UN SECOURS BIEN OPPORTUN

 

Le Sieur Antoine demande du secours à la Cour et obtient un fameux secours !

Suivant plusieurs témoins, Monsieur François Antoine envoya, fin Août, à la Cour le garde Reynault, un homme de toute confiance, pour porter une missive demandant un  » secours  » d’urgence. A partir du 15 septembre on lui fit savoir que ce  » secours  » était en chemin et un cavalier se tint dès lors en permanence au Besset. Pour qui connaît les lieux, le château du Besset, quartier général de Beauterne, est situé à mi chemin et en vue, d’une part, de la fameuse maison de Jean Chastel, à Besseyre Saint Mary, et, d’autre part, de la Sogne d’Auvers où fut abattu la fameuse  » bête  » de Jean Chastel.

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Une vue panoramique à partir dePaulhac en Margeride à droite la Vachellerie et le ferme des Broussoux

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Les calvaires de Notre Dame de Beaulieu près de Paulhac.

Un important pèlerinage a toujours lieu le 15 août à Paulhac. C’est à Notre Dame de Beaulieu, dont il ne subsiste que quelques ruines que Jean Chastel fit bénir ses trois balles en argent dont une servit à abattre la Bête. On ne sait ce qu’il fit des deux autres ! Mais une hypothèse nouvelle tend à affirmer qu’il aurait utilisé l’une d’elles pour occire son frère, Pierre Chastel, criminel condamné à mort par contumace et qu’il aurait promis la dernière à qui trahirait ce secret. De ce lieu on a une vue imprenable sur tout le contrefort du Mont Mouchet et sur les villages de La Vachellerie, de Paulhac et la ferme du Broussous, Hontès Haut et Hontès Bas, Dièges, Darnes, le Besset, Nozeyrolles, Auvers, endroits où la « Bête, commit la majorité des attaques (plus de 26 au total pour ces villages) ! Bien étrangement, le village du Besset ne compte aucune victime recensée alors qu’il se situe au parfait épicentre des activités coupables de la fameuse « Bête ».

Le Besset compte de nos jours neuf habitants mais suivant les registres de l’époque il comptait alors 30 foyers de dix personnes, soit trois cents habitants !

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Une vue actuelle du Besset.

La construction de type petit manoir n’est pas le chateau du Besset qui a totalement été détruit puis rasé. Quelques pierres subsistent sur la butte à gauche du chateau. Le propriétaire actuel ne souhaite pas de visite du lieu !

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Une autre vue du Besset.

On apperçoit facilement les comunes de Nozeyrollmes (à gauche) d’Auvers (au centre) et de la Soucheyre (à droite) sur les pentes du Mont Mouchet. Même si un certain nombre de ces familles vivaient dans des fermes à proximité du Besset, celui-ci demeurait donc un « beau village » fort bien achalandé. Ce qui n’est pas le cas de la Besseyre Saint Mary, où habitait Jean Chastel, qui dénombre 11 victimes et de Nozeyrolles, village également visible du Besset et situé sous la Sogne d’Auvers, qui détient le triste record de 13.

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L’église de la Besseyre Saint Mary. Certains prétendent que Jean Chasrtel y est enterré !

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Mais ce qui est certain c’est que plusieurs Chastel figurent sur le monument au mort sis à coté de l’église.

Total qui se sera jamais dépassé ailleurs. Le 16 septembre Antoine de Beauterne, suivant Jean Médard du Besset,  » était dans tous ses états  » et se plaint, par courrier, que le fameux  » secours  » n’est pas encore arrivé malgré les promesses de Monsieur l’Intendant Général… « Alors il arrive ou pas ce putain de secours ? «  Mais le 17 septembre le  » secours  » arrive enfin et Monsieur Antoine peut alors écrire :  » Depuis ma lettre écrite il vient de m’arriver dans le moment le secours de la Louveterie que j’attendais et qui est composé de deux valets de chiens et de douze chiens. J’en ferai usage le plus tôt qu’il me sera possible et aurai la plus grande attention à vous faire part de mes opérations «  (Histoire de la Bête du Gévaudan, Abbé Pourcher 1889). On s’étonne que Monsieur Antoine qui dispose déjà des meilleurs piqueurs et pisteurs du royaume, ainsi que des meilleurs chiens de la Louveterie Royale, plus de quarante au total, attende avec tant d’impatience deux valets et une douzaine de chiens communs !

