Le renouveau du paupérisme


Par Georges Charles

Louis Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III, neveu de Napoléon Ier, alors qu’il était incarcéré à perpétuité au Fort de Ham pour sédition pour avoir tenté de soulever la garnison de Boulogne sur Mer, écrivit, en 1844, un manifeste : « Extinction du paupérisme » (Edité par Degeorge à Arras Publié par Pagnerre 1844). L’ouvrage est modeste et comporte 64 pages mais il reçoit un accueil favorable dans les milieux progressistes ce qui fait classer Louis Napoléon parmi les Saint Simoniens ou Saint Simonistes pour ne pas le qualifier de socialiste. Tout au plus parlera-t-on plus tard de « socialisme bonapartiste ». Le terme socialiste dérange parfois les historiens quand il s’adresse à des individus qui, par la suite, ont exercé une fonction dictatoriale tels Adolf Hitler qui rédigea « Mein Kampf » (Mon combat) alors qu’il était incarcéré ou Benito Mussolini qui furent respectivement national-socialiste, alias Nationalsozialismus donc Nazi, et journaliste socialiste (PSI). Quoi qu’il en soit Louis Napoléon écrivait alors « Le triomphe du christianisme a détruit l’esclavage. Le triomphe de la Révolution a détruit le servage, le triomphe des idées démocratiques détruira le paupérisme ». Beau programme. Suivant une définition académique « le paupérisme est un phénomène social caractérisé par un état de pauvreté endémique d’une partie de la population ». Il a longtemps été question de « la paupérisation du prolétariat ». Etant sous-entendu que la misère économique s’accompagne généralement d’une misère sociale et d’une misère intellectuelle qui sont la porte ouverte au populisme et aux dérives vers les extrêmes. Louis Napoléon Bonaparte, Adolf Hitler et Benito Mussolini seront tous trois élus démocratiquement au suffrage dit universel. Louis Napoléon s’évadera du fort de Ham sous la tenue et l’identité d’un maçon, non pas un « frangin » mais un simple ouvrier nommé Badinguet. Ce surnom lui restera jusqu’à la fin de sa carrière en 1870 et même au-delà de la mort qui surviendra en 1873 à Chislehurst en Grande Bretagne où il s’était réfugié après sa destitution. L’Impératrice Eugénie sera elle-même surnommée Badinguette.

Le paupérisme semblait donc éradiqué de notre beau pays, si on excepte certaines classes sociales, grâce, suivant Louis Napoléon, au triomphe des idées démocratiques. Donc du suffrage universel. On nous promettait des lendemains radieux et un développement sans faille. Puis il fallut déchanter car tout ne se passait pas comme prévu. Déjà Winston Churchill affirmait que « les politiciens passent la première partie de leur carrière à effectuer des promesses et la seconde partie à expliquer pourquoi elles n’avaient pas pu être tenues ». En gros on en est arrivés à cette seconde partie. La récession a remplacé le développement. Pire, on vient de se rendre compte que ce développement était la cause de cette récession. On a un peu vécu au-dessus de nos moyens. Pire encore, ce développement est la cause d’une catastrophe écologique sans précédent. Evidemment puisque l’écologie n’existait pas. Auparavant on se serait contenté d’organiser des processions et de tourner en rond en chantant « Sauvez, sauvez la France (la planète…) au nom du Sacré Cœur » désormais on s’est même trouvé une nouvelle Jeanne D’Arc en la personne de Greta Thunrberg qui proclame sur son étendard, pardon sur sa tenue noire « Unite Behind the Science ». Tous derrière la Science. Encore un beau programme puisque ce sont principalement les « ziendifigues » qui sont à l’origine de la plupart des pollutions et des polluants sinon des pollueurs qui sont la cause de ce désastre. Un peu comme si des pacifistes se regroupaient derrière le slogan « Tous derrière les militaires ». L’autisme mène à tout à condition de savoir en sortir. Elle aura au moins eu le mérite de relancer les croisières transatlantiques quelque peu délaissées après le Titanic. Mais sur un voilier pour milliardaires. Pendant ce temps-là les croisières transméditerranéennes trouvent leur rythme entre les fers à repasser géants, HLM dignes d’une sarcellite flottante, et les embarcations de fortune pour futurs ex réfugiés climatiques. On a la paupérisation qu’on mérite.

Le vélo va remplacer la voiture et on va donc retrouver avec le plus grand plaisir tricycles, triporteurs et tandems.

