Le Baron Rouge est tombé
Par Saint Georges !
Par George Charles et Siegfried Missalla
Il y a un siècle, tombait le Baron Rouge, Manfred von Richthofen. De nouvelles constatations contredisent la thèse retenue par les historiens. Il tomba le 21 avril 1918. Mais est-ce bien une simple coïncidence ? Les services secrets britanniques SIS et MI6 sont-ils à l’origine de ce fait ? Et comment et pourquoi est réellement mort Manfred von Richthofen.
La Croix de Saint Georges Saint Patron de l’Angleterre
De nouvelles constatations éclairent d’un autre jour cette contre-enquête. Siegfried Missalla nous apporte des éléments décisifs qui contredisent formellement la thèse « officielle » retenue par les historiens patentés.
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1. Le Jour de la Saint Georges
Le 23 avril 1918, le Roi George de Saxe Cobourg Gotha, qui avait peu de temps auparavant fait changer le nom de sa famille en Windsor, ce qui faisait quelque peu plus britannique, quand-même, mais qui était simplement connu de ses sujets sous le nom du Roi George, le cinquième, prit son petit déjeuner de bonne heure mais d’assez mauvaise humeur.
Ci-contre, le Roi George V (concernant l’Angleterre Georges s’écrit souvent sans s).
Notez la ressemblance avec son autre cousin le Tzar Nicolas II. En fait tout cela est une histoire de famille !
A droite, l’autre cousin le Tzar de Toutes les Russies L’Empereur Nicolas II. Il a refusé de quitter la Russie en révolution, sa famille a été massacrée. Ils sont tous deux neveux de la Reine Victoria que l’on surnommait « La Grand-mère de l’Europe ».
Le petit déjeuner était excellent mais les nouvelles du front occidental ne l’étaient pas et son cousin, encore un cousin, l’Empereur Guillaume II, Empereur du Saint Empire Germanique, paradait toujours à la tête de ses généraux et, suivant des informations issues du service de renseignement allié, préparait même une nouvelle offensive qui avait simplement pour but un objectif : Gross Paris. Le 9 avril deux divisions britanniques et une division portugaise avaient été bousculées sur la Lys et les Allemands s’étaient encore rapprochés des ports de la Manche. Instinctivement, le Roi George, chercha le plateau d’argent massif où étaient généralement disposés les journaux quotidiens et ne le trouva pas. Il fit un signe discret à l’ordonnance qui faisait office de majordome et qui attendait, fixé au garde-à-vous dans son grand uniforme, qui s’empressa alors de rejoindre la table.
Le Roi s’étonna de l’absence des journaux, pressentant une mauvaise nouvelle. Le jour de la Saint Georges, jour de la fête du Roi mais aussi jour de la Fête Nationale de l’Angleterre et de l’Empire Britannique commençait fort mal. Le Roi se demanda un instant pourquoi il n’avait pas conservé son nom de famille germanique, au moins il aurait eu la sensation de ne pas avoir tout perdu. Il releva la tête et eut la surprise de découvrir le visage souriant de Carter Easby, son confident et garde du corps personnel, Officier de la Household Cavalry de la Life Guard.
Le jeune officier lui tendit alors le plateau d’argent avec de multiples journaux portant tous la Croix de Saint Georges et un titre formidable s’étalant sur quatre colonnes à la une : »Le Baron Rouge est mort ! » Certains journaux comportaient même la photo du pilote, couché sur une tôle, et de son avion en mauvais état. Le Roi laissa retomber le journal qu’il tenait et dit, simplement, « Oh My God ! » Le jeune officier demanda au Roi la permission de s’exprimer qui lui fut accordée. « Majesté, Saint Georges a enfin eu raison de ce maudit diable rouge ! »
Saint Georges terrassant le Dragon Rouge – une allégorie significative.
Et haussant le ton : « Pour Saint Georges et la Fête de sa Majesté. Pour le Roi ! » Trois formidables « Hourrah ! » retentirent dans la cour et dans le château. Le Roi Georges s’était levé de sa chaise. La musique de la Garde entama alors un majestueux « God Save the King ! » En fait, Windsor, comme nom ce n’était pas si mal que ça. Et George V imagina alors le choc que la nouvelle devait propager en Allemagne et chez ses alliés.
Hugh « Quex » Sinclair avait conseillé que cette nouvelle extraordinaire soit officiellement dévoilée le jour de la Saint Georges. Le Baron avait été tué le dimanche 21 avril vers 11h00, le lendemain, donc lundi, les funérailles avec fleurs et couronnes avaient lieu à Bertangles, avec de nombreux journalistes et photographes invités et convoyés sur les lieux, et le surlendemain 23 au matin, le Roi George recevait donc cette excellente nouvelle qui était relatée, avec des photos de la cérémonie, dans la plupart des journaux britanniques. Nul ne pouvait donc nier le fait. Affaire rondement menée y compris pour trouver, dans la Somme dévastée, des gerbes et des couronnes avec rubans funéraires à la gloire du valeureux adversaire. Entre le dimanche soir et le lundi matin. Rappelons si nécessaire que Internet et Interflora n’existaient pas encore.
Les « fleurs et couronnes » de l’enterrement du Baron Rouge. Il a été tué le dimanche vers 11H00 et nous sommes le lundi vers 10H00, donc le lendemain matin, au cimetière de Bertangles dans la Somme. Chapeau pour le fleuriste qui a réussi à confectionner ces couronnes avec rubans mortuaires en si peu de temps et, humour anglais oblige, un week-end !
Mais au SIS rien d’impossible !
Pas très fréquentable le cousin ! Tiens, si on lui retaille un peu la moustache et qu’on lui enlève le casque et la ferblanterie il fait déjà penser à quelqu’un ! Un bon modèle mais un très mauvais exemple. Et Georges V plaignit son cousin Guillaume ! Il ne s’en remettrait pas.
2. Une opération préparée de longue date
Le S.I.S. (Secret Intelligence Service) qui deviendra le MI6 fut officiellement créé en 1909 et avait pour but de mener des opérations de déstabilisation et d’intoxication (deception) de l’ennemi ainsi que de rechercher les renseignements essentiels à l’organisation de ces opérations. Mais également la préparation, l’exécution, l’utilisation de coups tordus. En 1918 il était dirigé par Sir Mansfield Smith-Cumming, alias « MC » , qui était secondé par le Vice-Amiral Sir Hugh « Quex » Sinclair qui le dirigera lui-même de 1924 à 1938.
Un autre membre du Clan Sinclair, Sir John Sinclair, alias « C » dirigera encore le MI6 en pleine guerre froide de 1953 à 1956. On dit que c’est ce dernier qui servit de modèle à Ian Flemming, également membre du MI6, pour « M » dans les James Bond. Le SIS, comme le MI6, possédait, en fait, de multiples divisions possédant chacune sa spécialité.
Sa particularité principale était d’être composée de militaires de carrière, d’active ou en retraite, officiers, sous officiers et homme du rang mais également de civils recrutés dans de nombreux corps de métiers allant d’universitaires de haut rang d’Oxford ou de Cambridge, jusqu’à des cambrioleurs plus ou moins repentis. Et probablement des individus moins recommandables, encore. Mais également des « créatifs », donc des auteurs. Par exemple Agatha Christie ou le fameux Conan Doyle, le père du dective Sherlock Holmes, un autre romancier de génie, servit plus ou moins de modèle au recrutement de ces agents très spéciaux qu’on nomma, par la suite, les « Baker’s Street Boys » (alias « BSB »). Sans parler de Rudyard Kipling, l’auteur du Livre de la Jungle, qui officiait aux Indes.
Sir Arthur Conan Doyle, créateur de Sherlock Holmes, Sir Robert Donald, Membre actif du SIS, futur MI6, et le Capitaine Dupond (comme son nom l’indique mais avec un D) du 2eme Bureau (service de renseignement militaire) sur le front de la Somme en 1917.
