A quoi se relient les pratiques animales dans le Kung-Fu Wushu.

 

Par Georges Charles.

Il s’agit de la retranscription d’une visio-conférence Zoom réalisée le 25 mars dernier à l’initiative de Davide Milazzo, enseignant certifié San Yiquan, de l’association italienne Libertao. Je le remercie de m’y avoir invité en tant qu’intervenant principal. Je remercie également Yves Kieffer et Ana Lisa Balboni pour leur traduction en simultané pour nos amis italiens.

 

Les origines profondes, sinon originelles, des pratiques animales dites zoomorphes.
Les termes sont « récents » mais décrivent, tant bien que mal, une réalité immémoriale qui accompagne l’être humain depuis son origine la plus profonde jusqu’à nos jours. Lorsque le Général de Gaulle dans son discours pour la reconnaissance de la République Populaire de Chine, il y a donc soixante ans, affirma que la Chine était plus ancienne que l’histoire, il reconnaissait un simple fait, une vérité.  En effet à cette époque et avant l’utilisation du Pinyin Zimu, la transcription du chinois pour les occidentaux et les non-chinois, ceux-ci n’écrivaient pas mais calligraphiaient, donc dessinaient. Les caractères chinois, les sinogrammes, représentaient une image. Ils avaient bien évidemment évolué au cours des millénaires et des siècles mais dans le caractère Ma, le cheval, on reconnaissait encore la crinière, la queue et les sabots. La paix se dessinait avec une femme et un enfant sous un toit, ou deux hommes partageant un cochon sous un toit. Ce sont évidemment des « images-symboles » (Xiang) qui se sont transmis au cours des âges. Et qui évoquent autre chose qu’un simple concept théorique. Mais, suivant nos doctes savants, l’histoire commence avec l’écriture et non avec le dessin. Les êtres préhistoriques dessinaient fort bien. Mais ils sont donc « pré-historiques » donc d’ « avant l’histoire ». Le fait que dans de multiples grottes « ornées » il y ait des « images symboles » que l’on ne comprend pas ne veut pas dire qu’ils ne savaient pas écrire. Mais autrement. Les Chinois écrivaient « autrement ». Puis se sont mis à écrire comme nous ce qui nous amène à des transcriptions comme « Kung-Fu » ou « gongfu » ou « Confucius » ou « Kong Zi » ou « Kung Tze »…Et ils sont donc sortis, il y a 70 ans, de la préhistoire. Du moins de la préhistoire occidentale.
Ceci étant dit concernant nos pratiques animales on distingue (en Occident !) trois courants qui, parfois, s’entre-mêlent.

L’animisme.
Du latin animus : mouvement, qui est animé puis, plus tardivement esprit et plus tardivement encore « âme ».
C’est une croyance, ou une théorie, qui admet une force vitale qui anime les êtres mais également les animaux et parfois même les objets dits « rituels » ou « de culte ».
« Objets inanimés avez-vous donc une âme ? » Lamartine (1790 1869), auteur, poète et homme politique dans les « Âmes vagabondes », poème « Milly terre natale ».
L’animisme est un principe très largement réparti sur notre planète depuis plusieurs millénaires et probablement un peu plus.  On a retrouvé, en Chine, près de Choukoutien (Zhoukoudian) un atelier d’équarrissage, donc de découpe des animaux de manière très organisée, datant, scientifiquement, de deux millions d’années. A cette époque des êtres probablement humains ont été capables de s’organiser, donc de communiquer, en vue d’obtenir un résultat et ceci avec des outils spécialisés. Ce n’étaient donc pas des crétins.

