Artemisia Annua : une histoire sans fin

Par Georges Charles

L’hydrochloroquine est vénéneuse : j’en ai utilisé librement pendant des années !

J’ai rencontré l’hydrochloroquine (ou hydro-chloro quinine) dans le milieu des années soixante-dix alors que je me rendais en Asie du Sud-Est dans des régions où l’on risquait de contracter la malaria, autre nom du paludisme, aussi nommée « fièvre des marais » (les paluds sont d’anciens marais cultivés). Un ami de la famille, Roger Péraudin, pilote à Air France mais qui avait passé une partie de sa carrière à piloter des avions pour le compte de l’IGN (Institut Géographique National), qui avait été lui-même atteint par cette maladie, m’avait conseillé de me munir de quinine avant le départ. Ce que je fis.

La nivaquinine, l’un des multiples médicaments disponibles à l’époque, était en vente libre et utilisée par des millions de personnes au travers du monde. J’en achetai donc en pharmacie pour un prix très modique. Arrivé sur place- on me fit rapidement comprendre que je n’en avais pas assez pour le séjour et on m’emmenai à la pharmacie locale ou pour quelques sous l’officiant me demandait de tenir un sac en papier qu’il remplissait de pilules à l’aide d’une pelle en aluminium dont on se sert pour les féculents. J’étais donc prêt à affronter les moustiques locaux.  Entre temps le même pharmacien m’avait revendu une dizaine de spécialités locales, baumes, crèmes, potions, lotions destinés à éloigner les insectes et des tas d’autres affections. Ainsi que des tisanes très odoriférantes. On n’est jamais trop prudent.

Visiblement sur place on se soignait aussi autrement. Comme je suis quelqu’un de curieux j’ai très rapidement voulu savoir si ce fameux médicament contenant de la quinine (comme par ailleurs le fameux Indian Tonic, le Schweppes, l’apéritif Byrrh, le Quinquina…) ne présentait pas quelques inconvénients ou effets secondaires. Le Dictionnaire Vidal répondit à ma demande. Il était question d’une possibilité de perte d’acuité visuelle et auditive ainsi que du risque de palpitations cardiaques. Il était précisé « en cas de surdosage ou d’usage intensif à long terme » . Il s’agissait néanmoins d’une mise en garde. Mais le produit en question semblait comporter moins d’inconvénients que l’aspirine surtout dans les régions tropicales où il convient de se méfier des hémorragies intestinales.

Lors d’un séjour à Hong-Kong  et ayant eu des contacts avec des praticiens de médecine chinoise traditionnelle (MTC le M signifiait aussi désormais « Méthodes ») j’ai voulu en savoir un peu plus à ce sujet. C’est là ou pour la première fois, en 1977, j’ai entendu parler de la plante Qing Hao. Il suffit, actuellement, de taper ce nom dans un moteur de recherche pour entrer dans un monde merveilleux et asiatique, principalement chinois, pour se rendre compte rapidement de l’importance de cette plante.

L’armoise annuelle à fleurs jaunes ou absinthe chinoise : un grand remède millénaire !

En 1977 Internet était réduit à sa portion congrue et mes recherches s’orientèrent vers le Muséum d’Histoire Naturelle. Ce qui tombait bien puisque le domicile particulier du Maître Wang Zemin (Wong Tse Ming, Tai Ming Wong) (1909 2002) se situait rue Buffon, juste en face des galeries de paléontologie. De la fenêtre de sa chambre il avait une magnifique vue sur des ossements fossiles, une sorte de diplodocus, ce qui n’est pas pour rassurer un Chinois fût-il très évolué. Ayant réussi à obtenir la nationalité française il fut un jour intrigué par une pancarte indiquant « animaux naturalisés » . Il se rendit donc sur place pour voir ce qu’il en était. Et il eut la surprise de constater qu’il s’agissait d’animaux naturalisés, donc empaillés. Et il mimait la scène en prenant la pause et en se promettant, un jour, de mettre une affichette sur sa porte avec la mention « Chinois naturalisé » mais il ne le fit pas. Quoi qu’il en soit je profitais de me rendre chez lui pour aller compulser quelques ouvrages savants chez son éminent voisin. Et je finis par apprendre qu’il s’agissait de l’armoise (chinoise) annuelle à fleurs jaunes aussi nommée absinthe chinoise (Huanghua hao) et que nos amis britanniques nomment sweet wormwood.

