Les sociétés secrètes : la Triade
La société secrète chinoise comme institution du contre pouvoir…
L’Etendard de la Triade Hong Depuis des millénaires, et encore probablement de nos jours, la société chinoise prend modèle sur l’ordre confucéen donc sur un pouvoir unique et très fortement hiérarchisé.
L’empereur, ou celui qui est à la tête de l’état, donc de cette pyramide soit disant monolithique, est le représentant du « Mandat Céleste » (Tian Ming), principe essentiel et absolu, sans lequel la Chine serait un vaste chaos éclaté en de multiples factions rivales et livré à toutes les turpitudes. C’est du moins toujours ce qui a été affirmé depuis l’Empereur Jaune, Qin Shihuangdi, fondateur de la dynastie Qin en 221 avant notre ère. Cette dynastie, Qin se prononçant Tchin, a donné son nom occidental actuel à la Chine…
Par la suite quelle que soit la couleur de l’empereur, ou de ses successeurs, rouge pour Mao et gris pour Deng, le principe demeure intangible. Il se matérialise dans une bureaucratie omniprésente et toute puissante qui se veut et se doit la courroie de transmission entre ce « Mandat Céleste, le dirigeant en place, et la multitude du « Peuple aux cheveux noirs », donc les Chinois.
Rien ne peut être entrepris ni réalisé qui ne soit décidé ou autorisé par cette bureaucratie qui constitue donc un immense pouvoir d’encadrement et de contrôle des activités humaines de tout ordre : commerce, fiscalité, affaires militaires ou civiles, agriculture, justice, économie, religion, éducation, loisirs, rapports avec l’extérieur, rien ne doit et ne peut échapper à la sagacité des cohortes de fonctionnaires qui s’efforcent avant toute chose de conserver la cohésion de l’édifice. Cette cohésion se maintient grâce à deux facteurs apparemment contradictoires, l’interventionnisme et le conservatisme. Rien ne peut se faire sans qu’un ou plusieurs fonctionnaires interviennent mais cette intervention consiste principalement à vérifier que ce qui se fait ne met pas en cause l’ordre établi dans la société, reflet de l’ordre cosmique.
Il convient donc avant tout de consentir à effectuer de multiples efforts pour que surtout rien ne change.
Dans ce contexte très particulier la société secrète chinoise représente donc, en tant que seule opposition cohérente, une institution à part entière. Son but essentiel est, en effet, d’opposer à ce mandat céleste (Tian Ming) une « rupture de mandat » (Ge Ming) qui, habituellement, se doit d’aboutir à une révolution.
La très longue histoire de la Chine est donc émaillée de ces multiples « ruptures de mandat » occasionnées, avec plus ou moins de chance ou de réussite, par ces fameuses sociétés secrètes. Les romans populaires, souvent interdits par le pouvoir, comme les « Trois Royaumes », le « Voyage en Occident » ou « Au bord de l’Eau » ne cessent de s’y référer. Quelques sociétés secrètes qui révolutionnèrent la Chine… A coté des milliers de sociétés secrètes chinoises qui, justement, demeurèrent secrètes en agissant dans l’ombre, et parmi lesquelles on retrouve bon nombre de corporations, de guildes, de confrérie, de société d’entraide on trouve quelques sociétés secrètes beaucoup moins discrètes qui modifièrent le cours de l’histoire de la Chine ou, du moins, firent parler d’elles d’un bout à l’autre de l’empire ou du monde. Depuis le second siècle de notre ère…
Dès le second siècle de notre ère des praticiens taoïstes créent le Tianshi Dao (Tao des Maîtres Célestes), une organisation religieuse qui revendique la terre pour ceux qui la cultivent. Cela aboutit à la communauté des « Cinq Boisseaux de Riz » (Wudumi Dao).
