Astrophysique et Tao

Par Jean Pierre Bousquet*
Et avec quelques commentaires de Georges Charles.

* Ancien et enseignant de l’Ecole San Yiquan, ingénieur en aéronautique et passionné d’astrophysique et de la pensée taoïste.

 

La genèse du monde et son évolution
Vision Taoïste versus Vision occidentale

 

Remarques préliminaires :

La présente analyse n’a aucune prétention de réalité absolue. Elle présente des pistes de réflexion, d’analyse.
Si comparaison n’est pas raison, cela permet d’essayer de comprendre les similitudes entres la « science » occidentale et la « pensée » chinoise.

Le terme « création » n’existe pas en chinois. « Avant il y a déjà quelque chose, après il y a encore autre chose (Hua) ». Sheng signifie donc plutôt « engendrer » (ne pas donner la naissance mais permettre la naissance).

Dans la notion de création, il y a l’idée de « sortir de nulle part ». De nos jours, le verbe « créer » est utilisé – de manière faussement valorisante – pour pallier un défaut de vocabulaire comme synonyme de construire, fabriquer, imaginer, composer, organiser, ranger, etc. On crée un espace de travail, un jardin, un bouquet de fleurs, une décoration… Notion à utiliser « avec des pincettes ».
– On peut presque le rapprocher du terme projet (praujais avec l’accent) mis à toutes les sauces et surtout les pires. Précisons que dès lors qu’on met un coup de pelle, d’archet, de stylo au bas d’un contrat…il ne s’agit plus d’un « projet » mais d’une réalisation. Donc de l’action du réel. Projet vient de projeter, donc « jeter en avant » mais dès qu’il y a projection (comme en Judo, en MMA, en Aïkido, en Kung-Fu Wushu, en Krav-Maga..) il y a réalisation de celle-ci. On passe du fantasme à une certaine réalité. Note de Georges Charles. 

Peut-être à lire en plusieurs temps afin de digérer petit à petit certaines notions qui ne sont pas courantes dans la vie ordinaire…

Illustration ci-dessous :

Extraite de la chaîne Youtube « Balade mentale », elle représente l’image que l’on a habituellement du Big Bang : l’expansion de l’univers – dans lui-même – à partir d’un point.
Sauf que ladite expansion s’est faite simultanément à partir de tous les points de l’univers tandis que le temps n’existait pas encore : impossible à représenter !


Plusieurs grands classiques Taoïstes racontent une histoire de la genèse du (des) monde(s).
Est-ce « juste » pour développer la culture générale des lecteurs ou, plutôt parce que cette histoire, bien que fondamentalement invérifiable présente un intérêt dans le cadre du travail sur soi ?
Sur un plan symbolique, il va de soi que c’est la deuxième réponse qui s’impose. Suivant le principe d’analogie entre l’humain et la nature, il y a forcément une relation entre l’évolution de l’univers et l’évolution de l’humain.
Prenons deux exemples :

Huai Nan Zi Chapitre 3
« Comme le Ciel et la Terre n’étaient pas encore formés, que tout était vaste, immense, obscur et sans aspect, cela fut appelé le Grand Commencement. Le Dao commença dans les immensités vides. Celles-ci engendrèrent l’univers duquel naquit le qi. Celui-ci prit alors des contours. Ce qui était pur et léger s’éleva et s’épandit pour donner le Ciel. Ce qui était lourd et grossier s’aggloméra et se coagula pour donner la Terre. La concentration aérée du pur et du subtil fut aisée; mais la coagulation compacte du lourd et du grossier fut difficile. Aussi le Ciel fut-il achevé en premier, et la Terre formée seulement après. ».

