Les marques impériales ou mianhao
Georges CHARLES
De nombreux objets chinois anciens, bronzes, poteries, porcelaines comportent une » marque impériale » ou Mianhao (Mien Hao) (Mian : Ricci 3658 = année ; Hao : Ricci 1720 = dynastie, période impériale, règne). Cet usage qui prit naissance sous les Song au XIIe siècle se généralisa sous les Ming (1368 1644) et sous les Qing (1644 1911). Il se continue d’ailleurs de nos jours lorsqu’ils s’agit de » copies officielles « , réalisées par des manufactures d’état, ou de copies tout court, c’est-à-dire de faux.
La marque impériale ne constitue donc, en aucun cas, une garantie d’authenticité, pas plus d’ailleurs que des certificats de complaisance destinés aux touristes amateurs d’antiquités et de curiosités.
L’authentification d’une pièce ancienne ne tient donc compte de ce Mianhao qu’après un examen détaillé de nombreux autres critères.
Un véritable antiquaire spécialiste en art chinois examine donc la pièce tant en ce qui concerne la structure (Ti) : la qualité du matériau utilisé, son éventuelle transparence, le son qu’il rend lorsqu’on le frappe légèrement, par exemple avec une bague, le grain des parties non recouverte de glaçure, la profondeur du brillant qui n’est jamais superficiel dans le cas des pièces authentiques, d’éventuelles retouches ou réparations ; la forme (Xing) spécifique à chaque pièce et à chaque époque, incluant la forme générale de l’objet mais aussi son épaisseur et d’éventuels défauts qui sont autant de marques de fabriques caractéristiques de chaque artisan ; la sensation (Tang ou Ganjue) donc le décor qui représente la partie la plus superficielle de l’expression artistique, décor très répertorié tant dans les motifs que dans les couleurs ou le trait du dessin ; l’intention (Yi) qui définit l’objet utilitaire ou l’objet décoratif, l’utilitaire passant toujours avec le décoratif sauf, évidemment, pour les faux les plus notoires.
Cela inclut également la recherche de traces de vieillissement artificiel provoquant des moirures. Certains faux vendus très chers sont, en effet, laissés à » vieillir » dans une fosse à purin puis entassés dans des caisses qui sont transportées un certain temps afin de provoquer une usure artificielle ; l’esprit (Shen) qui est justement le Mianhao (marque impériale) reflétant la sensibilité artistique ou formelle (commande spécifique) de l’époque considérée et, enfin, » d’autre chose encore » (Hua) qui est indéfinissable mais lié, bien évidemment, à l’expérience et à la sagacité de l’examinateur. Contrairement à ce que l’on observe pour l’Occident (Palissy, Olivien…) les artisans chinois n’innovent pas mais demeurent dans ce qu’il est convenu de nommer le classicisme imposé par des règles admises par tous.
A certaines époques on reproduit certains motifs, certaines fleurs, certains animaux ou insectes, certains personnages.
En dehors de cette règle point de salut. En un mot comme en cent si c’est la période de la pivoine et du poisson rouge, le chrysanthème et le papillon sont suspects.
Et il en va de même des matériaux et des formes.
Chaque forme de bol correspond à une période spécifique. Bien évidemment il s’agit toujours d’un bol mais, en observant bien, son évasement peut changer ainsi que la surface de son fond. Il en va de même pour les tasses à thé et plus encore pour les théières.
Le thé des Song (en poudre comme dans cérémonie du Thé au Japon) n’est pas de thé des Ming (thé unique donc de grand cru) qui n’est pas le thé des Qing (thé mélangé et parfois parfumé). Cela implique donc des différences de couleur permettant une harmonie entre la couleur de la porcelaine et la couleur du breuvage.
Ceci est vrai pour l’art chinois destiné au marché intérieur. En ce qui concerne les productions effectuées pour l’extérieur, donc pour les barbares, il en va autrement puisque l’artisan, bien que recherchant la copie, ne peut s’empêcher de lui donner un petit air chinois. L’inverse est vrai lorsqu’il s’agit d’un artisan occidental copiant une pièce chinoise. Ce qui est évident dans les portraits l’est également dans la poterie ou dans la porcelaine. Le portrait d’un occidental effectué par un peintre chinois est toujours caractéristique puisque les règles de la peinture ou du dessin diffèrent.
Quoi qu’il en soit, ces marques Mianhao indiquent le titre de règne choisi par l’empereur, titre qui prend effet le jour du nouvel an suivant son accession au trône. Ces marques se composent le plus souvent de six caractères qui se lisent de droite à gauche et de haut en bas.
Le premier caractère, dans ce cas, est le plus souvent Da (Tai) ou » Grand « , le second correspond au nom de la dynastie Ming (Soleil et Lune) ou Qing.