Le chamanisme. Ce n’est pas un principe ou une théorie mais une pratique qu’on peut qualifier de religieuse dans le sens originel du terme qui est simplement religare, donc relier. Mettre ensemble. Il s’agit simplement de faire en sorte que le visible et l’invisible se rejoignent. C’est accorder le concret et le subtil on pourrait parler de « faire dialoguer » et même de « donner du sens ». Le terme chaman vient du Toungouse et signifie « homme qui sait », donc étymologiquement un « savant », puis par extension un « homme-médecine » donc un médecin. C’est quelqu’un qui « sait donner du sens aux évènements ». Et qui, éventuellement, possède les moyens d’agir sur ceux-ci. Et ceci également depuis quelques millénaires et non seulement dans les steppes nordiques. On pourrait rapprocher ce terme de « Mageos », celui qui sait (d’après Zoroastre) malheureusement ce terme a été détourné de son sens propre pour donner les fameux Mages qui viennent honorer la naissance de Jésus. Puis, pire encore dans les termes de magie, de magique qui sont, évidemment devenus péjoratifs. « C’est magique ! ».
En Occident, on différencie généralement le corps et l’esprit et l’esprit de l’âme. Dans le chamanisme (animisme appliqué) l’esprit est la partie intermédiaire. Le corps est considéré comme grossier (terrestre ou chtonique) et l’esprit est considéré comme subtil (céleste) mais l’âme est considérée comme plus subtile encore et liée au monde invisible. D’après les anciens sages chinois il existe donc « autre chose encore ». Avant il y a déjà quelque chose, après il y a autre chose encore » (Houai Nan Tzeu – Houainanzi) Livre du Prince Liu Han (5eme siècle avant notre ère). De même il existe des esprits grossiers – chtoniques donc se rattachant à la terre – et des esprits subtils – se rattachant au Ciel (Tian). C’est ce que l’on peu nommer des « esprits brillants et subtils » que l’on retrouve dans les « méditations taoïstes.  Pour ces « anciens » Chinois les animaux ont donc des esprits particuliers, comme par ailleurs les plantes et même les minéraux. Ce ne sont donc pas uniquement des objets comme tentait de nous faire  croire, notamment, Descartes.

Le totémisme.
Il existe également depuis des millénaires à peu près partout sur notre planète.
A l’origine il s’agit simplement de la représentation d’un animal protecteur du clan, donc de la famille élargie. Le terme totem est propre aux Algonquins et a été utilisé au milieu du 19eme siècle et a fini par désigner un objet symbolique orné de figures animales particulières. Comme nous nous situons au dessus de ces « sauvages » nos »savants » ont oublié que le même principe protecteur existait chez nous depuis la nuit des temps et a même donné naissance aux armoiries des principales familles européennes. Concernant le fameux roi Arthur il est admis que son père se nomme Uther Pendragon (Pen draig) ce qui signifie ‘Tête de Dragon » ou « Chef (des) Dragons ».
Arthur, ou Artorius, représente quant à lui l’ « ours guerrier » ou « ours féroce ». Donc le « Roi des Ours » ou « Roi des guerriers » . La légende arthurienne a été forgée à partir de plusieurs personnages historiques ou mythiques dont, notamment, le préfet Romain Artorius Castus qui résidait à Eburacum (qui deviendra York). Au IIIeme siècle de notre ère il aurait, avec ses troupes, permis de repousser les barbares. Probablement des Pictes. Et, par mutations successives, deviendra la Roi Chevalier. Dans une certaine mesure on passe donc de l’ours au cheval. Dans cette légende Lancelot, le Chevalier à la Charrette, passe à pied sec de la Petite Bretagne à la Grande Bretagne. Il suffirait de retrouver à quelle époque cela a été possible pour revenir aux origines mêmes de la légende qui n’en n’est peut-être pas une.
En Chine, par contre, on passe de l’ours au dragon. Le Premier Empereur (Jaune) Wangdi ou Huang Ti (2697 2597 Av. JC) est considéré comme Xiangshi « l’Empereur des Ours ». Et l’ours devient donc son emblème totémique. Une confusion est toujours entretenue entre cet Empereur et Qin Shi Huangdi (259 210 AV. JC) qui est le Premier Empereur Tsin. Lorsque l’on parle de l’Empereur Jaune il convient donc de se méfier. Mais c’est pendant la Dynastie Han (206 220 Ap. JC) que le Dragon (Long) remplace l’Ours avec Liu Bang qui rêve d’être le « Fils du Dragon » et qui impose cette croyance.
Le Dragon Vert (Azuré) est déjà l’un des quatre animaux cycliques résidant dans le Palais du Printemps (Est). Le Phénix Rouge réside dans le Palais de l’Été. Le Tigre Blanc réside sans le Palais de l’Automne. Et la Tortue noire (tortue-serpent) réside dans le Palais de l’Hiver. On retrouve donc, déjà, une correspondance entre les animaux, les orients, les couleurs et donc, dans une certaine mesure avec les organes.
L’Ours est toujours présent mais sous le forme de la constellation de la Grande Ourse ou du Boisseau (Teou) et est rattaché au centre et à la couleur impériale, donc jaune (Wang).