Un trio assez particulier et qui ne paye pas de mine mais dont il faut quand même se méfier sérieusement. Comme Ian Fleming, créateur de James Bond, ou Rudyard Kipling, auteur du Livre de la Jungle, ou Pierre Nord, Conan Doyle en sait beaucoup plus qu’on ne le pense généralement sur les coups les plus tordus. A coté Monsieur X est un pensionnaire du Couvent des Oiseaux. En fait Conan Doyle s’est représenté sous les traits de Mycroft Holmes, le frère de Sherlock Holmes. Et c’est un fervent admirateur, sinon disciple, de Gordon. George Charles Gordon. Chinese Gordon. Gordon Pasha. Dont le portrait trône dans l’appartement de Sherlock Holmes, juste au dessus de son bureau. La devise de Gordon est « Fortitude and Faith ». Fortitude est le nom donné par le MI6 aux opérations de « deception » qui vont préparer le débarquement de juin 44 en Normandie. Mais tout cela n’est, aussi, que le fait du hasard. Du moins pour les « Bisounours ».
Pendant le seconde guerre mondiale Ian Fleming, sur la demande de son frère Peter Fleming, qui avait un haut poste au MI6, fut l’organisateur de « l’auto-kidnapping » de Rudolf Hess qui se posa en Angleterre le 10 mai 1941 afin, pensait-il, de discuter avec Churchill d’une « paix des braves ». Il avait emporté dans son Me110 près de quatre cents kg de documents sur les recherches ésotériques du IIIe Reich. Ian Fleming avait fait savoir à Hess, initié d’un tas de sociétés secrètes et occultes, que Churchill était lui-même un grand initié de la Golden Dawn. Hess avait été convaincu et avait mordu à l’appât. Il était le « dauphin » de Adolf Hitler qui ne s’en remit pas.
Mais on vous a rien dit !
Mais tout ça pour vous mettre un peu dans l’ambiance et tenter de vous faire comprendre que le plan concernant le fameux Baron n’était, en quelque sorte, qu’un simple formalité sinon une routine. D’un côté, celui des « Bisounours » le coup du hasard et de la malchance, on parlerait presque du syndrome de Murphy. De l’autre, un peu plus réaliste, une programmation rigoureuse, des exécutants compétents et un non négligeable facteur chance. Mais comme on dit « La chance sourit aux audacieux ».
Les « baker street boys ». Initialement il s’agissait des informateurs justement « spéciaux » du détective Sherlock Holmes, dont l’appartement était censé se situer au 221 B Baker Street. Or le SIS, puis le MI6 et enfin le SOE (service action des Services Secrets Britanniques) possédaient plusieurs bureaux discrets situés également à Baker Street (N° 62, 64, 82, 84…) sous diverses couvertures très éprouvées. Les honorables correspondants de ces officines très spécialisés eurent donc comme non de code les « baker street boys » ou, plus simplement les « BSB ».
Conan Doyle, comme Rudyard Kipling et Ian Fleming, écrivains britanniques et prolifiques au dessus de tout soupçon, grands voyageurs devant l’éternel, firent tous trois partie des services de renseignement de Sa Majesté et furent donc de très honorables correspondants et le furent même tous trois à haut niveau. En quelque sorte même, Conan Doyle, dans deux romans de Sherlock Holmes, donne purement et simplement son propre rôle au frère présumé de ce dernier : Mycroft Holmes qui travaille justement, à haut niveau, pour les services secrets britanniques. Ian Fleming fut lui-même présent aux réunions très secrètes des « Bigots » qui organisèrent les dessous pas trop propres du débarquement en Normandie de Juin 1944. Il faut dire qu’avec le « coup » de Rudolf Hess il avait fait plus fort que James Bond lui-même.
Mais cela ne les empêcha pas de prendre leur thé à cinq heures. C’est donc souvent dans des clubs très privés, des bibliothèques très feutrées, des restaurants très huppés que s’élaborèrent, entre gentlemen paisibles et souriants, des stratégies redoutables échappant bien évidemment à la compréhension du commun des mortels. Mais, comme il s’agit de Britanniques, donc d’exentriques, ils prennent, de plus, un malin plaisir à signer leurs actions comme le faisait Arsène Lupin en laissant sa carte de visite sur le lieu du méfait.
Evidemment pas une vulgaire carte de visite en bristol, cela aurait été trop simple, trop français, mais des indices sinon des indications qui ne devaient pas échapper à un investigateur tout juste un peu moins naïf que la moyenne. Un simple Dr Watson, en quelque sorte aurait du être en mesure de démontrer le forfait sans pour autant, bien évidemment, en apporter la preuve. Manque de preuve qui satisfera toujours les tenants de la morale et qui leur permettra de claironner bien fort : »Ce n’est que le fruit du hasard ou de votre imagination, jeune homme ! ». Ils n’en n’ont évidemment aucune, ces braves gobeurs de fadaises toutes cuites par les historiens officiels qui, eux-mêmes, ne se posent jamais la moindre question. Ils sont généralement confits dans leurs certitudes comme le canard gersois dans sa graisse.
Pourquoi ? C’est ainsi et c’est comme ça depuis toujours ! Où irait-on si il fallait refaire l’histoire pour un oui ou pour un non, ou pire, pour un peut-être ? Et pourquoi pas « peut-être » ? En avril 1918 les choses allaient fort mal et malgré l’agitation sur l’arrière, en Allemagne, agitation quelque peu entretenue, d’ailleurs, par le MI6 et des agents provocateurs, le front risquait de se rompre à chaque instant. Il fallait casser le moral du soldat allemand en cassant le moral du peuple allemand. Il fallait trouver une faille.
Il fallait frapper un symbole. De nombreuses batailles avaient déjà été gagnées ou perdues, de nombreuses villes avaient été prises puis reconquises, de nombreux coups d’éclat s’étaient transformés en catastrophes. Et le moral des Alliés n’était pas très bon. Il était embourbé dans quatre années de tranchées sordides, de rats, de poux, de boue, de cadavres pourris vomissant leurs asticots et leurs mouches bleues, de merde dysentrique, de fièvre espagnole, d’amputations, d’alcoolisme à grande échelle, d’incompétences, de millions de morts, de tribunaux militaires, de planqués, de fanfaronades, de bourrage de mou de la presse civile, de limogeages, de privations.
Une tranchée quelque part dans la Somme. Il fallait faire cesser ça !
Les Américains commençaient à débarquer déguisés en cow-boys et n’ayant jamais vu une tranchée ni subi le moindre feu, avec un matériel neuf et rutilant mais totalement dépassé et un commandement se référant encore aux guerres indiennes.
Or, l’un des services du SIS était chargé de lire la presse germanique et de remettre un rapport hebdomadaire à « Quex » qui remarqua assez rapidement que de nombreuses pages étaient consacrées à l’As des As de l’aviation allemande, le Capitaine Manfred von Richthofen, alias « Le Baron Rouge » qui sévissait au dessus des Flandres et de la Somme.
L’un de ces journaux relatait une constatation de Guillaume II : »A lui seul, le Baron Rouge, vaut tout un régiment et probablement plus encore ! « »Quex » se fit immédiatement cette réflexion »Celui qui abattra à son tour le Baron Rouge touchera l’Allemagne en plein coeur ». Il décida alors de proposer à Sir Smith-Cumming une « opération spéciale » qui aurait pour but de descendre, par tous les moyens, le fameux Baron puis d’utiliser le choc psychologique pour porter un redoutable coup au moral des Allemands. Smith-Cumming en accepta le principe et donna carte blanche à « Quex ». Hugh « Quex » Sinclair convoqua immédiatement le Major Beavis, du MI6 5G (deceptions operations) pour régler les détails pratiques de l’opération.
Pour la petite histoire Hugh « Quex » Sinclair, alias « C », décèdera en 1938 d’un cancer et sera remplacé à la tête du MI6, les services secrets britanniques, par un autre Ecossais, Stewart Menzies. Beavis, devenu Général, sera pendant la seconde guere mondiale, l’un des cerveaux « Bigot » de l’opération « Fortitude » qui préparait la couverture du débarquement allié en Normandie. La seconde partie de cette opération, nommée « Faith » est encore méconnue. Mais nous pourrions en reparler.
Un coup d’essai : Verner Voss le Hussard de Krefeld.