Les biens de chacun étaient mis en commun et chaque famille devait fournir à la communauté cinq boisseaux de riz par an. De 190 à 215 cette communauté s’érigea en état dans le Sichuan et opéra une sécession de fait avec l’empire. Mao cita souvent cette communauté comme exemple bien qu’il poursuivit toujours avec acharnement les descendants des « Maîtres Célestes » et fit interdire les pratiques taoïstes.
A la même époque, sous les Han, d’autres taoïstes connus sous la dénomination de « Turbans Jaunes » créèrent le mouvement du Tao de la Paix Suprême (Tai Ping Dao).
En 170 ce mouvement fut à l’origine du soulèvement de la plupart des provinces orientales. Il fut réprimé mais aboutit à la chute de la dynastie Han. La guerre de l’opium et les Tai Ping
Peu après la guerre de l’opium (1840- 1842) Hong Xiuquan (Hong Sieou Tsiuan), à partir de la Société des Adorateurs de Dieu (Pai Chang Ti Houei) reprend le flambeau des Maîtres Célestes en lançant l’insurrection de la Grande Paix (Tai Ping). De 1850 à 1868 les Tai Ping, qui reprirent le nom des « Turbans Jaunes » firent vaciller le pouvoir impérial.
Cette révolution coûta à la Chine plusieurs dizaines de millions de morts et ne fut matée que grâce à l’intervention des puissances occidentales, France et Grande Bretagne en particulier, qui mirent en place plusieurs corps expéditionnaires dont » l’Armée toujours victorieuse » dirigée successivement par, l’américain Frederick Townsend Ward, le français Henry Burgevine, l’anglais John Holland et l’écossais Charles Georges Gordon.
Ce dernier se rendit célèbre sous le nom de « Chinese Gordon » (Gordon le Chinois) et obtint de l’empereur lui-même le privilège de porter la tunique jaune et la toque à plume de paon des mandarins de premier rang, donc des conseillers qui pouvaient directement demander audience à l’empereur ainsi que le titre de Titou (général commandant d’armée ).
Par la suite il se rendit encore célèbre, sous le nom cette fois-ci de Gordon Pacha, en défendant Khartoum où il fut tué en 1885.
Sociétés secrètes en Indochine et menées antifrançaises…
Les Pavillons Noirs…
Les derniers Tai Ping ayant échappé au massacre se réfugient dans la région de Canton où ils créent le mouvement des « Pavillons Blancs » et en Indochine ou ils se nomment alors « Pavillons Noirs ». Ces « Pavillons noirs » regroupent alors diverses sociétés secrètes vietnamiennes comme les Nghia Hoa (Justice et Concorde), le Thien-dia-hoi (Société du Ciel et de la Terre), le Luong-huu-hoi (Société des Amis) et le Nhon-hoa-duong (Groupe de Vertu et d’Equité) et entrent en rébellion ouverte contre les Français.
Cette révolte des Pavillons noirs durera jusqu’en 1916 et se terminera, le 14 février, une semaine jour pour jour avant l’attaque allemande sur Verdun, par l’assaut contre la prison de Saigon. La plupart des meneurs seront tués, les autres capturés et déportés. Plusieurs sociétés secrètes vietnamiennes dont le Phat-te (société pour la distribution des secours) continueront le combat contre les français puis les américains, jusqu’à l’indépendance.
Ces sociétés seront, ensuite, contraintes de s’expatrier dans la diaspora vietnamienne.
Le Lotus Blanc et le premier empereur Ming…
Toujours en Chine, la société du Lotus Blanc (Bailian Jiao) créée au XII e siècle en réaction contre l’occupation mongole des Yuan (1277 1368) et originellement composée d’une trilogie légendaire comprenant un patriarche bouddhiste, un maître initié taoïste et un poète ne cessa d’entretenir des révoltes contre l’envahisseur.
A tel point que le général Zhu Yuanzhang, d’origine paysanne mais issu du « Lotus Blanc », monte sur le trône et fonde la dynastie des Ming en 1368. Le caractère Ming, composé des caractères Soleil et Lune signifie « clarté », « illumination » et demeurera un des signes de ralliement des sociétés secrètes. Il demeure toujours présent dans le salut des pratiquants de Kung-fu Wushu (art chevaleresque ou « martial » chinois) lorsque le poing et la paume se rejoignent.
