Charles George Gordon
CHINESE GORDON ou GORDON PACHA (1833 1885) » De la Chine au Soudan : un visionnaire » par Georges Charles
- Un officier sans peur et sans reproche
- Gordon au siège de Malakoff pendant la Guerre de Crimée
- Charles George Gordon en Chine : Chinese Gordon
- L’Armée Toujours Victorieuse.
- Gordon l’humaniste guerrier.
- Gordon et le jardin d’eden
- Le Golgotha et le Calvaire de Gordon à Jérusalem.
- Gordon Pacha et le Mahdi.
- Une épitaphe à la Cathédrale Saint Paul et une statue à Trafalgar Square.
- Les « amitiés particulières » de Gordon Pacha.
- La Chine et le dessous des cartes au Soudan
Un officier sans peur et sans reproche
Charles George Gordon alias « Chinese Gordon » alias « Gordon Pacha ».
Une exceptionnelle photo de Chinese Gordon en 1863
Il pose en uniforme de « Titou »
– Généralissime de l’Armée Impériale des Treize Bannières Mandchoues.
Derrière lui les étendards pris aux Tai Ping.
Cette photo servira de modèle à son portrait officiel
Toute ressemblance avec un personnage existant récemment ne serait que
pure coïncidence !
Et il ne s’agit pas d’un montage.
Georges Charles Gordon est né à Woolwich (G.B.) en 1833. Il est le fils de Lord Gordon Officier Commandant de l’Artillerie Royale.
La maison natale de Charles George Gordon à Woolwich
Après avoir été cadet de l’Académie Militaire d’Artillerie, il sort premier de sa promotion et est muté comme Second Lieutenant dans le corps de l’élite professionnelle de l’Armée Britannique, le Royal Engineers à Chattam dans le Kent. Ce régiment est chargé de recueillir sur le terrain, avant la bataille, des informations sur le terrain et sur l’ennemi et ses retranchements pour ouvrir la voie aux troupes d’assaut en faisant, notamment, sauter les ouvrages fortifiés et, si possible, de sécuriser le terrain.
Il se compose donc d’éclaireurs, de sapeurs, de nettoyeurs commandés par des officiers ayant le sens du renseignement et de l’aventure. C’est « le » régiment d’élite de l’armée professionnelle britannique. Ce régiment est donc, encore de nos jours, concernant l’armée britannique, le premier à être sur le terrain et à pénétrer en territoire ennemi. Ce fut encore le cas il y a quelques années au Kossovo ou en Irak où, lors d’une expédition franco-anglaise, il précéda la non moins fameuse Légion Étrangère.
Il fut donc, historiquement, à l’origine des corps spéciaux et fut mis amplement à contribution lors de la dernière guerre mondiale à l’occasion d’opérations sur le continent. Nombre d’entre-elles demeurent encore classées « For your Eyes Only » à l’équivalent de notre « Secret Défense ».
Ce régiment utilise habituellement les services discrets et efficaces des fameux Gurkas, des montagnards népalais qui utilisent avec dextérité leur fameux couteau recourbé, le Kukri. Et il est souvent appuyé par la non moins fameuse « Garde Noire » (Black Watch) composée de montagnards écossais des Highlands recrutés par le Clan Gordon au sein des Gordon’s Highlanders. La couleur très sombre de leur kilt est à l’origine de leur surnom.
Georges Charles Gordon commandera ce régiment pendant plusieurs années lorsqu’il sera devenu Général.
Charles George Gordon photographié en civil en 1882
Il est à noter que le socle de sa statue, à Trafalgar Square, porte sur le flanc droit la mention « Fortitude and Faith » (Force d’Ame et Courage) qui était sa devise préférée. Or, le terme « Fortitude » sera utilisé comme nom générique de la principale opération d’intoxication de l’Allemagne nazie concernant le débarquement allié en France.
Elle consistait principalement à inciter Hitler à croire que si un débarquement avait lieu en Normandie ce ne serait qu’un leurre chargé de dissimuler une opération plus importante devant se dérouler dans le Pas de Calais, à proximité de Boulogne sur Mer. De ce fait Hitler bloqua d’importants effectifs sur cette région au lieu de les envoyer en renfort en Normandie, rendant alors possible le débarquement allié. Ces renforts demeurèrent bloqués jusqu’en septembre 1944, preuve que l’opération Fortitude avait parfaitement fonctionné.
Nos amis Anglais se sont rappelés qu’en Chine, en Egypte et au Soudan, les stratégies de Gordon permirent toujours à un petit nombre de l’emporter sur la multitude et l’intelligence sur la force brutale. De son coté, l’opération Faith, demeurée ultra secrète eut pour but de protéger, à tout prix, la vie de Adolphe Hitler, pièce maîtresse de l’Opération Fortitude et sans lequel celle-ci n’aurait pu avoir lieu. En effet seul Hitler était en mesure de s’opposer à ses généraux qui lui demandaient à cors et à cris les fameux renforts pour la Normandie.
Elle eut également pour but de tenter de liquider, par tous les moyens, le Maréchal Rommel qui était le seul à pouvoir s’opposer à Hitler. Après avoir été gravement blessé lors d’une attaque aérienne anglaise soigneusement minutée il fut prié par Hitler, étrangement averti de sa trahison, de se suicider. Ce qu’il fit avec le révolver de son chauffeur que celui-ci avait oublié dans la boite à gants de la voiture qui l’emmenait à Berlin.
Il eut donc des funérailles nationales au grand soulagement de l’Etat Major allié. Fortitude and Faith permirent de gagner la guerre mais eurent un coût humain très élevé. De très nombreux réseaux de résistants français également « intoxiqués » par le débarquement dans le Pas de Calais et qui furent livrés à bon escient, de nombreux résistants allemands qui avaient pour but d’attenter à la vie de Hitler et qui alors devenaient plus qu’indésirables, de nombreux soldats alliés sacrifiés dans des opérations de diversion ou vouées à l’échec comme à Dieppe en 1942 (où il y eut plus de soldats et d’officiers tués en une seule journée que le 6 juin 1944 sur toutes les plages de débarquement ! Dieppe fut donc beaucoup plus meurtrier qu’Omaha Beach.), de nombreux civils tués sous les bombardements stratégiques dont le seul intérêt fut d’attirer l’attention des Allemands sur le Pas de Calais furent les conséquences dramatiques de cette stratégie où la fin ultime justifie des moyens inavouables.
Une partie du voile a été très récemment levée sur Fortitude, il demeure à encore abattre le mur qui se situe derrière le voile. Gordon aurait probablement aimé que cela fut fait puisqu’involontairement il fut mis en cause.