Tant dans l’animisme que dans le chamanisme ou dans le totémisme on retrouve donc la présence d’animaux puis d’objets symboliques qui « animent » un pouvoir particulier. Des animaux totémiques sont présents bien avant les croisades mais c’est à partir de celles-ci que l’art héraldique se complexifie ne serait-ce que par la présence de nouveaux animaux comme le lion, le léopard (Liepard) et même le caiman. Des animaux « anciens » tombent en désuétude alors qu’il représentaient pourtant le pouvoir. C’est le cas du Coq du Clan écossais Sinclair (Chanteclerc) ou le Sanglier (Sang-Lié ou Cochon) du Clan Gordon qui est bien souvent remplacé par un Cerf (Bydand – « Je me souviens ! »).
Le Chien, également est beaucoup moins présent qu’avant. Le Lion (Leo) fait une entrée fracassante. Un adage ancien ne dit-il pas « Si tu n’as point d’arme, choisis le lion ». La croix, sous ses diverses formes, est présente dans les armoiries. Le Clan Sinclair choisit une « croix de sable engrellée sur fond d’argent ». Donc une croix noire avec des épines comme un chardon sur fond blanc. Pas trop rassurante. Ensuite les objets, les symboles se multiplient mais les animaux demeurent en bonne place. Pour les couleurs (émaux) la France choisit l’Azur (bleu) et l’Argent (blanc) ; l’Angleterre le Gueule (rouge) et l’Argent (blanc) ce qui leur vaudra de se faire nommer les « roast-beefs »; Les Allemands l’Or (jaune) et le Sable (Noir) ; les Italiens le Sinople (vert) et l’argent (blanc) ; les espagnols le Gueule (rouge) et l’Or (jaune) ; les Portugais le Sinople (vert) et le Gueule (rouge). Ce sont toujours des réminiscences du totémisme.

Mais revenons à la Chine et à l’énergétique
Il y est convenu depuis plusieurs millénaires que chaque organe a une fonction physique mais aussi émotionnelle et psychique suivant le principe des « Trois-Un » (sanyi). Xia représente ce qui est en bas. Zhong ce qui est moyen. Shang ce qui est en haut. Mais il est précisé qu’ « il y a autre chose encore » (Hua) dic.Ricci 2170 et 2179.
A la fois changement, transformation, mutation mais également Éclat, Splendeur, Eclatant, Gloire, splendide. Mais dont on ne précise pas le nom. C’est simplement un état. On le qualifie d’innommable comme Wan est qualifié de myriade, d’infini, que l’on ne peut compter.  » Un vol de fourmis volantes avant l’orage et qui obscurcit le soleil » dit l’Empereur Qangxi. Mais que les traducteurs, en jouant aux comptables, persistent a appeler « dix mille ».  En arrondissant probablement au plus proche. « L’univers est une chiure de mouche dans la sandale du Bouddha ».
Concernant ces fameuses pratiques zoomorphes, donc liées aux animaux, une première référence historique remonte à Hua To (Wato) 110 207, un médecin et chirurgien, qui sous la dynastie des Han met au point une série gymnique basée sur des mouvements copiés sur les animaux pour soulager ou même guérir ses patients. Elle fut nommée « Wato wuquinshi »(Jeu des Cinq Animaux de Hua To). Ce chirurgien pratiquait, déjà, des opérations sous anesthésie. On connaît la composition de cet anesthésique puissant le Maifesan qui est un mélange de plantes généralement considérées comme toxiques. Il faisait pratiquer cette gymnastique « animale » préventivement puis après l’opération afin que ses patients recouvrent la santé et probablement l’esprit. Précisons que Wato ou Hua To n’est pas un « guérisseur » comme on le lit parfois mais un médecin tout ce qu’il y a d’officiel dans la Chine de cette époque. Il opéra un important personnage qui avait une tumeur au cerveau et il est dit que celui-ci survécut et put reprendre ses activités. Or, des archéologues ont retrouvé sa tombe et ont pu constater que son crâne avait bien été trépané et que l’os s’était en partie reformé attestant qu’il avait du vivre une bonne vingtaine d’années après cette opération. Quoi qu’il en soit, cette « gymnastique des Cinq Animaux » a continué de se transmettre, sous diverses formes, jusqu’à nous jours.  Elle comportait le Singe (Eau), le Tigre ou le Cerf (Bois), le Léopard ou le Phénix (Feu), l’Ours (Terre) l’Échassier (Héron…Grue…) (Métal) et était en rapport avec les Cinq Éléments (Wuxing) ou Cinq Formes. Xing est « ce qui prend forme, ce qui se manifeste sous une forme, ce qui se matérialise » (Empereur Qangxi). Cette forme se transmettait, notamment, au sein du style de Shaolin Shi (Monastère de la Petite Forêt) et plus particulièrement dans celle du Shaolin du Sud qui se situait à Julianshan dans le Fujian. Elle m’a personnellement été transmise par le Maître Yuan Yik Kai (Yuan Yici) (1909 1983) qui était considéré comme l’un des Patriarches du Style Hung Gar (Hong Kuen, Hung Jia).

