Le Général Yue Fei

Il existe un lien historique et filial entre le Clan Wang de Yue et Yue Fei.
Et il existe, au moins, un ouvrage en français où ce lien est expliqué.
Il s’agit de « Récits de l’histoire de Chine « par Delphine Weulersse paru en 1972 chez Fernand Nathan.
Delphine Weulersse n’est pas la première venue. Après une licence de russe et un doctorat de chinois en Sorbonne, une année d’étude à l’Université de Pékin (Beijing) et quatre ans au japon elle a enseigné la langue et la littérature chinoise pendant près de trente ans à l’Université de Paris-VII. Excusez du peu.
En voici quelques extraits.

Récits de l’histoire de Chine par Delphine Weurlesse EditionsFernand Nathan (1972)

« Sous la pression des eaux une digue du fleuve avait cédé. Les eaux en furie se déversaient avec violence sur les champs et les villages. La cour de la maison se remplissait d’eau. Yue He s’était emparé de quelque argent, avait mis sa femme sur ses épaules et s’apprêtait à fuir quand il aperçut, flottant dans la cour un panier à lotus. Il était justement vide et assez vaste pour que sa femme puisse s’y accroupir, l’enfant dans les bras. Malgré le poids le panier continua à flotter. Yue He s’accrocha des mains au rebord et se laissa porter. Entraîné en tous sens par le courant violent, il se fatigua vite. Soudain ses mains lâchèrent prise, il poussa un cri, son corps tourbillonna deux fois et disparut dans les vagues. Madame Yue se mit à sangloter puis s’endormit, épuisée par les émotions. Quand elle se réveilla elle ne vit autour d’elle qu’une immense étendue d’eau d’où égermaient quelques arbres. Comment reconnaître où elle se trouvait ? Après qu’elle eut flotté ainsi deux jours au gré des vagues, la violence du courant diminua, elle put distinguer une rive. Par chance le panier s’engagea dans un bras du fleuve et s’approcha d’un village qui avait échappé à l’inondation. Des paysans l’aperçurent et l’attirèrent à la rive avec une longue gaffe. d’un attroupement se forma aussitôt autour de la mère éplorée. Le seigneur du lieu qui faisait sa tournée s’approcha lui aussi de la pauvre femme et lui demanda d’où elle venait. Ayant écouté se triste histoire il lui proposa de venir habiter chez lui en attendant d’avoir des nouvelles de son mari. Madame Yue s’installa donc chez Monsieur Wang Ming, l’homme le plus influent, le plus riche et le plus instruit du village de la Licorne. Quelques jours plus tard , Wang Ming qui s’était renseigné, lui apprit que son village natal avait été complètement détruit par l’innondation et qu’on n’avait retrouvé nulle trace de son mari. Devant les sanglots de la pauvre femme qui ne savait où se réfugier, Wang Ming s’attendrit et la garda chez lui. Six années ont passé et Yue Fei joue toute la journée avec Wang Gui, le fils de Wang Ming qui avait un an de moins que lui et deux autres garçons des notables du lieu. Un jour Wang Ming demanda à Yue Fei d’aller chercher sa maman. « Madame Yue, lui dit-il, Yue Fei est un garçon plein d’avenir, je voudrais lui transmettre ce que j’ai appris au cours de mon existence. Me permettez vous de la choisir comme fils adoptif ? »…

Voilà qui est bien et clairement résumé.
Yue Fei reçut donc le titre de « Yue Yu Mou Wang » qui signifie « Yue recueilli et adopté par Wang » Et il poursuivit des études militaires après avoir été formé par Zhou Tong à l’usage des armes et notamment de l’arc. Vers la trentaine il était déjà Général. Il se fera connaître sous le titre de « Général Protecteur des Frontières du Nord ».