En fait peut-être attend-il autre chose de ce fameux secours réclamé à cor et à cri auprès de ses amis de la Cour et qui lui parvient, enfin sous la forme de cages qu’il fait envoyer à l’Abbaye des Chazes.

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L’église de l’Abbaye Royale des Chazes Comme un animal assis sur son train arrière !

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Une autre vue très prisée de l’église de l’Abbaye Royale des Chazes

Cela on peut le faire, aussi ! Mais, heureusement, le hasard faisant très bien les choses, le 21 septembre il abat personnellement un grand loup gris dans une allée forestière du Bois des Dames de l’Abbaye des Chazes.

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L’un des fameux chemins forestiers de l’Abbaye Royale du Bois des Chazes Celui-ci se situe juste derrière l’église de l’Abbaye ! Presque un couloir à ne pas rater une vache d’un coup de fusil. Où il avait envoyé le 18 les garde chasse Pélissier et Lacourt ainsi que le valet Lafeuille chargé des limiers de la louveterie royale et qui sont arrivés à l’abbaye avec des cages soigneusement recouvertes contenant des chiens.

 

Exit la vilaine Bête.

Pan ! au défaut de l’épaule… Pan ! dans l’oeil… et Panpan ! en plein flanc

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La Bête du Gévaudan telle que le représentait le Hors Série Science et Avenir consacré aux animaux fantastiques (juillet août 2000)

Le 19 ils avertissent Monsieur Antoine qu’ils ont vu un loup qui est cerné le 20. Monsieur Antoine arrive donc le 21 en grand équipage  » fort content et sur de lui « . Il peut l’être puisqu’il tire le fameux loup comme à la parade à cinquante pas puis à dix pas où il l’atteint d’abord au défaut de l’épaule, comme il se doit, puis à l’œil droit. Pour faire bonne mesure le Sieur Rinchard, Garde Chasse de son Altesse Sérénissime Monsieur le Duc d’Orléans, frère du Roi, Premier Prince de Sang l’assiste dans cette besogne et finit la « Bête » d’un coup de fusil magistral !

Le grand loup fait encore vingt cinq pas et tombe enfin raide mort. Monsieur Antoine peut alors enfin crier « Halali ! » et l’affaire, sinon la farce, est jouée.

Mais une « petite » confusion de dates dans le rapport officiel du Sieur Antoine vient tout gâcher. Et un Avocat bon Bourgeois qui crie « Au charron ! «  Celle-ci sera quand même dénoncée, à l’époque par un notable de Saint Chely d’Apcher, avocat au Parlement, Monsieur Bès de la Bessière qui accusa nominalement et impunément Monsieur Antoine d’avoir « utilisé une chasse dont le seul objet était de fournir un cadavre de loup en tant que « Bête du Gévaudan » .

Cette accusation, très grave, se base sur le simple fait que Monsieur Antoine annonce dans son rapport du 20 septembre 1765 et qu’il adresse à l’Intendant d’Auvergne, donc le Gouverneur Général de toute la province, Monsieur de Ballain villiers, qu’il a tué la fameuse Bête !

Or comme chacun le sait le « Loup des Chazes » a été tiré le 21 septembre, donc le lendemain ! Ce qui est pour le moins fort étrange, on en conviendra. Bien évidemment les défenseurs d’Antoine arguementeront que tout le monde peut se tropmer de date dans un rapport officiel envoyé à la plus haute autorité de la province et que, somme toute, le 19, le 20 ou le 21 tout le monde s’en fout comme de l’an quarante. Il semble, néanmoins, pour être plus réaliste que les je-m’en-foutistes, que le Sieur Antoine était bien certain de son fait qu’il anticipaait tout naturellement afin de gagner un peu de temps et de mieux profiter de son éclatant succès.

Où qu’il était doué de prescience et avait vu dans une boule de cristal ou dans le marc de café que le sort de la Bête était tout simplement joué.

