Le syndrome AZERTY

A l’époque des machines à écrire mécaniques le clavier AZERTY fut normalisé pour éviter que les touches, donc les lettres, très utilisées viennent bloquer le charriot en s’accumulant sur celui-ci. Les secrétaires compétentes utilisaient alors tous leurs doigts sans regarder le clavier et, généralement, à grande vitesse. De ce fait, souvent, les bras qui venaient frapper le ruban se retrouvaient coincés à plusieurs sur celui-ci, bloquant le déplacement du chariot. Pour remédier à cet inconvénient les lettres les plus utilisées furent « dédiés » aux doigts les moins puissants, auriculaire et annulaire.

Le système, originellement mis en place par Pigier, fut adapté aux divers pays en fonction de la fréquence des lettres, ce qui explique la présence de claviers différents. Depuis la machine électrique, la machine à marguerite, la machine à boule et à plus forte raison l’ordinateur, donc le traitement algorithmique, cela n’a plus aucune raison d’être. Mais continue à être par habitude de l’habitude. Votre clavier d’ordinateur est donc celui d’une vieille machine à écrire des années trente. Et on finit même par s’y habituer et à paniquer quand on se retrouve devant un clavier « étranger ». Mais la « norme », bien que totalement inutile désormais, demeure, persiste et signe.

Aucun constructeur d’ordinateur ne prendrait le risque de proposer un clavier différent, donc efficace. On est tombé dans l’arbitraire mémoriel. Et, inconsciemment, cela permet de cultiver une certaine nostalgie quelque peu malsaine. 
C’est la nostalgie AZERTY de l’auteur, ou du rédacteur, avec sa Remington, son chapeau mou, son cigare et son verre de Whisky pinçant les fesses à Ava Gardner qui ne disposait pas de # à balancer. Et qui ne demandait peut-être pas mieux, à l’époque, que de se faire pincer les fesses par Humprey Bogart (1941) C’est ringard et minable mais toujours fantasmé positif.

Le 7 octobre 1940 le Maréchal Pétain institue le Conseil Supérieur de la Médecine qui, le 24 septembre 1945, deviendra l’Ordre des Médecins. Donc l’acquis de la kollaboration, par un coup de baguette magique, deviendra acquis de la libération, pour ne pas dire de la Résistance puisque l’Ordonnance est signée du Général de Gaulle. Tour de passe-passe qui réussira également avec le système mis en place par Laval qui, grâce à la même baguette magique, deviendra la Sécurité Sociale. Ne parlons pas de la « retraite des vieux » instaurée par ce même Laval et qu’on ripolinisera à la Libération.

Mais en 1941, le même Pétain, Maréchal de son Etat, décidera de porter un coup fatal aux médecines non-conventionnelles en s’attaquant au diplôme d’herboriste et, ce que l’on sait moins, au diplôme de docteur en homoeopathie. D’une part afin de laisser les mains libres aux laboratoires pharmaceutiques en les débarrassant d’une concurrence très active et d’autre part, il faut l’admettre, pour emmerder l’occupant allemand, très adepte de ces médecines autres dites « naturelles ». On pourrait presque parler d’acte de résistance ! Les Allemands furent donc priés, par le fait, d’aller se faire soigner chez eux. Mais, dans ce cas, à la Libération, le législateur se gardera bien de revenir sur ces décisions et l’interdiction demeurera.

Plome-Homoeo-1941

Et l’homoeopathie, au passage, deviendra l’homéopathie. Ce qui simplifie les choses. Exit le fameux diplôme de médecin homoeopathe bienvenue à l’homéopathie vendue en pharmacie et prescrite par des médecins allopathes bienveillants et soucieux de satisfaire une certaine clientèle. Et on retrouve notre fameux clavier AZERTY et la mauvaise habitude de faire du neuf avec du vieux. Il y a des nostalgies qui ont la vie dure.

Ci-contre, probablement le dernier diplôme officiel de médecin homéopathe décerné en France en octobre 1941. Le récipiendaire a souhaité demeurer anonyme puisque légaliste il a entrepris des études d’ingénieur (Arts et Métier) et effectué une belle carrière dans la Résistance puis dans les pétroles. L’homéopathie mêne donc à tout à condition de savoir en sortir !

Tiens, au hasard Balthazar, le très et trop fameux « prélèvement à la source » et donc très à la mode, a bien eu, déjà, un précédent pas même illustre : le « stoppage à la source » qui a vu le jour le 10 novembre 1939, décidément une époque fertile, pour cesser son activité en 1948. Le législateur ayant un peu tardé. Les résultats étant loin d’être à la hauteur des espérances. On fit donc disparaître le fameux « stoppage » sous des motifs de modernité. Il s’agissait évidemment d’une usine à gaz de plus qui se retrouva discrètement sous la moquette. Mais un truc qui a quand même fonctionné entre 1939 et 1945, et des brouettes, ne peut évoquer qu’une certaine nostalgie bienveillante.