Voilà c’est un texte qui a le mérite d’exister et d’avoir été publié en français par Fernand Nathan.
Wang Zemin le connaissait et c’est lui qui m’a conseillé le livre ou il est nominalement question de Yue Fei et de son ancêtre Wang Ming. Il y eut, par la suite, une entente entre le Clan Wang de Yue et le Clan Yue. D’après Wang Zemin la « Lance à crochet fondu de Yue Fei » (Yue Fei Gu Lian Jiang) qui est à l’origine du Xingyiquan provient de la transmission liée à cet accord. Il est à noter que le premier nom de l’Ecole de Yue Fei est « La Longue Main de Yue » (Yi Yue San Shou) mais que Yue Fei, lui-même, transforme ce nom en « Liu He Yiquan » (Poing de l’Unité des Six Harmonies). Il utilise donc le terme Yiquan. Qui nous évoque quelque chose.
Il est amusant de constater que certaines études évoquent l’Ecole de Yue Fei sous la dénomination de « Liuhequan » alors que sur la tombe de Yue Fei il est bel et bien inscrit Liu He Yi Quan (donc Liuheyiquan !).
En précisant encore que c’est bien le père adoptif de Yue Fei, donc Wang Ming, qui se charge de l’élever et qui lui donne comme précepteur Zhu Tong, fameux Maître d’Armes et Archer, et non le père « biologique » de Yue Fei à savoir Yue He décédé pendant l’inondation.  C’est Wang Ming, l’ancêtre de Wang Tse Ming (Wang Zemin) (1909 2002), qui l’inscrit à l’Académie Militaire qui lui permettra de devenir général vers la trentaine (les historiens ne sont pas certains de son âge exact).
Il est bon de le préciser pour rétablir une certaine vérité.
Il y a l’histoire officielle et l’histoire vécue.
« Ce que je dis vient de quelque part, ce que je fais sert à quelque chose » (Confucius).
Lorsque vous étudiez, pratiquez, enseignez, transmettez la « Lance fondue à un crochet de Yue Fei » (Yue Fei Gu Lian Jiang) au sein de l’Ecole San Yiquan, il s’agit d’un héritage millénaire. Et que vous le vouliez ou non, le Xingyiquan est né avec cette pratique. Le reste est baratin de foire.
Ou discussions d’oisifs.

Origine historique : YUE FEI (1103 – 1142) « AGIR EST FACILE »

L’origine de la création de cet art interne remonte au Général YUE FEI (Yao Fei ou Yuen Fei) (1103 1142), patriote et héros national chinois, connu comme le  » Général protecteur des frontières « .

Également appelé Peng Ju, il naît dans le comté de Tang Ying de la province de Henan au sein d’une famille de l’ethnie Hakka. Cette ethnie est réputée en Chine, et jusqu’au Japon, pour ses qualités de droiture et de bravoure :

« Les Hakkas font preuve d’un fort sentiment d’unité, de diligence, de patience, d’un enthousiasme sans borne pour l’éducation, ainsi que d’un esprit martial sans pareil  » (I. Nitobe Bushido- La Voie du Guerrier).

Cette ethnie très particulière a fourni à la Chine bon nombre d’individus exceptionnels comme Wen Tianxiang, héros de la dynastie Song, Hong Xiuquan instigateur des la révolte des Tai Ping, les maréchaux Zhude (Chu Teh) et Linbiao (Lin Piao) mais également Sun Yatsen, Deng Xiaoping, Li Peng. Sur la demande de Yue Fei, lorsqu’il était encore adolescent, sa mère lui tatoua dans le dos la formule  » Sois loyal à ton Pays « .

Ses qualités martiales exceptionnelles lui valurent de gravir tous les échelons de la hiérarchie militaire et de devenir général vers l’âge de trente ans. Il fut alors chargé de défendre les frontières du Nord contre les invasions répétées des Jin à l’époque ou Hangzhou était la capitale de la dynastie des Song du Sud. Il réorganisa l’armée et lui redonna confiance ce qui lui permit de ne jamais perdre une bataille et de pacifier, sans brutalité, le nord de la Chine. Adoré par ses officiers et ses soldats il était respecté par ses ennemis qui appréciaient sa droiture dans la parole donnée. Yao Fei était réputé pour combattre à la tête de ses troupes au cœur de la mêlée et pour donner l’exemple en payant de sa personne, refusant, par exemple, de manger différemment de l’homme de troupe avec lequel il partageait volontiers son repas. Avant Patton il déclara  » Une troupe est comme une nouille et ne se pousse pas, il faut toujours la tirer ! « . Donc dire « suivez moi ! » plutôt que « En avant ! ».

