Le Qigong des Arbres

Reportage sur les pratiques printannières en Mandchourie et le DING SHU GONG : le qigong avec les arbres. Par Yohan Radomski

 

Pratiques printanières en Manchourie

La ville de Harbin, située au nord-est de la Chine, est connue pour son hiver rigoureux. Le nom de la province, Heilongjiang, vient du fleuve du même nom qui trace la frontière avec la Russie (en français le fleuve Amour).

La symbolique classique est respectée car le nom signifie « fleuve du Dragon Noir » : et ici, on est bien au nord et il s’agit bien de l’hiver… un hiver installé de la mi-octobre à la mi-avril, avec du vent, de la glace, de la neige, et une température qui descend dans problème jusqu’à moins vingt. Alors on s’enferme et on pratique en club, chez soi, où on peut… et on attend le printemps.

Qui vient lentement… Le dégel du Songhua, le fleuve qui traverse Harbin, en est un signe certain. Entièrement gelé en surface, il offre un spectacle impressionnant en hiver.

On peut s’y promener, faire du patin à glace, des dérapages en voiture pour les amateurs, et c’est de là que sont extraits les énormes blocs servant au festival de sculpture sur glace qui fait la réputation de Harbin.

Vue du Songhua, avec le pont russe construit au début du XXme siècle pour faire circuler le Transsibérien.

Un petit écureuil bien sympathique et bien curieux

Un autre signe certain est la réapparition des écureuils dans le parc de l’université. Ces petites créatures émerveillent toujours par leur agilité. Enfin, comme les rayons du soleil commencent à darder, le signe assuré du retour définitif du printemps, donc du soleil, est la réapparition des ombrelles, les chinoises prenant grand soin de préserver leur peau claire.

Si le matin reste le moment idéal pour se régénérer, le printemps, saison du réveil des énergies, remplit de nouveau les parcs et autres terrains de sport, en général très tôt, de 4 heures 30 jusque vers 7 heures 30. Il est vrai que certains courageux pratiquaient la gymnastique à ces mêmes heures sous mes fenêtres avec une température de moins vingt…

 

Voici un petit éventail des pratiques matinales.

De la gymnastique à 5 heures du matin. Un peu plus loin, il y a les pratiquants de basket-ball.

Quand on la chance de ne pas être envahi par les hauts-parleurs de l’université, les radios des promeneurs, les musiques « relaxantes » de certains pratiquants de taijiquan, on peut entendre les vocalises de ceux qui s’adonnent au chant lyrique, les essais de divers musiciens, et les groupes qui chantent des chants populaires.

Nous voilà partis pour un concert en plein air

L’acordéon est toujours très populaire !

rien de tel qu’un peu de musique pour se délasser

Les danses de couple sont aussi très appréciés.

Et tout un ensemble de pratiques tant occidentales que chinoises : on pratique divers jeux comme le jianzi, un assemblage de rondelles de plastique couronné de plumes, le badminton, et le « taiji raquette », un jeu d’équilibre combinant des mouvements de taijquan et consistant à garder une balle en équilibre sur une raquette.

Du « step » sur des hits de dance internationaux ou même sur Abba.

Mais la tradition est toujours très présente

Pratiquer en extérieur, c’est favoriser des échanges subtiles entre soi et l’environnement. On peut remarquer les pratiquants éclairés qui choisissent un endroit agréable, une orientation, un emplacement près d’une eau courante, convenablement éclairé, parmi les arbres… Mais, comme il est vrai que la pratique harmonise aussi l’environnement, certains pratiquants, inconscients ou pleins de dévouement, choisissent des lieux bétonnés ou métallisés pour opérer un feng shui de bon aloi.

Une pratique tranquille du taijiquan.

La marche à un pas rapide, parfois avec des amis pour discuter des nouvelles du matin, parfois accompagnée de cris, de claquements de main, de percussions sur les hanches, les épaules, est populaire de même que la marche en arrière, sans aucun doute un excellent exercice d’équilibre… On s’arrête aussi régulièrement pour pratiquer des étirements.

Il faut bien commencer un jour et les plus jeunes ne sont pas les plus souples !

Une souplesse à toute épreuve, même à un âge avancé. Surtout à un âge avancé !

L’arbre est un partenaire privilégié de la pratique. Reliant Ciel et Terre, il est un modèle inspirant pour les pratiquants. Les échanges avec lui peuvent aller du plus grossier au plus subtil.

La « clairière aux ours ». L’écorce des arbres est polie par les contacts quotidiens avec les pratiquants.

Le même endroit une semaine plus tard.

On peut s’adosser à l’arbre…

Parfois dans des variantes extrêmes.

ou simplement se frotter à l’arbre.

