Les Charmes Taoistes (4/5)
Les charmes taoïstes… ou le Feng Shui subtil.
Partant du simple principe qu’en Chine il n’existait à la fois qu’un seul empereur, quelques princes, un certain nombre, restreint, de privilégiés chacun des représentants du » peuple aux cheveux noirs » représentant les » Cents Noms « , c’est à dire l’immense multitude ne pouvait faire ériger une colline, creuser un lac, planter une forêt ou élever une pagode.
Il convenait donc de compenser ce manque de moyen par l’utilisation rationnelle des éléments naturels disponibles… nous avons déjà parlé des arbres miniatures (représentant parfois de véritables paysages avec forêt, pagodons, chute d’eau… )… des poteries et autres estampes plus ou moins décoratives mais servant, en réalité, de projection symbolique.
En poussant plus loin encore ce raisonnement et en utilisant l’abstraction, qui est et demeure une des caractéristiques essentielles de la pensée taoïste, certaine maîtres initiés du temps jadis eurent l’idée géniale de reproduire la visualisation particulière d’une énergie ou d’un élément.
» Ouvrir les portes de l’Esprit «
De la chute d’eau, à la pièce d’eau, à la fontaine, à l’aquarium, au bocal, à la peinture représentant une chute, d’eau, une pièce d’eau à la calligraphie représentant un ou plusieurs caractères désignant l’eau ou son mouvement on passe directement à la représentation abstraite de notre chute d’eau ou d’un lac particulièrement bien choisi.
Il suffisait à notre initié de se rendre sur le lieu même de ce qu’il souhaitait transcrire, de se livrer à une méditation particulière aboutissant à une visualisation, de retranscrire cette visualisation sur un support particulier et d’authentifier ce support.Un jeu d’enfant aurait dit Laozi. Sachant que les maîtres initiés dans ce domaine étaient assez rares, qu’il fallait qu’il voyagent sans cesse dans des contrées reculées et dangereuses pour en ramener l’essence des lieux les plus réputés, qu’il convenait, en outre, qu’ils puissent reproduire leurs visions, donc disposent d’un talent artistique et que, de plus, ils souhaitent faire profiter le vulgaire de leurs fabuleuses expériences sans pour autant exiger l’impossible, on préféra répertorier ces manifestations abstraites dans un catalogue.
Le premier catalogue de ces » charmes » (Fu Ju) aurait été réalisé en 84 av. J.C., il y a donc deux mille quatre vingt trois ans, par le Maître Taoïste Zhang Daoling (Shang Tao Ling) connu sous le surnom du » Maître Céleste » (Zhang Dianshi ou Shang Tian Shi) fondateur de l’Ecole des Cinq Boisseaux de Riz (Wudumi Dao Jia).
Ce catalogue fut repris par Gehong (Ko Hung), taoïste de renom, alchimiste, médecin et quelque peu magicien dans le Boapouzi (Pao Pou Tseu) ou » Livre de celui qui embrasse le bois brut « , ouvrage ésotérique qui demeure toujours le canon taoïste de la branche des praticiens du Tao (Dao Jiao ou Tao Kiao) et qui cite plus de trois cents charmes ou talismans réputés.
Mais, c’est en 1190 sous l’empereur Jian Yu qu’est rédigé, ou plutôt compilé, sous sa demande personnelle le fameux Daozhang, canon taoïste, composé de 1120 fascicules ne comprenant pas moins de 11326 charmes répertoriés et commentés.
En 1281, l’empereur Shi Cong alias Kublai Khan jugeant ces charmes dangereux et pernicieux pour son pouvoir ordonne que le Daozhang soit brûlé. Il est néanmoins reconstitué en 1346 à partir de fragments épars mais ne comporte plus, si on peut dire, que 1464 charmes. Cette édition sera complétée entre 1444 et 1447 pour devenir l’édition définitive du nouveau Daozhang qui est encore utilisé de nos jours.
Entre temps, en 1304, le successeur de Zhang Daoling à la trente huitième génération est nommé » Guide de la Juste Unité » et opère le regroupement de toutes les écoles utilisant des charmes.
Ce regroupement est alors nommé Fu Lu Pai (Courant des utilisateurs de charmes).
Il se compose de six écoles : l’Ecole de la Voie de la Paix Suprême (Taiping Dao) ; l’Ecole des Cinq Boisseaux de Riz (Wudumi Dao) ; l’Ecole de la Juste Unité (Zhengyi Dao) ; l’Ecole de la Réalisation de la Vérité (Quanzhen Dao) et l’Ecole du Joyau Magique ou Ecarlate (Lingpaoming Dao).
Certaines de ces écoles sont encore très vivaces et existent, notamment, à Hong Kong, Taiwan, Singapour… et aux USA, au Brésil, au Canada. Elles sont généralement connues sous la dénomination de » bonnets rouges » ou de » bonnets noirs « . Elles proposent toujours les fameux charmes à qui en ont besoin mais, malheureusement, se tournent assez souvent vers le folklore et les exhibitions tapageuses cause de leur mauvaise réputation, souvent justifiée, de charlatans. Les authentiques détenteurs du Daozhang ou des méthodes de visualisation permettant de produire ces charmes se font donc, le plus souvent, assez discrets.