Le Sigung Yuen Yik Kai (Yuen Yici) dans une « forme » du Dragon

 


Le Shigung Lam Sai Wing (Lin Shi Rong) dans une forme des « Ailes de la Grue »

 

Je n’ai pas envie de rentrer dans les querelles d’écoles et de filiations pour savoir ce qu’il représentait ou ne représentait pas pour Hung Gar (et ses diverses branches !) mais dans les années soixante dix il m’avait été présenté comme « Patriarche » par la principale Association de Hong Kong, la HKCMAAL qui avait pignon sur rue. Et m’avait été recommandé par mon Professeur Wang Zemin (Wong Tse Ming ou Tai Ming Wong (1909 2002) selon les diverses transcriptions en cours. Et nous avions été le rencontrer en 1975 dans les Nouveaux Territoires où il était en « résidence surveillée ». Le Président de la HKCMAAL Chan Hon Chung (1909 1991) (disciple de Lam Sai Wing (Lin Shi Rong) (1860 1943) qui avait lui-même été le disciple de Wong Fei Hung (1847 1924) )  et son « senior student » (Premier Assistant) m’accompagnaient. En Chine la filiation a une importance que l’on ne comprend pas ici. Et les choses se transmettent de maître à disciple depuis des générations et des générations. L’écrit ne fait que de tenter de relater ce fait. A ce propos, en cinquante années d’enseignement (de 1974 à 2024), une seule anthropologue, la regrettée Annie Hubert (1941 2010), m’a posé une série de question sur cette transmission, en tant que maître-héritier, reconnue en Chine.  Lors d’une discussion au « Bonheur du Palais » chez Tommy et Andy Shan, à Bordeaux,  elle admis que « je ne faisait pas partie du sérail » et que j’étais un cas très particulier. Selon elle, j’étais connu comme le loup blanc. j’étais à ces pratiques chinoises ce que le  juge Renaud Van Ruymbeke était à la justice. J’ai heureusement un témoin de ce fait. D’un autre côté cela m’a évité de perdre du temps.
A la suite de Hua To plusieurs styles, ou écoles, ont suivi le chemin de la voie animale et ont donc intégré au sein de leurs pratiques des formes animales, à la fois postures, déplacements, techniques de défense et d’attaque et stratégies de combat. On retrouve donc des « Boxes du Singe », du « Serpent », du « Tigre », du « Héron » (ou grue blanche), de l’ « Ours », du « Cerf », du « Léopard » (ou Panthère). Et des formes que l’on peut qualifier de « synthèse »  du « Dragon », du « Phénix », . de la « Mante Religieuse ». La plupart du temps, d’ailleurs, sans connaître le théorie des « Cinq Eléments » (Cinq Formes, Cinq Manifestations…) pourtant fondamentale. Mais finalement mieux vaut faire que savoir. Et certains le font très bien.