Lie Zi Chapitre 1 : La genèse des mondes
« Depuis l’antiquité, les sages voient dans lumière et ténèbres (Yang et Yin) les principes régulateurs du monde. Or, tout ce qui a un corps naît de l’incorporel : ainsi d’où serait né le monde ? C’est pourquoi je dis : il y eut une grande Mutation, un grand Commencement, une grande Genèse, un grand Engendrement Originel. La Mutation (est l’état dans lequel) la force ne se manifeste pas encore. Le grand Commencement est la genèse de la force. De la grande Genèse naît la forme. La matière jaillit du grand Engendrement Originel. L’état dans lequel force, forme et matière n’étaient pas encore séparées (ne sont pas encore séparées) est dit Chaos. On appelle Chaos l’état dans lequel la multitude des êtres étaient (sont) confondus et ne s’étaient (sont ) pas encore séparés. ».
– Les Chinois ne conjuguent pas les temps et sont, en quelque sorte, toujours au présent. Ils ne disent donc pas, comme dans la majorité des traductions en langue occidentale « Dans les temps jadis, ceux qui pratiquaient la Voie étaient… » mais « de tous temps ceux qui pratiquent le voie sont », de ce fait la pratique continue et n’est pas liée à autrefois et autre part (long ago and fare away…) des contes de fées. Il s’agit donc d’un « compte de faits ».  Note de Georges Charles.

Mojing (VIème siècle AV. JC)
« Le commencement désigne un instant du temps. Le temps a parfois une durée et d’autres fois il n’en a pas, car le commencement du temps n’a pas de durée. »
Ces allégations permettent-elles « simplement » de poser un cadre à partir duquel le reste de la philosophie Taoïste va pouvoir se déployer, se justifier ?
Dans un premier temps, on peut répondre « oui » à la question. Les auteurs nous entraînent tout de go dans un fabuleux univers en constante évolution et nous invitent à participer à ces transformations.
Mais dans un deuxième temps, on pourrait se demander si cette genèse n’était pas basée sur des faits réels, scientifiquement vérifiables…
Pour cela, nous allons nous tourner vers les théories de la physique moderne. Il ne s’agit pas de faire un cours de physique, mais de la vulgarisation, donc de l’approximation, avec des analogies qui permettent juste de se faire une idée des phénomènes physiques. La réalité étant beaucoup, beaucoup plus complexe !

Le modèle occidental de l’expansion de l’univers :
Plongeons nous un instant dans la vision cosmologique moderne : Celle du « Big Bang », utilisée par les « occidentaux » pour décrire l’origine et l’évolution de l’Univers sans préjuger de l’existence d’un « instant initial » ou d’un commencement à son histoire .

Le modèle occidental de l’expansion de l’univers prévoit que, peu après l’instant initial, tout ce qu’il contient aujourd’hui était déjà contenu dans un espace plus petit qu’une tête d’épingle et dans lequel il régnait une température que l’on ne peut pas imaginer…

Attention ! L’idée d’un « point » à partir duquel tout est parti est fausse… l’univers se contenait déjà en lui-même, et le Big Bang s’est déroulé en tout point de l’univers au même instant… Il a grandi dans lui même et pas dans « rien », pas dans le néant !

Le « truc qui fait Bang » c’est l’univers (le fameux espace-temps) lui-même…

Aspirine bienvenue !

C’est normal, l’infini ne peut pas entrer dans un cerveau fini !

———

10-32 secondes plus tard, son volume initial est multiplié par un facteur gigantesque de l’ordre de e60 (1 suivi de 26 zéros) !

Pendant 380.000 ans, matière et lumière seront couplés : les photons de lumière seront sans cesse émis et immédiatement absorbés par les particules nouvellement créées.
Pendant ce laps de temps (très, très faible à l’échelle de l’âge de l’univers (13.8 milliard d’années), l’univers a continué de grandir.
En grandissant, sa température a baissé.
Or, énergie et température sont liés.

En un instant très bref, la lumière n’a plus assez d’énergie pour interagir avec la matière : c’est le découplage lumière-matière. Les atomes commencent à se former et l’univers, obscur jusque-là, devient lumineux.

– Dans une autre tradition c’est aussi le fameux « Fiat Lux » « Que la lumière soit ».
Il est à noter que les ténèbres précédaient (ou précèdent !) la lumière. Elles étaient là « avant ». Donc, logiquement, elles sont plus rapides. On utilise toujours la vitesse de la lumière (les fameuses années lumière) mais toujours pas la vitesse des ténèbres. Note de Georges Charles

Cette première lumière émise continue à voyager depuis 13,8 milliards d’années. Observée par satellite, elle provient simultanément de toutes les directions du ciel.
Nous baignons littéralement dans cette lumière désormais hors du spectre visible. Elle est connue sous les noms savants de « rayonnement diffus cosmologique » ou « rayonnement fossile » .

