Les Charmes Taoistes (3/5)
Mettre la théorie en pratique… et faire coïncider les buts et les moyens.
Si il est toujours possible, et relativement facile, de déplacer un meuble dans une pièce, d’ajouter dans celle-ci une plante verte, un aquarium ou une pierre décorative il est déjà moins aisé de proposer le changement d’affectation des pièces dans un habitat ou de convaincre les autorités locales de couper un arbre à tel endroit pour en replacer un à un autre endroit ou même de modifier la forme du toit d’un bâtiment administratif gênant la circulation des énergies célestes.
Il sera de même difficile de proposer le détournement d’un cours d’eau souterrain sous le prétexte qu’il perturbe les énergies telluriques d’un quelconque magasin qui ne réalise pas le chiffre d’affaire adéquat. Que dire, alors, du fait de raser une colline, de la déplacer puis d’en modifier la forme. Tout le monde n’est pas l’empereur de Chine qui demandait, dans son palais, de faire creuser un lac puis de créer une colline… ce qui se fit pourtant à Pékin avec cinq lacs et diverses collines artificielles dont la plus connue est la fameuse colline de charbon sur lequel le dernier empereur de la dynastie Ming, Zhongcheng, se pendit, en 1643, à un sophora planté par Kublai Khan.
Ci-contre : Charme des 7 étoiles du Nord
De plus, si certaines modifications demeurent assez faciles à réaliser, d’autres sont d’un maniement moins aisé. Prenons quelques exemples concrets. Si nous nous basons sur les » Cinq Orients « , eux même dépendant des » Cinq Mouvements » ou » Cinq Eléments » qui sont :
- A l’Est : le Bois, correspondant au petit Yang, à la couleur verte (bleu/vert), à l’énergie du printemps
- Au Sud : le Feu, correspondant au grand Yang, à la couleur rouge, à l’énergie de l’été
- Au Centre : la Terre, correspondant à l’équilibre Yin/yang, à la couleur jaune, à l’énergie de la canicule
- A l’Ouest : le Métal, correspondant au petit Yin, à la couleur blanche, à l’énergie de l’automne
- Au Nord : l’Eau, correspondant au grand Yin, à la couleur noire, à l’énergie de l’hiver
On peut facilement imaginer diverses combinaisons.
Si l’habitat est orienté de telle manière que l’énergie de l’Est fait défaut il est toujours possible de planter un ou plusieurs arbres dans le jardin, soit d’aménager un massif floral… si on ne dispose pas de jardin il conviendra de disposer de plantes vertes, ou mieux d’arbres miniatures (bonsaï ou leur équivalent) dans la maison. Il sera possible d’accroître l’énergie défaillante en utilisant des décorations ou des aménagements en bois : lambris, meubles, cloisons mobiles… et même de disposer des éléments décoratifs prenant le bois, ou par extension le végétal, comme modèle… peintures, estampes… les chinois utilisent à cet effet des calligraphies classiques désignant le bois (Mu) ou la forêt (Lin) ou des charmes taoïstes (Fu Lu) représentant l’énergie du Bois.
Si le Bois est, par contre, en excès il est possible d’utiliser le métal… pour restreindre physiquement le bois (coupe pure et simple… ) ou pour en limiter l’énergie en disposant divers objets de métal dans l’environnement direct, pièces de la maison, ou indirect. Il est également possible, dans ce cas d’utiliser l’élément de la Terre pour tempérer l’énergie du Bois.
Concernant l’Eau, le processus est à peu près semblable puisqu’il est possible de faire creuser un lac, un étang, une mare ou, plus simplement, de disposer d’une fontaine ou encore plus prosaïquement d’un simple aquarium… si tout cela est impossible un simple bol contenant quelques graviers colorés et que l’on remplit d’eau claire chaque jour peut faire l’affaire à moins qu’on ne préfère quelques estampes représentant une chute d’eau ou une calligraphie évoquant cet élément.
Cela est, par contre, moins facile pour le feu où il convient, on le comprend aisément, de plus jouer sur le symbole ou la couleur que sur la flamme. De nos jours il s’agit, par ailleurs et plus souvent, d’un excès de cet élément lié aux diverses perturbations électromagnétiques, lignes à haute ou moyenne tension, transformateurs, appareillages électriques que d’un défaut lié à une mauvaise orientation géographique. Notre civilisation souffre plus d’excès de feu et de métal (tout ce qui est synthétique est rattaché à cet élément !) que de défaut de ces deux éléments.