Yue Fei fut également l’un des premiers généraux à se soucier de la bonne santé de ses armées ce qui l’incita à créer une forme gymnique toujours très pratiqué et connue sous le nom des  » Huit Brocards Précieux «  (Baduanjin ou Pa Tuan Chin). Ce nom particulier provenait des étendards de soie utilisés par les divers corps de troupe et portant, en insigne, les Huit Trigrammes (Bagua) du Yijing. Il s’agit donc là d’une forme classique de  » Qigong  » qui était destinée à entretenir la vitalité des soldats et des officiers.

Pour les soldats il créa également une forme de combat à main nue nommée Yi Yue San Shou (Main Longue de Yue ) également connue, par la suite, sous la dénomination plus populaire de  » Boxe des serres de l’Aigle « . Par la suite il nommera son Ecole « Liu He Yi Quan » (Liuheyiquan) soit « Poing de l’Unité des Six Harmonies ». Il fut donc le premier à utiliser, dans une pratique chevaleresque, le terme Yi Chuan ou Yiquan.

Mais Yue Fei était également un grand expert dans le maniement de la lance. A ce sujet il avait créé une forme de lance particulière connue sous la dénomination de  » Yue Fei Gu Liang Jiang «  (Lance fondue à un crochet de Yue Fei). Cette arme était particulièrement redoutable et efficace dans les combats contre les cavaliers Jin et se composait d’une hampe assez courte (1m70), d’un fer droit et d’un crochet. Ce dernier était dissimulé sous un étendard triangulaire de soie plombé. L’autre extrémité de l’arme était constituée par une masse de bronze qui équilibrait le tout et permettait des attaques puissantes et dévastatrices. Le bois de la hampe permettait de bloquer les attaques ; le fer droit de porter des attaques en estoc (pique) ; le crochet d’utiliser la taille (coupe) ; l’étendard de soie plombé permettait de fouetter sèchement ; la masse de bronze de frapper avec puissance.

Cette arme utilisait déjà le principe des  » Cinq Éléments «  (Wuxing) : la hampe représentant le Bois (Est), le fer droit l’Eau (Nord) (pique), le crochet représentait le Métal (Ouest) (Taille), l’étendard représentait le Feu (Sud) (Frappe) tandis que la masse représentait la Terre (Centre) (puissance et blocage).
Le maniement de cette  » Lance fondue à un crochet «  était donc également basé sur le principe des  » Cinq Mouvements  » qui s’engendrent et se dominent mutuellement : Eau, Bois, Feu, Terre et Métal.

  • L’Eau éteint le Feu mais engendre le Bois.
  • Le Bois épuise la Terre mais engendre le Feu.
  • Le Feu fond le métal mais produit la Terre (cendre).
  • La Terre absorbe l’Eau mais génère le Métal (cristallisation, minéralisation).
  • Le Métal coupe le Bois mais produit l’Eau.

De plus, le mouvement particulier de l’étendard servait à transmettre des ordres sur le champs de bataille donc à communiquer aux différents corps de troupe l’ordre de mouvement. Le mouvement lié à l’Eau signifiait le recul et la mise en place d’embuscades. C’est aussi le service de renseignement sans lequel une armée « est sans yeux et sans oreilles « .  Le mouvement lié au Bois indiquait un déplacement de l’extérieur vers l’intérieur donc un contournement. Le mouvement lié au Feu signifiait la charge frontale, l’assaut. Le mouvement lié à la terre indiquait de maintenir la position, de demeurer sur place. Le mouvement lié au Métal signifiait un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, donc une manœuvre d’aile comme un  » coup de faux  » (Sichelschnitt ou manœuvre de Von Schlieffen (1833 1913) reprise par Von Manstein (1887 1973)  en 1939 lors du Kriegspiel de la Bataille de France) retombant sur l’ennemi. Yue Fei était, au niveau de la stratégie militaire, quelque peu en avance !