La paume représente le Yin de la lune et le poing le Yang du soleil. Les quatre doigts étendus de la main gauche signifient l’adage bien connu des sociétés secrètes « Entre les quatre mers tous les braves sont frères ». Le « Lotus blanc » sera, par la suite, à l’origine de multiples autres sociétés secrètes dont les fameuses Triades qui, à leur tour, lutteront sans fin contre l’envahisseur étranger. Les Corps de Justice et de Concorde ou la révolte des Boxeurs L’un des mouvements les plus significatifs de cette descendance est celui des Yi Ho Tuan (Corps de la Justice et de la Concorde) qui, à l’origine se nommait « Poing de la Justice et de la Concorde » (Yi Ho Quan) et se composait, comme son nom l’indique de plusieurs sociétés secrètes basées sur le pratique de l’ « Art du Poing » (Quan Fa)… c’est à dire de la Boxe Chinoise plus communément connue sous le terme de « Kung-Fu Wushu » (Réalisation dans l’Art de la Bravoure).
Ce qui valut à ce mouvement la dénomination plus occidentale de » Révolte des Boxeurs » – ou Boxers dans sa transcription anglo-saxonne à la mode de l’époque – donc des pratiquants de boxe. On y retrouvait donc :
la Société des Grands Sabres (Dadao Hui),
la Société des Huit Trigrammes (Bagua Jiao) pratiquant la « Boxe » du même nom,
le Baguazhang (Paume des Huit Trigrammes),
les Poings de la Justice et de la Concorde (Yi He Quan) réputés pour leur maîtrise du Style de Saholin (Shaolinji Jia),
la Société du Petit Couteau (Xiao Dao Hui) pratiquant les Styles du Nord (Peijia),
la Société de l’Elixir d’Or (Jin Dan Hui) axée sur les pratiques du Daoyin et du Taijiquan ainsi que sur la magie.
L’Ecole du Meihuazhang (Pieu de la Fleur de Prunier) a participé à cette révolte et fourni des effectifs nin négligeables. A l’origine les Yi Ho Tuan s’étaient donné pour but de « Renverser les Qing et de rétablir les Ming » (Fan Qing Fu Ming)… donc de chasser les Mandchous pour rendre le trône impérial à un empereur chinois.
Habilement manipulés par l’impératrice Cixi (Tseu Hi) et le Prince Duan, ils se retournèrent en fait contre les envahisseurs occidentaux et japonais et entreprirent le siège des légations à Pékin en 1900.
Les puissances mises en cause bombardèrent Pékin et envoyèrent un corps expéditionnaire qui écrasa le mouvement et contraignit l’impératrice à de nouveaux traités inégaux, exigeant une fabuleuse rançon en or qui mit la Chine à genou pour de longues années. Le vingtième siècle commençait bien.
Sun Yat-Sen le premier président de la République Chinoise et le Société des Aînés et des anciens… Ce que l’on sait moins, par contre, est que le fondateur de la République de Chine, Sun Yat Sen était lui-même issu d’une société secrète la Société des Aînés et des Anciens (Ge Lao Hui) et plus particulièrement de la Loge de la Ligue Jurée (Tong Men Hui) qu’il mit largement à contribution pour conquérir le pouvoir en 1911.
Son « modèle de gouvernement » fut calqué sur le fonctionnement de cette société. En 1912 il fut évincé du pouvoir par le génèral Yuan Shi-Kai qui, confucianiste acharné, n’avait pas de mots trop durs pour fustiger ces sociétés : Sectes vicieuses (Xie Jiao), sectes obscènes (Yin Jiao), pseudo religions (Wei Jia), sectes perverses (Yao Jiao), brigands sectaires (Jiao Fei), associations de brigangs (Hui Fei), tortues puantes (Fang Gui) etc étaient ses qualificatifs les plus poétiques pour les désigner. En 1914 la Chine fut encore secouée par le mouvement « Le loup blanc recrute » (Bai Lang Zhao Liang)qui se heurta aux troupes de Yuan Shi-Kai ce qui causa encore des millions de morts dans les provinces du Nord-ouest.