De manière très simple, l’univers n’a de cesse que de grandir. Malgré cette expansion ininterrompue, il a donné naissance, sous l’effet de la gravitation , aux étoiles.
Les étoiles les plus massives, en mourant (en s’effondrant sur elles-mêmes), ont donné naissance aux trous noirs.

Les étoiles les plus petites, en mourant (en explosant), ont donné naissance aux planètes en relâchant dans l’espace des atomes lourds nés dans leur cœur sous l’effet des réactions thermonucléaires. Et parmi ces planètes, perdue au confins d’une galaxie, la Terre abrite certaines formes de vie, de conscience…

La vision cosmologique moderne nous démontre que, à l’instar des objets (au sens large) qu’il contient, l’univers a aussi une histoire…

Noter que le modèle de l’expansion de l’univers a été initié en 1927 par l’astrophysicien et chanoine catholique belge Georges Lemaître pour mettre en accord ses observation scientifiques et ses convictions religieuses…. En occident, avant cette date, l’univers était considéré comme statique, infini, statique et éternel !

Premières corrélations entre les visions Taoïste et scientifique :
L’univers à une histoire.
L’univers possède une modalité d’expansion (Yang) et une modalité complémentaire de concentration due à la gravitation (Yin).
La densification de la matière a subi plusieurs étapes.
Si l’on prend en compte le chapitre 6 du Dao De Jing « L’esprit de l’Obscurité est immémorial, éternel. C’est le principe féminin des origines. Les racines du ciel et de la terre s’élancent de sa porte mystérieuse. Toujours renouvelé, il se répand dans l’univers. Indéfiniment. Il ne s’épuise jamais. », on retrouve l’idée d’un cosmos initialement obscur malgré la présence de lumière (couplage lumière-matière pendant les 380.000 premières années) .

La relativité restreinte :
Même sans avoir assisté à un seul cours de physique, tout le monde connait la fameuse équation d’Einstein : E = m C2 !
C’est elle qui définit l’énergie « E » dont dispose une particule de masse « m » au repos…. Mais surtout, elle explique que – à peu de chose près (C2) – masse et énergie sont… la même chose et transformables l’un dans l’autre !
Or :
L’énergie est contingente : elle ne change pas la nature profonde du corps qu’elle décrit : par exemple, quand nous courons nous savons une énergie cinétique que nous n’avons pas au repos. Dans les deux cas, nous restons celle ou celui que nous étions initialement…
La masse est, au contraire, une caractéristique fondamentalement liée à l’être concerné. Elle est constante en tout lieu et en tout temps. On dit qu’elle est invariable.

En d’autre termes, on peut changer une propriété en existence et créer de la matière à partir du mouvement (énergie cinétique) dans les accélérateurs de particules par exemple !
« E » représente l’accidentel, l’avoir, l’acquis… tandis que « m » représente l’être, l’inné… et les deux peuvent être échangés ! C’est un peu comme si l’on nous disait que la hauteur de la tour Montparnasse va créer la tour Eiffel…
Mais au fait, qui est ce fameux C2 ?
« C » est la vitesse de la lumière (la célérité), donc C2 cette vitesse multipliée par elle-même.

Parmi les « étrangetés étranges » de la vie, « C » occupe, sur le podium, une place de choix. Pour tout le reste des « choses », les vitesses sont relatives : si je déplace à 5 km/h vers quelqu’un qui se déplace vers moi à 5 km/h, notre vitesse relative est de 10 km/h. Tout se passe comme si l’un de nous était arrêté, l’autre se déplaçant à 10 km/h par rapport au premier.

Nous pouvons expérimenter cette loi à chaque instant de notre vie.
Par contre, pour ce qui concerne la lumière, il en va tout autrement : la vitesse de la lumière est toujours la même quelle que soit la manière dont on la mesure, quel que soit notre déplacement relatif par rapport à elle !