Ces ordres donnés par Yue Fei et répercutés par les officiers se son état major, Niu Gao et Zhang Xian, représentaient donc déjà un souci évident de stratégie très élaborée, issue des préceptes de Sunzi (Sun Tseu) à une époque ou, en Occident, on se contentait le plus souvent de la charge frontale. Il est intéressant de savoir que Yao Fei eut l’idée de coupler les  » Huit Trigrammes  » (Bagua) des drapeaux des corps de troupe (Baduanjin) avec les mouvements d’ordres indiqués par les  » Cinq Etendards  » (Wu Junqi) correspondant aux Cinq Mouvements (Wuxing) : la Tortue-serpent noire, ou Guerrier en cuirasse, pour l’étendard du Nord ; le Dragon vert pour l’étendard de l’Est ; le Phénix rouge pour l’étendard du Sud, l’Étendard Impérial Jaune pour le Centre ; le Tigre blanc pour l’étendard de l’Ouest.

Ce faisant Yue Yei reproduisait le concept cosmologique très classique des  » Quatre Palais  » ou « Quatre Mensions » saisonniers, correspondant aux mouvements du  » Boisseau Boréal  » (Teou) ou  » Grande Ourse  » dans le ciel au cours des saisons, le  » Centre du Ciel  » étant occupé par l’Etoile Polaire (Tai Yi) symbolisant l’Empereur ou son représentant en l’occurrence le Général dans son état major.

Grâce à cette discipline basée sur le respect de la parole donnée, grâce à l’entraînement des troupes au combat armé et à poing nu, grâce à une stratégie hautement élaborée Yue Fei mena toujours ces opérations militaires avec réussite et un minimum de pertes.
Son immense popularité au sein même des régions reprises aux Jin puis pacifiées ne lui valurent pas que des amitiés à la cour de l’empereur Gaozong (Kao Tsung ou Chen Yen). Le premier ministre de cet empereur, Qin Hui, aidé de sa femme Wangshi et des conseillers Mo Qixie et Wang Jun organisèrent une conspiration pour faire tomber Yao Fei et l’accusèrent de haute trahison. Yue Fei et son fils furent donc convoqués à la cour de Hangzhou où ils se rendirent sans la moindre méfiance, capturés et exécutés sommairement.

Seulement 21 ans plus tard, en 1165, par décret impérial signé par l’Empereur Xiaojung (Hsiao Tsung ou Kien Tao) et sous la pression de l’opinion publique, Yue Fei sera réhabilité à titre posthume, élevé à la dignité de Maréchal (Yuanshuai) et totalement réhabilité.

Un temple lui sera élevé en 1221 à proximité de Hangzhou. Ce temple sera plusieurs fois modifié et agrandi en 1715, 1918, 1979.
En 1961 la République Populaire de Chine déclarera Yue Fei comme  » Héros National «  et placera sa tombe et le temple comme un monument national majeur et trésor historique. Par la suite, pour des raisons politiques évidentes, notamment vis à vis des minorités, Yue Fei fut rétrogradé, pensait-on, au rang de Héros (tout court). Mais un Héros est simplement plus important qu’un Héros National. Et les visites à son mémorial sont toujours très importantes.

A la porte de ce temple, devenu l’objet d’un pèlerinage que tout Chinois se promet d’effectuer un jour, les statues de ceux qui trahirent Yue Fei, le ministre félon et sa femme agenouillés et enchaînés, accueillent les visiteurs. Malgré les pancartes d’interdiction, il est difficile aux autorités d’empêcher ceux qui viennent en visite de leur cracher dessus ou de les gifler ces statues sont donc particulièrement bien polies par ce traitement particulier qui dure depuis des siècles, presqu’un millénaire. Tous les dirigeants chinois, y compris Sun Yat Sen, Chiang Kai Shek et Maozedong (Mao Tse Toung), se sont, un jour, rendus sur cette tombe qui demeure l’un des endroits les plus visités de Chine.

 

De la lance de Yue Fei à l’Art du Poing et au « Bâton de l’Interne »

Yue Fei fut donc un grand innovateur puisqu’à lui seul il généra : une pratique interne, donc une forme de « Qigong » demeurée classique, destinée à entretenir la santé et la vitalité de ses troupes, le Baduanjin ou Pa Tuan Chin (Huit Précieux Brocards) ; un art du poing externe pour le combat à main nue des troupes le Yi Yue San Shou aussi nommé  » Boxe des Serres de l’Aigle «  ; une méthode de combat à la lance ; une stratégie de commandement basée sur les Huit Trigrammes et les Cinq Éléments, le Yue Fei Gu Lian Jiang (Lance fondue à un crochet de Yue Fei) c’est déjà pas mal pour un seul homme fut-il extraordinaire.