Chan Sao Chung dans une forme du Singe

Un peu de savoir.
En énergétique chinoise classique, donc en médecine chinoise, laquelle est toujours utilisée en Chine il est question de « Ben Shen » ce qui se traduit le plus simplement du monde par « Racines (de l’)Esprit » mais que l’on s’est évertué à traduire, ici, par « entités viscérales ». Le copié-collé ayant produit son effet c’est désormais parole d’évangile. Tout d’abord il ne s’agit pas de viscères(Fu) mais d’organes (Zhang). Zhang Fu représentant le coupole organes/viscères. Chaque organe  est donc mis en relation avec une fonction, une couleur, une saveur, une saison, un élément (forme ou manifestation concrète), un point cardinal, un animal emblème et une force particulière qui est justement cette  « racine (de l’)esprit ».
Ici il faut, pour animer le propos, évoquer le syndrome du riz cantonnais. Il n’a rien de cantonnais puisqu’en Chine surtout du sud il s’agit du riz sauté (Chow Fan) du lendemain de fête. Il s’agit d’un plat qui a pour but et pour fonction de rééquilibrer l’organisme en utilisant les « Cinq Éléments » (Cinq Formes) ‘Wu Xing » grâce aux textures, aux couleurs, aux saveurs, aux cuissons. Le riz, blanc, est naturellement cuit à l’étouffée en récipient de métal et correspond donc à celui-ci. Les champignons noirs sont mis à tremper dans de l’eau salée et cuits doucement. Cela correspond à l’Eau. Les légumes verts (petits pois, haricots verts, poivrons en été) sont cuits puis rapidement sautés au Wok (Guo) ce qui correspond au Bois. Ils demeurent croquants. Les saucisses ou le jambon cru ou cuit (rouge) sont rapidement sautés voire grillés, ce qui correspond au Feu. L’omelette (jaune) et parfumée (Xiang) est cuite à l’étouffée et correspond à la Terre. Vous dites cela à un cuisinier Chinois il répond invariablement « C’est très compliqué mais j’ai toujours fait comme ça parce que mon grand père et son grand père faisaient comme ça ! » Mais il le fait. Dans les restaurants et les recettes d’Internet (le véritable riz cantonnais de Cyril Lignac – pour ne pas le citer) on a soigneusement retirés les champignons noirs parce qu’on les retrouvent sur le bord de l’assiette.  Les Asiatiques n’aiment pas gâcher et les Occidentaux ne les connaissent pas. Ces fameux champignons noirs sont en réalité des « oreilles de Judas » (auricularia oricula Judae) et dont très utilisés en médecine chinoise traditionnelle, donc en pharmacopée pour « nettoyer l’intestin ». Des études démontrent que ce sont des « pièges à mauvais cholestérol » et qu’ils ont une réelle fonction dans le bol intestinal. Mais leur apparence et leur texture, à la fois croquante et gluante, rebute Madame Zonzon. Donc on propose un « vrai riz cantonnais » auquel il manque un élément important tant dans la saveur, la couleur, la texture, le mode de cuisson et la fonction.
On va retrouver un phénomène semblable concernant les « Ben Shen », ces « racines (organiques) de l’esprit (et des esprits, des plus grossiers aux plus subtils et même à « autre chose encore » « .
Nos Cinq organes et les « Cinq Forces »

Les Reins (Eau) (Nord) (Singe ou Serpent). Ils sont deux Shen et Ming Men, correspondant au Soleil et à la Lune donc aux origines profondes (ancestrales et même antiques) du Yin/Yang. Le rein gauche contenant la génétique profonde du côté paternel, le rein droit la génétique profonde du coté maternel. On pourrait actuellement parler d’empreinte génétique.  Ils contiennent et engendrent le ZHI (Ric 821) qui est la volonté de vivre, de survie. ce qui entretien le vie (Yang Sheng). Son déréglement provoque les peurs, les angoisses, les phobies.

le Foie (Bois) (Est) (Tigre ou Cerf). Il contient et engendre le HUN (Ric 2286) qui se rattache au futur (la capacité de se projeter dans le futur), à l’intuition, au courage (d’affronter les difficultés). Son dérèglement produit les contrariétés, le stress, l’incapacité d’agir au bon moment (la fameuse procrastination !) et dans une certaine mesure la veulerie (en bande organisée) et la lâcheté.

Le Cœur (Feu) (Sud) (Léopard ou Phoenix, Oiseau Rouge). Il contient et engendre le SHEN (Ric 4317) ou Esprit, conscience, rapidité de compréhension. Son dérèglement produit la joie excessive (pathologique), la témérité, l’ « inconscience ».

La Rate (Terre) (Centre) (Ours et dans une certaine mesure le Dragon (Impérial ou Jaune). Elle contient et engendre le YI (Ric 2348) ou intention, vouloir, détermination. Son dérèglement produit la réflexion excessive, le ressassement,  le « radotage ».Pour les pratiquants et enseignants c’est le Yi (I) du Xingyi (Hsing I) (Intention prenant forme). Il y a souvent confusion entre « esprit » (Shen) (lié au Coeur), « intention » qui est justement le »vouloir » (pulsion organique qui amène à « vouloir » du chocolat ou a « vouloir mettre un pain dans la tronche à… » et la « Volonté » qui, dans bien des cas, consiste à refuser du chocolat ou à passer à l’acte. La volonté est souvent castratrice. On voudrait bien mais on ne le fait pas. Le Yi c’est pain et chocolat. la volonté c’est un verre d’eau pas trop fraîche.

