SanYiquan, le symbolisme, l’alchimie et le bon sens

« Seul fais attention à tes pensées, en groupe fais attention à tes paroles !  »

Proverbe chinois .

Adossé au Yin emnrassant le Yang

« Adossé au Yin et embrassant le Yang » Laozi Daodejing XLII (Tao Te King de LaoTseu chapitre 42)

Le Maître réalisé contemple l’Etoile Flamboyante à l’Orient de sa Pratique.
A sa gauche l’arbre qui représente le « Dragon Vert »
A sa droite le rocher qui représente le Tigre Blanc
Au Zénith est le Boisseau
Les Nuées s’élèvent de l’abime vers la montagne
Il est libre et debout, son corps s’enracine mais son Esprit s’envole.

 

San Yiquan, le symbolisme, l’alchimie et le bon sens

par Georges Charles

San Yiquan, le Poing des Trois-Un, incluant le Daoyin Qigong (Tao-Yin Chi Kung), le Xingyiquan (Hsing I Chuan)( mais également le Taijiquan (Tai Chi Chuan) et le Baguazhang (Pa Koua Tchang) ) et le Gongfu Wushu « externe » (Kung-Fu Wushu), ainsi que les pratiques connexes de nutrition (Yinshi) de massage et d’auto-massage (Anmo), de calligraphie et d’étude des Classiques de la Chine, s’inscrit dans ce qu’on nomme, classiquement, le « Yangshengfa » (Yang Sheng Fa) ou « Pratiques d’entretien de la vie ».

Il s’agit de favoriser le mouvement (Dong), la circulation (Xue et Jing), la respiration (Huxi et Qi), l’action de l’esprit (Shen).
C’est ce que l’on nomme un « Art de Santé ».

En Occident lorsqu’un médecin signe un certificat de décès il constate qu’il n’y a plus de mouvement (ça ne bouge plus y compris au niveau du mouvement rétinien), plus de circulation (il n’y a plus de pouls), plus de respiration, plus d’activité cérébrale. On passe alors dans le domaine de la « médecine légale », soit la médecine de la mort et des mort. Bien sur, comme disait le Maître Wang Zemin (Wang Tse Ming, Wong Tse Ming, Wang Tsö Ming, Tai Ming Wong….) (1909 2002) qui fut à la fois le disciple de Wang Xiangzhai (1885 1963) et de Yip Man (1893 1972), excusez du peu, « On est plus longtemps mort que vivant ».

Ce qui incite à profiter pleinement de la vie et à entretenir celle-ci avec tous les moyens dont on peut disposer et qui ont fait recette depuis des millénaires. On aurait parlé, jadis, des remèdes de « bonne fâme », donc de recettes de bonne réputation, un lieu de bonne fâme est donc un lieu bien réputé au contraire d’un lieu mal fâmé ) (et non comme on nous force à le croire de « bonnes femmes »). Sachant toutefois que l’issue fatale demeure, malheureusement, inéluctable. La vie étant, suivant une définition connue, une « maladie sexuellement transmissible nécessairement mortelle ». La vie tue. Encore convient-il de tenter de retarder l’échéance fatale tout en profitant de tout ce que la vie peut apporter durant notre court séjour sur terre. Il s’agit, en quelque sorte, de développement durable. Il convient non seulement de se développer, et non de se ratatiner, et de durer quelque peu encore. Dans cette optique la Chine possède sur l’Occident une bonne longueur d’avance.

D’abord le culte des ancêtres fait qu’on y respecte l’âge et donc, sans euphémisme, les vieux. Plus on avance dans la vie plus on a droit à un certain respect et même à un respect certain. En Occident, particulièrement dans certains milieux, le sport notamment, passé trente ans on est déjà vieux, pour ne pas dire à la retraite. Donc presque foutu. Avant les anciens champions bénéficiaient d’un magasin « La Hutte » ou d’un « café-tabac », avec le développement d’internet et les campagnes de prévention santé, il faut désormais se tourner vers autre chose. Généralement la politique où l’on recycle les médaillés olympiques. Ne parlons pas de l’entreprise où il faut maintenant un bac+3 pour espérer un poste de grouillot et d’où on se fait virer au premier cheveu blanc. Quand on commence à bosser à 28 ans et qu’à cinquante on se fait virer la retraite c’est déjà une déroute. Ensuite le développement durable, en Chine, peut s’y exercer sur plusieurs millénaires. Les acupuncteurs, par exemple, utilisent toujours et encore le « Wangdi Neijing Suwen » ou « Canon de la Médecine Interne de l’Empereur jaune », justement rédigé il y a plus de deux millénaires. Sans qu’ils cherchent à le remettre en cause. Les bases fondamentales de la pratique du Daoyin (Tao-Yin ou Gymnastique du Tao) étaient déjà définies dans le Daoyintu (Traité du Tao-Yin) présent dans le tombeau de la Marquise, ou Duchesse, de Dai à Mawangdui au deuxième siècle avant notre ère. Ce qui est historiquement attesté.