Gordon au siège de Malakoff pendant la Guerre de Crimée
Gordon, jeune officier breveté qui s’est spécialisé dans l’artillerie de sape, participe à la Guerre de Crimée et débarque en 1854 à Baklava. Il participe à diverses opérations sous le commandement de Lord Raglan dont l’assaut de Redan, le 18 juin 1854 et l’expédition de Kunbun. Après près d’un an de combat et de lourdes pertes dut tant à des maladies comme le typhus qu’à des erreurs stratégiques monumentales dont la fameuse « charge de la Brigade Légère » donne un aperçu, les troupes russes commandées par le Général Prince Alexandre Menshikov tiennent toujours en respect les troupes franco-britanniques.
Le siège de Sébastopol s’éternise.
Gordon à Malakoff : miraculeusement épargné par un boulet de canon. Sa carrière aurai tpu s’arréter à cet instant précis ! Début septembre 1855 Gordon est détaché auprès de l’Etat Major français du Général Pélissier et propose de détruire une importante redoute qui protège l’ouvrage fortifié de Malakoff. Sous un feu très nourri il parvient, avec des sapeurs du Génie, à investir la redoute et après un violent combat à la faire sauter.
La tour de Malakoff et à droite la brèche ouverte par Gordon. Grâce à cette action le 3eme Zouave peut se lancer à l’assaut et après un combat très violent au corps à corps à la baïonnette et à l’arme blanche le fort de Malakoff tombe aux mains de l’armée française. Ce qui permettra au Général Mac Mahonde de dire le fameux « J’y suis, j’y reste ! » Le verrou que constituait Malakoff ayant sauté, Sébastopol est rapidement investi ce qui met fin à cette expédition.
Le Troisième Zouaves prend d’assaut la Tour de Malakoff ce qui permet de terminer victorieusement le siège de Sébastopol et la guerre de Crimée.
C’est le Général Mac Mahon lui-même qui demandera à ce que Gordon soit décoré de la Légion d’Honneur et qui lui remettra sur le front des troupes franco-anglaises. Gordon avait alors 22 ans et c’était sa première décoration. Bien d’autres suivront !
Mais ce fait militaire révèle la personnalité extraordinnaire de Gordon qui sut toujours, lorsqu’il se sentait investi d’une mission, être là au bon endroit, au bon moment pour modifier le sens de l’histoire. Il réalisait souvent à lui seul ce qu’une multitude n’avait pu obtenir. Ce fut le cas en Crimée mais également, plus tard, en Chine, en Palestine, au Soudan.
Devenu attaché militaire auprès d’une commission internationale il séjournera en Turquie, en Bessarabie et en Arménie. Il revient en Angleterre en 1858.
Charles George Gordon en Chine : Chinese Gordon
Le sac du Palais d’Eté
Gordon recrute des soldats chinois qui lui seront toujours fidèles et qui le nommeront « Chinese Gordon » « Gordon le Chinois » !
C’est un des rares officiers britanniques qui parle et écrit couramment le chinois et qui s’intéresse de très près aux grands Classiques. Pour les Chinois de l’époque c’est le type même du Mandarin Militaire qui aurait pu être comparé à Wang Yang Ming. En 1860 Français et Anglais déclenchent une opération militaire qu’ils nomment « Guerre de l’Opium ».
Les occidentaux reprochent au pouvoir impérial chinois le promulgation de décrets interdisant la vente et l’usage de l’opium. Or la France et l’Angleterre par le biais de l’Indochine et des Indes sont les fournisseurs patentés de millions de Chinois qui s’adonnent aux paradis artificiels de la « boue noire ». Après avoir écrasé les armées chinoises ils s’installent donc à Pékin la « Capitale du Nord » non sans avoir préalablement pillé le Palais d’Eté de Palikao en octobre 1860. Lord Elgin, le commandant en chef de l’armée britannique charge Georges Charles Gordon, alors jeune officier, de superviser l’opération.
Il s’acquitte parfaitement de cette tâche et avec l’accord de Lord Elgin et du Général Jamin, commandant l’armée française, propose qu’une somme de 80 francs or soit allouée à chacun des soldats de l’expédition et qu’il soit constitué une réserve pour les officiers des deux armées à condition d’éviter le pillage individuel. Gordon se propose d’avancer les fonds et est évidemment fortement acclamé tant par les troupes que par les officiers.
l se charge personnellement de réaliser l’opération et de transformer les objets d’art en monnaie sonnante et trébuchant. Une partie du trésor de guerre part en France et en Grande Bretagne, l’autre est vendue sur place à des compradores chinois qui, au passage, tirèrent également un substantiel bénéfice dans la transaction. Cette opération économique, fort rentable, dont Gordon était le maître d’oeuvre, fut un modèle du genre ce qui n’empêcha d’ailleurs pas les troupes occidentales de saccager le palais d’été auquel les Chinois avaient déjà mis le feu en fuyant.
La mise à sac du Palais d’Eté
« Ce Gordon avait participé, en 1860, à la Bataille de Pékin, parmi les troupes franco-britanniques, à l’incendie et au sac du Palais d’Eté Yuanmingyuan ; c’était un gangster capitaliste de la pire espèce ; il admit lui-même « avoir détruit par vandalisme les richesses les plus précieuses »(La Révolution des Tai Ping – Editions en langues étrangères Pékin 1978)(P.145).
Mais cela permit surtout à Gordon de se faire connaître tant des instances militaires que des commerçants occidentaux et chinois qui reconnurent en lui un homme de parole, un organisateur né et un fin stratège.
L’Armée Toujours Victorieuse.
A la suite de cette défaite militaire la Chine Impériale fut contrainte de signer plusieurs « traités d’amitié et de commerce » en complément du Traité de Tientsin signé le 10 juin 1858. Ces traités permettent, bien évidemment, de reprendre de plus belle le juteux commerce de l’opium et de faciliter celui ci par l’ouverture aux occidentaux de seize ports dont Shanghaï et Hong Kong.
Mais ce commerce maritime et terrestre était fortement menacé par la révolution des Tai Ping qui s’étendait peu à peu dans le pays. Avec l’accord de l’Empereur Hsien Feng (Hien Fong ou Weng Tsung) les occidentaux constituent une armée de volontaires nommée « Alliance de défense sino-étrangère » et placent à sa tête un général d’infanterie britannique, John Michel.
Il est rapidement rejoint par un aventurier nommé Ward qui se vantait d’avoir été flibustier en Amérique du Sud. Ward recrute rapidement tout ce que le sud de la Chine comporte comme gens de sac et de corde avec l’assentiment et le support financier des grandes compagnies occidentales. Bien armée cette troupe remporte plusieurs victoires sur les Tai Ping et la jeune impératrice douairière Cixi (Tseu Hi) lui décerne le titre de « Armée toujours victorieuse ». Mais Ward pendant le siège de Tsehi en septembre 1862 est tué d’une balle en pleine tête.
