La bataille d’Abbeville ou l’histoire réécrite dans du béton
Par G.Charles
Le 25 avril dernier, en raccompagnant à la gare d’Abbeville un ami qui était venu me rendre visite j’ai eu la surprise en passant devant le monument commémoratif de la bataille d’Abbeville de constater que sur le mat le drapeau européen dominait le drapeau français. C’est pour moi une première. Je suis né dans l’immédiate après guerre, la seconde évidemment, et lorsqu’avec mes parents nous nous rendions dans la famille à Boulogne sur Mer, cette ville était encore à moitié en ruines car elle avait été bombardée et détruite à 95% par les Alliés. Boulogne était considérée par les nazis comme « Festung », c’est à dire forteresse, dans la zone rouge interdite, d’ailleurs rattachée à la Belgique. Elle comptait une garnison de près de 100 000 Allemands. Et était donc, pour les deux camps, un enjeu stratégique majeur. Et la plupart des Français avaient accepté ce sort et s’étaient réfugiés en périphérie, comme mes grands-parents à Neufchatel-Hardelot. Et alors flottaient des Drapeaux Français. L’Europe c’était les Boches et les Macaronis. Hitler et Mussolini. Mais aussi Franco et Salazar. Le Drapeau Français, tricolore, avait encore une signification. Mon grand-père, Georges Charles avait perdu la vie pour la France et pour les Alliés. Il s’était engagé chez les Britanniques, au SIS, en 1938. Deux ans avant que De Gaulle ne les rejoigne. Il a été fusillé au Fort de Bondues près de Lille, le 16 janvier 1944.
Cette vision du drapeau étoilé surmontant le drapeau tricolore a pour moi été un choc. Et j’ai donc décidé de rédiger cet article. Il n’a rien à voir, je le sais, avec le Kung-Fu et le Qigong et certains me le reprocheront comme ce coucou des Îles qui a pondu ses œufs dans l’ancien site grâce à un stratagème peu loyal. Dans quelques jours je me rendrai à Neufchâtel pour honorer sa mémoire devant la stèle qui se trouve devant sa maison. J’ai l’immense honneur d’avoir vu, de mon vivant, l’érection d’une stèle franco-chinoise au Mémorial du Xingyiquan à Shenzhou dans le Hebei. En Chine. Avec mon nom en français et en chinois. Mon grand père avait été quelque peu oublié sous le prétexte qu’il était « exogène » et qu’il travaillait principalement pour les Godons. Mais également pour les Polonais. Et cette stèle d’Hardelot a été érigée grâce à l’Association Opale Bunker History avec l’appui de la Mairie.
Le fameux monument commémoratif de la bataille d’Abbeville.
Le drapeau européen surmonte bel et bien le drapeau de la France. Nous sommes devenus une colonie allemande !
La partie gauche du monument : Une Croix de Lorraine et le texte suivant : Le 28 mai 1940 le Général de Gaulle commandant la 4eme Division Cuirassée passe à l’attaque et réduit la tête de pont d’Abbeville.
Le problème est que Charles de Gaulle, le 28 mai 1940, est encore colonel. Il ne deviendra « Général de brigade, à titre temporaire pour la durée de sa mission » que le 5 juin. Il devient en effet Sous-secrétaire d’État à la guerre. Et il part donc pour Paris le 1er juin 1940. Pendant la bataille. Quant à la Croix de Lorraine elle sera offerte, en juillet 1940, à la France Libre, à Londres, par le Vice Amiral Muselier. Elle figurait dans les armoiries de sa famille. On ne voit donc pas trop ce qu’elle fait là.
Le vice amiral Muselier qui offrit la Croix de Lorraine à la France Libre. Il était plus âgé et plus gradé que de Gaulle mais les Anglais détestaient la « Royale », donc la marine française. C’est atavique. Et Muselier était né à Marseille , brun de peau, noir de poil et très communicatif. Ils lui préfèrent donc de Gaulle, grand, imposant, et surtout issu de la « biffe » donc de l’armée de terre.
La partie centrale du monument avec trois casques, assez mal représentés, un casque britannique ou casque « Brodie », un casque français « Adrian » et un casque polonais « WZ31 » qui ressemble, de loin, au casque allemand. Entre temps les Britanniques ne font plus partie de la Communauté Européenne. Et un baratin sur « la patrie de la vie ». Quelle est donc cette fameuse patrie que nous devons tous ensemble défendre jusqu’au sacrifice ?