Il est donc possible en jouant sur l’orientation réelle ainsi que sur l’utilisation d’énergies liées aux cinq mouvements, utilisée également sous sa forme abstraite ou symbolique, de modifier l’état énergétique d’un lieu… et par contre coup de régulariser l’état énergétique de ses occupants ou usagers.
De ce simple fait qui est l’enfance de l’art du Feng Shui on comprend mieux l’utilisation de certains éléments considérés, à tort, comme uniquement décoratifs que sont les arbres miniatures, les plantes vertes (dont le bambou), les compositions florales, les instruments en bois… mais également les poteries anciennes (qui sont, comme leur nom l’indique, rattachés à la Terre)… les armes et instruments de métal (… dans les textiles, la soie est également attachée à cet élément)… les bassins, aquariums et autres bocaux ainsi que les éléments évoquant l’eau… donc très pragmatiquement le » liquide « … donc la fortune.
Si dans votre restaurant chinois préféré existe un tableau photographique animé représentant une chute d’eau n’en concluez pas immédiatement que le propriétaire du lieu est totalement dénué de sens artistique… il n’habite pas là mais utilise ce lieu pour » faire du liquide » et est peut-être, chez lui, amateur de l’art des Song ou des Tang.
De même pour l’aquarium qui trône à l’entrée du restaurant… le patron déteste peut-être le poisson mais sait que les » carpes d’or » (Jin Yu), nous vulgaires poissons rouges, apportent la fortune. Une carpe d’or (Jin Yu) dans un bassin (Tang) signifie mot à mot : » De l’or (Jin) en abondance (Yu) dans la maison (Tang) « . Si il ajoute une tortue (Gui) cela permet d’assurer la longévité de l’entreprise et de domestiquer les esprits pervers (fantôme se dit Gui ou Kouei … ). Lorsqu’on possède un Gui (tortue) et que celui-ci est satisfait les autres Gui (fantômes), trouvant la place occupée, passent leur chemin !
C’est souvent aussi simple que cela.
Lorsqu’on sait, en outre, que les énergies perturbatrices se déplacent en ligne droite il suffit de ne pas utiliser celles-ci ou de casser la perspective par l’usage judicieux de divers éléments… cloisons mobiles, plantes, carillons. Cela explique la présence de petits ponts à dos d’âne dans les jardins, de lanternes, d’allées sinueuses, de toits à bords remontants, de portes rondes… ect.
De même les Bagua (Pa Kua) ou » Huit Trigrammes » comportant un miroir sont un barrage exceptionnellement efficace contre ces énergies perturbatrices et autres Gui puisque lorsqu’ils s’y reflètent ils sont tellement terrorisés qu’ils s’enfuient au plus loin. Un terrain perturbé peut se traiter grâce, comme en acupuncture, à l’implantation de rochers à formes spécifiques… ou plus simplement en plantant des arbres aux endroits déterminés.
Il semble que ceci ne soit pas une théorie uniquement chinoise si on considère, en Occident, l’implantation de rochers, menhirs et autres dolmens, sur des lieux considérés de tous temps comme symboliques de la manifestation puissante de l’énergie tellurique (Carnac, Gavrinis, Stonehenge)… Comme en Chine il semblait exister une explication cosmique (calendrier des solstices et des équinoxes, phases lunaires et luni-solaires) mais également, ce qui est souvent oublié, une explication tellurique.
Ceci sans pour autant écarter une explication tout à fait humaine… sépulture collective ou tombeau de chef. Ce faisant il est probable que nos lointains ancêtres, experts en Feng Shui ou son équivalent universel, traitaient la terre en la puncturant suivant des canaux subtils à des endroits précis. Mais il est déplaisant pour l’occidental cartésien d’imaginer qu’un lointain ancêtre plus ou moins poilu en savait plus que lui et la majorité de nos scientifiques dans ce domaine de la géobiologie… donc de l’écologie.
Concernant la Chine ou le Japon ces traditions ne se sont jamais perdues et n’ont subies, très récemment, qu’une courte éclipse. Le cadre dynamique ou le directeur de société de Shanghaï, Hong Kong ou Sapporo trouve donc tout à fait normal et naturel d’utiliser un moyen efficace pour équilibrer son habitat, son lieu de travail ou son entreprise puisque cela fonctionne. Le fait que cela soit scientifique ou empirique ne lui pose aucun problème puisque le résultat est, généralement, là.