Mao et les Piques Rouges…
Malgré la répression, ou peut-être à cause d’elle, les sociétés secrètes jouèrent un rôle très important dans l’instauration du nouveau régime dont Mao fut, comme l’iceberg, la partie la plus visible.
De nombreux dirigeants communistes comme Zhude (Chuh Teh), la « Vertu Rouge », le chef de guerre de Mao; Wu Yuchang; He Long, Li Da Zhao, un des fondateurs du marxisme chinois, étaient issus de la Société des Aînés et des Anciens (Ge Lao Hui) et rallièrent d’autres sociétés secrètes à la cause révolutionnaire… un célèbre discours de Mao du 12 juillet 1936 se terminait ainsi » Faisons renaître l’ancien esprit révolutionnaire des Ainés et des Anciens. Nous désirons accueillir avec enthousiasme les chefs de toutes les « Loges de la Montagne » (les sociétés secrètes). Que les frères des quatre points cardinaux nous envoient des représentants pour réaliser avec nous notre projet de sauver le pays. Que les Aînés et les Anciens et tout le peuple chinois s’unissent pour abattre le Japon et sauver le Chine. Longue vie à la libération nationale chinoise ! ». On ne saurait être plus explicite. De nombreuses sociétés secrètes rejoignirent le mouvement révolutionnaire…
Le Tao de l’Unité fondamentale, qui se lisait aussi Voie de l’Unité Foncière (Yiguandao) qui représentait près de 30% de la population du Sichuan, mais également les sociétés descendant directement du mouvement des Yi Ho Tuan (Boxeurs) comme les Piques Rouges (Hong Jiang), les Epées rouges (Hong Jian), le Poing Rouge (Hong Quan) qui donnèrent à l’armée rouge son nom ainsi que de nombreux cadres.
Qu’on le veuille ou non, sans les sociétés secrètes Mao n’aurait jamais pu prendre le pouvoir. Et qu’on le veuille ou non, également, une fois au pouvoir il a réussi à s’en débarrasser et à en débarasser la RPC. Avec le retour du capitalisme sauvage et un peu avec l’exemple de la Russie ces sociétés secrètes semblent à nouveau vouloir occupper le terrain tant dans les mégalopoles, dans le milieu des nouveaux milliardaires, que dans les campagnes où elles profitent de l’exaspération des couches sociales défavorisées. Le Guo Min Tang de Taiwan et les sociétés secrètes qui retournent leur veste…
En face, les Japonais utilisèrent également les services de quelques sociétés secrètes comme la Société Hong des Cinq Continents (Wuzhu Hong Men) ou le Dragon Noir (Hei Long). Par la suite, jugeant avoir été trompées plusieurs des sociétés secrètes qui avaient amené Mao au pouvoir se tournèrent vers le Guo Min Dang de Taiwan. La Bande Verte (Qing Bang) puis le Yiguandao changèrent donc de camp peu de temps après la « libération » (Jiefang) et furent suivies du Grand Couteau (Daidao), des Lampes Rouges (Hong Gang), du Nuage Blanc (Baiyun Jiao), de la Dame au Boisseau (Doumutan) qui s’installèrent à Taiwan et dans la diaspora. Cela permit assez rapidement à la République Populaire de Chine de « dénoncer la collusion évidente entre les groupes contre-révolutionnaires liés au Guo Min Dang de Taiwan et certaines sectes antisociales et crapuleuses issues des anciennes sociétés secrètes ».