Contrairement à certains groupes qui font remonter leur origines au pyramides alors qu’ils n’ont en fait que trois petits siècles d’existence. Enfin les fondements de l’alchimie interne (Neidangong) avaient été édictés au second siècle de notre ère. Mais surtout, ce « développement durable » à la chinoise, donc impermanent, qui dépasse donc le temps et l’espace, évite le fractionnement en de multiples entités qui, finalement, sont cause d’affaiblissement voire de disparition précoce. Yang Sheng Fa, techniques d’entretien de la vie, de la vitalité, est un ensemble, une unité qui se manifeste dans la multitude et non pas un complexe hétéroclite où l’essentiel, l’important, le secondaire et le superflu se confondent et se retrouvent sur le même plan avec tous les risques de cohabitation que cela comporte. On ne peut pas mettre, désolé de le dire et de l’affirmer, sur le même plan l’acupuncture et le Reiki. L’acupuncture est une doctrine plusieurs fois millénaires qui a fait ses preuves jusqu’en dehors de la Chine, le Reiki n’est qu’une simple technique, ou pratique, initiée par un individu. Si le poil du lion c’est aussi du lion, le lion ne se résume pas à un poil ! Tenir un poil de lion entre ses doigts c’est probablement quelque chose mais ce n’est pas, loin s’en faut, tenir le lion. De même la diététique chinoise (Yinshi) ne peut pas, et ne doit pas, se confondre avec la macrobiotique et ceci pour le même principe (un « inventeur » unique et des disciples très convaincus !). Il faut donc privilégier une vision entière où chaque partie contribue à la cohésion de l’ensemble et non à sa disparition programmée ou à son remplacement par plus rentable ou mieux considéré par un quelconque lobby fut-il sportif fédéral, ou olympique.

Dans notre enseignement et dans notre transmission, donc dans notre tradition classique, le rituel (Li) possède une dimension hautement symbolique. Comme le précise Yu Dan « Un simple geste rituel, une simple posture peuvent constituer un des plus hauts lieux de la pensée ». Mais il ne s’agit pas d’imaginer que n’importe quel geste, que n’importe quelle posture puisse, par un tour de baguette magique, devenir symbolique. Nous n’allons pas cesser de pratiquer, d’enseigner, de transmettre un Tao sous le prétexte qu’un geste qui y figure peut rappeler un autre geste, désormais dit symbolique, mis à la mode tantôt par un dictateur, tantôt par un humoriste qui, jadis, aurait été qualifié de bouffon. Le fait le lever le bras, ou de baisser le bras, comme ci ou comme ça, fut-ce lentement en le suivant des yeux avec un sourire énigmatique n’est ni une pratique, ni un rituel. C’est un geste. A chacun de lui donner, ou de lui enlever, sa signification. On peut dire, par exemple, que Adolf Hitler pratiquait la « politique de la main tendue » ce qui peut être très mal interprété. Comme quoi la main tendue peut avoir plusieurs significations tout à fait contradictoires. En Chine (RPC) comme le Falungong interdit la pratique des armes, pour diverses raisons d’ailleurs très fumeuses, les pratiquants qui souhaitent ne pas être confondus avec des adeptes de ce mouvement, donc poursuivis par la police et les autorités judiciaires, pratiquent avec n’importe quoi. Ce qui a réhabilité dans le Taijiquan (Tai Chi Chuan) la pratique du bâton, de l’épée, du sabre et de l’éventail (surtout ce dernier d’ailleurs !). Pratiquer du Qigong avec un truc en main, fut-ce un balais à chiottes, vous met à l’abri de la suspicion policière. Ce qui est un comble. Dans ce cas le danger vient plus de la main nue que de l’arme ! L’art martial étant également mal vu par le fondateur de ce mouvement il convient donc, pour ne pas être ennuyé, de rouler des yeux terribles, de serrer les mâchoires et les fesses et de se transformer en « bretteur » comme le suggère Zhuangzi dans « le discours sur l’épée » (« Les bretteurs que voit le roi ont les cheveux en désordre, avec des mèches en avant sur les tempes, ils se coiffent d’un bonnet rabattu aux rubans non ornés (on dirait actuellement d’une capuche !) ; ils portent une veste écourtée par derrière, ils écarquillent les yeux et parlent avec difficulté ») . C’est le monde à l’envers. Pourquoi toujours tirer les choses vers le plus bas ?