Le(s) Poumon(s) (Metal) (Ouest) (Échassier blanc, Héron, grue…). Il engendre et produit le PO (Ric 4148) ou esprit du passé, protection externe (Wai Qi), la rectitude. Son dérèglement produit la tristesse excessive (tendance maniaco-dépressive), la mélancolie, l’excès de remords (ce qu’on a fait) et de regrets (ce qu’on a pas fait).
Il faut noter qu’en énergétique chinoise classique on considère bieu deux reins (Shan et Ming Men) mais un seul poumon. « Le poumon, vous dis-je, le poumon » – Molière dans le malade imaginaire.

Dans le principe il s’agit donc de tout à fait autre chose, dans ces techniques animales ou zoomorphes, que d’une gesticulation fébrile.
Certains me demanderont « où sont donc passées les âmes végétatives ou spirituelles que l’on retrouve dans certains traités et même dans des dictionnaires tout à  fait honorables ? »

A ceci je répondrai par du Marcel Granet (Histoire de la Pensée Chinoise Albin Michel) cité par André Faubert dans son « Initiation à l’Acupuncture traditionnelle » paru en 1974 chez Pierre Belfond. En précisant toutefois que je fus son élève en acupuncture et qu’il fut le mien en « gymnastique du Tao ». De même que son frère Gabriel Faubert, dit « Gaby », un sérieux Karateka, qui fut longtemps mon acupuncteur et aussi mon élève mais en Kung-Fu Wushu. Ce sont deux des pionniers de l’acupuncture classique en France. Et par la même occasion je suis bien obligé d’évoquer le fils de Gaby, Serge Faubert, qui fut, aussi, mon élève en Kung-Fu Wushu. Il y a prescription. Il est devenu journaliste d’investigation.
« La notion d’âme est tout à fait étrangère à la pensée chinoise ».  » Les Chinois ne croient pas que l’âme donne vie au corps. Il vaut donc mieux éviter ce terme auquel en chinois rien ne correspond » Marcel Granet.
Au moins cela est dit et a été écrit par l’un des plus grands sinologues français.
Je sais que nous en avions longuement parlé avec André Faubert et que mon professeur chinois Wang Zeming (1909 2002) était totalement en accord avec Marcel Granet, alors qu’il avait étudié plusieurs années chez les Jésuites de Canton et qu’il reconnaissait qu’ils avaient pris là une certaine liberté en accord avec leurs fonctions de religieux. Vox populi Vox Dei. Mais une fois encore c’est devenu « parole d’évangile » et l’âme (ou les âmes) a envahi les traités d’acupuncture.

Les Cinq Amimaux et leurs armes symboliques

Les animaux dans le Kung-Fu Wushu « classique ».
Nous en avons déjà bien parlé au passage de chaque « Elément ». Pour un simple récapitulatif :
Le Singe (Haou) (qui correspond à l’Eau ou au Nord) c’est la vivacité et l’intelligence, donc la ruse et la stratégie. Il utilise des pas complexes et des cabrioles étonnantes. Il « renforce ses os et assouplit ses articulations) Son arme préférée est la pique des doigts. On retrouve ce principe de pique dans la lance, généralement souple. Dans certaines écoles le Singe est remplacé par le Serpent (She) qui utilise également la pique. Ils utilisent l’ouïe et sont toujours « à l’écoute ». Le Maître Wang Xiangzhai a été inhumé au Cimetière des Collines Parfumées, au Nord de Beijing (Pékin), le Arlington chinois, dans la partie noire correspondant à l’Eau. Ce qui est significatif.

Le Tigre (Fu)(qui correspond au Bois à l’Est). C’est le symbole de la force (musculaire) et du courage. Qu’on le veuille ou non, le Tigre est « résistant ». C’est aussi la détermination et l’indépendance. Il « renforce ses muscles et assouplit ses tendons ». il utilise la vue qui l’informe de la tâche à accomplir. Son arme préférée est la fameuse griffe. La griffe du tigre. Et sa manœuvre la saisie puis la projection. Son arme symbole est la Grande Hallebarde (Guan Dao). Dans certaines écoles le Tigre est remplacé par le Cerf (Lu) symbole de la longévité.