Avant de s’en prendre au Baron Rouge il convenait de se faire la main. Les services de renseignement anglais suivaient également de près la carrière d’un autre As allemand, Verner Voss dit « le Hussard de Krefeld » qui venait d’atteindre sa cinquantième victoire à la tête de la Jasta 10.
von Richthofen et Voss : derniers conseils avant la chasse. Le Maître et le disciple.
Verner Voss était un excellent pilote et un redoutable combattant mais qui avait l’habitude, contrairement au Baron Rouge, de voler seul à la recherche d’une proie, méthode que von Richtofen défendait formellement à ses pilotes. Un correspondant en Hollande fit parvenir aux Anglais une information très intéressante, le créateur des fameux avions Fokker, Anthony Fokker, surnommé « le Hollandais Volant », avait invité Voss à fêter son anniversaire à l’hotel Bristol à Berlin le 22 septembre 1917 car il tenait à le rencontrer pour lui demander quelques conseils sur le Triplan DRI qui présentait alors quelques défauts. Voss avait accepté l’invitation et devait se rendre en Hollande aux environs du 20 septembre 1917 pour ensuite se rendre à Berlin. Mais, chose encore plus importante, les Services Secrets avaient été informés que Voss convoierait lui-même un nouveau modèle de triplan à son retour en Hollande où il en prendrait livraison et qu’il serait probablement seul, une escorte lui ayant été affectée lorsqu’il parviendrait au dessus de la France. Les choses se passèrent comme prévu et Voss se rendit donc à Berlin où une fête eut lieu en son honneur.
Ci-contre, Anthony Fokker le « Hollandais volant ». Un milliardaire exentrique qui travaillait pour l’aviation allemande . Les avions « Fokker » (F100) volent encore de nos jours, mais pour le civil.
Le Hollandais volant avait bien fait les choses et il ne manqua pas de jolies filles ni de champagne à tel point que Voss en abusa quelque peu et passa une bonne partie de la journée du 23 septembre au lit. Le temps était beau et il décida de rentrer en France, à son escadrille. Il revint donc en Hollande dans l’après midi où comme promis, on lui remit le nouveau modèle du Triplan amélioré et deux douzaines de bouteilles de champagne pour les pilotes de la Jasta 10.
Voss décolla vers 17h et se dirigea vers la France en passant au dessus de la Belgique. Le vol se passa très bien jusqu’à Frezenberg où il apperçu un SEa5 anglais qui semblait en difficulté. Il décida alors de s’offrir une victoire de plus. Il fonça sur l’avion britannique et se préparait à ouvrir le feu lorsqu’il entendit le crépitement de plusieurs mitrailleuses derrière lui et vit passer une gerbe de balles. Par chance il n’avait pas été touché.
Un simple coup d’oeil lui permit de comprendre qu’il venait de tomber dans un guet-appens puisque sept avions de chasse le poursuivaient. Il décrocha et entreprit d’engager le combat en vendant chèrement sa peau. Ce ne fut pas très facile car les bouteilles de champagne roulaient jusque dans l’habitacle. Il se rendit rapidement compte qu’il n’avait pas affaire à des novices et que les Britanniques, bien qu’inférieurs à lui dans les manoeuvres, ne le lâchaient pas. Il ne savait évidemment pas que l’Etat Major avait accepté cette mission et qu’il l’avait confié aux Squadrons 60 et 56, deux unités particulièrement aguerries.
Pour ne prendre aucun risque, ce qui était par ailleurs contraire au règlement, sept pilotes ayant tous le titre d’As avaient été mis à contribution. Il y avait donc là les meilleurs chasseurs de tout l’Empire : Albert D. Carter, Arthur Rhys Davis, Ronald Hammersley, Reginald Hoidge, Richard Mayberry, Keith Muspratt et le plus redoutable d’entre tous James Mc Cudden, alias « Old Mac ».
James Mac Cudden « Old Mac » 58 victoires.
L’un des cinq grands as anglais.
Il fut, finalement, crédité de la victoire sur Voss mais ne s’en vanta jamais. Finalement la victoire fut définitivement attribuée à Rhys Davis. Voss se démena comme un beau diable dans un bénitier et les Britanniques avouèrent avoir eu beaucoup de mal à le descendre, chacun d’entre eux ayant été touché par Voss dans une partie de leur avion.
Mais ils finirent quand même par l’envoyer au tapis, malheureusement pour eux dans une zone où l’atterrissage était impossible.
Une partie de la mission avait réussi mais l’autre fut un échec car ils ne purent ramener de photos de Voss et de son appareil. La victoire fut confirmée par un avion d’observation mais qui dut prendre la fuite à l’arrivée des chasseurs allemands se demandant où Voss était passé. Donc sans pouvoir prendre aucune photographie de l’épave. Le S.I.S. tira conclusion de cette mission : si elle était une réussite, puisque Voss avait été tué, elle avait quand même risqué de coûter la vie à plusieurs pilotes très expérimentés qui, de plus, étaient moralement très mécontents d’avoir participé à cette battue contraire au fair-play britanique. Mc Cudden, en particulier regretta longtemps d’avoir descendu Voss et avoua qu’à un moment il avait songé le laisser s’enfuir tant sa virtuosité était remarquable.
Voss lui avait plusieurs fois adressé un signe de la main, l’ayant reconnu. Et les pilotes l’avaient vu se débarrasser une à une des bouteilles de champagne comprenant alors qu’il avait eu un sérieux handicap dès le début du « dogfight ». Sur le plan de la propagande l’opération était un fiasco car il était difficile d’avouer le traquenard et d’admettre que Voss avait tenu tête à sept As alors qu’il était en état d’infériorité d’autant plus qu’il n’y avait aucune photo prouvant qu’il avait bel et bien été tué en combat. Les Allemands purent donc prétendre qu’il s’agissait d’un accident de vol.
Certains objecteront que les rapports « officiels » et qu’un site bien connu, wiki pour ne pas le citer, ne donnent pas cette version des faits et se réfèrent à un combat « normal » et au fait du hasard. Ce sont ces mêmes rapports « officiels » qui donnaient Roy Brown comme le vainqueur du Baron Rouge et qui prétendaient qu’il avait du être tué en vol. On sait, grâce notamment, à cette contre-enquête que ce sont des fadaises pour ne pas dire de la pédagogie. Le fait que sept as de différents escadrons se retrouvent tout à coup à un moment face à Voss est probablement, aussi, le fait du hasard qui fait si bien les choses et qui rassure surtout celles et ceux qui ne se posent aucune question. Puisque c’est « officiel » !
Ne soyons pas naïf, si il existe une opération spéciale elle s’accompagne nécessairement d’une manipulation (deception) qui a pour but, justement, de modifier la réalité et de présenter une autre vérité plus conforme à la morale.
Chaque semaine la presse alliée annonçait la mort du Baron Rouge, ce qui était démenti assez rapidement par les faits. »Quex » décida donc de classer le dossier Voss et de changer de méthode. Pour chasser un tigre il faut savoir sacrifier une chèvre !
La photo « officielle » du Baron rouge qu’il aimait à dédicacer
Il savait entretenir son image.
Elle servit de modèle à une photo très connue de Elvis Presley.
Ce n’est pas le Baron Rouge mais Elvis « The King » en aviateur et qui a su choisir son modèle !
Encore plus fort avec Marlon Brando en 1953 dans « L’équipée sauvage ». Trente cinq ans après sa mort le Baron Rouge continue à susciter des émules. C’est probablement l’une des premières « Rock-Star » !
En ce printemps 1918 il devenait essentiellement important de frapper un grand coup. Le Baron Rouge venait de fêter ses quatre vingt victoires confirmées et s’était bien remis d’une blessure à la tête qui avait failli lui coûter la vie : un néophyte britannique avait ouvert le feu sur son Fokker alors qu’il se trouvait à plus de quatre cents mètres. En entendant au loin la rafale qui lui était destinée von Richthofen avait souri.
A cette distance il ne risquait rien. Un instant plus tard il était à demi inconscient et complètement aveuglé par le sang car une balle lui avait lacéré le crâne. Il parvint, non sans mal à se poser, heureusement dans les lignes allemandes et fut amené inconscient à l’hôpital où on craignait fort pour sa vie. Mais la balle n’avait fait que de tracer un sillon dans l’os causant un sérieux traumatisme néanmoins réparable.