Les deux caractères suivants correspondent au Nianhao de l’empereur, donc Kangxi (Kang Hi) (1662 1722) ; Yongzhen (Yong Tchen) (1723 1735) et les deux derniers, invariables, Nian (Fait) Che (Période). On peut donc lire, par exemple : » Da Qing Dao Guang Nian Che » c’est-à-dire : » Fait dans la période de l’empereur Dao Guang des Grands Qing « . La pièce dans ce cas est alors estimée entre 1821 et 1850.
Kangxi (Kang Hi) 1662-1722
Yongzheng (Yong Tchen) 1723-1735
Ces marques peuvent se présenter sous des caractères classiques (écriture chinoise récente des lettrés) mais, également, sous la forme de sceaux comportant donc une écriture ancienne dite sigillaire (l’écriture des sceaux). Ils se présentent alors sous la forme d’un cartouche reproduisant le sceau impérial spécifique à ces productions artisanales.
Ces marques peuvent se présenter sous des caractères classiques (écriture chinoise récente des lettrés) mais, également, sous la forme de sceaux comportant donc une écriture ancienne dite sigillaire (l’écriture des sceaux).
Ecriture sigillaire
Ils se présentent alors sous la forme d’un cartouche reproduisant le sceau impérial spécifique à ces productions artisanales. Cela laisse entendre, dans un cas comme dans l’autre, que l’artisan en question est agréé par l’administration impériale qui lui fournit le sceau en question. Lorsque ce n’est pas le cas, l’artisan n’en dispose pas moins de marques personnelles permettant d’identifier son travail.
Ces marques sont très diverses et peuvent représenter un animal (animal cyclique ou symbolique), un végétal (fleur, champignon magique ou Lingzhi) ou une figure symbolique (sapèque, brûle parfum, vase antique…).
Il peut également s’agir de marques d’atelier ou de manufacture ou simplement de formules bienveillantes de type » Bonheur et Prospérité « . Parfois il s’agit même de certificats d’origine et de destination » Fait par X pour Y » sans parler du très fameux » Che » (Tche) : » Fait par Ordre Impérial » qui n’engage personne et encore moins l’empereur puisqu’il s’agit d’une simple formule de politesse passe partout.
La lecture des Mianhao n’en est pas moins intéressante car elle peut donner, à priori, une indication utile. En effet, si dans un marché chinois, ou même dans une brocante française ou anglaise, on découvre une assiette portant le Mianhao de l’empereur Hongwou (Hong Wou) (1368 1398) pour un prix dérisoire, il y a des chances pour que ce soit une pièce authentique qui, alors, vaut une petite fortune, ou un faux produit sous l’empereur Yongzhen (1723 1735) dans l’une de ses manufactures impériales.
Dans ce cas elle vaut certainement beaucoup plus que vous ne l’aurez payée. Jadis les manufactures » officielles » de copies marquaient la pièce d’un sceau indélébile. Cette pratique a évidemment été abandonnée depuis belle lurette puisque dans bien des cas la copie s’accompagne d’un certificat de complaisance où la mention qu’il s’agit d’une copie n’est pas toujours explicite. On a, de fait, beaucoup moins de » chances » de se faire rouler dans un marché local ou dans une vieille boutique que dans une magasin » officiel » où ces vraies-fausses copies pullulent.
Mieux vaut acheter un faux Tang effectué sous les Ming qu’un vrai Ming, donc certifié, fabriqué il y a trois ans. Certains faux reproduisant des poteries Song ou Tang mais effectués sous les Ming valent donc beaucoup plus que la plupart des vrais Qing et probablement que des faux Ming officiellement certifiés ! Il y a donc, en quelque sorte, des vrais faux et des faux vrais. Précisons, enfin, que la première manufacture impériale des copies d’antique, donc des » copies officielles » date de la dynastie Song. Donc des environs de l’an mil. Sur ce plan, encore, nos amis Chinois avaient déjà une sérieuse avance.
NIEN HAO des MING et des Qing
Dynastie MING
Xuande (Siuan-Tö) 1426-1435
Chenghua (Tcheng-Houa) 1465-1467
Dynastie QING
Shunchi (Chouen Tche) 1644-1661
Kangxi (Kang Hi) 1662-1722
Yongzhen (Yong Tchen) 1723-1735
Quianlong (Quien Long) 1736-1795
JiaQing (Kia Tsing) 1796-1820
Daoguang (Tao Kouang) 1821-1850
Hsienfeng (Hien-Fong) 1851-1861
Tungchi (Tong Tche) 1862-1874
Guangsu (Kouang-Siu) 1875-1907