(Journal du Yangzi – Chang Jiang Bao du 15 mars 1952). Et quelques autres « Sectes » plus actuelles encore…
La résurgence actuelle des « sectes » comme la « Réalisation du Centre » (Zhong Gong) créée par un ancien métallo, Zhang Hongbao ou la « Roue du Dharma » (Falungong ou Falun Dafa ) comptant déjà des dizaines de millions d’adeptes procède, simplement, de cette longue tradition d’opposition par principe au pouvoir. Ceci est d’autant plus significatif que le terme chinois Jiao désigne tant une société secrète qu’un secte ou, tout simplement, un mouvement sinon une association de fait.
Il serait donc tout à fait possible de parler de la « secte » bouddhiste (Fojiao) ou de la « secte » taoïste (Daojiao) alors qu’il s’agit tout simplement du « mouvement » bouddhiste dans son ensemble ou du « mouvement » taoïste en tant que religion ! Pour être plus précis encore et plus direct il convient de signaler que le catholicisme se nomme en Chine Tianzhujiao, littéralement le « mouvement », ou la « secte », du Seigneur du Ciel…
Le Pape, comme le Dalaï Lama, ne sont donc, étymologiquement et suivant le dictionnaire utilisé par les sinologues, que des dirigeants, des patrons de « sectes » (Jiao). Une « Société » significative : la Triade C’est probablement grâce à Fu Mandchou et Bob Morane la plus connue des sociétés secrètes chinoises.
Il s’agit, en fait de la « Société du Ciel et de la Terre » (Tian Di Hui) mais qui pouvait également, suivant les circonstances, se nommer encore « Trois Eléments Réunis » (San He Hui), « Société des Trois Points » (San Dian Hui), « Porte de Hong » (Hong Men), « Famille Hong » (Hong Jia) – qui en cantonnais se lit Hung Gar, nom générique d’un fameux style du Sud de l’Art du Poing issu du Temple de Shaolin -, « Bande de Hong » ou « Bande Rouge » (Hong Bang).
Ces trois derniers noms démontrant l’attachement de cette société à la dynastie Ming et à son fondateur, un certain général Zhu Yuanzhang, dont le nom de règne fut Hong Wu, ce qui peut se traduire par le « Brave » ou le « Martial » sinon le « chevaleresque » Hong, sinon le « Guerrier Rouge ». Il était issu des rangs de la Société du Lotus Blanc (Bailian Jiao) l’une des plus anciennes sociétés secrètes avec les Tai Ping.
La légende raconte qu’il fut instruit au fameux Monastère de Shaolin dans le Hunan, près de Luoyang, qui fut le monastère qui reçut Boddhidharma, l’Illuminé, descendant du Bouddha et qui fut à l’origine profonde du Dhyana, donc du Channa et du Zenna, donc du Dhyan, du Chan et du Zen, excusez du peu !
Le Chan et le Zen. Shaolin est donc considéré à la fois comme le berceau du Chan, donc du Zen, et des arts « martiaux » d’obédience bouddhiste. Lorsque le Maître Funakoshi, à partir d’Okinawa introduisit le Karaté au Japon, il fit publier le plan du Temple de Shaolin comme preuve de sa bonne foi. Son école, le Shotokan est toujours la plus pratiquée dans le monde et en France.
Cette précision permet de situer d’entrer les rapports complexes existant en Chine, et par la suite au Japon, entre la philosophie, la religion, les arts « martiaux » et les sociétés secrètes.
Les membres de la Triade se définissaient comme » Une confrérie éternelle net immortelle dont les frères naissent et meurent ensemble dans le respect des forces de la terre et de l’énergie céleste ». On retrouve donc bien la triade Terre/Homme/Ciel chère à René Guénon !
Le serment juré de la Triade, que l’on signait avec son sang est encore plus explicite Le Serment de la Triade : Il fut dévoilé par le Congrès d’Etude Chinoise de Leeds en Juillet 1965 dont le thème principal fut les société secrètes…
Certificat d’appartenance à la Triade « Hong »
« Pourquoi désirez-vous entrer à la Triade ? »
« Afin de devenir un nouvel adepte au cœur d’airain qui désire être admis dans la Société du Ciel et de la Terre ». « Comment pouvez-vous le prouver ? »
« Par un quatrain qui dit : le cœur des évènements est encore brillant (Ming) car le soleil et la lune sont plein d’harmonie (salut avec le poing et la paume).