Il fut donc assez rapidement debout et l’Empereur Guillaume, lui-même, vint le décorer. Le père de von Richthofen et son frère cadet Lothar, un autre As du Cirque, étaient présents. von Richthofen, la tête bandée, se fit photographier au milieu d’infirmières jeunes et jolies ce qui accrut encore son aura auprès de la gente féminine quelque peu jalouse. Certaines mauvaises langues affirmaient, en effet, qu’il ne négligeait pas, non plus, les garçons car il était très coquet et aimait bien les cuirs et les fourrures. Et qu’il adorait se faire photographier dans des poses avantageuses. Personne n’est décidément parfait !
Manfred von Richthofen blessé à la tête et appuyé sur sa canne de commandement pose à côté d’une jolie infirmière nommée Käte Otersdorf à l’hôpital de Courtrai.
Pour faire cesser ces bruits très malveillants il sortit donc quelques temps au vu et au su de toutes et tous avec une autre infirmière française celle-ci qui aurait fort bien pu illustrer un calendrier de Playboy.
3. Le traquenard
« Quex » Sinclair eut donc une autre idée : organiser un traquenard mais combinant cette fois une force aérienne et une force terrestre utilisant des tireurs d’élite bien placés. Après avoir étudié les cartes de la somme, où était stationné le fameux cirque du Baron Rouge et la Jasta 11 qu’il dirigeait en personne, il jeta son dévolu sur un site quelque peu particulier : le Cirque de Vaux, ou belvédère Sainte Colette situé à proximité de Corbie.
Le Belvédère est une curiosité touristique (table d’orientation actuelle)
Son sommet a été aménagé (table d’orientation) en aire de pic-nic
Le Belvédère de Sainte Colette ou cirque de Vaux près de Corbie vu de l’emplacement des mitrailleuses.
La photo, comme souvent, ne rend pas la profondeur qui, pour la Somme, est exceptionnelle !
La Jasta 11 du Baron von Richthofen
Dans l’avion Manfred
. Assis Lothar son frère cadet.
Les pilotes de la Jasta 11 d’après un fusain d’époque (archives GC) Manfred est au centre
Le Baron Rouge – fusain d’époque et sa signature « Manfred von Richthofen Rittmaster »
La particularité du lieu est de présenter une falaise en forme de cirque dominant les étangs et la Somme canalisée à cet endroit en canal entre deux rangées d’arbres. »Il veut du cirque, il va en avoir du cirque ! » s’était extasié Sir Smith-Cumming en contemplant la maquette que « Quex » lui présentait.
On y distinguait nettement le belvédère et plusieurs nids de mitrailleuses en haut et à mi flanc, le canal, l’étang et un bâtiment visible : une usine avec sa cheminée. »Quex » indiqua quel était le plan « Il faut arriver à ce que MVR se lance à la poursuite d’un avion cible, donc de l’appat, au dessus du canal de la somme, entre deux rangées d’arbres, et pris sous le feu de chasseurs soit obligé de buter contre le cirque de Vaux.
Il sera alors contraint d’obliquer à droite, vers les lignes allemandes, et ce faisant prêtera le flanc à nos mitrailleuses servies par des tireurs chevronnés, le reste sera question de chance et surtout de moyens appropriés ».
« Quex » indiqua que le problème de la « chèvre » qui devait attirer le tigre vers le point prévu était réglé et qu’il avait déjà pris contact avec l’Etat Major de l’Armée de l’Air qui lui avait recommandé un pilote canadien, un jeune lieutenant nommé Wilfrid May.
Mais qui était surnommé « Wop » car il était un pilote remarquable adepte inconditionnel du rase-mottes et de la voltige.
A vrai dire avant la guerre « Wop » gagnait déjà bien sa vie en organisant des meeting de voltiges aériennes auxquelles il prenait part et dont il était généralement la vedette. De plus il était ami d’un certain Roy Brown qui devait se charger, quant à lui, d’organiser la poursuite du Baron dès que celui-ci se serait engagé. Roy Brown était un as canadien qui avait abattu en peu de temps une douzaine d’avions allemands et qu’il allait falloir retirer du front et même de l’active à cause d’un vilain ulcère à l’estomac.
Roy Brown »Il ressemblait à un petit fonctionnaire aux yeux tristes » – Hugh « Quex » Sinclair
Les deux homme s’étaient rencontrés à l’école de pilotage et Roy Brown avait été très impressionné par « Wop » et ses figures étonnantes. Et son tempérament de casse cou, lui qui était renfermé et méthodique. Ils acceptèrent tous deux la mission non sans quelques réticences mais Sir Smith-Cumming leur expliqua l’enjeu qui, à son avis, pourrait influer sur le sort de la guerre et donc sur la victoire alliée. Devant cet argument ils ne purent que se déclarer volontaires.
« Wop May » – le casse cou professionnel – pas tout à fait un néophyte !
Entre avril et novembre 1918 il sera quand même crédité de sept victoires homologuées, une par mois, ce qui lui vaut le titre envié d’As. Des milliers de pilotes engagés dans ce conflit ne furent crédités d’aucune victoire. Il était donc soit disant « néophyte » mais pas manchot !
Photo de « Wop » May avant la guerre : un as de la voltige habitué à « casser du bois »
Donc une proie pas si facile qu’on a pu le prétendre sans se poser la moindre question Dans les conditions décrites par les témoins un novice n’aurait pas résisté plus de dix secondes au Baron. Où est l’erreur ?
Quant aux tireurs embusqués « Quex » jeta son dévolu sur des mitrailleurs australiens habitués à chasser les oiseaux dans le bush et leur donna carte blanche quant à leur armement.
D’un commun accord les compères Buie et Evans avaient opté pour des mitrailleuses Lewis munies d’un viseur en forme de collimateur comme on en utilisait dans l’aviation. L’officier d’armement failli en avaler sa cravatte car il ne s’agissait pas d’armes réglementaires et il ne disposait que de vickers, lourdes et peu maniables. Un coup de téléphone le remit à sa place et il fit tout son possible pour dégotter deux Lewis bricolées suivant les instructions.
Il serait évidemment convenu que Brown serait flanqué de deux gardes du corps qui n’étaient pas au courant de l’opération mais qui avaient pour ordre de ne pas le quitter d’une semelle et d’exécuter immédiatement tous ses ordres, même et surtout ceux qui sembleraient inhabituels.
La presse, enfin, serait discrètement convoquée afin de ne pas perdre de temps et de bénéficier de photographies du tableau de chasse. On trouverait un bon prétexte pour les amener au château de Bertangles, siège de l’ état major de l’aviation alliée, lieu proche du traquenard. Il convenait de définir d’une date. Le 21 avril fut choisi car il fallait que, symboliquement, la mort officielle du Baron Rouge, soit annoncée le jour de la Saint Georges. Après il s’agissait d’une simple question d’organisation et de météo favorable. Il est fort possible que le traquenard ait été mis en place plusieurs jours auparavant mais que l’occasion favorable ne se soit pas présentée.
4. La Grande Chasse
Le fokker DRI rouge de Manfred von Richthofen
Le 21 avril au matin plusieurs escadrilles de bombardement britanniques et de nombreux avions d’observation furent déployées au dessus du front de la Somme entre Péronne et Corbie. Une multitude de gros coucous malhabiles prit donc l’air et remplit le ciel qui était parcouru par de petits nuages cotonneux : une magnifique journée pour prendre des photos ou pour balancer quelques bombes sur les tranchées et les rassemblement.
Des observateurs allemands remarquèrent que les avions étaient fort peu protégés et semblaient évoluer en toute impunité dans le ciel dégagé. Ils appelèrent immédiatement le commandement du » Cirque » afin de le prévenir de cette agitation inhabituelle. von Richthofen prit lui-même la décision de lancer toutes les escadrilles dans l’interception de cette force aérienne et prit lui-même le commandement de la Jasta 11.