Le Léopard (Pao) (qui correspond au Feu, au Sud). Pao pour les Chinois « c’est plus petit qu’un tigre mais plus gros qu’un chat ». Cela laisse la place à toute une ménagerie. Et chacun pourra donc choisir son félin préféré. C’est la témérité, la vélocité, la férocité, l’habileté. Son arme préférée est la « patte du léopard » (Pao) donc le poing, généralement « explosif », arme redoutable et précise. C’est idéalement entre la paume ouverte et le poing fermé. Il peut utiliser des coups de pied sautés. Son but est évidemment de « renforcer le cœur » et d’agir en profondeur sur la circulation sanguine.
On le retrouve dans les armoiries anglaises nommé le Liepard. Les Normands préfèrent le Lion. Son arme de prédilection est l’épée droite (Jian ou Kien) qui fut longtemps l’arme réservée à la noblesse.  Dans certaines écoles il est remplacé par le Phénix ou Oiseau Rouge. On retrouve le « poing du phénix » assez proche de celui du léopard.

L’Ours (Xiong) (qui correspond au Centre à la Terre). Il représente la force brutale, la puissance, la protection, le courage, la patience, l’équilibre, la curiosité. C’est probablement le plus ancien « animal -emblème » de la Chine. Il pré-existait avant le Dragon. Chez les Celtes la Déesse Artio était une « femme ourse » qui partageait le trône avec Thor. Probablement une redoutable guerrière mais qui ne devait pas avoir grand chose à voir avec Lara Croft ! L’arme favorite de l’ours est la paume (Chang, Zhang) mais aussi le poing « soleil » (Yat Choi) que l’on retrouve encore en Wing Chun (ou Wing Tsun pour éviter WC !), donc vertical. L’arme symbole de l’Ours est le Bâton « Mère de toutes les Armes ».

L’Echassier Blanc (He ; Bai He) (qui correspond à l’Ouest, au Métal). Un peu comme pour Pao c’est simplement « Un oiseau au long bec emmanché d’un long cou ». Il peut être, suivant les régions, Héron (petit, moyen, grand, cendré…), Grue, spatule, flamant…et on en passe. Mais c’est l’équilibre, la stabilité, l’autonomie, la patience, la sagesse, la justice, la perspicacité. Son arme favorite est évidemment le tranchant quoi qu’il ne déteste pas la pique et de redoutables coups de pied latéraux. Chez les Nordiques (North men ou Vikings) il correspond à Frigg, la compagne d’Odin, déesse des arts domestiques et qui possède la connaissance de l’avenir. Elle partage également son trône avec lui. L’arme symbole du Héron est évidemment le sabre (Dao ou Tao) l’arme du guerrier par excellence. L’épée est droite et nécessite pour être efficace d’utiliser des mouvements plus ou moins circulaires. Le sabre est courbe et on peut donc utiliser des mouvements très directs. Dans les formes classiques de l’épée il convient d’entailler ou de piquer (taille et estoc) au niveau des points artériels afin que l’adversaire se vide de son sang sans trop s’en rendre compte. Dans les formes de sabre il suffit plus simplement de trancher ce qu’on peut. C’est beaucoup plus expéditif.

Et il existe, évidemment des animaux de « synthèse » comme le Dragon, le Lion (Shi) que l’on retrouve encore en Chine dans les danses du jour de l’an. En sanskrit le Lion c’est Singh. Des millions de Sikhs se nomment donc Monsieur Lion. Et ils ont tous, par tradition millénaire,  un turban, un bracelet et un couteau. Ce qui pose généralement quelques problèmes avec les autorités. Singapour est la Ville du Lion. Et la bière indienne la plus consommée est bien la Singha (Lion).
La Mange Religieuse (Tang Lang) a le jeu des pattes du singe et le jeu des bras du léopard avec des particularités spécifiques. On la retrouve tant au Nord qu’au Sud de la Chine dans de multiples écoles. Elle a connu un fort développement car il existait des formes « martiales » (Wu) (ce qui signifie en réalité « bravoure ») mais également des formes « militaires » (Ping) liées à l’art de guerre. Il suffisait donc d’avoir été militaire pour en connaître les bases essentielles.
Il y aurait encore tant de choses à dire, à transmettre et surtout à montrer.
GC.