Par ailleurs, pour la lumière, le temps n’existe pas, ou du moins, ne s’écoule pas… Le temps n’a pas fini de nous surprendre !

Nous avons vu que la lumière a une composante vibratoire et une composante corpusculaire : le photon. L’expérience suivante a été faite. On perce une plaque de 2 trous et on envoie 1 et 1 seul photon sur cette plaque… Eh bien, il va passer… dans les 2 trous en même temps… mais tout de même un peu plus dans un trou que dans l’autre !
Mais les choses ne s’arrêtent pas là…

Nous avons vu que E = m C2 s’applique aux particules à l’arrêt. Or, généralement, les particules sont en mouvement, elles disposent, en plus de leur énergie interne, d’une énergie cinétique…

En mécanique relativiste, l’équation générale qui s’applique à une particule de masse « m » animée d’une vitesse « v » est :
E2 = (mv)2C2 + m2C4
donc E=±√((mv)^2 C^2+m^2 C^4 )

L’idée n’est pas de vouloir étaler un quelconque savoir mathématique pompeux (quoique de niveau 3ème), mais de faire remarquer que l’énergie peut avoir un signe « plus » ou un signe « moins ». Peu importe, finalement, ce qui est placé sous la racine carrée…
Mais si cette équation décrit une facette de la réalité concrète, de quelle réalité s’agit-il ?

Eh bien, tout « simplement », l’énergie positive s’applique à la matière, tandis que l’énergie négative s’applique à l’antimatière…
La forme, elle-même, se divise en deux aspects, matière et antimatière. L’antimatière est aussi de la matière… qui a des caractéristiques opposées à la matière que nous avons l’habitude d’appréhender…

La rencontre matière – antimatière provoque un dégagement d’énergie (E = m C2) avec émission de lumière. L’image populaire de cette rencontre est une sorte de grande destruction… mais en fait, l’antimatière est parmi nous à chaque instant, notre corps en fabrique même régulièrement .

Conclusion, ce qui est concret possède deux aspects matériels, dont un nous est caché dans la vie ordinaire…

 

Nouvelles corrélations entre les visions Taoïste et scientifique :
Forme (masse) et énergie (Qi) sont liés… par la lumière.
La forme est matière et antimatière. Elle est également relative.

Le monde de l’infiniment petit :
L’infiniment grand est, pour ainsi dire peuplé d’une myriade de particules infiniment petites et le monde macroscopique qui est le nôtre est composé d’associations de particules infiniment petites.
Or, ces particules vivent dans un monde dont les lois ne sont pas du tout les mêmes que dans notre monde macroscopique :
Elles sont à plusieurs endroits à la fois car elles se comportent aussi comme une onde : elle parcourt tous les chemins possibles à la fois.
On peut connaître leur vitesse ou leur position, pas les deux simultanément. Dans notre monde, les radars routiers savent nous dire « Tel jour, à telle heure, à tel endroit, vous rouliez à 120 km/h ».
Elles échangent des informations à distance.
Le mouvement des particules est perturbé quand on les observe.
Les niveaux d’énergie sont quantifiés. C’est cette particularité qui a donné le nom à la science de l’infiniment petit : la mécanique quantique.
Mais que signifie cette notion de quanta ou quantum d’énergie ?
Eh bien, à notre échelle macroscopique, nous percevons de manière continue les variations d’énergie : notre voiture accélère (change d’état) de manière proportionnelle à la manière dont nous appuyons sur l’accélérateur. C’est normal… Pour nous ! Car, pour les particules, le changement d’état n’intervient instantanément que pour un intervalle de variation d’énergie… Entre ces deux valeurs, il ne se passe… rien !