Quelques minutes plus tard les avions multicolores que les alliés nommaient les « papagei » (perroquets) étaient dans le ciel et volaient à la rencontre de l’immense formation anglaise. Mais en se rapprochant de celle-ci ils constatèrent rapidement que les chasseurs britanniques étaient également de la partie et en très grand nombre. L’on à estimé le total des avions en l’air à ce moment à 30 escadrons ! Jamais bataille aérienne n’avait à ce jour engagé autant de protagonistes. Les Allemands rompirent donc leur impeccable formation pour engager les chasseurs et le ciel éclata alors en une multitude de combats individuels. Les Allemands se rendirent vite compte qu’ils étaient tombés dans un piège car la supériorité alliée était évidente et de nouveaux chasseurs vert olive à cocarde arrivaient de toute part. Von Richthofen engagea le combat mais celui-ci était d’une telle intensité que ses ailiés, qui étaient censés le protéger disparurent dans la mêlée. C’est au moment où il s’apprètait à rompre l’engagement qu’il aperçu un avion anglais, qui se trouvait au dessus de la mêlée, probablement désemparé et qui descendit, seul, en filant vers les lignes alliées sans aucune protection. Cette manœuvre étrange n’avait pu lui échapper. Son instinct de chasseur l’incita à le poursuivre, négligeant alors tous les conseils qu’il n’arrêtait pas de prodiguer à ses pilotes. Il tenait enfin sa quatre vingt unième victoire. D’autant plus qu’il avait été prévenu que l’Empereur avait donné l’ordre de le retirer du front pour l’affecter à l’instruction au combat. D’un jour à l’autre il attendait donc la fameuse mutation qui allait le mettre définitivement à l’abri et au repos.
Le Baron rouge vient de s’engager à la poursuite de « Wop » May
Il fondit donc vers le fuyard et lui envoya une rafale. Celui-ci effectua une figure étrange et le Baron se dit qu’il avait eu beaucoup de chance. Au moment où il allait appuyer sur la queue de détente de ses Spandau il entendit une rafale et une gerbe de balles passa au dessus de son avion.
Il regarda dans le petit rétroviseur rond qu’il avait fait installer et vit, derrière lui, une meute de britanniques dans des avions de dernier modèle, les fameux Sopwith Camel, réputés aussi maniables que le DRI mais plus rapide.
Leur seul inconvénient était leur armement plus léger que celui du DRI.
Mais il est rapidement suivi par Roy Brown couvert par deux ailiers qui volent en retrait et légèrement plus haut
Les trois avions vont bientôt être proches de l’eau. A chaque rafale il fit plonger son avion, les balles alliées manquant à chaque fois de toucher l’avion qu’il poursuivait, ce qui limita les tirs. De son coté il ouvrit plusieurs fois le feu sur ce maudit fuyard qui, étrangement le promenait maintenant au dessus du canal entre deux rangées d’arbres. Impossible de le toucher !
Il semblait que ses balles étaient attirées par l’eau dont le reflet acier le gênait considérablement. Tout au bout du canal, sur une butte, il aperçut une cheminée et pensa « ce sera mon point de mire si j’ai un problème » Et il tira à nouveau, l’avion poursuivi fit une embardée et rasa les arbres mais sans les toucher. Manfred Von Richthofen eut une sueur froide : ce n’était pas un pilote habituel mais un sacré professionnel bien rompu à des manœuvres acrobatiques.
Pas un novice ! Il eut probablement la sensation de s’être fait avoir.
Il entendit une rafale et se dégagea à son tour, les balles frappèrent l’eau dans une double gerbe qui s’écrasa sur ses lunettes à pans coupés. Il les essuya d’un revers de manche et retrouva la vision. Il se trouvait face à une muraille verte et ocre, le fameux Belvèdére Sainte Colette. Il vira brutalement à droite et fut étonné d’entendre les avions anglais s’éloigner sur sa gauche. Il n’eut pas le temps de réflèchir et sentit une terrible douleur, il poussa un cri et il vit, à quelques mètres à sa gauche, les flammes de plusieurs mitrailleuses. Touché, il prit la direction du point de mire : la cheminée.
La vue du Belvédère Sainte Colette du canal de la Somme : juste en face et au somment on voit la fameuse cheminée qui servit de repère au Baron Rouge (photo G.C.) pour son atterrissage forcé.
Il réussit à poser le DRI dans un champ raboteux juste à côté de la cimenterie se trouvant sur la cote 102 mais l’avion capota et son visage heurta violemment une des deux mitrailleuses Maxim. Il perdit connaissance.
« In Memoriam » Rittmaster Manfred Albrecht Freiherr von Richthofen
2 mai 1892 21 avril 1918. Le Baron Rouge
5. Reconstitution !
Le Fokker DRI du Baron Rouge tel qu’il se présenta en passant devant les mitrailleuses Lewis de Buie et Evans à 10H45
Reconstitution effectuée avec les conseils et photos de Georges Charles, mais malheureusement les avions sont représentés volant trop haut.
Au moment de l’impact un des mitrailleurs entendit un cri du Baron Rouge. Il sut que le baron avait été touché. Un témoin, Mc Diarmid, affirma que quelque chose de brillant avait, à cet instant, jailli du cockpit. Il s’agissait probablement des fameuses lunettes à pans coupés. A peine le Baron Rouge avait cessé de vivre qu’une multitude de militaires et de civils arriva sur le lieu à pied, à cheval et en voiture. Ce fut la grande kermesse. Les photographes redressèrent la plaque en tôle sur laquelle on l’avait couché et le clichèrent sous tous les angles.
La dépouille du Baron Rouge. Les blessures au visage et à la mâchoire sont probablement dues à l’atterrissage brutal.
la presse était déjà sur place alors qu’il était encore chaud. L’avion fut peu à peu dépouillé de sa toile, de ses instruments et termina en carcasse squelettique. On posa fièrement devant les fameuses mitrailleuses Spandau.
Des officiers britanniques examinent les fameuses mitrailleuses Spandau du Fokker DRI du Baron Rouge
Roy Brown, revenu de Bertangles avec plusieurs officiers était le seul à ne pas parader et eut beaucoup de mal à regarder son adversaire mort dont les yeux étaient encore ouverts. On maintenait à distance les australiens tapageurs qui voulaient prendre part au spectacle et qui revendiquaient déjà haut et fort leur victoire sur le pilote allemand. Roy Brown ne resta que quelques minutes et repartit l’air sombre et presque courbé en deux à cause de son ulcère qui s’était réveillé de plus belle.
La briqueterie Sainte Colette et la fameuse cheminée de la cote 102 point de repère telle qu’elle se présente de nos jours de l’endroit où est tombé Manfred von Richthofen le 21 avril 1918.
Une plaque commémorative est désormais installée à proximité de la briqueterie Sainte Colette
On ne vit pas Wilfrid « Wop » Mai qui avait préféré se reposer à Bertangles et rester seul. Ni les autres pilotes qui avaient pris part à cette opération et qui avaient été envoyés en permission exceptionnelle.
Le lendemain, veille de la de la Saint Georges, donc le lundi 22 avril 1918, des obsèques solennelles furent organisées à Bertangles en présence de nombreux officiers supérieurs. Des soldats rendirent les derniers hommages en déposant plusieurs gerbes » A leur valeureux adversaire » et tirèrent trois salves. Mais une fois de plus les aviateurs canadiens du Squadron 209 qui avaient pris part à l’opération ne participèrent pas à la cérémonie. Ni Roy Brown qui resta derrière les grilles du cimetière. Personne ne se posa alors la question du pourquoi et du comment des funérailles. Le Baron avait été tué la 21, un dimanche. Le 22 au matin il était mis en terre. Avec la présence de plusieurs journalistes et photographes car il fallait répercuter l’évènement et, surtout, l’officialiser dans la presse dès le lendemain.
Les photos d’époque montrent des officiers britanniques portant des couronnes de fleurs avec des banderoles de soie. Bel hommage à un ennemi vaincu. Sans être Sherlock Holmes, ni Conan Doyle, on se demande où Diable on a pu trouver des couronnes de fleurs avec ces rubans funéraires aux couleurs allemandes un lundi matin dans la Somme de 1918 ! Où la région était dévastée et en grande partie envahie, la plupart des villes bombardées à commencer par Amiens. On se rend compte qu’il fallait bien que cette cérémonie ait lieu, avec fleurs et couronnes, que la presse soit présente pour que le lendemain, mardi 23, le jour de la Saint Georges, fête du Roi George, le coup de massue soit porté sur l’Allemagne. Tous les journaux britanniques relatèrent l’évènement avec, pour certains, la photo des funérailles.