L’Univers s’étend au delà de ses quatre mers (étendre les quatre doigts de la main gauche) et reçoit les trois rivières (abaisser l’auriculaire de manière à ce que trois doigts seuls soient étendus).
Dans cette unité (abaisser les trois doigts étendus et relever le pouce) tous les braves sont frères (Frapper le poing et la paume).
Nous avons décidé de soutenir et protéger le trône de Zhu (premier empereur Ming) et de l’aider de toute notre puissance humaine. »
Triade plan symbolique de la « Cité des Saules »
« Pourquoi désirez-vous tant être reçu dans la Société du Ciel et de la Terre ? »
« Pour renverser l’usurpateur Qing (le mandchou) et restaurer le Ming. » « Comment pouvez-vous le prouver ? »
« Par un autre quatrain. Nous devons rétablir l’origine du Ciel Antérieur et examiner les principes de l’ancienne écriture.
Le Qing s’est emparé de notre bien. Nous rétablirons le Ming en nous conformant aux instructions du Ciel.
Nous nous soulèverons par un beau clair de lune et élèverons les Cinq Bannières de la Chine qui balaieront les treize bannières mandchoues. » « Quelles sont ces Cinq Bannières ? »
« Au Nord est le Guerrier Tortue Noir, à l’Est est le Dragon Vert, au Sud le Phénix Rouge, à l’Ouest le Tigre Blanc et au centre la bannière impériale Jaune de Wang ».
Triade : l’autel du rituel Hong « Comment avec vous acquis votre expérience de l’art du combat (Wushu) ? »
« Au Monastère de Shaolin j’ai appris l’art du Poing des Cinq Clans, le Hongjia (Hung Gar) ; le Tsaijia (Choi Gar) ; le Lijia (Li Gar) ; le Mojia (Mo Gar) et le Liujia (Lui Gar).
Ce sont les frères Hong qui ont eu le dernier mot. »
(Noms des principales écoles du poing issues du Shaolin du Sud… il est à noter que Hung Gar est toujours en bonne place. Il y a quelques années le Patriarche de ce style à Hong Kong a du se retirer officiellement et laisser sa place… en raison de ses activités au sein d’une société secrète très connue… Son successeur a été personnellement décoré par la Reine en raisons de « services rendus » à la Couronne Britannique.)
« Comment pouvez-vous conclure ? »
« Nous saluons le Ciel comme notre Père, la Terre comme notre Mère, le Soleil comme notre Frère, la Lune comme notre Sœur. Nous adorons l’autel des Cinq Ancêtres.
Toute la famille de Hong est pour nous comme les parents vénérés d’un même sang.
Nous jurons enfin de ne dévoiler nos rapports en aucune façon de ne jamais indiquer par quelque signe de doigt que nous connaissons la Triade.
Si nous manquions à ce serment puissions nous être déchirés en mille menus morceaux et jetés aux chiens. »
Triade Hong : cerfificat de paiement
Articles de Georges Charles sur le mouvement des Boxeurs en Chine
Article de Georges Charles sur le Mouvement Hoa Hao au Vietnam
Les Sociétés d’entraide en Chine…
Il est toujours très difficile pour un occidental, et probablement pour un chinois et les autorités chinoises, d’opérer une franche distinction entre société secrète par essence subversive et société d’entraide… ou confrérie ( Tong ou Tang). Tout le monde sait, par contre, que ce système d’entraide fonctionne depuis des millénaires puisqu’il n’existe officiellement ni caisse de retraite ni sécurité sociale.
