Le mauvais caractère chinois
L’Association des Chinois résidant en France, le 18 décembre dernier, a dévoilé le caractère chinois qui désignait le mieux la France de l’année 2019. Il s’agit du caractère Luan qui désigne le chaos (et j’ajoute traditionnellement depuis quarante ans à peu près le foutoir, le merdier, l’entropie, le bordel inorganisé, le bataclan (désolé mais ce terme est utilisé par de nombreux auteurs en littérature française et désigne « un attirail encombrant de choses inutiles dont on n’arrive pas à se défaire ! » ). Et encore on n’en était qu’en décembre 2019 on imagine que nos Amis Chinois vont avoir un peu de mal à trouver un caractère plus élogieux pour désigner l’année 2020, année chinoise du « Rat de Métal » largement « impactée » (c’est un mot à la mode !) par le connard de virus. Depuis les temps antiques ce caractère qu’on retrouve sur des bronzes mais également sur des omoplates de félins et de bovins (la fameuse écriture ossécaille – jiaguwen) représente les fils emmêlés sur un métier à tisser ou un écheveau. Le caractère désigne même les fils « doublement emmêlés » comme si on avait voulu le faire exprès. Probablement l’œuvre, dixit Finkielkraut d’un « crétin souriant cuculâtre ». Ce qui indique clairement que l’on n’est pas sortis de l’auberge.
Dans la pratique, et surtout dans l’enseignement et la transmission de techniques plusieurs fois centenaires (attribuées pour certaines à Yue Fei (1103 1142) je souligne le fait qu’en Interne – Taijiquan, Xingyiquan, Baguazhang – et même en Externe (en Wing Chun le Chi Sao) le Touei Shou (Tuishou) désigne la « rencontre des mains » (qu’on peut traduire aussi par « poussée des mains » et même « mains collantes » (dans le sens d’adhérer). Et qu’on retrouve le même caractère (originellement chinois) dans le Karatedo (ou Karaté franchouillard avé l’assent con) sous la forme de « Kumité » que les Anglo-Saxons nomment » Gumite ».
Littéralement « les mains qui se joignent ». Kumi, en japonais désigne non pas un adversaire, et encore moins un ennemi, mais un « associé » un « partenaire » sinon un « comparse ». Toueishou et Kumite désignent la même chose qui, normalement, répond à des règles précises sinon à un rite. Il faut donc éviter d’emmêler les fils ! Mais ce qui est amusant est qu’on retrouve le terme Luan, chinois, devenu Ran en japonais dans le contexte du « Randori ». Ran désigne donc le chaos. Les cinéphiles le savent lorsqu’on évoque le film de Kurasawa « Ran » (il faut faire rrrouler le rrr ! et non le prononcer Lan comme on devrait s’y attendre). Ran/do/ri c’est littéralement Luan Tao Shi alias « Jeu (Shi) d’une Voie (Tao ou Do) Merdique (Luan) » . Pendant le Kumité le Sensei surveille et corrige. Il remet les fils droits. Puis il annonce d’une voix de stentor « Randori ! » et disparaît prendre un thé ou se fumer une cigarette. Pour être poli il n’en n’a rien à foutre. Le bordel inorganisé n’est pas son truc. Et chacun doit se démerder comme il le peut. Malgré la pratique assidue des Kumite et des Katas le Randori ressemble à peu près n’importe quoi. Et on s’emmêle les pieds et les bras d’une manière qui ferait sourire n’importe quel boxeur médiocre. Ce n’est plus « Kata » (qui signifie moule dans lequel on verse le métal fondu) mais plutôt « la cata ». On retrouve donc la notion catastrophique liée au caractère chinois Luan.
http://french.peopledaily.com.cn/Culture/n3/2019/1219/c31358-9642061.html
Il existe un autre mot à la mode désignant, en Chine, ce que l’on pourrait qualifier de « Bisounours Occidentaux ». Il s’agit simplement de Baizuo (白左) ce qui se traduit simplement par « gauche (zuo) blanche (bai) ». Les « Guailo », autrement dit « mecs fantômes » ne font plus recette. Encore moins les « Heiguai » (« Hakwei ») ou « mecs noirs » puisque la Chine a besoin de l’Afrique pour ses matières premières. Un Guai (Kouai) est une entité perturbatrice, a « ghost in my landscape » diraient les Maudits Godons, en quelque sorte un fantôme plus ou moins malfaisant que l’acupuncture antique cherche à exterminer avec les fameux « Points Démons (sic) ». Baizuo semble tout de même plus bienveillant. Et attire un sourire compatissant. Ce n’est plus de notre faute. On veut bien faire mais on fait marrer en coin. Pour nos amis Chinois les représentants symboliques du Baizuo sont, idéalement, Justin Trudeau, Greta Thunberg. Je vous laisse le soin d’établir une liste non exhaustive qu’on peut élargir à loisir. Je constate simplement que Baizuo et Bisounours semblent posséder une racine commune. Il paraît également que le prochain référendum qu’on nous promet à grands cris a déjà trouvé sa définition. On est Baizuo ou on ne l’est pas. Le caractère ancien désignant l’Occident (Xi) représentait un nid, un oiseau endormi et une grosse patte qui se tend vers lui. Il serait peut-être temps de songer à se réveiller.
En attendant je vous souhaite de bonnes vacances quelque peu déconfinées. Il y a les « colonies de vacances apprenantes » pourquoi pas les « vacances déconfinantes » (avec la notion simple de « décon(fin)ement » ). Lorsque je me suis acheté de nouvelles chaussures je suis bien chaussé. Mais quand je me rend chez le chausseur pour les acheter je suis donc un « chaussurant ». Et il m’offre un embauchoir. Ce qui me permet donc d’embaucher mes chaussures puisque je viens de licencier mes vieilles godasses. Non pas de les diplômer (une formation diplômante !) mais de les mettre à la poubelle. Il est étonnant que personne n’ai eu l’idée d’utiliser les services d’un embauchoir (en embaucheur !) dans les entreprises. Un type qui faciliterait l’embauche des nouveaux arrivants et qui les aiderait à trouver chaussure à leur pied.
GC