Le thé des autres…
par Georges Charles
Il s’agit, nécessairement, des périphériques
puisque le thé est désormais consommé à
très grande échelle dans tous les pays asiatiques
où il fait désormais partie des habitudes alimentaires
les mieux ancrées…
Le thé et la vie sociale
Qu’il s’agisse de la Corée, qui opère une juste
transition entre la Chine et le Japon, des diverses régions
de l’Himalaya où on le consomme comme aliment lorsqu’il est
mélangé avec de l’orge grillé et des laitages,
des grandes steppes de l’Asie Centrale jusqu’à la Russie
où il chauffe en permanence dans de multiples récipients
toujours plus compliqués les uns que les autres, de l’ancienne
Cochinchine à l’ancienne Indochine en passant par l’Indonésie
et la Malaisie où il demeure omniprésent en tant que
boisson d’accueil, de plaisir et de repas et en aboutissant dans
tout le Moyen-Orient où on le sert fort infusé, fort
sucré, fort parfumé et fort amicalement, le thé
demeure un fait essentiel inséparable de la vie sociale.
En Occident, les Anglais
demeurent maîtres en matière de thé bien que
cette boisson n’ait souvent plus grand chose à voir avec
ses lointaines origines puisqu’il s’accompagne nécessairement
de marmelades, scones, muffins et autres crumpets… sinon de saucisses
et de harengs fumés avec des ufs brouillés.
En France on se méfie encore quelque peu de cette boisson
étrange encore presque exclusivement servie en sachets.
Le
thé est encore considéré comme une espèce
de tisane quelque peu précieuse et destinée à
des originaux un peu snob ou à des réunions féminines
à l’évêché de la sous-préfecture.
Si, depuis quelques rares années, les meilleurs restaurateurs
commencent à proposer diverses sortes de café en fin
de repas, ce qui est la moindre des choses au regard du prix de
la tasse, ils demeurent encore effarés qu’on puisse commander
un thé et, dans ce cas, en sont réduits à rechercher
un sachet éventé au fond d’un tiroir et à le
présenter comme s’il s’agissait du Saint Sacrement.
Après un repas valant plusieurs centaines de francs, au bas
mot, l’amateur de thé doit donc se contenter d’une infusette
contenant espèce de poussière indéfinie dont
un docker des bas fonds de Hong Kong se méfierait à
juste titre. Même les asiatiques, au courant de cette coutume
locale, ne proposent plus autre chose que du vulgaire thé
au jasmin parfumé aux essences artificielles.
Ce qui avec
le repas est une hérésie valant bien le machin-cola
ou le café au lait en poudre. Il est extraordinaire de constater
qu’avec plus de cents crus originaux susceptibles d’accompagner
honorablement un repas chinois ou vietnamien, on aboutisse nécessairement
avec un ersatz de la plus mauvaise qualité dans sa tasse.
La solution est simple, il suffit de demander de l’eau chaude, facturée
au prix du thé, et d’apporter son Long Jing (Puits du Dragon),
son Grand Yunnan ou son Pu Er Cha.
Cela fera quelque peu réflèchir le restaurateur et l’incitera, peut-être, à considérer le thé d’un autre oeil.