Les individus ont donc toujours eu tendance à se regrouper au sein de très puissantes corporations qui jouent à la fois le rôle de syndicat, de société d’assurance, de conseil juridique et financier, d’agence matrimoniale, de banque privée et de société de protection. Le fameux système de la « tontine » qui consiste à jouer, chaque mois, le montant des pourboires laissés aux serveurs des restaurants et l’une des institutions gérées par ces « confréries ».
Chacun, du patron au plongeur en passant par la caissière peut ainsi gagner une somme confortable puisque le jeu peut regrouper plusieurs restaurants… ou plusieurs dizaines ou plus de restaurants, au bout de deux ou trois « gains » il est fort possible d’envisager l’ouverture d’un nouveau restaurant. La différence sera prêtée au taux légal le plus bas par la « confrérie », à condition que le restaurant accepte de se fournir exclusivement chez un « honorable commerçant » également « membre » de la « confrérie ».
Qui dit confrérie dit confrères et probablement frères. Heu, en chinois confrérie se dit « Tang » ! Cela explique des réussites exceptionnelles caractéristiques à la communauté chinoise et par extension asiatique.
« Quand la marée monte les gros bateaux montent… et les petits aussi » a-ton coutume de dire. Ce fait particulier explique également la richesse de certaines « Associations » (Hui) qui possèdent des sièges dont la façade est en marbre et en bronze. Elles gèrent, bénévolement, les avoirs de centaines de membres qui leur font une totale confiance et pour cause.
De la naissance au mariage jusqu’à la mort en passant par la vie professionnelle et familiale sinon des loisirs, ces « Sociétés » interviennent pour que le modeste individu d’origine chinoise ne se sente jamais isolé. Elles favorisent également le « petit commerce » et ce n’est un secret pour personne de savoir que le Chinatown du 13eme réalise pendant la fin de semaine un chiffre d’affaire identique aux Champs Elysées et grands boulevards réunis.
La différence fondamentale est que dans le Chinatown du 13eme les agressions contre les biens et les personnes sont extrêmement rares voire totalement inexistantes. La police se demande pourquoi.
Les quelques zonards qui se sont retrouvés badigeonnés de mercurochrome de la tête aux pieds savent pourquoi. Lorsqu’ils reviennent désormais au restaurant chinois on leur offre l’apéritif et le patron vient leur serrer la main. Tout est pour le mieux entre Terre et Ciel. A Belleville le problème est différent puisque les Asiatiques sont, au sein du quartier, en minorité par rapport à d’autres communautés. Il est probable que la communauté asiatique de Belleville en recherchant une meilleure intégration ait peu à peu abandonné les repères traditionnels et l’attache à ces fameuses et anciennes sociétés d’entraide jugées trop « chinoises » voire archaïques ou anachroniques et, ce faisant, ait peut-être un peu trop fait confiance aux instances officielles. Perdant une protection de terrain elles ont été victimes de rackets, d’agressions, de vols répétés, de menaces et d’intimidations que les pouvoirs publics ont du mal à faire cesser.
Sur les sociétés secrètes :
Comme de nombreux ouvrages de référence, ils ne seront pas facile à trouver mais demeurent indispensables et rarement égalés : Les sociétés secrètes en Chine présentées par Jean Chesneaux
Collection Archives Juillard (1965).
Ouvrage de poche fort complet sur ce sujet particulier. Les Chinois de la Diaspora – Les Chinois sans la Chine – par François Debré
Grand Document Marabout (1976).
Un autre ouvrage de poche qui actualise le sujet en présentant l’action de ces sociétés dans la diaspora récente. Les sociétés Secrètes en Chine par B. Fabre Editions Olliège Paris 1933.
Probablement le meilleur et le plus complet ouvrage occidental sur ce sujet.
Très recherché chez les bouquinistes. Sur l’influence actuelle des sociétés secrètes en Chine : Le volcan chinois par Ursula Gauthier collection Documents Actualité Editions Denoël (1998).
L’auteur est probablement la première occidentale à s’être penché sur le cas des sectes qui défrayent la chronique chinoise et à décrire les raisons de leur succès.