Le Consul britannique de Shanghaï écrit « Je me sens navré et désespéré car ne sais pas comment lui trouver un successeur ». Plusieurs lui succéderont dont les Français Breton et Tardif de Moidrey, l’Anglais Holland qui seront rapidement tués. C’est un autre américain, ancien lieutenant de Ward, Henri Burgevine qui leur succède. Mais ses exactions et sa brutalité sadique sont telles que ses commanditaires finissent par le mettre hors la loi.
Tant et si bien qu’il finit par passer dans l’autre camp et rejoint les Tai Ping. Chez lesquels il reprend ses mauvaises habitudes à tel point que ceux-ci le livrent pieds et poings liés aux troupes impériales. Enfermé dans une cage de bambou il est ramené à Shanghaï pour y être jugé.
Sur le chemin la cage tombe opportunément dans une rivière et il se noie. Faute de trouver un nouveau volontaire et en désespoir de cause, les occidentaux décident alors de faire appel à un militaire de carrière et se souviennent de Gordon. Il accepte le contrat mais demande carte blanche.
Deux heures après sa nomination il passe en revue l’Armée Toujours Invincible. Contrairement à ses prédécesseurs, des aventuriers qui étaient fiers de l’être, il se présente en grande tenue d’Officier des Gordon’s Highlanders avec kilt, sporran, poignard kirk dans la chaussette et badine de commandement sous le bras. Il est accompagné d’un détachement de Highlanders et procède à l’inspection au son du tambour et de la cornemuse, accompagné par ses deux immenses chiens bergers Setters.
Les Chinois sont sidérés. Les occidentaux ne le sont pas moins.
Il vient se placer devant chaque chef de groupe, et, presque au contact, se met au garde à vous et salue comme à la parade puis serre chaleureusement la main de celui qu’il considère désormais comme un officier à part entière. Chinois et Indiens y compris.
Quelques mots pour chacun dans leur langue maternelle. Il en maîtrise parfaitement plus d’une vingtaine.
Peu à peu toute la troupe se redresse et présente les armes, fière d’être considérée non pas comme un ramassis de mercenaires mais comme des militaires. Il fait jouer la Marseillaise, God Save the King et l’Hymne Impérial Chinois dont il a réussi à retrouver la partition. A la fin de ce dernier les hourras retentissent de toutes part puis les troupes défilent impeccablement, lui rendant les honneurs.
Il baptise alors chaque régiment suivant la tradition chinoise des Quatre Animaux du Zodiaque, à l’Est le Dragon vert considéré comme l’infanterie, au Sud l’Oiseau Rouge considéré comme la cavalerie, à l’Ouest le Tigre Blanc considéré comme les troupes de réserve aguerries, au Nord la Tortue Serpent Noire considérée comme l’arrière garde.
Il ne manque que le Dragon Jaune à Cinq Griffes considéré comme la Garde Impériale. Il le remplace par une garde personnelle constituée de montagnards des Highlands recrutés par le Clan Gordon. A la fin du défilé il est déjà, pour tous, « Chinese Gordon « , « Gordon le Chinois ».
Non content de parler et d’écrire le chinois, il cite les grands classiques et, fait encore plus extraordinaire pour un blanc, il s’est attaché l’amitié et les service d’un jeune maître chinois déjà très renommé en la personne de Shen Zhureng (Shen Shaoxung), expert réputé en Feng Shui (géobiologie chinoise) et dans l’Art de la Guerre, auteur du « Shenshi Xuankong Xue » (Traité de l’Ecole des Etoiles volantes) qui demeure, encore de nos jours, l’une des ouvrages de Feng Shui les plus réputés en Chine.
Celui ci lui traduit et lui commente plusieurs versions des « Treize Articles » de Sun Tse (Sun Tzu ou Sunzi) ainsi que le « Traité secret de stratégie des Trente Six Stratagèmes » de Tan Daoji.
Sunzi ou Sun Tzu, le Maître stratège qui inspira Chinese Gordon
Au lieu de mépriser les conceptions chinoises Gordon s’en imprègne et les utilise au profit de l’Armée Toujours Victorieuse. L’utilisation rationnelle du terrain lié à la pratique du Feng Shui adapté à l’art militaire lui donne rapidement le dessus. Lorsque Hong et les Tai Ping utilisent des armes chinoises tout en voulant copier la stratégie occidentale, il utilise la stratégie chinoise la plus classique mais avec des armes occidentales.
Gordon inaugure la technique des Commandos qui restera une grande spécialité du corps des Royal Engineers
Il attaque de nuit et par le fleuve un campement Taiping
Il remporte alors de nombreuses victoires à Jiaoding, Qingpo, Ningpo, Jishan, Wusong, Liuhe. Entraînées par son exemple les troupes impériales commandées par le Taotai (Daodai) (généralissime) Li Hongzhang (Li Hong Tchang) (1823 1901) reprennent peu à peu le dessus. En mars 1864 voici ce qu’écrit Li au sujet de Gordon :
« Gordon a un savoir vivre et un comportement bien supérieur à ceux de tous les étrangers avec lesquels je suis entré en contact et il ne laisse nullement apparaître cette suffisance qui rend la plupart d’entre eux répugnants à mes yeux. En outre son allure militaire est splendide et il est direct et capable ! ».
Le Général Li écrivit une supplique au Trône, louant chaleureusement Gordon auprès de l’Impératrice Douairière. Celle-ci, au nom de l’Empereur, promulgua le décret suivant :
« C’est pourquoi nous sommes enclins à reconnaître les services exceptionnels de Georges Charles Gordon en lui accordant des récompenses exceptionnelles. Nous lui conférons le titre envié de Gardien du Trône, le marquisat de premier rang, perpétuellement héréditaire, la décoration de l’Ordre de la Plume de Paon à Deux Yeux, la fonction de Titou (Général de Corps d’Armée) et le droit de porter la Tunique Jaune en présence de l’Empereur ».
L’Impératrice Douairière CIXI au nom de sa Majesté l’Empereur de Chine
Le portrait officiel de Georges Charles Gordon en uniforme de Titou – généralissime – de l’Armée Impériale Mandchoue.
Il porte la tunique jaune réservée à ceux qui peuvent approcher l’Empereur de Chine, honneur exceptionnel auquel aucun autre occidental n’eut droit. Il est armé d’un sabre au fourreau de galuchat vert. Mais, sur la table, un pinceau indiquant qu’il écrit le chinois. « Wen Wu » – le pinceau et le sabre – Mandarin Civil et Militaire, ce qui en Chine, représente l’aboutissement des vertus confucianistes (Wen) et de la bravoure chevaleresque (Wou). Le portrait officiel de Georges Charles Gordon en costume de Titou atteste du fait exceptionnel qu’il portait cette tunique jaune que nul occidental avant lui, y compris les Jésuites invités à la Cour, n’avait jamais revêtue.