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L’Abbaye de Pebrac où Monsieur Antoine passa la nuit avant la fameuse chasse

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Autre vue de l’Abbaye de Pebrac qui vit passer du beau monde ! Et probablement la dépouille de la bête tuée par Antoine

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Sur la porte de l’église de l’Abbaye de Pebrac Et une belle bête affrontée à une tour ! Notez les étranges pattes inhabituelles dans les armes

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Une autre armoirie sur la porte de l’église de l’abbaye de Pebrac. On distingue bel et bien une bête, une crosse d’évèque et un palmier et quelques roses Et encore ces pattes assez étranges Le  » bestio  » est d’une hauteur de trente deux pouces, d’une longueur de cinq pieds sept pouces et demi, la grosseur du corps de trois pieds, le poids de cent trente livres. Tout le monde présent, et il y a de nombreux témoins, y compris les piqueurs de la Louveterie Royale, spécialistes en la matière, reconnaît un loup de très belle taille quoique de couleur assez inhabituelle puisque gris acier.

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La Bête qui mangeait le monde Elle ressemble beaucoup à celle de l’armoirie de Pebrac

 

Et Antoine le Grand Louvetier dit : « Ce n’est pas un loup ! « 

Mais Monsieur Antoine ergote, tergiverse, parlemente, argumente et finit par officiellement rapporter : « Nous déclarons par le présent procès verbal signé de notre main, n’avoir jamais vu aucun loup qui puisse se comparer à cet animal. C’est pourquoi nous avons jugé que ce pourrait bien être la bête féroce qui a fait tant de ravages «  ce qui est pour le moins étrange.

Mais de fait, le Grand Louvetier du Roi, spécialiste en la matière s’il en est, affirme tout de go qu’il ne s’agit pas d’un loup ! Donc ce n’est pas un loup ! Qu’un Louvetier Royal, et le Premier du Royaume, ne reconnaisse pas un loup c’est que probablement cela n’en était pas un !

Ou plutôt qu’il fallait que ce n’en fut pas un puisqu’il devait nécessairement s’agitr de la fameuse « Bête » ! Puisque tout le monde savaiot fort bien que la « Bête » n’était pas un loup sinon il aurait simplement été question du « Loup du Vévaudan » ou « Lupo del Gebaudan » ! Le Grand Louvetier et Porte Arquebuse du Roi ayant décrété qu’il avait vu les étoiles à midi, chacun se mit consciencieusement à observer le ciel. Le loup se mit à ne plus du tout ressembler à un loup mais à une  » bête « ,  » oune bestio  » comme on dit là bas. La  » bestio del Gebaudan  » sera naturalisée.

L’empailleur reçut des ordres très précis quant à la taille et à la forme particulière de la  » bête « , qui commençait par ailleurs à se décomposer, et fut donc contraint de la dépouiller afin d’étendre sa peau sur un moule. Il ne s’en étonna pas outre mesure car ce type de demande était coutumière des collectionneurs de trophées empaillés.

C’est pourquoi, afin d’éviter toute contestation, les puristes méfiants préféraient présenter des  » massacres « , c’est à dire le crâne de l’animal dépourvu d’artifices. Le  » bestio  » empaillé fut présenté à Versailles ou Monsieur Antoine fut reçu en véritable héros.

Une bonne vieille rente, l’Ordre de Saint Louis et le Bestio sur les armoiries d’Antoine. On n’en attendait pas tant. Il recevra le règlement de ses dépenses, seize mille soixante quinze francs or et trente huit centimes, somme jugée extravagante à l’époque, plus une très importante prime ainsi que des terres et des titres dont la Croix de Saint Louis. Et le droit de faire figurer la « Bête » dans ses armoireries ! Cette  » affaire  » lui rapporta bon an mal an 200 000 livres de revenus. Soit plusieurs centaines de millions d »euros actuels.

Le fameux » secours  » réclamé par Monsieur Antoine a, en effet, probablement été très bien utilisé. L’origine probable de ce fameus secours : le jardin des plantes de Paris !

Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes si, début septembre, un grand loup gris des Carpathes, très connu des Parisiens à caiuse de ses hurlements lugubres, n’avait pas subitement disparu de la ménagerie du Jardin des Plantes de Paris ce qui mit Monsieur Georges Louis Leclerc Comte de Buffon (1707-1788), lui-même, dans tous ses états puisqu’il diligenta mollement une enquête qui n’aboutit jamais.

Et pour cause. Il est probable que ce fameux loup ait justement fait partie du secours tant attendu par ce cher Monsieur Antoine. Mais allez donc le prouver puisque, comme pour le Rainbow Warrior ou les paillottes corses il n’existe, évidemment, aucun ordre écrit de l’autorité responsable !