Nouvelles corrélations entre les visions Taoïste et scientifique :
Dans le monde de l’infiniment petit (autrement du très subtil), les transformations se font de manière « brutale », instantanée… A l’image des « sauts quantiques » illustrés par les Trigrammes et hexagrammes du Yi Jing.
Les particules infiniment petites sont là, à l’image du Tao, partout… notamment au-dedans de nous… se déplaçant au-dedans de nous à plusieurs endroits à la fois, à plusieurs vitesses à la fois et en empruntant tous les chemins possibles… à la fois…
Les notions de vide :
Dans la vie ordinaire, le vide est un espace non occupé par des choses ou des personnes (Faire le vide autour de quelqu’un, de soi). Par extension, une idée peut être vide de sens.
D’un point de vue des sciences physiques « classiques », le vide est une zone de l’espace dans laquelle on a enlevé toute matière et tout rayonnement. Il n’y a donc « rien » à l’intérieur. Mais vide n’est pas néant, car le vide a besoin d’un espace pour le contenir.
Du point de vue de la physique quantique, le vide, bien que dépourvu de particules élémentaires et de rayonnement est… plein !
Plein de particules « virtuelles » dont l’énergie est inférieure à m C2. Plein de particules endormies en quelques sorte. Dès que l’on donne de l’énergie au vide , certaines particules se réveillent et deviennent réelles…
Mais le vide quantique fluctue, mais faute d’apport d’énergie suffisant, il ne peut pas exprimer ses potentialités.
C’est le vide qui nous intéresse !
Nouvelle corrélation entre les visions Taoïste et scientifique :
Le vide contient, sous une forme indifférenciée, la potentialité de tout ce qui est susceptible d’exister. Il a besoin d’un apport d’énergie pour exprimer ses potentialités.

Première synthèse :
Le « petit » voyage dans l’espace et le temps que nous avons réalisé permet de trouver des corrélations (et non des preuves) entre la vision scientifique moderne née au début du XXème siècle et la vision Taoïste de la genèse du monde :
Le vide originel (chaos primordial) contient bien la potentialité.
La grande mutation correspondrait à l’apport d’énergie dans le vide : le « Big Bang ».
Le grand commencement correspondrait à la période pendant laquelle matière et lumière étaient couplés.
La grande genèse commencerait au moment du découplage entre la matière et la lumière, donc à la naissance de la forme, des atomes, des étoiles, des planètes et des galaxies.
Ce voyage a aussi montré la relativité forme-énergie, matière-antimatière de la forme, onde- particule de la lumière et du monde infiniment petit, etc. Cette approche de la relativité montre que Dame Nature a élevé le concept Yin-Yang très au-delà de la complémentarité féminin-masculin, bien-mal, etc. avec une préséance ontologique du Yin sur le Yang malgré la complémentarité des deux aspects : Le Yin précède toujours le Yang. Attention de bien respecter cet état de fait dans le cadre de la pratique !

La grenouille de Zhuang Zi
Au chapitre 17 du livre qui lui est attribué, Zhuang Zi affirme « Oui, la grenouille qui vit au fond d’un puits n’a pas l’idée de ce que peut être la mer. ».
Comme la grenouille, nous n’avons qu’une perception parcellaire du monde qui nous entoure.
Considérons nos yeux. Ils ne sont capables de percevoir qu’une infime partie du spectre des rayonnements électromagnétiques.
Si nos yeux étaient sensibles aux :
Ondes radio, nous pourrions voir l’agrégation des galaxies,
Micro-ondes, nous pourrions voir, brillant dans toutes les directions, le rayonnement fossile,
Infrarouge, nous pourrions scruter le centre galactique, car ce rayonnement traverse la poussière sans interagir avec elle,
Ultraviolet, nous pourrions percevoir le fragile deutérium formé quelques secondes après le Big Bang.
Rayons X, nous pourrions discerner les températures extrêmes, de l’ordre de 100.000 °C,
Rayons γ, ce ne serait plus le soleil qui générerait le rythme jour / nuit, mais la nébuleuse du crabe car l’énergie des rayons γ qu’elle émet est 100 milliards de fois plus puissante que l’énergie des rayons visibles !
Se baser sur l’observation (nécessairement réalisée à partir de sens particulièrement limités) n’est donc pas la meilleure des méthodes pour se faire une idée de l’univers qui nous entoure…
Aussi étrange que cela paraisse, l’observation nous trompe souvent et a besoin d’être réinterprétée pour faire sens
Il convient donc d’expérimenter. Or, si certaines expériences sont matériellement possibles, certaines ne le sont pas. Dans ce cas, il est possible de faire des expériences de pensée… Albert Einstein était coutumier de ce genre d’expérience. Et c’est grâce à elles qu’il a élaboré ses théories de la relativité restreinte (dont nous avons déjà parlé) et de la relativité générale : au début du XXème siècle, il n’y avait aucun moyen de vérifier ou d’observer ce qui a été théorisé initialement. C’est ensuite expérimentalement que l’on a peu, petit à petit, vérifier les prédictions des théories de la relativité.