Un beau scoop bien agencé et bien organisé ! Avec gerbes et couronnes.
Le cercueil du Baron fut porté en terre dans le petit cimetière civil de Bertangles et les gens du village apportèrent aussi quelques fleurs de jardin et se recueillirent car c’était quand même un « monsieur » et un bon chrétien puisqu’il était Baron. Tout était donc pour le mieux dans le meilleur des mondes.
6. Mais que s’est-il réellement passé : de nouveaux éléments décisifs
C’est là où intervient Siegfried Missalla dans l’autre partie de la contre-enquête. Désolé c’est un peu plus technique et j’ai été obligé de résumer (note de G. Charles).
Il a tout d’abord disposé d’une arme redoutable : Geoportail (www.geoportail.gouv.fr). Elle offre, bien mieux qu’une mitrailleuse, la capacité de mesurer précisément toutes les hauteurs précises d’un terrain considéré ainsi que les distances exactes entre deux points précis. Il suffisait de reporter sur une carte les données du vol du Baron Rouge, parfaitement connues du fait de nombreux témoins et observateurs présents ce jour là ainsi que les emplacement des mitrailleurs qu’il s’agisse de Popkin de Buie et de Evans et de vérifier à quel moment et dans quelles conditions ils auraient pu atteindre l’avion de Von Richthofen.
Un des diagrammes en fonction des diverses positions de tir et du passage de l’avion de MVR. Où les lignes convergent l’impact est possible, en dehors de la convergence pas d’impact possible. Et cela implique donc, aussi, un certain angle.
Ce n’est ici qu’une illustration « pour l’exemple ». Mais l’étude complète de Siegfried Missalla est à disposition d’éventuels chercheurs.
Les données reportées sur une carte avec les emplacements de Popkin (rouge) de Buie (violet) et Evans (bleu) en rouge le vol du DRI la croix indique l’endroit précis de l’atterrissage forcé où le Baron Rouge a perdu la vie. Il y a plusieurs emplacements possible pour Popkin.
Une carte indiquant ce qui s’est passé le 21 avril 1918 vers 10H45. Il est à noter que Roy Brown et ses deux acolytes avaient déjà « joué les filles de l’air » et pris la poudre d’escampette, donc filé à l’anglaise !
Il en résulte une chose très simple, quelque soit son emplacement, Popkin n’a pas pu atteindre le Fokker. De plus l’angle de la blessure de MVR ne correspond pas à un tir effectué par en dessous et presque à la verticale. Par contre Buie ou Evans d’où ils se situaient ont fort bien pu atteindre l’avion. L’angle de tir interdit pourtant la blessure mortelle car l’angle est différent, et, coup de théâtre, le siège baquet du DRI 425/17, donc du dernier vol, exposé au Royal Canadian Military Institute à Toronto, ne présente aucun impact de balle. Il existait une ancienne photo très mauvaise où l’on pouvait deviner un trou. Mais vérification effectuée à Toronto par Manfred Missalla, l’oncle de Siegfried, le trou que l’on voit sur le siège est un trou de fixation. Ce qui est expliqué dans la notice située à côté du siège ainsi que sur les plans du constructeur.
la balle qui a tué le Baron Rouge est entrée à droite au niveau de la neuvième côte qui a été fracturée et est ressortie 1/2 pouce en dessous du mamelon gauche dans axe légèrement ascendant. Constatation effectuée sur le lieu par le Colonel Thomas Sinclair (encore un Sinclair !) et un certain Nixon. Elle a été confirmée par deux médecins militaires nommés Graham et Dows.
Les officiers Sinclair et Nixon ont, en outre, constaté que MVR était blessé aux jambes et au niveau du genou droit ainsi qu’au ventre, un peu sous le nombril, par une plaie en séton (probablement un éclat qui est rentré et ressorti sans causer de grave blessure). .
Manfred à gauche et Lothar à droite. Manfred porte les bottes en fourrure qui seront celles de son dernier vol le 21 avril 1918. La photo a nécessairement été prise avant le mois de mars 1918 car Lothar a été grièvement blessé.
La botte droite que portait Manfred von Richthofen lors de ce dernier vol. La légende explique « La botte en fourrure droite de von Richthofen qu’il portait lors de sa dernière patrouille. L’évidence du combat est démontrée par la présence d’un trou occasionné par une balle en haut de celle-ci ce qui permet de vérifier que l’as fut atteint par plusieurs balles » Photo War Memorial (Australie).
Exceptionnel ! Le dernière photo du baron rouge vivant juste avant son dernier vol du 21 avril 1918. Il est souriant et on lui ajuste ses fameuses bottes en fourrure qui recouvraient ses bottes de uhlan. Si on compare avec le document du dessus on voit nettement où la balle est pénétrée : juste au niveau du genou droit.
Cela accrédite l’hypothèse que Manfred von Richthofen fut contraint de se poser car, blessé à la jambe, il ne pouvait plus manœuvrer l’avion qui était commandé au niveau de la dérive par une pédale de pied.
Aucune de ces blessures n’étaient mortelles et se situaient toutes en dehors du fameux siège baquet. Ce qui l’a probablement incité à se poser dans un réflexe de survie car ses blessures aux jambes rendaient le pilotage incertain, et que son visage était tuméfié suite à l’atterrissage brutal, trois dents ainsi que la mâchoire du côté gauche était fracturées et une coupure sous la pommette droite. Les médecins ont également noté que les orifices d’entrée et de sortie de la balle mortelle ne présentaient pas de détérioration. C’est important car une balle de mitrailleuse ou de fusil occasionne des dégâts autrement considérables, notamment au niveau de la sortie. La balle qui a tué MVR était donc plus que probablement une balle à vitesse lente. Comme une balle de révolver ou de pistolet. La balle n’était pas ressortie de la combinaison du pilote ce qui semble indiquer qu’il reposait sur le sol au moment de l’impact.
Fadaises ! Dira-t-on. Mais que dire du siège que voici en exclusivité puisque personne n’avait visiblement cherché à le retrouver.
Le fameux siège baquet du DRI 425/17 du dernier vol du Baron Rouge conservé à Toronto. Photo Mandfred Missala.
Désolé mais le trou situé à l’arrière du siège servait à la fixation de celui-ci sur le fuselage.
Pas d’autre trace d’impact ! Et, à tout hasard, aucune trace de sang non plus. Ce qui est quand même quelque peu étrange puisque MVR avait été touché, voire tué, en plein vol !
Notice du Royal Canadian Military Institute de Toronto (Canada) concernant le siège baquet du DRI 425/17
La notice accompagnant le siège baquet attestant d’une part qu’il s’agit bien de celui du DRI 425/17 que pilotait MVR lorsqu’il a été descendu et affirmant de surcroit « The holes in the seat’s center are not bullets holes, they are mounting holes » « Les trous dans le centre du siège ne sont pas dus à des balles ce sont des trous de montage (fixation) »
Pour les sceptiques voici le plan de montage du siège sur le fuselage, les flèches rouges indiquent les points de fixation.
Nous nous trouvons onc désormais face à une balle fantôme ou virtuelle qui a transpercé le corps de MVR sans laisser la moindre trace sur le siège baquet sur lequel il était attaché. Il ne pouvait pas se pencher en avant à cause de l’exiguïté du cockpit et de la présence des deux mitrailleuses Spandau. Tous les experts en aéronautique militaire affirment qu’il est impossible de poser un DRI si on ne manie pas les commandes de l’avion. Il est trop instable. Si MVR avait été tué en vol le DRI se serait donc immédiatement écrasé au sol. Donc au moment de l’atterrissage MVR était nécessairement vivant. Blessé mais vivant. J’avais déduit qu’il était probablement décédé peu de temps après s’être posé dans un dernier réflexe de survie. Mais dans ce cas c’est le siège qui vient démentir cette hypothèse optimiste. Pas d’impact de balle, pas de sang. Donc pas de blessure mortelle. Un simple crash et probablement une perte de conscience.
