (du nom de la ville de Xindao !), ce sont les Allemands qui ont implanté, au Japon, les brasseries permettant de produire des « lager beer » comme à Munich et ceci dans les environs de Sapporo (bières Sapporo, Kirin…).
Les bières chinoises et japonaises (quand elles ne sont pas produites sous licence en Hollande ou en Belgique pour ces dernières !) sont donc les petites filles des bières munichoises, légères et fines qui conviennent parfaitement aux repas asiatiques contrairement aux bières épaisses et alcoolisées produites en Belgique ou dans le Nord de la France !
Ces bières munichoises (Spaten…) elles mêmes étant les filles des Pilsen, produites initialement en Tchécoslovaquie, qui furent les premières bières claires et transparentes produites en occident aux environs de 1740.
Auparavant les bières étaient fort troubles et acides comme certaines spécialités belges qui devraient être apparentées aux cervoises.
Faire figurer sur des publicités ou des bouteilles concernant des bières blondes des dates antérieures à cette période est une grosse plaisanterie commerciale alimentée par une surenchère imbécile.
Le fait d’avoir racheté les murs d’une abbaye datant du douzième siècle dans les années quatre-vingt n’implique pas que la bière fabriquée industriellement en 2010 date de la fondation de cette abbaye !
Ou alors il faudrait indiquer sur les paquets de thé « 528 » la date présummée de l’illumination de Bodhidharma, alias Daruma, alias Potitamo, alias Bodaidaruma alors que quelques feuilles de thé étaient tombées dans son bol d’eau chaude !
Les Chinois et les Japonais qui sont habituellement et pourtant d’habiles commerçants adeptes du « story telling » n’ont pas osé le faire par crainte du ridicule.
Le thé des autres…