La relativité générale :
Parmi les découvertes de la relativité générale, on peut citer :
L’espace et le temps sont un. On parle d’espace-temps.
L’espace-temps est courbe et en mouvement. Sa courbure évolue localement pour s’adapter à la masse des objets qu’il contient.
La manière dont le temps s’écoule pour moi dépend de la vitesse à laquelle je me déplace.
Nous avons tous une représentation psychique de l’écoulement du temps, de la durée d’un évènement, d’une histoire. La notion de cours du temps est une création de notre conscience, à l’image de l’eau qui s’écoule (plus ou moins vite en fonction de notre état) dans le fleuve dans un lit, délimité par des berges et dont le moteur est la gravité : l’eau descend de la montagne vers la mer…
Mais dans quoi s’écoule le temps, quel est son moteur ?
En fait, le temps est la seule chose qui ne passe pas car il est toujours là, entrain de renouveler l’instant présent… sa fonction est de « faire passer » la réalité. Étienne Klein, docteur en physique et épistémologie, définit le temps comme une « prison à roulettes ».
De fait, le temps n’a pas de vitesse, il ne change pas, au cours du temps, sa manière d’être le temps…
Quant au moteur du temps ce n’est ni plus ni moins que l’expansion de l’univers, expansion qui n’a jamais cessé depuis le Big Bang…
Ce qui a comme conséquence que l’espace et le temps sont liés comme le manteau et sa doublure… et que les évènements passés ou futurs ont le même degré de réalité que les évènements présents…
Il convient donc de bien distinguer le temps et le cours du temps qui lui, est mesurable et bien sûr relatif…
Imaginons qu’un observateur reste statique, confortablement installé dans son canapé préféré pendant un certain intervalle de temps que l’on va appeler ∆t. Il observe une personne qui se déplace de manière linéaire à une vitesse v dans un véhicule des plus rapides. Pour la personne en déplacement, il s’écoule un certain intervalle de temps que l’on va appeler ∆t’.
Il s’avère que, pour les deux personnes, le temps ne s’écoule pas pareil… Plus la personne qui se déplace se déplace vite, plus le temps s’écoule doucement ! Et, qui intervient à nouveau ? La vitesse de la lumière…
L’équation qui traduit ce phénomène physique est toute simple :
∆t^’=∆t√(1-v^2/C^2 )
Si on parvenait à se déplacer à la vitesse de la lumière, le temps ne s’écoulerait plus… Ce qui revient à dire que l’espace se contracte d’autant plus que la vitesse augmente… Voilà pourquoi on parle d’espace-temps… en un seul mot !
Ces écarts se mesurent sur terre, en utilisant des horloges atomiques. Par exemple, on emmène sur un aéroport, deux horloges qui indiquent la même mesure du temps avec une impressionnante précision. On laisse une horloge au sol et on embarque la seconde dans un avion… Eh bien, à l’issue du vol, les deux horloges indiqueront un temps différent ! De quelques micro secondes, certes car la vitesse de l’avion est petite devant celle de la lumière, mais différent…
Présenté sous une autre forme, plus on se déplace vite dans l’espace-temps, plus on retarde l’échéance du futur….
Voilà ce qui se passe quand la grenouille sort de son puits (ou l’être humain de son confortable canapé habituel) !
Nouvelle corrélation entre les visions Taoïste et scientifique :
Évoqué dans les œuvres de Lao Zi, Zhuang Zi et de nombreux textes à partir des Royaumes combattants, l’immortel, « Xianren » est, en Chine, un être fantastique aux pouvoirs surnaturels et aux dimensions cosmologiques, dont l’état transcende l’opposition entre vie et mort. La notion d’espace-temps et de place dans ce dernier montre que la notion d’immortel n’est peut-être pas si loufoque !
Deuxième synthèse :
L’univers qui nous entoure n’a sensiblement rien à voir avec l’image qu’il nous donne au premier abord. Ce qu’il est et les lois qui le régissent sont totalement contre intuitives. Nous devons donc modifier en profondeur notre manière de l’appréhender pour en avoir une idée plus juste.