Le DRI 425/17 du Baron Rouge en coupe transversale. On voit la position su siège baquet et l’exiguïté du cockpit Si MvR avait été touché au coeur en vol le siège comporterait nécessairement un orifice d’entrée de la balle. Or il n’en est rien.
Que s’est-il passé après ? Dans l’hypothèse d’un traquenard des officiers ont probablement apporté la solution adéquate. MVR prisonnier aurait accrédité la thèse de ce fameux traquenard et il ne le fallait pas. Une balle de Webley a probablement définitivement permis de clore l’affaire. « Case closed » conclut Siegfried Missalla que je remercie chaleureusement pour son apport redoutable à cette contre-enquête. Je remercie également son oncle Manfred (cela ne s’invente pas !) pour son aide.
Siegfried Missalla devant la tombe (actuelle !) de Manfred von Richthofen à Wiesbaden
7. Le choc
En Allemagne et chez tous ses alliés ce fut un choc immense. Le preux chevalier rouge avait donc été officiellement abattu par un inconnu qui ressemblait à un petit fonctionnaire à l’air triste et au regard absent. Tant au front qu’à l’arrière, sans que qui que ce soit ne l’ait demandé, ce fut une journée de deuil national et tous les drapeaux furent mis en berne. Dans les tranchées on se repassait les journaux sans trop y croire.
La troupe se méfiait des aristos et des Junkers mais respectait les pilotes et suivait leurs exploits et chacun avait en mémoire l’image d’un frèle jeune homme blond et souriant, plusieurs fois blessé et qui faisait son devoir sur le front au lieu de demeurer planqué dans un êtat major de l’arrière comme il aurait fort bien pu le faire depuis longtemps. Et qui ne manquait jamais de faire chanter son avion lorsqu’il passait au dessus de leur tranchées pouilleuses ni de leur adresser un signe amical. Ou même de leur envoyer quelques boites de saucisses et du tabac blond.
Les Anglais, toujours fair play, avaient survolé l’aérodrome de Cappy et balancé une magnifique gerbe de fleurs ainsi que quelques effets du Baron, comme sa Croix Pour le Mérite, le « Blue Max », afin qu’on puisse les remettre à sa mère et, surtout, pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur son sort. La Jasta 11, déjà fort éprouvée fut placée sous l’autorité d’un nouveau commandant, un certain Hermann Göring qui déclara que le Baron n’avait eu que ce qu’il méritait puisqu’il avait désobéi aux ordres qu’il avait lui-même donnés.
Ce sont à peu près les mêmes paroles que prononça Fonck quand il apprit que Guynemer s’était fait descendre ! Et il ajouta qu’il allait reprendre les choses en main. Les pilotes comprirent que quelque chose venait de changer.
Hermann Göring ou Goering (21 victoires homologuées) qui remplacera le Baron Rouge à la tête de « l’Escadrille Richthofen » On passe du baron-chevalier au reître.
A Londres « Quex » referma le dossier. Il était satisfait. La chance avait joué pour son camp. Il y avait une chance sur cent que le Baron Rouge morde à l’appât. Et il était tombé dans le panneau.
Il se tourna vers Sir Mansfield Smith-Cumming et dit simplement « La pièce vient de se terminer et le rideau est tombé, il est probable que certains se poseront des questions mais elles porteront uniquement sur la polémique entre les pilotes et les mitrailleurs et contrairement au théâtre il n’y aura ni rappel ni critiques. Cette opération n’aura pas permis de gagner la guerre mais elle aura contribué à la victoire des alliés en affaiblissant le moral de l’ennemi au bon moment. Et c’est cela seul qui compte, le reste, comme dirait Churchill, n’est que bagatelles « .
Smith-Cumming eut un sourire fatigué, posa sa pipe, et marmonna »En effet, Sinclair, cela seul compte. Il faut parfois savoir fermer les yeux et penser à l’Angleterre ».
8. Et alors ?
Il s’agit, bien évidemment, d’une autre vision des choses et il est préférable, bien évidemment, de ne se poser aucune question et d’avaler la version « officielle » surtout lorsqu’il n’y a jamais eu de version officielle. La seule polémique comme le prévoyait Hugh « Quex » Sinclair eut lieu entre la version des aviateurs et celle des mitrailleurs. On attribua tout d’abord la victoire à Roy Brown puis on la partagea, ensuite, avec Buie et Evans à la suite de leur réclamation et des faits qu’ils exposèrent. Quelqu’un évoqua le fait que le Baron Rouge avait probablement été tué, au sol, après son atterrissage. mais on balaya cette hypothèse absurde d’un revers de main dédaigneux et d’un sourire méprisant. Actuellement on invoquerait le « conspirationnisme » dont il faut préserver nos chères petites têtes blondes.
Et on en resta là préférant invoquer le hasard d’un coté ou la malchance de l’autre. Murphy a bon dos. On trouva normal qu’un novice, May en l’occurence, ai pu échapper, par hasard encore, au Baron Rouge l’homme aux quatre vingt victoires.
Celui-ci, après la guerre retourna au Canada et continua à organiser des meetings aériens et des exhibitions acrobatiques. Drôle de novice qui était par ailleurs lieutenant directement placé sous les ordres du capitaine Roy Brown qu’il connaissait parfaitement pour avoir, tous deux, fait partie de la même promotion d’école de pilotage. Et qui abattit sept avions en trois semaines d’avril à novembre 1918. Au rythme de un par mois.
On trouva normal que quatre pilotes alliés cessèrent tout à coup de poursuivre un seul avion qui avait déjà probablement été touché et rompirent le combat alors que leur supériorité numérique était évidente. En toute autre circonstance cela aurait immédiatement valu le conseil de guerre.
On trouva normal que la presse fut presque immédiatement sur le lieu où le Baron Rouge avait été descendu alors qu’on était en pleine guerre. Habituellement les militaires n’aiment pas trop la presse et encore moins les photographes. Et que la cérémonie d’inhumation qui eut lieu le lendemain matin, un lundi, fut abondamment fleurie de couronnes avec des rubans mortuaires à la gloire du « valeureux adversaire ». Les fleuristes de la Somme, pourtant dévastée, étaient alors d’une rare compétence et d’une extrême célérité.
On trouva normal que des mitrailleurs qui auraient du se trouver à quinze km de là aient pu prévoir ce qui allait se passer et aient été dotés de mitrailleuses non réglementaires et trafiquées. Et qu’à l’endroit où ils étaient placés, au dessus des étangs de Vaux, ils étaient parfaitement inutiles puisque le front allemand se trouvait ailleurs et qu’aucune attaque terrestre ne pouvait y avoir lieu. Le belvédère Sainte Colette, suivant les plans d’Etat Major, ne se trouvait même pas en troisième ligne dite « de repos ».
On trouva normal que cette affaire ayant finalement été réglée on ne trouve aucun objectif au déploiement de bombardiers et d’appareils d’observation au dessus d’un secteur calme du front. Ils étaient sortis, comme ça, pour rien et probablement pour de rire comme disent les enfants.
On trouva normal que personne ne se pose la moindre question et que le plan de vol décrit dans les commentaires et sur les plans de la reconstitution ne corresponde aucunement à la réalité puisque les témoignages d’époque des protagonistes et des témoins visuels attestent que les avions volaient presque au ras du sol et non en plein ciel comme on a tenté de le faire croire et comme ont tente encore de le faire croire dans des illustrations récentes.
Pourquoi ?
