Le Feng Shui, les bases fondamentales (1/7)

par Georges Charles

Introduction

Depuis plusieurs millénaires la médecine chinoise classique considère qu’un environnement harmonieux, et particulièrement un habitat équilibré, influe pour une grande part sur la santé et la vitalité de l’individu ainsi que sur la destinée de la famille et, ce faisant, sur l’évolution favorable de la société humaine. Traditionnellement l’individu représente, en effet, le microcosme de la société comme l’habitat se veut le microcosme de l’environnement.

Or, il est aussi difficile de soigner un individu dans une société malade que d’espérer trouver un habitat sain dans un environnement perturbé. Le rôle essentiel du médecin consistait donc à rétablir une circulation harmonieuse de l’énergie de son patient, ceci par divers moyens comme les pratiques de santé (Daoyin Qigong, Taijiquan, méditation), l’acupuncture et les moxas, la pharmacopée, la nutrition… mais également à le conseiller pour que cette circulation d’énergie ne soit pas perturbée ou mise en cause par un environnement défavorable à sa santé et à son bien-être.Pour les ouvertures, les anciens
avaient déterminé des dimensions de fenêtres variant entre le rez-de-chaussée et les étages

La géomancie chinoise, le Feng Shui , entrait donc de plein droit dans cette médecine globale et, pendant vingt siècles, fut étudié et pratiqué officiellement dans le cadre des études médicales. L’un des pères de la médecine chinoise, Sun Si Miao (581-682) expliquait ce fait dans les « Notes complémentaires aux recettes des dix mille pièces d’or » :

« Un bon médecin se doit non seulement d’examiner le patient mais également son environnement direct et indirect. Bon nombre de maladies, dont les plus difficiles à traiter, sont liées aux perturbations des énergies du terrain et de l’habitat. Oublier de considérer ces perturbations est une faute professionnelle« .

Ce n’est que pendant la dynastie Qing (Tsing) que l’impératrice douairière Cixi (Tseu Hi), pendant le règle de Kuangxu (1875 1909), décidera, dans le cadre de la « modernisation et de l’occidentalisation » de la médecine de supprimer purement et simplement cette discipline du cadre des études officielles.

En 1929, le gouvernement, pourtant considéré comme traditionaliste du Guomingtang, promulgua des décrets visant à l’interdiction de ce même Feng Shui car jugé rétrograde. Par la suite, bien que l’acupuncture et la pharmacopée soient réhabilitées par Mao, le Feng Shui continua à être interdit comme « relent superstitieux d’un passé révolu« . Cette pratique n’en demeura pas moins à être pratiquée en Chine dans le plus grand secret, particulièrement par les initiés taoïstes, et dans toute la diaspora chinoise. Que ce soit à HongKong, Taipei, Singapour, Bangkok, San Francisco, Montréal, Londres, les communautés chinoises, et par extension asiatiques, ne construisaient aucun immeuble, n’inauguraient aucune société, n’ouvraient aucun restaurant, n’achetaient aucune maison ni aucun terrain sans avoir, au préalable, réalisé ou fait réaliser une étude géomantique sérieuse.

Le nouvel aéroport d’HongKong qui subissait de nombreux problèmes fut réaménagé suivant les règles ancestrales du Feng Shui car il dérangeait les « Dragons assoupis » de la péninsule de Kowloon… En chinois Kowloon ou Jiu Long signifie « Neuf Dragons » !La Chine de Deng Xiaoping ne pouvait pas demeurer insensible à ce phénomène et le site de la nouvelle métropole se Shenzhen, le premier centre d’affaire situé en zone économique spéciale, fut originellement choisi en fonction du Feng Shui. Depuis, le Feng Shui na retrouvé ses lettres de noblesses et son efficacité légendaire et plus d’un milliard de Chinois ne jurent plus que par lui et cela se sait. Les Japonais ont suivi le mouvement, puis les pays anglo-saxons et la vague touche désormais la vieille Europe. N’en déplaise aux rationalistes obtus, Descartes, éternel curieux, aurait probablement apprécié cette curieuse science qui consiste à penser que l’homme n’est pas encore totalement isolé de l’univers, donc de la nature et de son influence, et qu’il peut, à sa mesure, participer à l’évolution favorable de ce qui lui est proche et cher tout en conservant une conception globale de la vie, de la santé, du bien-être et de la relation avec autrui.

Vous pourrez, ainsi, résoudre de multiples petits problèmes par vous-même ou, si nécessaire, choisir en connaissance de cause un praticien honnête et efficace connaissant son sujet.

 

Feng Shui… Une définition plus subtile qu’il n’y paraît…

Il s’agit, bien évidemment, d’un terme chinois composé de deux caractères comme « Kung-Fu » (art martial chinois) : « Qi Gong » (travail énergétique)… « Chop Suei » (plat de légumes sautés »… « Bruce Lee » (acteur chinois adepte du « Kung-Fu » du « Qi Gong » et du « Chop Suei » et se nommant, en réalité Li Siu Lung) ce qui n’augure rien de bon. Il a, en effet, été choisi parmi des dizaines d’autres pour représenter une fonction générique dont le but essentiel est l’exportation… donc la vente à l’étranger.