La partie droite du monument : Sous les 12 étoiles du drapeau européen, encore lui : En septembre 1958 Charles de Gaulle, Président de la République, scelle le réconciliation franco-allemande avec le Chancelier Adenauer et établit la tête de pont de l’Europe. Et encore, il n’y a pas de musique, ce serait probablement pas la Marseillaise mais l’hymne européen, alias l’hymne à la joie, alias la Neuvième de Beethoven. Qui, lorsqu’il l’a composée (c’était la dernière, heureusement) était malade, probablement d’une cirrhose du foie, mais on nous affirme que c’était génétique, sourd, acariâtre, misanthrope et misogyne. Le morceau en question a été officiellement adapté par Herbert Von Karajan pour en faire cet hymne. Avec des droits d’auteur que la famille doit toujours percevoir. Le seul petit problème est que Karajan a fait partie du Parti National Socialiste de 1933 à 1945. Il était donc un nazi. Et très apprécié par Hitler. Mais ce sont deux génies, heureusement. jJe propose pour remplacer cet hymne, Hôtel California de The Eagles. C’est plus conforme à la réalité. Un des auteurs compositeurs Don Felder résumait « Un club dont on ne peut pas sortir cela se nomme la mafia ».
Tout est dit. Mais peu de temps après il fout les Américains à la porte de la France et traite l’ONU de « zinzin ». On se doute de sa réaction au vu de l’Europe actuelle et de la perte de souveraineté de la France et du mépris de son drapeau !
Et la fameuse bataille d’Abbeville ?
Henri de Wailly, Officier français, historien, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet : Le coup de faux Copernic 1980 ; De Gaulle sous le casque – Abbeville 1940 Perrin (1990) ; La victoire évaporée – Perrin 1995… que j’ai eu l’honneur de rencontrer, cite un courrier de Joseph Kessel (auteur de l’Armée des Ombres et avec Maurice Druon de l’adaptation en français d’un chant russe transmis par Anna Marly « Le Chant des Partisans »)
« En tant que correspondant de guerre je n’ai pas suivi les combats des Divisions cuirassées en Basse-Somme. La surveillance idiote dont nous étions l’objet ne nous l’a pas permis. »
Voila qui est dit.
Cette bataille d’Abbeville, importante, est occultée par l’encerclement des armées britanniques et d’une partie de l’armée française à Dunkerque. Le presque totalité des divisions blindées allemandes est chargée de cet encerclement. Conscient de ce fait l’État Major français et le Général Prêtre décident une contre attaque sur Abbeville qui est le pivot de la manœuvre « en coup de faux » de Hitler et qui doit couper en deux les armées alliées et ouvrir la voie sur Gross Paris.
Et ce sont principalement les blindés qui sont mis à contribution. Près de 170 chars britanniques et des chars français dont les chars lourds de la 4eme DCR commandés par le Colonel Charles de Gaulle. Ainsi que des éléments polonais.
Près de 400 chars. En face, aucun char. Ils sont tous partis en catastrophe sur Dunkerque. La première partie de l’offensive se passe bien et les Allemands se replient abandonnant matériel et prisonniers. C’est un fait.
Mais rapidement les Allemands se ressaisissent et font preuve d’inventivité et d’initiative. Sous les ordres du colonel Wolf, cela ne s’invente pas, ils installent une importante batterie de DCA constitué des redoutables 88. Comme il n’y a pas d’avions alliés dans le ciel, le colonel donne l’ordre aux canons d’abandonner leur fonction de défense aérienne pour se transformer en antichars. C’est une première qui finira par être utilisée en Russie par la suite. Et c’est un véritable carnage.
De Wailly compare la bataille d’Abbeville à la bataille de Crécy (1346) qui s’est déroulée à quelques dizaines de km pendant la Guerre de Cent Ans. Les Français avaient un avantage numérique et une cavalerie supérieure à celle des Godons. Et une arme secrète : le corps des arbalétriers Genevois (et non génois !) les confrères de Guillaume Tell.
Mais un gros orage finit par détendre les boyaux des arbalètes réduisant de ce fait leur portée. Les cordes des arcs « Long Bow » avaient été mises à l’abri. Et les « maudits Godons » en profitèrent immédiatement, visant la cavalerie avec des flèches lourdes qui perçaient les armures. Devant les pertes le Duc d’Alençon décida de lancer la cavalerie en disant « Piétinez moi cette ribaudaille qui nous empêche la voie ! ». La ribaudaille en question étaient les mercenaires suisses qui utilisèrent leurs épées à deux mains et leurs hallebardes pour se défendre. Les Anglais médusés assistèrent à ce combat tout en continuant à utiliser leurs grands arcs.
Et ce furent les Saxons, armés de haches, de masses et de poignards, qui terminèrent le travail.
Et la bataille se termina par un désastre sans précédent.
A Abbeville ce furent les 88 qui remplacèrent les arcs. Et les chars furent décimés sur le fameux « billard » comme le nommèrent les survivants. Billard comme le jeu mais aussi comme dans une salle d’opération. C’est la caractéristique du plateau picard tellement plat que la route se confond avec un pli de la carte. Plusieurs chars lourds essayèrent de contourner le Mont Caubert, qui dominait le tout, pour prendre les canons à revers mais butèrent sur un fossé assez profond non indiqué sur les cartes. Plusieurs s’y empêtrèrent et les autres furent contraints de le longer et tombèrent à découvert sur la route menant à Abbeville où ils furent détruits. Aucun char ne put parvenir à approcher suffisamment les canons. Du côté français aucune artillerie sauf celle des chars.