Suivant les recherches du Dr Chamfrault (Traité de médecine chinoise tome IV pharmacopée – Coquemard à Angoulème – 1954) elle était donnée comme « remède souverain contre le paludisme »  et était décrite dans les « Prescriptions des Grottes de Longmen »  (Grottes des Portes du Dragon situées dans le Henan non loin de Luoyang et du Temple de Shaolin Shi) datant des Dynasties  Wei du Nord et des Tang. Ces prescriptions magistrales ont été estimées datant du huitième siècle. La plante a donc depuis très longtemps, probablement plus d’un millénaire, été utilisée dans le traitement des affections dues aux piqûres d’insectes. Sous ce vocable générique (les Chinois  anciens ne sont pas nécessairement des entomologistes forcenés !)  on peut inclure les tiques qui transmettent la fameuse et controversée maladie de Lyme. Suivant mes recherches d’époque la plante ne comportait aucune contre indication ni effet secondaire connus si ce n’est l’apparition d’un état nauséeux en cas d’excès.  On pourrait en dire autant d’une immensité de substances diverses considérées comme parfaitement comestibles. A commencer par le pot au feu.

Il est donc très étrange qu’elle soit interdite de commercialisation en France. Ferait-elle de l’ombre à l’hydrochloroquine, très controversée par ailleurs ? Comme disent les Québécois à juste titre « On est toujours le Nioufi de quelqu’un ». Ceci en référence aux habitants des « New Foundlands » qui passent pour ne pas être trop futés.  La controverse est d’ailleurs très récente puisque ladite choloquine (ou chloroquinine) était en vente libre en pharmacie jusqu’au 13 janvier 2020 la plaçant sur la liste des « substances vénéneuses »  (comme l’amanite phalloïde ! ). Elle pouvait néanmoins être délivrée sur ordonnance médicale. Le 23 mars le Haut Conseil de la Santé Publique recommandait expressément de ne plus utiliser ce traitement en l’absence de recommandation hospitalière; le 25 mars c’est le Premier Ministre, lui-même, qui promulgue un décret renforçant encore l’interdiction de vente de la chloroquine en pharmacie. C’est un acharnement thérapeutique sans précédent auquel même le Médiator avait échappé en son époque.

Refus de délivrer un médicament prescrit par ordonnance rédigée par un Professeur de médecine !

Le 23 mars 2020 je me présente à la pharmacie locale avec une ordonnance médicale issue d’un CHU et rédigée par un Professeur en Médecine, Chef de Pôle et Chef de Service et prescrivant de l’azithromicine, de l’amoxicilline et du plaquenil (donc de l’hydrochloroquine), les deux premiers médicaments me sont délivrés immédiatement. Pour le plaquenil il va falloir que je revienne et reçois un « bon de promis » qui ne sera jamais honoré. A mon retour la pharmacienne, que je connais depuis plus de vingt ans, semble littéralement terrorisée et tente de m’expliquer que « c’est très embêtant, c’est très embêtant…mais qu’elle ne pourrait pas me délivrer le médicament en question ». Et disparait dans l’arrière boutique.

Sans être Sherlock Holmes j’ai compris qu’elle avait été très sérieusement « recadrée » la veille même de la publication du fameux décret. Heureusement ma vie n’en dépendait pas car il s’agissait ici d’une mesure de prévention, justifiée par un Professeur en Médecine. Mais cela donne un idée des pressions exercées « pour de multiples raisons », comme aurait dit Coluche parlant de la Raison d’Etat. Entre temps j’ai évidemment récupéré la fameuse chloroquine grâce à un Ami qui réside hors de France. On ne sait jamais.

hydrochloroquine
Il est quand même malheureux, en France, d’avoir recours à une forme de contrebande pour pouvoir se soigner alors que l’on dispose d’une ordonnance médicale rédigée par un Professeur en médecine et qu’on a soi-même utilisée la même substance pendant des années. Permettez moi de ne pas publier l’ordonnance afin d’éviter à ce professeur des ennuis.

Retour à l’Artemisia annua donc je fus l’un des premiers non-chinois à parler.

Ceci dit je n’étais pas trop inquiet puisque je bénéficiais, latéralement,  pour ne pas dire parallèlement, du substitut chinois de la chloroquine, c’est à dire de l’Artemisia annua sous diverses formes.  Plante que depuis plusieurs année je sème et récolte moi-même comme nous l’avons enseigné au Africains du Mali par le biais de « Acupuncteurs sans frontières ». A la suite de plusieurs articles que j’ai rédigé à la fin des années quatre-vingt sur cette plante sans le cadre de diverses revues dont La Vie Naturelle et Pharmacie Naturelle, un ami acupuncteur qui était aussi un de mes élèves, Georges Marie Melin de Reims (il enseignait également le Tao-Yin Qigong et le Xingyiquan ainsi que les formes d’armes de l’Ecole San Yiquan) m’a proposé de faire connaître et de diffuser l’Artemisia annua au Mali dans le cadre du traitement du paludisme. Nous y avons été relayés par l’Association Acupuncteurs sans frontières de Patrick Shan et par des Religieuses. Avec des résultats plus que significatifs, encore aujourd’hui.