Cela étonne encore nos amis Chinois pour qui cette tunique jaune est le symbole le plus élevé dans la hiérarchie militaire impériale puisque celui qui la détenait pouvait demeurer armé en présence de l’empereur. Signe d’une confiance absolue. Le titre de Gardien du Trône était également la plus haute distinction militaire habituellement réservée aux officiers supérieurs de la Garde Impériale.
Le titre de Marquis (Hou) de Premier Rang représentait quant à lui une très haute distinction civile et permettait d’administrer au moins cinq Comtés. Il s’agit d’un titre nobiliaire perpétuellement héréditaire donc concédé par l’Empereur de Chine à la descendance directe ou indirecte du récipiendaire. Il ne cessera donc de fait qu’à l’avènement de le République de Chine en 1911.
Au même moment où le Marquisat de Yue, dont Wang Zemin (Wang Tse Ming ou Tai Ming Wong) était l’un des derniers représentants avec le Titre de Comte de Yue, cessera également d’exister. La fonction de Titou assortie à décoration de la plume de Paon à Deux Yeux correspondait, ou peu s’en faut, au titre de « Feldmarshal », titre qui s’obtenait sur le champ de bataille et non dans une école de guerre ou dans une antichambre ministérielle. Il est vrai que Gordon avait fait plusieurs fois preuve d’un courage insensé comme le jour où il était pénétré, seul et sans armes, dans les murs de Suzhou, la ville aux mille canaux, encerclée par son armée.
Il proposa tout simplement au « Cinq Rois » qui défendaient la ville de se rendre en échange de la vie sauve.
Et ceux-ci se rendirent le lendemain matin après l’avoir invité à partager un banquet et après avoir liquidé Tan Chao Kouang, le Prince Mou, qui refusait de capituler.
Gordon obtient la reddition de Suzhou
Les portes de la ville s’ouvrirent et Gordon reprit son chemin victorieux. Mais il apprit le lendemain que Li Hongzhang, ne respectant pas sa parole, avait fait exécuter les « Rois Coolies » et fait massacrer les 20 000 Tai Ping de la garnison. Gordon fou de rage, un révolver dans chaque main, revint parcourir Suzhou « à la recherche de ce bâtard d’asiatique ».
Chinese Gordon à la recherche de Li
Li ne dut son salut que dans la fuite. L’impératrice au courant de cet état de fait fit envoyer à Gordon une prime de plus de 10 000 taels d’or qu’il refusa mais finit par distribuer à ses soldats.Ceux-ci l’adoraient et respectaient son courage exceptionnel et sa parole sans faille. Les Chinois le considéraient comme une divinité de la guerre, un « Général Tigre Céleste » réincarné.
Ils relataient qu’au cours des combats les plus intenses il demeurait debout, son stick sous le bras et le cigare aux lèvres, n’utilisant que très rarement une arme mais encourageant chacun du geste et de la parole, omniprésent. Un jour voyant un soldat terrorisé et s’enfuyant devant une charge des Tai Ping, il l’agrippa, le retourna comme un sac et l’obligea à tirer, son fusil posé sur sa propre épaule, faisant office de bouclier.
Voyant cela les autres fuyards vinrent à la rescousse, arrêtant net la charge. Gordon repartit souriant comme si rien ne s’était passé. Mais en mars 1864 son invulnérabilité lui fit défaut et il fut néanmoins blessé devant Jintang.
Ce qui ne l’empêcha pas de continuer à donner ses ordres. L’Armée Toujours Victorieuse fut dissoute. Mais le premier juin de la même année le Roi des Tai Ping, encerclé par les troupes de Li dans Tchongchan, se suicida en avalant des feuilles d’or. La révolution des Tai Ping aura fait, estime-t-on actuellement, plus de vingt millions de morts.
Sans l’Armée Toujours Victorieuse et Chinese Gordon nul ne sait quelle aurait été la fin de l’histoire. A l’encontre de nos Amis Chinois, précisons un simple fait. Gordon est intervenu en Chine suite aux accords passés entre l’Empereur de Chine et la Grande Bretagne. Gordon était un officier britannique et il a donc obéi aux ordres de sa hiérarchie qui a respecté ses accords, donc la parole donnée. .
Il a été mis, ensuite, à la disposition de l’Empereur de Chine comme les accords signés le prévoyaient et il a aidé à sauvegarder le trône impérial ce qui était sa mission. Il ne s’agit donc en aucun cas d’un « mercenaire » mais bel et bien d’un officier dans l’exercice de ses fonctions. Ce qui est fort différent.
Gordon l’humaniste guerrier.
Gordon en grand uniforme avec ses multiples décorations gagnées sur le terrain, dont la Grand Croix de la Légion d’Honneur qui lui fut remise par la France pour son aide et son courage au siège de Malakoff pendant la Guerre de Crimée Ce fut sa première décoration, il avait 22 ans.
Gordon aurait probablement pu demeurer en Chine et y finir sa vie dans les honneurs.
Il préfèra rentrer à Londres où parallèlement à ses activités militaires il milita dans de nombreuses associations de bienfaisance, créant la « Milton Médicant Society » qui regroupa les mendiants et les défavorisés des bas quartiers et, pour la première fois, des « gens de couleurs » qui y étaient représentés officiellement. Il rencontra William Booth, fondateur de l’Armée du Salut auquel il apporta son appui inconditionnel ainsi qu’une partie de sa fortune.
Il aida à constituer la structure quasi militaire de cette organisation et lui apporta son crédit personnel auprès des autorités religieuses et politiques. Il soutint activement la « Native Rule » qui s’opposait à l’ordre colonial en Irlande, en Écosse, en Afrique du Sud, en Inde, au Botswana, en Rhodésie, au Soudan, en Palestine.
Dès qu’il le pouvait il se consacrait personnellement à l’éducation morale des enfants de ses soldats.
Gordon faisant la classe aux enfants de ses troupiers Il y consacrait beaucoup de son temps et ce n’est donc pas une affiche électorale !
Ce faisant il s’opposa officiellement à Gladstone qui, au contraire, défendait la « Home Rule », donc les colons au détriment des « indigènes ». Les prises de position de Gordon, notamment en faveur de la suppression totale et définitive de l’esclavage et de la traite des noirs en Afrique lui valurent de franches inimitiés dans le monde politique de l’époque.
En 1873, devenu quelque peu indésirable à Londres, il se rend pour un premier séjour au Soudan, alors sous protectorat britannique, où il accepte de devenir gouverneur général.
