Le syncrétisme philosophie religion et bon sens

« San Jiao He Yi » « Les Trois Enseignements s’unissent en UN  » Wang Yang Ming

On oppose souvent en Occident taoisme, confucianisme, bouddhisme mais qu’en est il en Chine ou pour les Chinois et donc pour de nombreux asiatiques ?

LE SYNCRETISME N’EST PAS LE CONFUSIONISME !

En Occident on oppose souvent le taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme mais depuis des siècles, sinon depuis plus d’un millénaire, en Chine, les « Trois Enseignements » (ou « Trois Doctrines » ou « Trois Ecoles » ou « Trois Principes » ou « Trois Philosophies » ….) se sont toujours interpénétrés donnant naissance à ce que nos chercheurs et universitaires nomment une « religion populaire » qui est, en fait, un fonctionnement harmonieux simplement lié au « bon sens » .

Mais cette particularité ne concerne pas que la plèbe puisque de nombreux penseurs, ou philosophes, bien qu’ils aient plus été des hommes d’action que des penseurs assis, ont développé une théorie très classique suivant laquelle les « Trois Enseignements » pouvaient tout à fait cohabiter dans un système très fonctionnel.

Cette cohabitation initiale a donné lieu à une habitude très chinoise qui consiste à ajouter plutôt que de soustraire et d’aller de l’avant plutôt que de rester sur place en refusant les évolutions.

C’est Wang Yang Ming, alias Wang Shouren ou O’ Yomei au Japon ( 1472 1529) qui a repris l’axiome déjà développé sous les Tang et même sous les Han que taoïsme, bouddhisme et confucianisme pouvaient se retrouver au sein d’une unité sans pour autant perdre leur particularité spécifique.

Cela se résume simplement à « San Jiao He Yi »

Littéralement : Trois (San) Jiao (Enseignement) He (Harmonie) Yi (Unité) ou « Trois Enseignement trouvent l’harmonie dans l’Unité – ou dans leur réunion harmonieuse –
Ce qui, évidemment, attise l’ire des fondamentalistes de tous poils , et ils existent aussi dans ces trois systèmes philosophiques qui sont, en réalité, des modes de vie.

Cette unité dans l’harmonie va plus loin qu’une simple constatation de surface puisque dans chacun des principes en cause, taoïsme, bouddhisme et confucianisme on admet également une cohabitation particulière entre principe de vie, ou philosophie, religion et pratiques dites ritualisées comme, par exemple, des techniques gymniques, méditatives, énergétiques.

Ce faisant, par habitude, un Chinois conçoit tout à fait qu’il peut donc être un confucianiste pendant ses heures de travail, un bouddhiste dans certaines circonstances comme le mariage, les enterrements et un taoïste en rentrant le soir chez lui où il va consacrer du temps à ses arbres miniatures (Penjin en chinois, Bonsai en japonais) et méditer devant une tasse de Long Jing.

A partir de là il n’aura pas trop de difficultés à se prétendre communiste tout en développant des théories capitalistes ainsi qu’il pourra être à la fois mondialiste libéral dans le commerce avec l’étranger et nationaliste fervent dans ses achats personnels.

Il n’y a pas très longtemps encore les Chinois se présentaient être des « Célestes » dont le représentant le plus illustre était le « Fils du Ciel » donc l’Empereur.

Comment ne pourrait-il y avoir qu’une seule philosophie sous le Ciel ?

On retrouve ce type de syncrétisme particulier jusque dans les restaurants asiatiques, pour le pas dire chinois, où cette cohabitation est évidente et pas seulement décorative. Il n’est pas facile de se mettre dans la peau d’un Chinois et à plus forte raison d’une Chinoise mais on peut, de temps à autre, faire l’effort de tenter de les comprendre.

Quand on sait, puis qu’on comprend , que la Chine classique n’envisage rien qui puisse avoir affaire avec une quelconque « création » que ce soit dans la vision taoïste ou « quelque chose pré-existe avant et continue après » dans la vision confucianiste où Confucius lui-même, excusez du peu, admet « Je n’invente rien, je n’ajoute rien, je ne retranche rien, je ne fais qu’organiser (au sens de mettre de l’ordre) » et où les bouddhistes prônent justement de se libérer de ce qui « existait avant », aucun n’envisage que quoi que ce soit puisse se produire par génération spontanée.

Le Chinois n’imaginant pas la création, comme il rejette par principe l’univers qui est un vague intermédiaire entre le cosmos et le tao, ne peut donc qu’inventer, au sens juridique du terme qui est « redécouvrir » ou « mettre à jour ce qui était recouvert » donc mettre en évidence.

Confucius aurait très bien pu dire
« Je ne crée pas, j’invente » !

Si cette notion de création échappe à la compréhension chinoise la notion de créateur lui est encore plus impensable ! Déjà l’Impératrice Wu, au huitième siècle, avait déjà donné l’ordre de copier les œuvres d’art antiques qui risquaient de disparaître au sein d’une « manufacture impériale de la copie ». Ce qui avait pour but de reproduire à l’identique ce qui avait déjà été manufacturé plusieurs siècles auparavant et pour des motifs de protection, donc fort louables. En un mot comme en cent pour un Chinois copier c’est reproduire et reproduire c’est protéger !

