Simples méditations taoïstes 1/3

Ceci est le premier de 3 articles sur la méditation, écrit par nos amis italien Paolo Raccagni et Yves Kieffer et dont voici la première traduction (retrouvez les autres articles en bas de celui-ci).

Dans les milieux taoïstes, ce que nous appelons génériquement « méditation » se dit guan 觀, ce qui signifie littéralement: regarder attentivement, scruter ou examiner minutieusement. Dans les milieux bouddhistes, on utilise le terme chan 禪, l’équivalent de zen en japonais. Il existe aussi diverses distinctions pour guan, telles que neiguan 內觀 (observer à l’intérieur, soit observer l’esprit, le mental), waiguan 外觀 (observer l’extérieur, soit observer ses propres phénomènes physiques), yuanguan (observer au loin), kongguan (observer le vide). *

Le taoïsme est connu pour ses diverses méditations, parfois simples comme « s’asseoir dans la quiétude » (jingzuo 靜坐) ou « s’asseoir et oublier » (zuowang 坐忘), parfois fort complexes comme la « Méditation Taoïste du Calendrier Jade des Rois de la Chine ancienne » (Lao Wang Yu Li Shen Si ).

Toutefois, il est possible d’aborder la méditation par des exercices simples, en contact avec la nature, de type yuanguan, par exemple :

  • contempler les phénomènes naturels tels que les mutations d’un nuage, un coucher de soleil, le bleu du ciel, la lune (dans le lac), la voûte céleste nocturne, la brume dans la montagne, les orages, les chutes d’eau, etc.
  • contempler un rocher, une montagne, un arbre, un objet d’art;
  • écouter le chant des oiseaux ou le bruit du vent dans les arbres.

Contrairement à la pratique classique du Daoyin où il est possible de pratiquer (c’est une possibilité parmi d’autres) dans le but d’accéder à un état Wuji (absence de faîte), dans les cas cités ci-dessus on profite d’une situation ou d’un événement extérieur pour méditer, de façon quasi spontanée. Ces exercices de méditation devraient être pratiqués d’abord lorsque l’occasion s’en présente, puis en ayant recours aux souvenirs, à l’imagination et à la visualisation.

Voici quelques exemples de neiguan :
– imaginer être vide ou creux comme un bambou ;
– s’asseoir dans le calme (jingzuo);
– s’asseoir et oublier (zuowang).

Et quelques exemples de waiguan :
– ralentir naturellement le rythme respiratoire;
– observer les mouvements de la respiration (qiguan);
– re-évoquer la genèse du monde selon la tradition taoïste (taisuqigong).

Une autre pratique courante consiste à prononcer des formules, à raison de deux syllabes pendant l’inspiration et des deux suivantes en cours d’expiration, soit « expression impression » (littéralement : dire-penser). Quelques exemples:

Xin ping qi he (cœur constant souffle harmonie);
Pi quan zhou yi (maintenir fermement conserver l’unité);
An xin ping shen (calme cœur paix esprit);
An jing (calme silence).

Une autre possibilité est de visualiser des hexagrammes. Je laisse la parole à mon ami Paolo:

Méditation et visualisation des hexagrammes

Le Yi Jing ,易經 est tellement riche que nous pouvons l’approcher de plusieurs points de vue: texte oraculaire, texte de sagesse, annuaire historique … sa vision englobe la totalité des événements. Je vous invite ici à « aborder » le Livre des Mutations en tant que support à la méditation.

Cette méditation est similaire aux techniques yuanguan (soit la contemplation des phénomènes naturels) et se réalise en deux phases: une plus externe (waiguan 外觀), qui consiste à contempler l’image inscrite dans la structure des traits qui composent un hexagramme; l’autre plus interne (neiguan 內觀), qui consiste à intégrer cette même image en soi. En observant l’image de l’hexagramme et les trigrammes qui le composent, on obtient une lecture de la réalité (vision extérieure), puis à travers l’intégration de l’hexagramme et l’observation de sa mutation (vision intérieure), on peut espérer un éveil à la réalité.

Dans la première partie, on adopte une posture adaptée à la méditation ; pour ma part j’utilise la posture assise avec les jambes croisées et le tronc « entre Ciel et Terre ». Puisque je viens d’évoquer le rapport Ciel-Terre, on peut partir des hexagrammes Qian ䷀, 1- L’élan créatif et Kun ䷁, 2 – Le Momentum Réceptif comme support à la méditation, ou plus simplement les trigrammes Qian ☰, le Ciel et Kun ☷, la Terre. Dans la deuxième phase, on essaye de visualiser un creuset alchimique (ding) dans son ventre (dantian inférieur ou champ de cinabre inférieur) dans lequel on va faire descendre l’image, puis à l’aide du Feu alimenté par notre Souffle Vital (qi) on va consommer l’image et obtenir une mutation (yi) ou transformation et peut-être même un éveil. Ce type de méditation peut accompagner l’interrogation de l’oracle, le « Yi Jing , par les phases « rouler les mots dans son cœur » , « aimer ce que l’on comprend » et «aimer ce que l’on comprend pas ».

* Voir l’article guan à la page 452 de la ENCYCLOPEDIA OF TAOISM, ouvrage coordonné par le professeur Fabrizio Pregadio.

par Paolo Raccagni et Yves Kieffer

Articles de la série :

Article original à cette adresse :

http://lalunanellago.blogspot.com/2019/12/semplici-meditazioni-taoiste.html