Comme pour les autres termes cités, le choix provient, bien évidemment des USA où la communauté chinoise sait parfaitement bien ce qui nous convient et ce que nous, occidentaux, recherchons. Quelque chose à la fois de suffisamment exotique pour flatter notre curiosité et notre besoin de merveilleux mais également adapté à la facilité de nos habitudes et à nos mentalités. Pas une remise en cause.

Feng (caractère 1596 du Ricci),

qui se prononce également Fong, est un radical (Radical 182), c’est à dire l’un des 214 caractères essentiels de la langue chinoise et qui signifie, suivant les dictionnaires classiques de la langue chinoise, le vent, la brise mais également le souffle et, par extension, l’ambiance, l’allure, les mœurs, la mode, les usages, les coutumes, la réputation.

Des commentaires classiques ajoutent:

« Le vent est le messager du Ciel et de la Terre et influence l’homme dans son jugement et dans ses actions« … « Les vents soufflent dans les Huit directions principales et correspondent aux Huit Energies Célestes (Bagua) du Yijing (Yi King)« .

Shui (caractère 4486 du Ricci)

qui se prononce également Shuei, Chouei, Choi est également un radical (radical 85) et signifie eau, liquide mais également la qualité, la valeur. Les commentaires classiques ajoutent qu’il s’agit d’un des Cinq Eléments (ou mouvements, agents, dynamismes) de l’énergétique chinoise correspondant à l’origine profonde, aux sources, aux racines à ce qui est avant le commencement, à la face cachée des choses, au mouvement originel.

Feng Shui (… qui se prononce souvent Fong shuei… ),

suivant le dictionnaire Couvreur signifie « vents et cours d’eau » et, par extension l’antique géomancie chinoise traitant des influences fastes et néfastes qui résultent du site et de l’environnement choisi pour une tombe, une maison, une ville. Couvreur ajoute : « la situation et la disposition d’un emplacement considérés au point de vue de leur influence sur le bonheur ou le malheur de la famille ou du clan« . Le Père Larre de l’Institut Ricci explique, pour sa part, que Feng représente les courants atmosphériques et que Shui représente le ruissellement et les courants souterrains. Par extension, on pourrait actuellement dire, sans effectuer de contresens majeur, que le Feng Shui est l’étude, suivant des moyens millénaires, des énergies cosmiques et des forces telluriques.

Mais Feng Shui signifie également mot à mot, et de façon très littéraire, l’étude de l’ambiance et de la qualité… donc les rapports existant entre le qualitatif et le quantitatif. Il s’agit également, et d’une manière très prosaïque, de la manière d’adapter la mode ou les usages, donc le visible et le superficiel, à ce qui est le plus profond et le plus caché et qui demeure à l’origine de la vie.Le Feng Shui a donc, étymologiquement, pour but d’éviter de commettre des erreurs grossières risquant de mettre en cause le mouvement subtil de vie qui nous relie à la terre et au ciel. Il est le garant de certaines règles que d’aucuns nomment principes essentiels résidant dans les traditions ou rituels et que d’autres considèrent comme des superstitions.

Il y a peu de temps, une émission de variété télévisée présentait un court reportage sur le Feng Shui qui mettait en scène une charmante dame « experte« , fort récente avouait-elle, dans cet art et qui recevait, chez elle, le journaliste chargé de l’interroger. Or, sur une table basse chinoise était disposé un bouddha visiblement tibétain ou thaïlandais. N’importe quel équarrisseur de Lassa ou conducteur de Tuk-tuk de Bangkok sait, depuis sa prime enfance, que le Bouddha ne doit jamais pouvoir se regarder par dessus faute de quoi il provoque d’intolérables migraines. Le reportage ne nous a malheureusement pas dit combien cette « experte » consommait de tubes d’aspirine par jour mais s’est borné à nous expliquer qu’en déplaçant un fauteuil tout allait mieux dans la maison.

La récente mode du Bouddhisme tibétain et du Feng Shui laisse donc présumer une forte augmentation de consommation d’aspirine à cause des migraines bouddhiques et des lumbagos causés par le déménagement permanent du mobilier occidental fort lourd. Que dire alors des milliers de Bouddha qui vont se retrouver comme élément décoratif d’une cheminée de résidence secondaire ou comme presse-papier pour les factures de gaz. D’aucuns objecteront qu’il s’agit là de superstition destinées aux chauffeurs de Tuk-tuk et que, de leur coté, ils accrochent les crucifix à l’envers au pied du lit sur lequel repose un chapeau et qu’ils laissent le pain à l’envers sur la table à coté de chaussures sans que nul n’y trouve à redire. Ils ont probablement raison et nul ne les empêche d’aller habiter un cimetière. Le Feng Shui ne les concerne pas trop et, de son coté, ne s’en porte pas plus mal.

Quant aux « scientifiques » et autres rationalistes sceptiques il leur ferait du bien de méditer ceci :

« Le plus beau sentiment qu’on puisse éprouver c’est le sens du mystère. C’est la source de tout art véritable, de toute vraie science. Celui qui n’a jamais connu cette émotion, qui ne possède pas le don d’émerveillement, autant vaudrait qu’il fut mort car ses yeux se sont déjà fermés« . Albert Einstein.

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