Revoir Paris

Par Chan Sanyi.

Après plus de vingt années d’éloignement j’ai souhaité revoir Paris. Dans les années quatre vingt dix je collaborais, ou plutôt je résistais à « La Vie Naturelle » une revue traitant d’écologie, d’environnement, de société, bref une revue branchée et j’y commettais quelques éditos qui, généralement, me valaient pas mal de courriers des lecteurs dont certains recommandaient ma reconduite à la frontière. J’ai même été cité par une astronaute Québécoise, Julie Payette qui, en voyant la terre de l’espace s’était justement souvenue d’un de ces éditos. Cette revue mensuelle, sous la plume de Georges Charles et de ses divers avatars ou pseudonymes avait publié pas mal d’enquêtes qui, à l’époque, dérangeaient quelque peu. Vous remarquerez, en passant, que je me suis mis à la conjugaison des temps ce qui, pour un Chinois, est une sorte d’exploit puisque nous parlons et écrivons, donc pensons, au présent. On ne dit pas « Dans le temps jadis les sages étaient comme ci ou comme ça… » mais « De tous temps les sages sont comme ci ou comme ça » ce qui influe quelque peu notre réflexion. Pour nous passé, présent et futur sont unis dans le même principe. Nous n’aimons pas trop les contes de fées mais leur préférons les comptes de faits. Le fait c’est l’action.

Ces articles concernaient, en avant-première, les risques engendrés par les portables, les poissons élevés comme des poulets d’élevage, l’élevage intensif et ses dérives, les différences de cholestérolémie entre poissons sauvages et poissons d’élevage ainsi qu’entre les œuf fécondés et ceux qui ne le sont pas, le sucre cet ami qui nous veut du mal, le miel et les produits de la ruche où il était explicité que la ruche a besoin de gelée royale pour se protéger et que sans celle-ci elle devient très affaiblie donc sans défense, le ginseng rouge et les trafics qu’il entraîne, l’irradiation de nos fruits et légumes donc la prolifération du nucléaire civil cheap…et quelques autres encore. De quoi se faire pas mal d’amis.

Il n’était pas même question d’écologie mais de « bon sens » comme le préconise simplement le Maître Kong, alias Confucius. Georges Charles avait, en la matière, un illustre prédécesseur en la personne de Georges Cheyne, qu’il fit rééditer, et qui constatait, en 1740, la pollution de nos villes « la manière sale et dégoûtante d’élever et de nourrir les animaux » et « Les couches artificiellement chauffées de nos jardins ». Un peu plus de deux siècles plus tard rien n’a changé ou si peu. La pollution est toujours là et les méthodes de culture et d’élevage ont encore empiré. Le seul avantage est que nous sommes encore là pour le constater. L’Etre Humain aurait pu disparaître mais il s’accroche désespérément à notre planète à la fois parasite et victime.

Depuis quelques millénaires on nous promet, pour des tas de raisons, l’apocalypse. Qui, heureusement, est reportée chaque fois aux calendes grecques. Le taoïste Yangzi (Yang Tseu), cité par un autre taoïste Zhuangzi (Tchouang Tseu) s’interroge « Si il fallait que je sacrifie un morceau de l’ongle de mon petit doigt pour sauver cette planète, je me demande si cela en vaut la peine » . A vrai dire la planète terre peut exploser une bonne douzaine de fois, le Tao s’en contrefiche comme de l’an quarante. Notre minable univers, lui-même, pourra très bien supporter ce fait puisqu’il n’est, somme toute, « qu’une chiure de mouche sur la sandale du Bouddha ». Il convient donc de relativiser.

Le Yijing (Yi King ou I Ching) lui-même se résume en cela : « Changement, Transformation, Adaptation ». Les choses et les êtres doivent changer, ce faisant il y a transformation et donc adaptation. Ce qui ne s’adapte pas est destiné à disparaître ». Il suffit donc de savoir et de pouvoir s’adapter et de laisser les zélateurs de l’apocalypse s’époumoner à qui mieux mieux. Le fait que je prenne un bain au lieu d’une douche n’y changera rien. Et il n’en pleuvra pas plus, ou moins, au Bélouchistan ou au Burkina Faso. Dans la pensée chinoise classique l’ordre du Ciel Antérieur (avant de voir le ciel, donc avant la « naissance ») (Zhan Tian) correspond aux choses telles qu’elles auraient dues être. Celui du Ciel Postérieur (Zhou Tian) correspond aux choses telles qu’elles sont. Les choses sont. Si elles n’étaient pas ce ne seraient pas des choses. Mais probablement des « praujais ». Dès que les choses sont il y a réalisation, donc action du réel.

Et le réel il est bien là. Le Ciel Antérieur c’est la France, donc Paris, première destination mondiale du tourisme, c’est la France organisatrice de la COP21, donc modèle de l’écologie, c’est la France c’est la Patrie des droits de l’Homme et de l’Egalité. Mais la réalité, donc l’action du réel est tout autre. 
Paris au mois d’août.