De Wailly relate
» Les Allemands n’avaient pas de blindés mais des canons. Ils nous ont tiré au débouché comme des lapins. Cela a été un massacre. Il faut avertir tout de suite : nous n’arriverons absolument à rien si on ne déclenche pas immédiatement un tir d’artillerie sur les canons allemands ».
Le Lieutenant Colonel de Ham raconte, toujours cité par de Wailly
« Je fonçais expliquer aux Croisettes ce qui s’est passé là bas, on me fit monter l’escalier. Dans une pièce du premier, à droite, de Gaulle, seul avec un officier, est assis à une table. Je saluai et tendis mon papier. J’expliquai ce que j’avais vu. De Gaulle entra aussitôt dans une violente colère. Il criait, tapait du poing sur la table. Il était fou de rage. Il n’admettait pas que son attaque ait raté. Il a eu des mots très durs pour le 10eme Cuir. Des mots très durs pour tout le monde. Des mots terribles. Je maintins pourtant que les chars ne pouvaient pas déboucher tant qu’on n’aurait pas détruit les pièces qui les tiraient à vue. J’en venais, j’étais formel. » Mais de Gaulle continuait « C’est faux, criait il hors de lui, c’est qu’ils ont peur. Ce sont des traîtres. Allez leur dire de ma part. Foutez moi le camp ! »
Bonne ambiance.
Entre temps le colonel de Gaulle vient d’apprendre sa nomination en tant que sous-secrétaire d’État à la guerre dans le gouvernement de Paul Reynaud. Un homme froid, tiré à quatre épingles, ce qui lui vaut le surnom de « Colin froid mayonnaise ». Cette nomination prend effet le 5 juin.
De Gaulle, déjà en embuscade, derrière la brochette de civils dont « Colin froid mayonnaise » alias Paul Reynaud le 5 juin 1940 à Paris. Finalement il est le seul qui, par la suite, émergera.
De Wailly précise page 303 304 de De Gaulle sous le casque :
« Il se prépare maintenant à entrer dans son autre carrière qui va commencer, il le sait. A côté de cette grande perspective préparée de longue date, Abbeville n’est qu’une péripétie. Cette nouvelle entreprise va être sa première manifestation d’homme d’État. Elle est sa vocation, son « destin », dit-il avec une prescience qui impressionne. Tout ce qui touche à la 4eme DCR est maintenant subalterne…Avant l’aube du premier juin, accompagné du capitaine Nerot, il quitte Mérélessart…Sa première visite est pour Petit-Demange, son tailleur, auprès de l’École Militaire. Il quitte les galons et porte deux étoiles. »
L’affaire est jouée, pour ne pas dire dans le sac.
A Abbeville il a laissé son successeur se débrouiller puisque c’était le capitaine Nérot qui normalement devait se charger de la transmission. De Gaulle avait tenu trois jours, en trois heures l’affaire sera réglée à l’avantage des Allemands. Pour résumer la pétaudière, pas d’artillerie hormis celle des chars. Regardez en tête de l’article la photo du char anglais et vous verrez qu’elle n’est pas à la hauteur des 88 allemands. Pas d’aviation. Un seul avion français survolera les positions allemandes et sera accueilli par un tir nourri d’armes automatiques. Il fera donc très vite demi tour. Ce qui est comble car de Gaulle, suivant les préceptes des cours de l’Ecole de Guerre du Général Loiseau, préconisait le couple char avion. Il aura du se contenter des chars.
On connaît la suite, le gouvernement Reynaud se replie à Bordeaux emmenant de Gaulle dans ses bagages. Dans l’argot militaire de l’époque on les surnomma « les tournedos à la bordelaise ». C’est une recette classique avec une sauce au vin rouge, aux échalotes et à la moelle. Mais tournedos évoquait une sexualité particulière à ce que l’on nommait alors les « endoffés ». Terme qui, plus tard, sera à l’origine de l’endoscopie. Entre le colin froid mayonnaise et les tournedos bordelaise, cela évoque les interminables repas de première communion. Entre temps de Gaulle, devenu général, à titre temporaire pour la durée de sa mission, rencontre trois fois Churchill et une fois Pétain, à Bordeaux. La rencontre est orageuse. Et de Gaulle choisit de partir pour Londres d’où il lancera son fameux appel, le 18 juin, que très peu de Français entendront puisque la plupart sont sur les routes de l’exode. Mais il sera, heureusement, plusieurs fois réitéré. Et de Gaulle entrera alors dans la vraie histoire. La fameuse photo de son discours, en uniforme, devant un micro, montre une magnifique Croix de Lorraine à son revers. L’insigne ne sera créé qu’en 1941. Il était déjà en avance sur son époque.
Les deux principaux ouvrages de Henri de Wailly sur la Bataille d’Abbeville.
GC