La voiture quand elle ne pourra pas être remplacée va redevenir, en version plus moderne, le gazogène dont seuls quelques privilégiés pourront bénéficier et on va rétablir des tickets de rationnement pour favoriser le Bio, ou au moins des produits à faible empreinte carbone qui seront cultivés dans les cours et sur les toits des immeubles. C’est probablement le futur mais cela possède malgrè tout une bonne vieille odeur de déjà-vu. Quand ? Mais dans les années quarante non de Dieu. Cela fleure bon la purée de rutabagas et le gratin de topinambours ainsi que le pain complet, très complet, à la sciure de bois. Non traité, évidemment. Il faut être sérieux. Mais on manque toujours un peu de mémoire dès que cela nous arrange. Je propose de reprendre quelques ouvrages fondamentaux de ces années quarante comme cet « Art d’économiser sans se restreindre » paru en 1942 à la Librairie Joseph Gibert, 26 Boulevard Saint Michel, 30 PARIS. Une institution. Sous la plume d’un certain J.F. qui a donc préféré demeurer anonyme. Et qui au long et au cours de 256 pages alertes nous dévoile les secrets d’une certaine économie ménagère.

Au moins c’est du vécu. 
On y apprend comment conserver les œufs idéalement pondus par nos cocottes qui résident sur les balcons. Idéalement entre les « Deux Notre-Dame » soit entre le 15 août et le 8 septembre. Cela même Greta Thurnberg ne le sait pas. Il convient simplement d’emballer soigneusement les œufs, de les ranger dans une caisse, de remplir les interstices de son bien sec et de fermer la boîte puis de la ranger au frais et à l’abri de l’humidité. Les œufs ainsi préparés peuvent se garder sans encombre jusqu’à la Nouvelle Année. Cet ouvrage vous apprend à préparer, vous-même, de multiples produits ménagers. Des cirages, des colles, comment entretenir les cuirs, les cuivres, comment confectionner de l’encaustique, de l’encre, des produits ignifuges, du savon, de la lessive ménagère. Avec des règles intangibles : « Tout objet à remplacer est cause de dépense, tout objet détérioré est à remplacer. Tout objet non entretenu se détériore, tout objet mal nettoyé n’est pas entretenu… ». Si vous souhaitez vous chauffer au bois il vous donne la valeur calorique des différentes espèces allant de la meilleure à la pire à savoir du haut en bas de la hiérarchie : le tilleul, le sapin, le peuplier, le saule et le tremble, le pin et l’orme, le bouleau, le hêtre, le chêne, le charme, l’acacia et le frêne. Et il rappelle que le bois sec de bonne qualité donne 4000 calories, le bois à un tiers d’eau (moins de 3 ans de séchage) 3000 calories, la tourbe sèche 5300 calories, le charbon de bois 7000 calories, le coke 7000 calories, la houille moyenne 8000 calories, le pétrole 10400 calories. Il rappelle également qu’il faut une journée pour brûler un arbre qui a mis vingt années à pousser et cinq à sécher. Un quart de siècle consommé en une journée. Ce n’est donc pas ce qu’on peut nommer une énergie réellement renouvelable. La forêt de Montmorency qui était, avant-guerre, l’une des plus belles de France s’est retrouvée après celle-ci en terrain vague, ou peu s’en faut car il avait fallu approvisionner plusieurs millions de consommateurs parisiens et banlieusards de rutabagas qui venaient, en famille, s’approvisionner le dimanche. Elle mit près de quarante ans à se reconstituer. Tout est simplement problème et question de nombre. Et enfin mille trucs qui vous seront utiles quand vous aurez envie de remplacer le thé, le café, le tabac et un tas d’épices par des succédanés qui éviteront de piller le Tiers-Monde et de polluer la planète par des voyages inutiles et coûteux.

Cet ouvrage est donc juste un peu en avance et permet, on n’en doute pas, une réponse pratique à cette fameuse paupérisation. L’inconvénient est que pendant ces fameuses années quarante on identifiait assez facilement qui était à l’origine du problème et qu’on pouvait donc, au choix, collaborer, résister ou se livrer au marché noir. Actuellement il est plus difficile de mettre un nom ou un visage sur le fautif et on finit tranquillement par se culpabiliser. Le fautif c’est moi. Je n’aurais pas dû mettre un sucre dans mon Arabica et j’aurais pas dû prendre un bain. J’aurais pas dû avoir une voiture même et surtout si c’est une hybride. J’aurais pas dû prendre l’avion pour aller en Italie. J’aurais pas dû mettre un glaçon dans mon Whisky ni remarquer, comme Bob Morane, que lorsque le glaçon avait fondu le Whisky n’en a pas pour autant débordé du verre. J’aurais pas dû aller au restaurant chinois avant que n’existent ces super-minables buffets asiatiques à « volonté » qui envahissent les zones commerciales de nos détestables périphéries. J’aurais pas dû découvrir les Sushi chez les Japonais il y a presque cinquante ans. J’aurais pas dû chercher à comprendre pourquoi, depuis trois mille ans, au moins, on me fait le coup de l’Apocalypse. Mais je ne le ferai plus. C’est juré !