Et les Japonais leur ont, assez rapidement, emboité le pas.
Ils ne comprennent donc pas qu’on puisse leur reprocher de reproduire quelque chose d’existant. Puisque c’est simplement dans leur philosophie ! En gros, à partir du moment où on a acquis quelque chose légalement il est tout à fait légal de reproduire cette chose quitte même à l’améliorer ou à en améliorer le rendement.

Le système de « reproduction interdite » est totalement contraire à cette philosophie chinoise où il convient, justement, de reproduire et de s’appliquer à le faire. Ce n’est pas un baratin mais une réalité. D’où une certaine incompréhension vis-à-vis des contrefaçons dont on les accuse. Pour eux une contrefaçon c’est une bonne façon de faire et de bien faire sinon mieux que ce qui a été fait avant.

Ce n’est donc pas du vol mais le moyen d’évoluer vers une plus value morale et matérielle.

Petit voyage initiatique dans un restaurant asiatique !


Autel taoïste

Autel taoiste avec bambou, fruits, encens, riz, sel, thé et charme (Fu Lu)

Pou Sao et autel chinois

Autel Bouddhiste situé au dessus du bar
On apperçoit le bras du Pu Sao (Poussah) ou Happy Bouddha !

Autel Bouddhiste au restaurant chinois

Détail de l’Autel Bouddhiste avec deux « Arhats » et encens « électrique »

Poussah ou Pou Sao le Happy Bouddha

Sur le bar du même restaurant un Pou Sao (Poussah) qui est une divinité taoïste chinoise qui a été « bouddhisée » en « Happy Bouddha ».

Il faut noter qu’il tient quand même un lingot d’or dans la main droite : c’est l’opulence.
A côté le « Chat du Bonheur » qui lève la parre en signe d’accueil.
A l’origine il s’agissait d’un blaireau qui levait la patte devant les restaurants japonais.
On retrouve le même signe mais de la main droite dans l’arhat de l’Autel au dessus ou dans les Apsaras Thaï ou Kmères.
Dans le fond on apeçoit un « charme taoïste » (Fu Lu) de protection représentant des pièces chinoises, ou sapèques, en ligatures.

Sainte Vierge et eau de Lourde

Dans un coin du resto un portrait de la Sainte Vierge et une bouteille d’eau bénite de
Lourdes !

La Sainte vierge est souvent assimilée à Guan Yin (Kouan Yin ou Kwannon) , la Déesse de la Miséricorde, ou vice-vaersa !

Zodiaque chinois au Laos

Toujours dans le même (sympathique !) restaurant un zodiaque chinois avec
les 12 animaux à savoir le Rat, le Boeuf, le Tigre, le Lièvre, le Dragon, le Serpent, le Cheval, le Mouton, le Singe, le Coq, le Chien, le Porc.
Mais au milieu, il ne fallait surtout pas l’oublier l’Eléphant.
C’est le plus important.
Parce que les propriétaires du restaurant en question sont Laotiens « Le Pays au Million d’Eléphants » !

Condiments chinois au restaurant chinois

Un petit présentoir qui, normalement, contenait de l’huile, du vinaigre ert de la moutarde et qui a été recyclé resto-chinois avec sauce de soja (Shoyu), nuoc-man et piment à l’huile.

Boeuf au basilic

Un boeuf au basilic tout à fait classique

Mais le riz a été « garni » avec un oeuf au plat.
Une vieille habitude qui date de l’Indochine et qu’on retrouve dans le boeuf Loc-Lac.
Qui est un bifteck sauté au Wok à la saveur caractéristique.
Donc la version « mode » est le steack Laos ou mieux « Les Larmes du Tigre ».
Parce quand le tigre en mange il trouve cala tellement bon qu’il pleure pour en avoir plus.
Belle légende !
Mais encore une fois souvenir d’Idochine où les Colons en avaient marre du boeuf en petits morceaux avec des légumes.
Un vrai steack Laos c’est donc une entrecôte avec une sauce laotienne !
Là bas un steack permet de nourrir toute la famille et probablement quelques voisins.

Tartate Thai ou Laotien

Dans la même optique de la « Coloniale » le steack « tartare » à la thailandaise ou à la laotienne.
Qui est une adaptation locale du « filet américain » des années cinquante !
Devenu le « steack tartare » vers les années soixante-dix.

Comme quoi l’adaptation est une façon d’évoluer !

C’est le principe du Yijing :

Changement
Transformation
Adaptation

Ce qui change se transforme et ce qui se transforme s’adapte

Ce qui ne change pas est condamné à disparaître !

L’énergie disparaît ou commence la forme sauf ci celle-ci est animée d’un mouvement.

Le mouvement est donc essentiel.

Il faut bouger.