Oui, mais, dans la Pratique ?
Oui, mais, dans la Pratique, à quoi tout cela peut bien servir ?
Les modes de pensée originels, furent-ils occidentaux ou orientaux, intègrent la notion d’analogie : ce qui est vrai au niveau de la nature est vrai au niveau de l’humain.
Pour les taoïstes, les humains dans leur état initial ne sont pas finis. Ils doivent se construire, s’achever, faire retour au Tao. Devenir, en quelque sorte un « humain nouveau » … Un nouvel univers, au sens de « uni versus », tourné vers l’unité.
Si on applique le principe d’analogie à la Pratique, le néophyte qui arrive à son premier cours représente, en quelque sorte, le chaos primordial, la potentialité initiale de l’évolution possible de son monde intérieur.
Il restera dans cet état tant qu’il n’aura pas trouvé la bonne quantité et la bonne qualité d’énergie à mettre en œuvre pour provoquer « autre chose ». C’est le « Big Bang », la « Grande Mutation ». Trop souvent hélas, certains considèrent que les minuscules fluctuations quantiques aléatoires de leur vide intérieur – et sans effet permanent – sont les manifestations du sublime travail qui s’opère au-dedans d’eux-mêmes…

Une fois cette « Grande Mutation Intérieure » réalisée, quelque chose d’indistinct se met en place. Quelque chose d’obscur (au sens de la compréhension), de très intense, mais qui est encore incapable de se matérialiser, se met ensuite en place. C’est le « Grand Commencement ».

Il convient ensuite de laisser le temps passer, l’univers intérieur grandit… ou mieux, continue à grandir à force de retrancher et diminuer, diminuer et diminuer chaque jour un peu plus, devenir de plus en plus vide, c’est-à-dire réceptif, perméable aux choses telles qu’elles sont.

En un instant très bref, dès que les conditions sont remplies, la « Grande Genèse » se met en place : le corps commence à matérialiser les plans établis dans le monde psychique. L’être humain évolue peu à peu vers son destin.
La genèse des mondes peut donc être vue comme une représentation allégorique de la Pratique, de la Voie vers l’accomplissement de soi dans un monde réel qui est à des milliards de kilomètres de l’idée que nous nous en faisons !
A ce titre, les praticiens du Tao doivent lire (ou relire) les textes classiques en les conjuguant au présent, et non au passé : Les sinologues sont des experts en langue chinoise, mais exceptionnellement dans la Pratique des Arts Taoïstes… on ne peut donc pas les blâmer d’utiliser le passé dans leurs traductions !

Notez que certaines écoles chinoises de pratique d’éveil ou de santé, voir « chevaleresques » (martiales) reprennent, dans la structure même de leurs enchaînements, le principe des différences étapes de la genèse des mondes : certaines postures se nomment Wuji (Wou Chi) (Non Faîte), autre nom du chaos, mutation, commencement, genèse. C’est notamment le cas de l’école du XingYi Quan de l’école des Trois Harmonies (San Yiquan).

LA COHERENCE CARDIAQUE ET LE TAO
par Georges Charles – Shengren Daoshi de l’Ecole San Yiquan et enseignant depuis plus de cinquante ans des pratiques taoïstes du Lingbaoming (Qigong du Tao).

Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Depuis des siècles, sinon des millénaires, en Chine (mais également au Japon, au Vietnam, en Corée…) on pratique, enseigne, transmet la « cohérence cardiaque » sans le savoir. Au sein du Lingbaoming ou Lingbaopai, une des trois tendances des « praticiens du Tao », les deux autres étant Maochan (Montagne de Longévité) et Jindan (Pilule d’Or) c’est une pratique de base qui depuis des siècles est transmise aux néophites par les « initiés » (ceux qui excellent dans la pratique de la voie comme les qualifient Laozi dans le Daodejing). C’est un mouvement simplement nommé « An Xin Jing Shen » qui se traduit par « Calme Coeur Paix Esprit ». Il a été immémorialement remarqué que le simple fait de « calmer le coeur » apportait « la paix à l’esprit » et, ce faisant, pouvait régulariser tout le processus énergétique mais également organique. Lorsque le coeur est agité l’esprit devient alors agressif, conquérant, belliqueux, hargneux, hostile, querelleur, caustique et on en passe une longue liste de synonymes. Ce qui peut être un atout dans la vie au sein d’une société ‘généralement anonyme et à irresponsabilité illimitée destinée à la faillite – excellent modèle –  mais pas dans la vie en société. Et surtout ce qui engendre de nombreux problèmes physiologiques et psychologiques. Dont on observe actuellement les résultats. C’est simplement la folie qui s’oppose à la sagesse. Si ce « coeur calme et cet esprit en paix » servaient à soulager et à traiter, sinon a guérir, une ampoule au pied ce serait déjà un résultat appréciable. Pour les taoïstes, depuis des millénaires, cela permet, également, d’établir la « quiétude » (Anjing), ce qui est presque un « mantra ».
Lorsque cette quiétude n’est pas établie il y a donc inquiétude, ce qui est un « manque de quiétude ». Et cette inquiétude engendre la peur « comme le sommeil engendre les songes et une ruche les abeilles ». La peur n’est pas bonne conseillère. Mais elle est actuellement ce qui régit le monde. Avec l’intérêt. On joue sur les deux tableaux. Plus la trouille que l’intérêt ou plus l’intérêt que la trouille. Mais la trouille de la maladie prévaut sur l’intérêt de la (bonne) santé. La méditation est l’une des premières formes de « cohérence cardiaque », à la condition de ne pas confondre métitation est sieste organisée avec fumée d’encens et musaque « Nouille-Age ». Tout ce qui permet de calmer le coeur est donc « cohérence cardiaque » et est, évidemment, tant favorable au coeur qu’à l’esprit. Tout le monde n’étudie pas ni ne pratique le Tao. C’est un fait. mais si on ouvre n’importe quel traité d »énergétique chinoise ou d’acupuncture (mais aussi de massage…), même consacré aux nuls, on apprend que le Coeur (Xin) – je met une Majuscule car il ne s’agit pas de la simple pompe cardiaque que l’on peu remplacer par un coeur artificiel – engendre (Sheng) dans le sens de « permet la naissance – comme le fait le gendre  » une « entité viscérale » (on devrait d’ailleurs parler d’entité organique car le coeur n’est pas un viscère) qui est Shen, l’esprit. On devrait d’ailleur comme pour Coeur utiliser une majuscule donc Esprit. C’est une des bases de l’acupuncture de base. On est donc loin d’un grand secret qui se monnaye uniquement dans l’obscurité d’un temple ou d’une congrégation. Cette connaissance est à la portée de toutes et de tous depuis un bon moment déjà, y compris en Occident ! Il faut admettre que la Chine, et ceux qui utilisent sa pensée et sa culture, se base beaucoup plus sur l’efficace (De ou Te comme dans Daodejing ou Tao Te King) que sur la raison. L’acupuncture ce n’est pas raisonnable mais c’est efficace. Plusieurs milliers d’années d’expérience(s) sur l’être humain et non sur le rat de laboratoire ou le modèle statistique. Le monde se divise en deux parties essentielles. D’une part ceux qui savent faire cuire la pieuvre (le calmar, la seiche, l’encornet etc) pour qu’elle reste tendre et, d’autre part, ceux qui tapent dessus à coup de rangers, de batte de baseball, de tabouret, de maillet, de rochers et qui la font cuire des heures pour la rendre immangeable, ou peu s’en faut. C’est juste une question de savoir faire qui prend quelques minutes. Il convient simplement d’essayer d’accepter puis d’accepter d’essayer. Et d’agir.
G.C.