La légende de Gordon Pacha est toujours bien vivace ! Il s’emploie alors activement à pourchasser sans merci les trafiquants d’esclave et d’ivoire allant jusqu’à organiser plusieurs opérations meurtrières. Les hommes du désert le surnomment « l’Ange de la Mort ». Bien avant Lawrence d’Arabie, à qui il servira toujours de modèle, il s’habille en Bédouin, monte un dromadaire et parcourt le désert à la recherches des caravanes à la tête d’une troupe fanatisée.
Le légendaire Gordon Pacha illustre un paquet de cigarettes destiné à la troupe A l’époque on mourrait plus souvent sur un champ de bataille que du cancer ! Entre temps il s’est initié au Soufisme, parle et écrit l’Arabe classique, cite le Coran et ses hommes le nomment désormais « Gordon Pacha ».
Les trafiquants sont exterminés, les esclaves libérés. La plupart d’entre eux le rejoignent et constituent alors sa « Garde Noire Soudanaise » (Soudanese Black Watch). Il promulgue une loi interdisant l’esclavage et le trafic d’esclaves sur tout le territoire du Liban et y libère tous les esclaves. Il prend également parti pour les minorités noires chrétiennes et animistes qu’il protège des fondamentalistes musulmans.
Gordon Pacha – gravure sur bois – Soudan
L’imagerie populaire donne une idée de la popularité du personnage Le compositeur britannique Edward Elgar (Pomp and Circumstance) avait comme projet de lui consacrer sa Première Symphonie en 1898. Elle lui fut simplement dédiée.
Ce faisant il nuit évidemment très gravement aux intérêts divers tant des Britanniques que des Français et des Arabes particulièrement Egyptiens qui tirent de ces trafics de très nombreux avantages. Il est alors rappelé à Londres où il reprend de plus belle ses diverses activités humanistes sinon subversives. Il passe le plus clair de son temps et la presque totalité de sa fortune à créer et entretenir de nombreuses associations parfois révolutionnaires.
Il milite, évidemment, pour l’autonomie de l’Irlande et de l’Ecosse. Puis il décide de se rendre aux Indes où, après avoir commandé sagarde personnelle, il devient rapidement le secrétaire et le conseiller personnel du Vice Roi.
Charles George Gordon (au centre) aux Indes avec la Garde du Vice Roi Il y entretient de nombreux contacts avec les partisans déclarés de la « Native Rule », donc de l’indépendance.
Gordon et le jardin d’Eden.
Photos de Praslin et de la Vallée de Mai par Nicolas Bachet
En 1881 le gouvernement britannique envoie le Général Gordon effectuer une inspection de l’état des mesures défensives des Seychelles.
A l’armée on dirait qu’on l’envoie aller rechercher la clé du champ de tir ! Il ne s’agit pas, en effet, du mur de l’Atlantique mais d’un ou deux vieux forts censés protéger les Iles Seychelles d’une invasion ennemie. Probablement française ! A vrai dire Gordon est un peu dérangeant pour le régime car il possède la stature d’un héros mais met sa popularité au profit des classes démunies, ce qui pour un représentant de la Gentry, donc de la caste dirigeante au pouvoir, est assez provocateur.
Il a aidé à la création de l’Armée du Salut en fournissant le modèle de la structure de son organisation, toute militaire, ainsi qu’une importante donation. Mieux, encore, il a fondé la « Mandicant society » dont une branche soigne gratuitement les chomeurs et les mendiants qu’il incite, par ailleurs, a se regrouper en syndicats.
Du jamais vu.
Sherlock Holmes et le DR Watson font évidemment partie de cette société puisque Conan Doyle est un admirateur inconditionnel, on dirait actuellement un fan sinon un groopie de Gordon ! Son aventure chinoise est la cause de cette extraordinnaire renommée et Lawrence d’Arabie à avoué que Gordon était son maître spirituel et son modèle.
Il est donc intouchable.
T.E. Lawrence dit Lawrence d’Arabie disciple de Gordon dans de nombreux domaines. « Nobody is perfect ! » Il se tuera, d’une façon assez inexpliquée, sur sa moto près de Clouds Hills le 19 mai 1935, il avait alors 46 ans.
T.E. Lawrence (ce n’est pas Peter O’Toole mais le vrai !) en tenue de Lawrence d’Arabie.
L’envoyer faire un voyage aux antipodes et aux frais de la Reine est encore ce qu’on a trouvé de mieux pour l’éloigner de Londres ou de tout endroit où il pourait user de son influence qualifiée, on s’en doute, de pernicieuse puisqu’elle remet en cause le pouvoir absolu de l’Empire sur ses administrés. Gordon est, en effet, un de ceux qui soutient la « native rule » (favorable aux « indigènes » ) au détriment de la « home rule » (favorable aux institutions anglaises) et qui, dans une certaine mesure, prône l’indépendance ce qui a été remarqué lorsqu’il était le secrétaire particulier du Vice Roi des Indes.
Gordon (au centre) et la garde personnelle du Vice Roi des Indes en 1880
Charles George Gordon en civil – photo prise en 1880. Et pour l’instant on n’a pas trop besoin de lui sur un plan militaire ou stratégique. En arrivant aux Seychelles Gordon est séduit par ce qu’il y découvre et très particulièrement par l’Ile de Praslin et sa fameuse Vallée de Mai. Il s’agit d’un endroit extraordinnaire où le temps semble s’être arrété depuis des dizaines de millénaires et qui renferme plusieurs espèces endémiques donc le fameux « coco de mer » (lodoicea maldivia) qui a la particularité de produire la plus grosse graine du monde végétal que l’on nomme « coco-fesse » en raison de sa forme très particulière.
Mais aussi un perroquet noir qui, s’il n’est pas aussi esthétique que ses cousins bigarrés, n’en est pas moins rare (photo Nicolas Bachet).
Le fameux perroquet noir des Seychelles (photo Nicolas Bachet)
Un autre oiseau du Jardin d’Eden de la Vallée de Mai (photo Nicolas Bachet) Il s’agit du pigeon bleu des Seychelles (Alectroenas Pulcherrima). Ainsi que diverses espèces dont un serpent aveugle. Concernant le palmier qui engendre le « coco de mer » que les marins nomment plus volontiers le « coco-fesse »
Gordon écrit à sa soeur : « C’est un arbre unique, c’est le roi des palmiers. Je pense que c’est l’arbre de la science du bien et du mal et que la Vallée de Mai est le Jardin d’Eden ». Voilà simplement ce qui va rendre cette vallée célébre et qui va engendrer de multiples commentaires car Gordon est un mystique et un visionnaire qui possède un charisme exceptionnel et qui, il ne faut pas l’oublier, a étudié profondément le « Feng Shui » en Chine pour des raisons stratégiques. Gordon, qui n’est pas géologue mais passionné de sciences, base son affirmation sur la présence d’un granit particulier qui ne devrait en aucune façon se trouver au niveau des Seychelles et qu’il considère comme étant le vestige d’un continent disparu.