20100812133918!Horo_cbPour visiter Paris au mois d’août encore faut-il parvenir à Paris au mois d’aout ! C’est le moment choisi pour effectuer des travaux sur les autoroutes qui y convergent et sur le fameux boulevard périphérique. Arriver à Paris et traverser Paris relève donc de l’exploit. Une fois arrivé il convient alors de stationner. Depuis des lustres, voire plus d’un siècle, le stationnement était libre à Paris au mois de juillet et au mois d’août. Nos édiles parisiens, certainement motivées par un raisonnement écologique, ont décidé de rendre ce stationnement payant. Désormais au mois d’août il faut passer à la caisse ou plutôt au parcmètre. Plein pot. Comme il existait un pic de pollution, conséquence de la canicule, donc du beau temps bien ensoleillé pour les Miss météo, le stationnement devait être gratuit. Mais uniquement pour les résidents. Donc les Parisiens encartés. Pour les autres, plein pot.

En fait on sent visiblement que « les autres » n’ont rien à faire au Paris au mois d’août et qu’ils ne sont pas du tout bienvenus. En arrivant chez des amis dans le XIIIe, notre fameux « Hong Kong sur Seine alias Chinatown » j’ai même constaté la présence d’une nouvelle chicane, visiblement définitive, qui a simplement pour but de gêner la circulation, donc de créer un embouteillage permanent. Juste avant le tramway, un feu. Mais au feu désormais deux files dont celle de droite est destinée à emprunter les Maréchaux et qui, au vert, tombe immédiatement sur un feu rouge engendré par le fameux tramway et ses passagers. Donc bloque nécessairement la voiture qui veut tourner. Celle-ci par, conséquence, bloque le file de droite ou incite les automobilistes à tenter de passer sur la file de gauche, générant évidemment un embouteillage qui, à cet endroit, n’avait jamais existé avant. On a donc créé, volontairement, une « congestion » comme disent les Québécois. On pourrait presque parler de caillot et d’AVC.

Engendrer du foutoir, en voilà une tâche préférentielle du Ciel Postérieur !

Et mieux vaut ne pas trop stationner longtemps sur place. En effet pendant des siècles, voire des millénaires, Paris était exempt de radon, ce gaz cancérogène produit par des roches métamorphiques en décomposition. En effet le pavé de Paris, les trottoirs de Paris, les monuments de Paris étaient, traditionnellement, en grès. Le grès ne provoque pas de radon. Le granite, lui, en produit tant et plus. Or, la Ville de Paris, a importé, de Chine, du granite de mauvaise qualité (celle qu’on utilise en Kung-Fu pour les casses !) pour paver une bonne partie du XIIIe ! Et donc du radon.

Pour une ville qui se veut modèle de l’écologie on aurait pu mieux faire. Pire, pas possible. Le fait de créer, volontairement, des embouteillage, d’empêcher le stationnement et de gazer les Parisiens comme des rats n’est pas ce qu’on peut imaginer de très responsable.

De même pour l’importation d’arbustes et d’arbres décoratifs mais exogènes, qui produisent des pollens particulièrement allergènes.

montblanc1L’écologie bobo-bonobo montre ici ses limites dans l’incompétence, la mauvaise foi et probablement, un peu, les petits arrangements entre amis. A ce sujet une information est passée assez inaperçue du grand public. Cet été des « zienfifigues » ont procédé au carottage de la glace sur le Mont Blanc. A près de 4300 mètres d’altitude. Ce carottage, effectué sur près de 60 mètres et a donc atteint le socle sur lequel la « neige éternelle » repose. Et on apprend, très officiellement mais très discrètement, que l’âge de cette fameuse glace ne dépasse pas 160 ans soit la fin de ce que l’on nomme « le petit âge de glace » qu’on estime avoir duré de 1760 à 1849.

(ci-contre, une gravure des Alpes, début XVIIIe)

 

1600px-Red_Fuji_southern_wind_clear_morning

Avant, le Mont Blanc, comme le Fuji Yama, ou O Fuji San (Honorable Monsieur Fuji) était très peu enneigé et se nommait le Mont Perdu ou le Mont Pourri. Ce qui n’est pas très romantique. C’est l’époque ou Hokusai représentait le Fuji presque sans neige. Des centaines de milliers de visiteurs ont assisté à l’exposition de ces vues du Mont Fuji mais pas un seul n’a remarqué qu’il n’était que très peu enneigé. Moins que maintenant. Beaucoup moins. Etrange, non ? Pas plus de neiges éternelles que de beurre en branche. Mais une autre vision des choses avec des cycles qui se reproduisent éternellement, eux. Et qui nous incitent à relativiser.

Entre les climato-sceptiques et les climato-crédules il devrait exister, aussi, un juste milieu ne justifiant pas la vaseline de la pédagogie.

Images : CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons, Illustration de couverture par Yvana Stella©. Texte ©Georges Charles

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