Simplement par paresse, par facilité, par conformisme, par habitude et un peu par lâcheté puisqu’il faudrait contredire la thèse habituellement admise et qui, nécessairement, fait force de loi. A cause ou grâce au politiquement correct. Parce qu’avant la contre-enquête personne ne s’était rendu sur place pour vérifier, de visu, les hypothèses en cause, sauf quelques touristes allemands ou canadiens. Les « autorités compétentes » ont d’ailleurs fait apposer, récemment, une plaque commémorative à la cote 102 près de l’usine où est tombé le Baron. Et parce que le Baron Rouge a été mis à toutes les sauces et est une bonne image marketing pour vendre de tout et n’importe quoi, il suffit de le constater sur le Web. Le dernier poilu étant disparu la mémoire doit maintenant s’éveiller. De la chrysalide il faut passer au papillon. Et cent ans, un siècle, après, jour pour jour, avoir une pensée pour cet aviateur hors pair qui fut, certe, un ennemi redoutable mais qui est aussi un symbole éternel : celui de la jeunesse sacrififé au profit de ceux que la guerre a toujours enrichi et pour qui la vie humaine ne compte pas.
La capuche de vol du Baron Rouge – le chaperon rouge – « Mère-Grand comme tu as de grandes dents ! » »C’est pour mieux te croquer mon enfant ! » Il n’y a que les enfants naïfs et les historiens pour croire aux Contes de Fées ! C’est bien pour cela qu’il est question de pédagogie. La pédagogie c’est littéralement « enseigner aux enfants » (paîdos en grec ancien signifie « pas de poils » !). Ils ont un peu tendance à nous prendre pour des gamins et à nous raconter des fadaises. Et généralement ça marche bien.
Et au hasard.
« Ma conscience est une brave fille avec laquelle j’ai toujours eu quelques arrangements »
« En temps de guerre la vérité nue doit toujours se dissimuler derrière quelques épais nuages »
« La première victime de la guerre est la vérité
La seconde victime de la guerre c’est les Dix Commandements » Winston Churchill qui dirigea activement le MI6 pendant toute la durée de la seconde guerre mondiale.
Sir Archibald Sinclair et Sir Winston Churchill en 1917 sur le front de la Somme
« Tout l’art de la guerre réside dans la duperie » Sun Tzu Les 13 chapitres de Sun Tsu (Sunzi) furent traduits en anglais par Charles George Gordon alias « Chinese Gordon » alias « Gordon Pacha » le maître à penser de Lawrence d’Arabie. Celui dont la devise était « Fortitude ans Faith » « Courage (bravitude !) et foi ».
La prestigieuse décoration allemande « Pour le Mérite » – en français dans le texte ! Les aviateurs la nommaient « Blue Max » en la mémoire de Max Immelman, l’Aigle de Lille. Mandred Von Richthofen la portait sur son uniforme en dessous de sa combinaison de vol . Elle fut renvoyée à sa mère avec quelques effets personnels par les Anglais toujours très « fair-play ».
9. La fin étrange du film Allemand « BARON ROUGE »
DE NICOLAI MULLERSCHON
Le samedi 15 août 2009 Canal + à programmé à 20H45 le film « Baron Rouge » de Nicolaï Mullerschön (Der Rote Baron – 2007). Ce film est inédit sur les écrans français et était plus probablement destiné à un public germanique et éventuellement anglo-saxon. Surtout saxon. Le Baron Rouge y est interprété par l’acteur allemand Matthias Schweighöfer et Roy Brown par le ténèbreux britannique Joseph Fiennes.
Matthias Schweighöfer dans le rôle du Baron Rouge
Quand on demanda à Ernst Udet (60 victoires) de devenir conseiller technique pour un film sur le Baron Rouge dans les années trente il répondit sêchement « von Richthofen est trop grand pour Hollywood ». Et il aurait eu d’autant plus raison pour cette version allemande !
Il y est surtout question de l’intrigue sentimentale nouée entre le Baron et son infirmière Käte Otersdorf reprenant, en quelque sorte, le thème du « Crépuscule des Dieux » (The Blue Max – 1966) où Georges Peppard tombait amoureux de Ursula Andress. Mais on est quand même à des années lumières du soufle épique qui animait ce film qui alors ne bénéficiait pas des effets spéciaux numériques ! En fait tout le film de Mullershön est basé sur une photographie où on voit Mandred Von Richthofen, la tête bandée, en compagnie de cette infirmière belge d’origine allemande, assez jolie de surcroit. (voir la photo plus haut car elle est reproduite !)
Photographie qui fut largement diffusée à l’époque car certains insinuaient assez lourdement sur le fait présumé que notre fameux Baron Rouge préfèrait les amitiés particulières. Mars without Vénus ! »Nobody is perfect » comme aurait dit Chinese Gordon. Quoi qu’il en soit notre Baron finit, dans ce film, par ressembler à un caniche entiché d’une sufragette. C’est le coté « romantique » de nos amis d’outre-Rhin. Il suffit juste de regarder les photos d’époque pour se rendre compte qu’entre Schweighöfer et Von Richthofen il existe une petite différence pour ne pas dire un abime difficile à combler.
Il est trop mignon le petit baron !
On n’est pas tout à fait sur le même romantisme ! Passons allégrement sur les invraissemblances historiques qui font rencontrer Richthofen et Brown, lequel joue les beaux ténébreux à la Maximillian Schell, sur la caricature volante de Hawker barbu obèse et braillard dont l’avion se retrouve affublé de « la mort qui fauche » emblème de l’escadrille française SPA 94, sur les décors loufoques des avions de la Jasta 11 et sur le fait que le metteur en scène ait cru bon, ou « romantique » d’affubler les pilotes allemands de tenues de repos dignes de ceux de la RAF pendant la Bataille d’Angleterre (Certains Allemands ne s’en sont jamais remis d’avoit été battus par des blondinets pas rasés aux pulls troués aux manches et mâchonnant des pipes de bruyère tout en buvant du thé avec des scones tartinés à la confiture de myrtille pour accroître leur acuité visuelle !).
De là à entretenir un vieux complexe il n’y a qu’un pas visible dans le film. Passons. Passons également sur le fait que certains Allemands d’aujourd’hui, toujours les mêmes, se sentent toujours obligés de préciser, lourdement, qu’il existait même, à l’époque, des pilotes juifs dans la RAF. Comme si nous en doutions encore un seul instant. Il suffit de se rappeler des exploits de Wilhelm Frankel, Juif de son état, mais l’un des plus grands as allemands de l’époque, titulaire du Blue Max, pour s’en persuader simplement. Il devait même y avoir, peut-être, quelques pilotes catholiques, protestants, agnostiques, athées, francs-maçons, rouquins, gauchers !
Mais si le film avait été américain il est probable que nous aurions eu droit à un co-équipier noir ou Porto-Ricain !
Joseph Fiennes dans le rôle de Roy Brown. Le beau ténébreux viendra-t-il à bout du petit blondinet ?
Donc ne nous plaignons pas trop. Le film est sorti en salle, en Allemagne, le 31 mars 2008, juste avant le 90eme anniversaire de la mort du Baron Rouge. Mais très étrangement le film fait l’impasse sur le « dernier vol du Baron Rouge » ! Donc sur la mort de Von Richthofen.
On voit le Baron partir pour ce dernier vol du 21 avril 1918. Puis Käte Osterdorf, la fameuse infirmière, venir se recueillir sur sa tombe accompagné de Roy Brown qui lui restitue l’écharpe blanche du Baron. Entre deux il y a un trou noir. Et le film conclut « La victoire a été attribuée à Roy Brown mais on ne saura jamais réellement qui a tué le Baron Rouge ! Ben donc !
»
Si j’étais juste un peu mégalo je me dirais « tiens, tiens, est-ce qu’une certaine contre-enquête n’aurait-t-elle pas quelque peu influé sur cette fin étrange où, pour une fois, la vérité « historique officielle » n’aura pas été imposée ? »
C’est probablement pour cela que le « dernier combat » aura été soigneusement évité car il aurait obligé à une remise en cause probablement dérangeante pour la morale de l’histoire.
Si il reste une raison, une seule, d’aimer ce film elle réside dans cette absence, donc dans cette porte ouverte vers une autre vérité ou du moins vers une autre réalité.
Pour retrouver la contre-enquête plus complète :
Georges Charles tient ici à saluer la mémoire de Sir Cecil Ronald Sinclair Officer RNAS (Royal Naval Air Service) Lt Cdr VC DFC – et de Fernande Sinclair-Charles, son épouse.
Sir Cecil Ronald Sinclair et Georges Charles La mémoire s’est transmise.