Embrasser l’arbre…

Se masser la nuque sur une branche propice.

Se suspendre à l’arbre.

Le sermonner vigoureusement.

Ici, la pratique est plus élaborée : un travail de paumes, sur le tranchant radial de la main, sur la tranche, le bout des doigts, le talon, le poignet, l’avant-bras, le coude et l’épaule.

On peut paisiblement méditer auprès d’un arbre.

Et comme le printemps, relié à l’énergie du Bois, incite à mettre en jeu muscles et tendons, on va parfois aussi sortir les armes. Ici une Hallebarde de Guan – c’est pas de l’Interne !

Pratique avec le bâton long

Les éventails sont déjà de sortie

Et ces engins symbolisent des épées

Pratiques à deux : le « Toueishou » ou « Duishou » : joindre les mains !

Le printemps favorise les rencontres amoureuses ou amicales. Quoi de mieux que de discuter amicalement en échangeant quelques tuishous ? Un jeu de mains qui se transforme parfois en jeu de vilains, mais toujours dans la bonne humeur et le respect du partenaire.

Mais c’est toujours un jeu !

 

Un commentaire de Georges Charles

DING SHU GONG : LE « QIGONG » AVEC LES ARBRES

On se rend rapidement compte qu’il existe, en Chine, une pratique très particulière et très répandue qui consiste à « échanger son énergie avec les arbres » : le Ding Shu Gong ou, classiquement, Ding Shu Taoyin Qigong.

Ding signifie s’appuyer ou établir un contact (Ricci 4972) Shu signifie simplement arbre (Ricci 4443) Gong signifie pratique (Ricci 2875) Tao Yin ou Daoyin c’est l’ art d’entretenir la Voie.

L’arbre peut tout à fait servir de support physique comme le ferait un espalier. Mais il peut également permettre un échange des énergies vitales entre le Ciel et la Terre, échange dont profite le pratiquant pour se rééquilibrer énergétiquement.

« Prendre contact avec l’arbre » c’est aussi le respecter et respecter l’environnement, donc la nature dont l’être humain fait partie.

Il s’agit d’une forme très ancienne d’ écologie s’inscrivant dans le « développement durable » et sur ce sujet particulier la Chine possède une très longue et très riche expérience.

Mais si la Chine demeure un modèle dans ce qu’elle a pu représenter dans ce domaine millénaire du respect de la nature elle est trop souvent et malheureusement, un mauvais exemple pour la planète.

Et ce sont les Chinois eux-mêmes qui en sont les premières victimes.

TOUEI SHOU ou DUISHOU

Ce sont littéralement les Mains (Shu) qui se joignent ou qui se rencontrent (Touei ou Dui) et, par extension, les « mains qui poussent ». Il s’agit d’un jeu ou d’une joute courtoise qui correspond à un échange entre deux partenaires consentants. C’est « se mettre à l’écoute de l’action de l’autre et s’y adapter » En japonais c’est le « Kumite » ou « Gumi-Te » et cela signifie aussi « mains (Te) qui se rencontrent (Kumi). Il ne s’agit donc pas d’une lutte contre un adversaire mais d’un échange avec un partenaire. Il s’agit de construire, ensemble, quelque chose et non de détruire une rencontre. Malheureusement, comme souvent, le sport est venu corrompre ce principe en souhaitant établir un gagnant et un perdant. En fait deux perdants. Mais pour cela il y a un terme qui est aussi utilisé au Japon : le « randori » qui se traduit mot à mot par Ran (Lan en chinois- Ran c’est le titre du film de Kurosawa le chaos) : le bordel, le merdier, le chaos, l’entropie ; Do ; la Voie ; Ri (Li) le jeu. Randori en japonais comme Lan Tao Shi en chinois, qui s’oppose à Kumité et à Duishu, c’est « Le jeu d’une voie confuse » pour demeurer poli. Le Duishou, comme le Kumité permet simplement de « clarifier la Voie ». C’est tout simplement ce qui différencie l’Art du Brave ou « Art Chevaleresque » de l’art martial (Mars étant alors le dieu de la guerre, donc un égorgeur psychopate en jupette de cuir). Observez bien nos amis Chinois qui « jouent » au Duishou, ils ne correspondent pas à cette dernière description !

Et merci à notre Ami Yohan qui effectue, sur place, quelques recherches sur les différents séjours du Maître Ueshiba, fondateur de l’Aïkido, en Mandchourie et en Mongolie. Recherches que nous ne tarderons pas à publier. Et qui réservent quelques surprises !

Pour en savoir plus sur l’arbre dans la tradition chinoise : cliquer ici