Mudra et Qi Gong
De nombreuses personnes ont entendu parler – sans pour autant les pratiquer – des mudra, ces positions des mains qui accompagnent la pratique du yoga et de certaines méditations. Moins nombreux sont ceux qui savent qu’elles sont pratiquées au sein du bouddhisme, et encore plus rares ceux qui savent que ces gestes symboliques sont également utilisés dans le taoïsme, que ce soit dans les cérémonies initiatiques, lors de méditations ou dans les pratiques de longue vie YANG SHENG (養生).
L’origine du terme est controversée, mais tous concordent sur l’étymologie qui indique une positions des mains qui représente un symbole, un « sceau ». On retrouve bien cette origine dans les idéogrammes qui traduisent « mudra » en chinois : SHOUJUE 手訣 (littéralement « techniques secrètes des mains ») dans le cadre des pratiques taoïstes, terme dérivé de la version bouddhiste SHOUYIN 手印 (littéralement « sceaux des mains »).
Dans l’antiquité chinoise, ces techniques étaient destinées aux initiés des pratiques ésotériques (FANGSHI 方士; littéralement « maîtres des méthodes ou des recettes ») dans le but de contrôler des « entités » telles que les démons (MO 魔) et les fantômes (GUI 鬼) au cours de cérémonies et d’exorcismes, mais aussi pour soigner certaines maladies.
Ces gestes, ces positions des mains activent des interactions qui ont pour objectif de stimuler et d’augmenter les potentialités physiques, mais aussi d’engendrer des transformations, tant au niveau énergétique que spirituel.
Pour ce qui est de la pratique du Qi Gong, chaque école a son propre répertoire de mudra, qui peuvent être exécutés avec une ou deux mains. Toutes les écoles ont des buts en commun :
• développer les capacités physiques, énergétiques et spirituelles du pratiquant;
• percevoir, mobiliser et « diriger » des énergies spécifiques (ex. purifications) ;
• améliorer les résultats de la pratique.
En ce qui concerne l’École SANYI QUAN 三一拳, qui est liée au taoïsme du LING BAO 靈寶, on trouve de nombreuses positions des mains dès les pratiques initiales (ou initiatiques).
Celle que nous allons décrire ci-après fait partie des pratiques initiales. Il s’agit d’une « clé » qui accompagne l’ouverture du YI YIN FA de Terre (DI YI YIN FA 地一引法).
La Posture
Comme toujours dans les pratiques de Qi Gong, nous commençons par la posture WUJI, posture que chaque pratiquant prend avant de commencer n’importe quel exercice de Qi Gong. La posture WUJI, littéralement du « non- faîte », a pour but de mettre en relation l’Homme avec le Ciel et la Terre, de la meilleure manière possible. L’Union des Trois-Un (SAN YI 三一) a lieu à travers cette verticalité. Les pieds reposent naturellement sur le sol, la distance entre un pied et l’autre est comprise entre la largeur des épaules et celle des hanches. Le poids du corps se répartit de manière égale entre les pieds. Les genoux sont légèrement pliés, le bassin est libre de bouger, entre ouverture et fermeture. La colonne vertébrale est étendue, la tête est comme suspendue à un fil lié au sommet du crâne. Le regard se porte sur l’horizon, le menton presse vers le bas de façon à étendre légèrement la nuque. Les bras pendent le long du corps, les paumes font face aux cuisses. La respiration est calme et profonde.
Positionnement des mains
A partir de la posture WUJI, réunir les pouces, les médius et les annulaires de façon à former un triangle devant soi. Poser la pointe des index sur le pli entre la première et la deuxième phalange des pouces en format un angle droit (voir la figure). Poser les médius sur le centre de l’abdomen, soit le point QIHAI (Mer du Qi / REN-6), sous le nombril. Les annulaires pointent vers le pubis (symphyse pubienne) et pressent les point SHIMEN (Porte de Pierre / REN-5). Les petits doigts sont en contact avec le pli inguinal, entre l’aine et la cuisse, Les pouces se placent d’un côté et de l’autre du nombril, en contact avec le point DAHENG (Grande Horizontale / SP-15).
Le triangle formé par les doigts a son sommet en bas. Les pouces sont alignés avec le nombril et forment la base de ce triangle. La pointe est formée par les annulaires tendus en direction du pubis et les médius sont au centre.
Au début, le contact est léger (c.-à-d. la sensation de contact) et suit la respiration. Puis, il devient de plus en plus « présent ». Au cours d’une expiration profonde, presser les points de contact des doigts (approfondir le contact). L’intention est dans l’écoute et dans la tonification du point. Il est possible de répéter cet exercice d’écoute et de tonification plusieurs fois de suite.
Sans détacher le contact des pouces de la zone abdominale, séparer les index et les déplacer sur les points de contact des pouces, pour remplacer ces derniers. Les pouces se déplacent alors vers la zone lombaire, ce qui fait que les mains se posent sur les crêtes iliaques du bassin. Finalement, les pouces pivotent sur les points de contact et permettent ainsi aux paumes d’atteindre la zone lombaire. L’intention est maintenant d’écouter et de tonifier la zone lombaire, autrement dit les reins.
Le contact et l’écoute des points ont pour but la perception des structures suivantes :
Doigts | Zones corporelles | Points d’acuponcture | Structures |
Petits doigts | Plis de l’aine | Muscles et tendons | |
Annulaires | Symphyse pubienne | Shi Men (Vc5) | Strucure corporelle |
Médius | Sous le nombril | Qi Hai Vc6) | Soufle Vital (Qi) |
Pouces et index | A côté du nombril | Da Heng (Mp15) | Pulsion originelle Respir. embryonnaire |
Par l’intermédiaire de la relation/écoute des points nommés ci-dessus (« muscle ancestral », symphyse pubienne, Dan Tian inférieur …) et par le passage des mains vers la zone lombaire (reins, Jing …), cette “clé” nous met en contact avec les structures liées au Ciel antérieur (XIAN TIAN – 先天), donc au Souffle originel, YUAN QI (元氣), soit l’énergie (QI 氣) qui précède la formation de l’organisme qui fonde et détermine l’existence d’un être et qui le relie à la source originelle de vie.
Paolo Raccagni
• Lien vers l’article original en italien