Pour lui l’Ile de Praslin, ainsi que l’archipel des Seychelles, est donc ce qui peut être considéré comme un espace antédiluvien, donc ayant échappé par miracle au déluge. Il précise que cela n’a rien à voir avec l’Atlantide ou Mu, qui selon lui se sont effondrés dans l’océan, mais d’une terre émergée qui a été épargnée par les eaux de la colère divine afin que les croyants puissent mieux regretter le fameux pêché originel.
De là à considérer qu’il s’agit de ce qu’il subsiste du fameux Jardin d’Eden il n’y a qu’un pas. Que Gordon avec son enthousiasme habituel franchit allégrement. Et il n’en démordra pas, la Vallée de Mai c’est le Jardin d’Eden.
Une promenade dans le Jardin d’Eden de Gordon
Une maison de style colonial et chinois à Victoria sur l’Ile de Mahé (Photo Nicolas Bachet)
Chinese Gordon n’est pas très loin ! (Photo Nicolas Bachet)
L’entrée dans la Vallée de Mai le Jardin d’Eden de Gordon (photo Nicolas Bachet)
Une fleur de palmier de la Vallée de Mai, étrange alternative au coco-fesse ! On remarque à la base de la fleur un magnifique gecko bien camouflé
(Photo Nicolas Bachet)
Un paysage caractéristique de la Vallée de Mai (photo Nicolas Bachet)
Une cabane dans le Jardin d’Eden de la Vallée de Mai (photo Nicolas Bachet)
Le Golgotha et le Calvaire de Gordon à Jérusalem.
GORDON ET LE GOLGOTHA
Charles Georges Gordon – lithographie de 1880 Gordon est un mystique mais profondément croyant. En 1883 alors qu’il réside en Palestine, alors sous mandat britannique, le général Charles George Gordon, en qualité de Gouverneur, décide de rechercher le lieu de la crucifiction du Christ.
Il a en effet remarqué que le lieu donné officiellement comme le Golgotha ne correspond en rien à ce que relate la Bible qui est l’un de ses livres de chevet. Il en profite donc pour étudier plusieurs versions et surtout plusieurs traductions afin de se faire une opinion plus précise de ce que pourrait être le Golgotha.
Ayant étudié le Feng Shui, l’art de l’antique géobiologie chinoise, lors de son séjour dans l’Empire Céleste et ceci avec l’un des maîtres les plus réputés de l’époque : Shen Zhuren (Shen Gao Xun), Maître Héritier de l’Ecole des Etoiles Filantes, il s’étonne qu’un nom désignant un crâne, le Golgotha, soit donné à une colline ayant de tous temps été une simple oliveraie.
Le « crâne » du Golgotha Le Crâne et le Calvaire (Photo Daniel Gedacht)
Une très étrange similitude avec le rocher de Gargantua situé en aplomb du marché de Pierrelate (Drôme provençale) – au centre un étrange visage – (Photo Georges Charles). La légende précise qu’il s’agit d’un caillou rentré dans la chaussure de Gargantua dont il se serait débarrassé.
Golgotha ? Gargantua ? Voilà qui aurait intrigué Gordon ! Golgotha (ou Gulgolet en Hébreu biblique) en Araméen signifie simplement « crâne » et, par extension, « en forme de crâne ». Ce qui a été directement traduit tout d’abord en grec (Kranion Topos – littéralement « forme de crâne » puis en latin par « calvaria » , de « calva » : crâne qui a donné calvary ou calvaire.
Il décide donc de parcourir la ville et ses environs à la recherche d’un lieu dit désignant un crâne. On lui indique qu’un tel endroit existe bel et bien et qu’il s’agit d’une falaise ayant servi immémorialement de carrière, d’où auraient été extraites les pierres ayant servi à la construction du Temple de Jérusalem. Cette carrière se trouve située à droite de la muraille nord de la vieille ville et était, de fait, utilisée conjointement par les Juifs les Arabes et les Romains comme un lieu d’éxécution public.
Les premiers y pratiquant la lapidation et les Romains la crucifiction. Ces éxécutions et plus particulièrement les crucifictions avaient lieu au voisinage des rues animées afin de servir d’exemple. Le Golgotha se trouvant, dans ce cas, à l’intersection des voies menant jusqu’à Damas et Jéricho et surplombant un important marché.
Cette carrière est actuellement une importante station de bus.
Le Golgotha et la station du bus du Golgotha (Photo Daniel Gedacht) Gordon remarqua immédiatement ce qui valait au lieu le nom de Golgotha, donc de crâne : des extractions dans la falaise qui donnaient à celle-ci la forme d’un crâne avec les deux orbitres vides, la fosse nasale, le front bombé et la mâchoire avec les dents.
Au crépuscule ce crâne apparaît donc comme surplombant le quartier. Il s’agissait donc de la fameuse « colline du crâne ». La Bible affirmait également « A l’endroit où Jésus avait été crucifié il y avait un jardin, et dans ce jardin un tombeau tout neuf, personne n’y avait encore été mis » (JN 19; 41).
Or Gordon retrouva rapidement ce fameux jardin et la tombe qui y était attenante. Celle-ci avait été découverte juste quelques années auparavant, en 1867 mais n’avait pas attiré l’attention. Ce fut donc Gordon, qui était alors,rappelons le, Gouverneur Général de la Palestine, qui lui rendit toute son importance historique et biblique. Elle fut datée par les archéologues du British Museum du premier siècle avant notre ère.
La tombe servit, par ailleurs, de fonds baptismaux à une époque où elle était inclue dans une petite église ruinée. Elle aurait donc servi de lieu de prière à l’époque byzantine et sous les Croisés puis fut oubliée. Des recherches furent entreprises et il s’avéra, selon des archives romaines, que ce jardin appartenait bien à Joseph d’Arimathie qui fut l’un des disciples secrets de Jésus.
C’est ce Joseph d’Arimathie qui reçut des autorités romaines l’autorisation spéciale pour ensevelir le corps à sa charge avant le début du Sabbat. Ce jardin contenait une citerne qui remonte à l’ère pre-chrétienne et qui pouvait contenir plus d’un million de litres d’eau de pluie. C’est l’une des trois plus grandes citernes de Jérusalem.
Elle permettait d’entretenir le jardin où l’on trouvait de la vigne et des oliviers. En fait, à l’origine, le jardin était une vigne qui permettait à la famille d’Arimathie de fournir le vin à toute la communauté.