On imagine mal Sa Majesté écrire à Buffon : « Cher Ami scientifique un copain a nous a quelques démélés chez les ploucs du sud où ne parvient pas à flinguer une bestiole qui bouffe mes chers sujets et permet ainsi à Choiseul Beaupré de critiquer vertement la noblesse locale qui serait peut être impliquée dans cette sombre affaire. Pourriez vous avoir l’amabilité de lui faire parvenir l’une de ces bestioles que vous gardez en la ménagerie de votre jardin et la lui envoyer discrètement et promptement. Ce copain, dont je tairai le nom mais qui est un proche puisque mon propre porte arquebuse à moi, pourrait ainsi la flinguer rapidement me tirant une épine du pied. Après on avisera ! « 

Et Buffon de répondre par écrit bien évidemment : « Pas de problème, Majesté, j’ai justement un grand loup gris des Carpathes qui fera très bien l’affaire, je m’en occuppe personellement, vous pouvez dormir tranquille ! » Mais ne rèvez pas même si ces lettres existaient elles seraient probablement au fond d’un coffre. L’épisode de la disparition du loup est relatée dans le tome XVIII de Lacépède « Buffon continue » (Mémoires concernant Buffon) 1788 Paris. (Muséum d’Histoire Naturelle de Paris et coll. particulière).

 

Malgrè les travaux les affaires continuent

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Août 2007 pente du Mont Chauvet : la monde a-t-il vraiment changé, ici ?

Il y eut, comme d’habitude, une accalmie puis, le 2 décembre elle attaque à nouveau à la Besseyre Saint Mary où elle blesse gravement deux enfants. Entre temps la « Bête » avait néanmoins été appercue le 28 septembre à Marcillac et le 21 octobre encore à Marcillac. A Paulhac, de nouveau, ou plus précisément au Hontès Bas, le 10 décembre un jeune vacher de six ans, Vidal Tourneix, fut gravement blessé. Il ne dut la vie sauve qu’à l’interrvention de Jean Couret, âgé de quatorze ans, une émule de la Bonne du Curé de Paulhac, « La Pucelle du Gévaudan » qui se saisit de sa baïonnette, accourut en grande hâte et fort courageusement et força la « Bête » à lacher prise.

La fameuse « vraie Bête » ayant été tuée par Monsieur Antoine ce jeune garçon courageux ne sera donc pas officiellement félicité et l’affaire en restera bien évidemment là. Donc pas de monument pour le jeune Jean Couret ! Notons, en passant, que cette nouvelle agression eut encore lieu à proximité de Paulhac, donc du Mont Mouchet, repaire des Chastel ! Plusieurs agressions meurtrières suivirent., mais la  » Bête  » ayant été tuée par Antoine on étouffa également et encore ces nouveaux meurtres.

Puis on les colla sur le compte des loups qui avaient décidément bon dos puisque la majorité d’entre eux avaient été exterminés, faute de mieux, au cours de ces deux années de battues incessantes avec les meilleurs louvetiers du royaume et des effectifs sans aucun précédent. Entre le 10 mai 1764 et le 21 avril 1767 trois cent quarante six loups furent tués dont 251 furent l’objet de primes répertoriées. L’hypothèse que le fameux  » secours « , probablement un grand loup, soit parvenu le 19 septembre à l’abbaye de Chaize avec les chiens destinés à la chasse du 21 fut déjà maintes fois évoquée. Mais il n’est pas bon de remettre en cause la parole des grands de ce monde et même celle des petits qui leurs sont affidés.

Et cela expliquerait notamment son attitude for peu agressive et même confiante envers les hommes auxquels il était déjà bien habitué à Paris dans sa cage du Jardin des Plantes ! De ce fait bon nombre de Parisiens, sans le savoir, avaient donc observé et aussi entendu cette fameuse « Bête » qui était devenu un loup fort civil et fort aimable sin on excepte ses hurlemennts qui faisaient glacer le sang à pas mal de riverains.

Puis on se remit à parler de la Bête comme auparavant sans oser comprendre que le coup de Monsieur Antoine était une sinistre farce qui allait se poursuivre en horrible tragédie. Encore de nos jours le Sieur Antoine possède ses défenseurs attitrés, ses sbires, ses petits drilles et ses larrons. Qui ne rêvent généralement que de fliguer du loup. Ce qui est paradoxal puisqu’Antoine lui-même leur affirme que ce n’en n’est pas un !

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Tour de la Clause : elle veille sur la campagne du Mont Chauvet