A l’époque la France était en avance et militait pour une Grande Europe, une monnaie unique, un gouvernement stable, un Chef Jupitérien, l’heure d’hiver (ou « heure des boches » pour les contestataires et qui fut abandonnée à la Libération puis ré-activée par Giscard, un autre nostalgique) et des valeurs éternelles sinon universelles liées à la Famille, au Travail et à la Patrie. Le tout sur un clavier AZERTY. 
Et on finit par se dire, en haut lieu, que ce n’était pas si mal que ça. Et puis, heureusement, les Français n’ont pas trop de mémoire.
La preuve avec l’homéopathie qui, visiblement, n’est désormais, presque officiellement, qu’un vulgaire placebo sans aucune réalité scientifique. Et que l’on doit nécessairement, en raison du « service médical rendu insuffisant », dérembourser.

Jusqu’en octobre 1941 la Faculté affirmait doctement que l’Homoeopathie (lire l’homéopathie !) était tout à fais semblable à la vaccination et utilisait les mêmes principes en utilisant les effets d’une substance atténuée afin de faire réagir le corps favorablement. C’était écrit dans les cours pour devenir Docteur. Mais un peu comme pour le « locabiotal » qui fut jugé efficace pendant des décennies et utilisé par des millions de mères de familles sous prescription de leur médecin pour soigner leurs enfants qui, tout à coup, devint inefficace et donc non remboursé.
Il y a forcément erreur soit de la part de ceux qui l’on jugé efficace, donc remboursable, soit de la part de ceux (probablement les mêmes d’ailleurs !) qui se soudainement rendu compte qu’il était totalement inutile donc ne devait plus être remboursé. Ou peut-être simplement que les règles économiques prennent le pas sur les règles médicales. Ou qu’un pot de vin, pardon un « geste commercial » n’est pas parvenu à temps à la bonne destination.

Pour l’acupuncture l’attaque frontale se fait quelque peu attendre. Nous ne doutons pas de la puissance du lobby homéopathique mais celui-ci ne dispose pas tout à fait du même allié que pour l’acupuncture. Celle-ci bien que très atténuée et bien adaptée à une patientèle occidentale n’en demeure pas moins une médecine d’origine chinoise. Et qui dit chinoise dit Chine et même République Populaire de Chine donc Chinepope. Donc du gros et du lourd politiquement, économiquement et même militairement.

Prétendre que les acupuncteurs sont des charlatans et l’acupuncture une bidouille (comme le prétendit à son époque Abgraal (Les Charlatans de la Santé – j’avais à la sortie de l’ouvrage réalisé un édito pour « La Vie Naturelle » que j’avais titré « La Quéquette d’Abgraal ») peut désormais attirer les foudres du Dragon et on évitera donc de lui titiller les organes comme on le fait, parfois, en Tao-Yin. Et contrairement à Pétain Mao ne s’en était pas pris à l’acupuncture et prétendait même, comme l’Oncle Ho (qui aurait dû pratiquer le Viet Vo Dao !) être adepte du Taijiquan !

Sur un autre registre il est facile de constater que la télévision du samedi soir est assez catastrophique. Et ceci depuis un bon moment déjà. Cela date de l’époque bénie où De Gaulle et son Ministre de la Culture Malraux voulaient favoriser le théâtre et la culture dite populaire. Ils firent donc pression sur l’ORTF pour que la télévision ne fasse pas trop de zèle ce soir là afin d’éviter de concurrencer les théâtres conventionnés et les MJC. Et l’habitude a visiblement la vie dure. Précisons aussi que le Ministre de la Culture était, et est encore, assez représentatif de ce qui se faisait en Allemagne ou en URSS dans ces années quarante et quelques où l’on décidait en haut lieu de ce qui était culture et de ce qui ne l’était pas. Donc d’une culture officielle et subventionnée sous, évidemment, certaines conditions particulières.

Il ne suscite donc pas la même nostalgie*.

G.C.

  • Nous recommandons l’excellent ouvrage de Cécile Desprairies : « L’héritage de Vichy – Ces 100 mesures toujours en vigueur » Edition Armand colin 2012). Cette historienne universitaire nous démontre que si on réussi à enlever les portraits de Pétain dans les brocantes il est loin d’en être de même des lois pétainistes qui sont toujours actives. Et à mon avis elle a du se limiter à 100 mais n’aurait pas eu de mal à faire plus.