Gordon fit remarquer à l’époque que tous les détails consignés dans la Bible correspondaient donc à ce lieu : le tombeau était taillé dans le roc et non dans une cavité naturelle (Mt 27; 60) – Il fut fermé par une grande pierre qu’on roula à l’entrée et dont on trouve les traces sur le sol – il y avait assez de place à l’intérieur pour que plusieurs personnes puissent se tenir debout, ce qui est très rare dans ce type de tombeau – Il en conclut donc qu’il s’agissait de la tombe ou fut enseveli le Christ après la crucifiction qui eut lieu sur le Golgotha.
Le Jardin de la Tombe ainsi que le Golgotha sont actuellement entretenus par une association humanitaire britannique indépendante « The Garden Tomb Association » qui a été fondée en 1893 (PO Box 19462 Jerusalem Israël 91193).
Indication en anglais, en arabe et en hébreu ! (Photo Daniel Gedacht)
L’entrée de la tombe (Photo Daniel Gedacht). Il est évidemment difficile d’affirmer qu’il s’agisse de cette tombe et du lieu de la crucifiction mais il est encore plus difficile de le nier.
le plan du Jardin de la Tombe et du Golgotha
dit « Le Calvaire de Gordon » ou « Gordon’s Calvary » Un article de Wikipedia sur le « Jardin de la tombe » cliquer ici
Ce lieu demeure très visité et tous ceux qui en sortent sont persuadés que Gordon avait probablement raison. On tente évidemment de faire croire sur place, et dans divers sites, que cette histoire de tombe a été inventée par les protestants (qui seraient les seuls à la visiter ! ) afin de porter discrédit sur les lieux « plus chrétiens » donc « papistes » ou catholiques ! Mais par manque de chance Gordon était simplement catholique ce qui ravale cette version au niveau des racontars.
Gordon était juste un peu plus croyant que la moyenne mais surtout ne se satisfaisait jamais des idées préconcues et des lieux communs. Et il aimait à rétablir la vérité lorsque celle-ci lui semblait juste. A personnage extraordinnaire, lieux extraordinnaires ! Mais désormais l’immense majorité des sites qui traitent du Golgotha évoquent le Calvaire de Gordon et le Jardin de la Tombe qui finissent donc par devenir incontournables malgrè le poids de la négation.
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En 1883, Gordon est en Palestine, à Jérusalem, alors sous protectorat britannique. Son séjour en Chine et ses études de Feng Shui avec Shen Zhuren (Shen Shaoxung), le jeune Maître de l’Ecole des Etoiles filantes, ainsi que sa curiosité naturelle, l’incitent à rechercher l’emplacement exact du Golghota, lieu où aurait été crucifié le Christ.
La version officielle ne le satisfait pas car Golghota, en Araméen et en Hébreu, signifie « crâne », et par extension « en forme de crâne » et la colline du Mont des Oliviers que l’on donne comme le lieu de la crucifixion n’évoque en rien ce terme particulier.
Pendant des jours, sinon des semaines, il parcourt à pied Jérusalem et ses environs, seul, vêtu comme un Palestinien, recherchant une colline en forme de crâne, il questionne les habitants. Un vieil homme lui indique qu’une tradition ancienne désigne un endroit particulier qui n’est pas une colline, mais une falaise comportant, de plus, plusieurs tombes considérées comme très anciennes et un jardin secret connu de quelques rares initiés.
Un matin à l’aube, il se rend sur place et ses efforts sont récompensés puisque le crâne apparait avec ses trous orbiculaires et nasal, les mâchoires inférieures et supérieures. Il s’agit d’une falaise dominant Jérusalem et qui semble, en effet, un lieu propice aux crucifixions puisque particulièrement spectaculaire et sinistre.
Sa force de conviction est telle qu’on décide alors d’y élever un calvaire, le « Calvaire de Gordon » (Gordon’s Calvary).
Calvaire provient du latin « calvaria », traduction de l’Hebreu Golgotha, qui signifie « crâne » et par extension « ossements ».
A l’époque la nouvelle de la découverte de l’emplacement réel du Golgotha fit beaucoup de bruit et, devant l’évidence, nombreux se rangèrent à la thèse de Gordon. De nos jours le Calvaire de Gordon existe toujours à Jérusalem et est amplement photographié par les pèlerins et les touristes. De ceux qui l’ont vu, nul ne doute que Gordon avait raison.
Plusieurs tombes sont visibles et un petit jardin y est entretenu apportant au lieu, au demeurant sinistre, un havre de paix et de quiétude.
Gordon Pacha et le Mahdi.
La statue de Gordon Pacha à Kartoum au Soudan en 1926 La réplique de cet statue est au Royal Ingeneers. Entre temps est apparu au Soudan un nouveau prophète en la personne de Muhammad Ahmad Ibn Allah Al Mahdi qui prétend être le douzième Iman caché descendant l’Ali. Celui dont « La Main est guidée par Dieu », le Mahdi, veut instaurer un pouvoir intemporel imposant les loi islamiques les plus fondamentalistes ainsi que la Sharia, Loi Sainte, dans toute la région.
Il a donc entrepris une guerre sainte contre tous les intérêts occidentaux et contre les modérés de l’Islam. Cela aurait pu être simplement anecdotique, car les nouveaux prophètes et illuminés de Dieu n’ont jamais manqué à la région, si le Mahdi et son armée fanatisée n’avait anéanti, en 1883, une expédition anglaise forte de 15000 hommes et commandée par le Général Hicks.
Devant le catastrophisme de la situation le gouvernement britannique fait alors, une fois de plus, appel à Gordon.
Gordon Pacha revient donc à Kartoum acclamé par la population.
Gordon Pacha entre dans la légende africaine à Kartoum. Kartoum est une plaque tournante du commerce dans toute la région du nord est de l’Afrique et en quelque sorte un passage obligé entre l’Afrique centrale et l’Afrique du nord. Ce commerce qui implique toutes les populations vivant dans la région s’accommode assez mal des principes d’un Islam fondamentaliste tel que le prône le Mahdi.
Gordon, soutenu et pressé de toutes part, demande les pleins pouvoirs à Londres ainsi que l’envoi d’une force militaire conséquente.
« Kartoum, la dernière aventure impériale » par Michael Asher L’un des nombreux ouvrages consacrés à Gordon Pacha. Londres fait la sourde oreille et laisse comprendre à Gordon qu’il conviendra qu’il se débrouille avec les moyens du bord, c’est à dire une garnison locale composée de Soudanais. Gordon, suivant son habitude, ne se laisse pas démonter pour autant et recrute une milice locale à l’aide de sa fameuse « Garde Noire Soudanaise ».