L’un des articles que j’ai fait paraître, sous mon nom, dans la revue :

Article de Georges Charles sur lArtemisia annua La vie Naturelle septembre 1994

mensuelle « La Vie Naturelle » et qui est daté se septembre 1994. Il est assez explicite. C’est l’un des premiers articles parus sur ce sujet hors de Chine. Malheureusement entre temps l’OMS a bien changé et ne cesse de décrier officiellement ces même ethnomédecines et, par conséquence, l’Artemisia annua. Il est vrai que cet organisme déconseille également la choroquine et qu’il conseillait, il y a peu de temps encore, le médiator.  On comprend facilement, depuis l’épisode du Lancet et le bidonnage sur les essais concernant la chloroquine, que les intérêts de santé publique appartiennent désormais aux gros laboratoires qui cherchent à promouvoir, exclusivement, de nouvelle molécules.

Les « médecines indigènes » et le Prix Nobel de Médecine  décerné à une Chinoise !

On comprend que certains rationalistes obtus se méfient des « médecines indigènes » et préfèrent se tourner délibérément vers la science occidentale. Concernant l’Artemisia annua, les recherches sur les effets de l’artemisine, la principale substance active (il y en a en fait 80 !) extraite de cette plante a valu un Prix Nobel de Médecine à la Chinoise Youyou Tu en 2015 non seulement pour les effets de cette molécule sur le paludisme mais également sur certains cancers. Cette molécule est utilisée à grande échelle en Chine pour lutter contre la covid-19. A vrai dire les Chinois utilisent la plante entière qu’ils font pousser dans leurs jardins. Mais évidemment nous ne disposons d’aucune étude occidentale et encore moins française sur ce sujet particulier.

Je suis comme Higgins dans la série Magnum, j’adore les anecdotes. Jean François Borsarello, l’un des pionniers de l’acupuncture en France m’a demandé de rédiger la partie concernant les « Cinq Eléments » dans Les Cahiers d’Acupuncrure  N°1 « Les méridiens » parus chez Masson et 1987. Dans ses mémoires il racontait l’anecdote suivante. Alors qu’il était médecin militaire en Indochine et qu’il était chargé de visiter les camps de prisonniers Vietminh il s’était rendu compte que, généralement, les prisonniers se portaient mieux que leurs gardiens qui étaient des militaires ou des gendarmes français. Comme il s’étonnait du fait, il y a de quoi, un officier vietnamien prisonnier avec lequel il entretenait d’assez bonnes relations l’emmena voir le « dispensaire » dans lequel les patients étaient soignés grâce à des aiguilles de bambou durcies au feu. Il lui expliqua qu’il s’agissait d’une médecine chinoise nommée acupuncture.

Borsarello assista à plusieurs séances et put, au fil du temps, observer les effets obtenus. Il finit donc par être convaincu et décida d’en parles au Médecin Général qui avait en charge le service de santé. Il raconte que celui-ci leva à peine le nez de ses dossiers, puis, relevant enfin la tête dit « Borsa, vous n’allez pas commencer à me faire chier avec vos médecines de Bougnoules ! Rompez ! ». Et Borsarello se le tint pour dit. Le problème c’est qu’on en est encore là en 2020 donc soixante dix ans plus tard. Ou peu s’en faut. Un Prix Nobel chinois, avec un nom pareil !

Très récemment sur une radio de « service public »  était relayée l’information comme quoi « l’artemisine ne serait plus efficace contre le paludisme ». L’info est intéressante car on n’avait jamais entendu auparavant sur cette même radio que ladite substance pouvait avoir une efficacité quelconque contre quoi que ce soit.

En conclusion provisoire.

Il suffit de lire l’ouvrage du Professeur Péronne « Y a-t-il une erreur qu’ils n’aient pas commise » paru chez Albin Michel ou d’écouter le Professeur Toussaint pour se poser, quand-même, quelques questions sur la gestion de cette crise en particulier et de la politique de santé en général. Quant au Professeur Raoult, qui connaît pourtant bien la Chine et sa gestion de la covid-19 il est étonnant qu’il ne parle jamais de l’artemisia annua ou de l’artemisine. Nobody is perfect !

Il est à noter que depuis le régime du Maréchal Pétain jamais les médecines « non conventionnelles » n’ont été la cible d’autant d’attaques par les autorités officielles chargées de protéger et d’entretenir notre santé. Le poids des fameux labos y est pour quelque chose. Le confinement et le port quasi permanent du masque auront un impact sans précédent sur notre santé physique mais également psychique. Cela est en effet de nature à profondément affecter notre système immunitaire. On constate dès à présent l’effet que cela a eu sur les personnes âgées dépendantes. Il n’y a pas de terme pour évoquer ce qui s’est réellement passé.

Quelques liens complémentaires sur des articles parus précédemment dans le site des Arts Classiques du Tao et rédigés par Georges Charles.