Dans le principe du Yang Sheng Fa, notamment au sein de l’Ecole San Yiquan, art chevaleresque, étude du symbolisme classique, pratique de santé et d’éveil et alchimie interne font, de tous temps, bon ménage.

A l’instar du plomb dans la cristallerie, ce qui est le plus bas, le plus lourd, le plus insonore doit, par le biais des transformations successives, pouvoir se transformer en cristal limpide et musical qui permet, à son tour, de transformer la lumière et de révéler le son, donc le verbe. C’est le principe du changement (Yi) et de la mutation (Hua). Mais il faut bien une matière, ou structure, pour y parvenir.
Sun Lu Tang (Sun Fukuan) (1860 1933) ne s’y trompait pas lorsqu’il affirmait « L’art du poing a plusieurs fonctions, la première est de préserver la santé (Yang Sheng Fa), la deuxième est de pouvoir éventuellement se défendre, la troisième est d’éveiller l’esprit, la quatrième est de pouvoir modifier le cours du destin ». La première fonction avait déjà été affirmée par Zhang Sanfeng (Chan San Feng), l’Ermite des Trois Pics « L’art du Poing (Quanfa) doit servir à protéger la vie, à la prolonger et non à l’écourter prématurément ». La seconde fonction, celle qui consiste à savoir et à pouvoir se défendre n’est pas négligeable car elle permet de rester en bonne santé. Celui ou celle qui ne sait pas et ne peut pas se défendre ne protège pas sa santé. C’est le refus de la sempiternelle victimisation voire de l’irresponsabilisation. C’est ce que je nomme « en attendant Kouchner ». Il est parfaitement inutile de vouloir se transformer en un agent du GIGN mais parfaitement utile de savoir éviter une agression simple et de savoir et de pouvoir agir simplement et efficacement si il y a nécessité. L’aspect art chevaleresque n’est pas à négliger. Comme le dit également Zhuangzi « il faut savoir fouetter ses derniers moutons » et ne pas attendre l’agression pour apprendre à se défendre. Mais on est loin, quand même, du « cassement de gueule » et des fantasmes de l’invincibilité. Les arts martiaux, ou ce qu’il en reste, se sont assez décrédibilisés laissant la porte ouverte à des irresponsables qui ne font que reprendre des vieilles recettes éculées de la « self défense » du « bourgeois contre l’apache » comme on la pratiquait au tout début du XXeme siècle.

Mais à cette époque le Préfet de Police, dans une préface avisée prévenait quand même « Mais n’oubliez pas si vous sortez le soir dans certains quartiers de vous munir d’un bon « redoutable » ou d’un « fracassant » (qui est le nom d’un révolver de l’époque !). Ce qui engendre aussi, on le voit sur Internet, le fantasme de celui qui projette un adversaire sans le toucher, comme par miracle. Ayant déjà en près de cinquante ans de carrière déjà rencontré plusieurs de ces spécialistes de la spécialité, et non des moindres, cela n’a jamais eu le moindre résultat sur moi. Mais j’ai mauvais mental. L’éveil de l’esprit, cela peut évidemment sembler quelque peu étrange aux intellectuels qui ne voient dans ces pratiques que de la gesticulation fébrile ou du refoulement obsessionnel. Alors qu’ils se complaisent dans des théories fumeuses et parfaitement incompréhensibles au bon sens et se réfèrent à des « Maîtres » qui avaient déjà de grandes difficultés à gérer leurs propres problèmes familiaux. Le bon sens de Confucius n’est-il pas de régler ses propres problèmes et ceux qu’on rencontre dans sa famille avant de tenter de conseiller autrui ou de vouloir diriger un pays ? Mais le bon sens et la juste mesure ne sont plus trop de mise de nos jours. La meilleure alchimie consiste, tout simplement, à transformer en subtil ce qui est grossier et en utile ce qui ne l’est pas et surtout à éviter de perdre son temps en vaticinations. Comme disait Juvénal (60- 130) « la nature ne peut pas avoir un langage et la sagesse un autre ».

En ce sens aller mieux puis être bien, ne pas craindre l’agression mais ne pas la provoquer non plus, vieillir honorablement et faire ce qu’on a à faire tant qu’on peut le faire est déjà un vaste programme. C’est l’alchimie de la vie.