Il entraîne ses troupes et entreprend plusieurs expéditions contre les groupes armés du Mahdi sans pouvoir, toutefois, obtenir de résultat décisif. Le 29 mars 1884 l’armée du Mahdi attaque Kartoum mais, malgré une supériorité numérique écrasante, subit de nombreuses pertes et est repoussée. Gordon a utilisé, comme en Chine, sa science du terrain et une capacité stratégique défensive sans faille.
La base de la statue de Gordon à Trafalgar Square : « Fortitude and Faith »
Sa devise personnelle. Fortitude, comme disent les Anglais. C’est la force d’âme, le courage, la vertu qui permet de repousser les limites de la défense et d’envisager une contre attaque. Gordon en organise plusieurs, obligeant le Mahdi à se tenir, à son tour, sous la défensive. Le siège durera alors 312 jours et le 26 janvier 1885 vers 15 heures, Gordon tombera, dans des circonstances encore méconnues.
La fameuse colonne de secours n’arrivera jamais. Il faudra attendre 1898 pour que Lord Kitchener délivre Kartoum des troupes Madhistes. Mais le Mahdi ne survivra pas longtemps à Gordon : il mourra en juin 1885 de maladie.
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La mort de Gordon Pacha le 26 janvier 1885 à Kartoum suivant une gravure d’époque
Epitaphe à la Cathédrale Saint Paul / statue à Trafalgar Square.
La mort de Gordon, abandonné par le pouvoir politique, provoquera un ras de marée en Angleterre, particulièrement dans les classes défavorisées de la société qui accusèrent le gouvernement de l’avoir laissé tomber, sinon de s’en être débarrassé, en raison de ses convictions politiques en leur faveur. Le gouvernement Balfour fut contraint de démissionner devant la levée des boucliers que provoqua le scandale de cette nouvelle désastreuse.
Une souscription populaire eut lieu pour lui ériger plusieurs statues dont la plus connue est à Trafalgar Square, non loin de la Colonne Nelson, où il est représenté, droit et pensif, en tenue d’Officier, le pied posé sur un affût de canon détruit. Comme méditant sur la folie de la guerre. Sur le coté gauche du socle figure une allégorie avec deux femmes et sa devise personnelle préférée « Faith and Fortitude ».
La statue de Charles George Gordon a Trafalgar SquareRéalisée par Sir W. Thorneycroft R.A. (1850 1925)
Son épitaphe, à la Cathédrale Saint Paul, fut rédigée par Lord Kitchener, qui reprendra Kartoum en 1898 :
Le Mémorial de Charles George Gordon à la Cathédrale Saint Paul à Londres
« Gordon est un Homme qui de tous temps et en tous lieux a donné sa force aux faibles, sa fortune au pauvres, sa sympathie à ceux qui souffrent et son coeur à Dieu ». Lord Kitchener
Lord Kitchener of Khartoum En grand uniforme du Royal Engineer . Il reprendra Kartoum en 1898 et rendra un vibrant hommage à Gordon Pacha.
La base de la statue réalisée par Sir W. Thorneycroft RA (1850 1925) Elle est encore visible à Trafalgar Square. Elle indique qu’il fut le Major General Commandant le Regiment des Royal Engineers, l’un des plus célèbres de l’Empire Britannique et qui existe toujours ! Tué à Khartoum 26 janvier 1885
En Angleterre comme en France tout finit aussi par des chansonsUn film à grand spectacle lui sera consacré en 1966 : Kartoum, de Basil Dearden, avec Charlton Heston dans le rôle de Gordon et Lawrence Olivier dans le rôle du Mahdi. En réalité, contrairement à ce qui est décrit dans ce film, les deux hommes ne se seront jamais rencontrés de leur vivant.
Gordon et le Mahdi sur un fond de Kartoum en flammes !
Comme Lawrence d’Arabie il rédigea plusieurs ouvrages de réflexion et de mémoires qui relataient une partie de ses aventures extraordinaires et de ses nombreux voyages. Il ne se tua pas, comme Lawrence (et comme Coluche !), dans un accident de moto inexpliqué.
Les « amitiés particulières » de Gordon Pacha.
Mais, après sa mort, on lui attribua également des amitiés particulières
(« Mars without Venus » du Major General Franck M. Richardson – Mars sans Vénus – allusion perfide à un livret gothique « The Service of Venus and Mars – Music for the Knights of The Garter » – « Au Service de Mars et de Vénus – Musique pour les Chevaliers de l’Ordre de la Jarretière » – qui sous entendait que Charles George Gordon servait volontiers Mars, la guerre mais pas Vénus, donc les femmes.
Gordon ayant été élevé, à titre posthume, au rang de Grand Maître de cet Ordre, le plus prestigieux délivré par La Couronne Britannique, donc par le Roi ou la Reine d’Angleterre aux plus vaillants chevaliers du Royaume et ceci depuis 1340).
La devise de cet ordre « Honni soit qui mal y pense », en français dans le texte, est avec « Dieu et mon Droit « , en français également, la devise de la Maison Royale. Elle est à rapprocher de la devise des Gordon « Do Well and let them say » – « Fais pour le Bien et laisse les dire » –
L’homosexualité de Gordon Pacha, comme celle de son disciple Lawrence d’Arabie, a été le sujet de multiples controverses à une époque où elle était considérée comme un péché presque mortel sinon une tare inavouable. Dans les deux cas, comme dans celui de Pierre Loti en France, il s’agissait de personnages hors du commun aimant à se travestir et à adopter les moeurs et coutumes de peuples considérés comme « barbares » par la « Gentry » et pratiquant donc une sexualité différente !
Ce qui aux yeux des puritains de l’époque victorienne était considéré comme le summum de la débauche, les « orientaux » étant réputés comme pratiquant la sodomie. Concernant Gordon, il avait eu le tort d’avouer dans l’un de ses nombreux écrits qu’il « possédait un penchant pour la jeunesse de corps et d’esprit » ce que certains ont immédiatement traduit, dans un langage d’époque, par « éphébérastie » – de éphèbe : adolescent(e) et erastês : amoureux, aimant, attiré par. Et donc par « pédérastie » – de paidos : enfant et erastês : aimant. Donc aimant les enfants !
Ce que l’on traduirait de nos jours, à tort, par « pédophile ». En jouant ainsi avec les mots il fut possible de tenter de transformer Gordon en ogre à la Gilles de Rais sur la base de son affirmation !
Nobody is perfect !
La devise et les armes du Clan Gordon.
Tout un programme. « Bien faire et laisser dire »
La Chine et le dessous des cartes au Soudan
Pourquoi Pékin s’accroche à Kartoum et favorise le bourbier du Darfour ?
Gordon Pacha au Soudan réussit à lui seul ce que ne put accomplir une armée
Gordon Pacha en grand uniforme Photo et cadre provenant de Kartoum Propriété de l’auteur
Charles Georges Gordon est le frère du mari de l’arrière grand-mère de l’auteur.