Mais, les circonstances firent qu’il ne se contenta pas de cela. L’un de ses plus habiles officiers était, comme lui, un fabuleux expert dans le combat à la lance et, en tournois, rien ne pouvait départager les deux hommes.

Yue Fei vouait donc une grande amitié à cet officier Liang Jing San. Or, celui-ci un jour tomba dans une embuscade tendue par les Jin, fut désarmé et se fit tuer par la piétaille adverse. Yue Fei témoin de la scène ne put intervenir et constata que Liang Jing San qui était un tigre lorsqu’il était armé ne put réagir à main nue contre les attaques dont il fut la victime. Yue Fei décida donc, à partir de ce jour, d’adapter les mouvements et les principes de l’art de la lance à une méthode de combat à main nue.

Wu Hsing Chuan ou génération des cinq mouvements

Ce faisant il jeta les bases essentielles du Xingyiquan puisqu’il basa cette méthode sur les Cinq Éléments utilisés dans l’art de la lance :

  • La forme d’Eau liée à la pique d’estoc devint l’esquive et le fait d’utiliser la pique de la main. (Tsuan Chuan)
  • La forme de Bois lié au contre devint la saisie et la projection et le fait d’utiliser la griffe. (Peng Chuan)
  • La forme de Feu lié à la frappe de l’étendard devint la frappe et le fait d’utiliser le poing. (Pao Chuan)
  • La forme de Terre liée au contre devint le blocage et le fait d’utiliser la paume. (Heng Chuan)
  • La forme de Métal liée à la taille devint la coupe et le fait d’utiliser le tranchant de la main. (Pi Chuan)

L’esquive de l’Eau permit le recul tournoyant (aller en arrière et descendre). Le contre du Bois devint le fait de tourner vers l’intérieur pour mieux saisir et projeter. La frappe du Feu devint le fait d’avancer. Le contre de la Terre devint le maintient de la position en demeurant sur place. La coupe du Métal devint le fait de tourner vers l’extérieur de manière à détourner (dé-tourner) l’attaque.

La forme de base incluait dont tout autant le travail sur la paume (Terre), le tranchant (Métal), la pique (Eau), la saisie-projection (Bois) et le poing (Feu) que des postures et déplacements. Yue Fei se rendit compte que ce qui était possible de pratiquer à la lance et à main nue était également possible à pratiquer avec d’autres armes épée, sabre, chaîne de combat .

Il réserva donc cette pratique globale à ses officiers constatant que cette nouvelle méthode, à l’instar du Baduanjin, était favorable pour entretenir la vitalité, le courage et la santé. Elle se coupla donc à la pratique de la Lance du Yue Fei .

Par la suite elle continua à se transmettre de génération en génération sous la dénomination « Bâton de l’Interne » (Neigun ou Nei Kwon) afin que le secret fut protégé. L’un des premiers à le lever, sinon à le dévoiler, fut Luo Guan-Zhong dans son roman « Au bord de l’Eau » ( Luo Guan Zhong Shi Nai Han Shui Hu Zhuan) dont la première parution remonte à 1550. Dans ce fameux ouvrage traduit par Jacques Dars et paru aux Édition Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade) on retrouve donc dans le tome II au chapitre LVII un passage consécutif à Xu Ning, dit « le Lancier d’Or » qui connaissait le secret du maniement de cette « hanicroche » et qui le transmet aux chefs de la rébellion dans ces termes précis :

 » Chaque fois que vous utiliserez cette arme, il faudra décomposer les mouvements à partir de la taille ; il y a sept positions supérieures et médianes, trois coups de crochage, quatre coups droits plus un coulé et une parade de tac, ce qui fait un total de neuf suites de mouvements.

Si vous combattez à pied avec cette hanicroche vous y trouverez aussi de grands avantages. Faites d’abord huit pas en avant en exécutant les quatre coups droits de lame, puis une passe à découvert au douzième pas, riposte ; au seizième, volte face, dégagement puis coup de pointe vers le haut et estocade vers le bas ; crochez à droite et dégagez à gauche avec la lame ; au trente sixième pas, mise en garde complète et attaque de l’ennemi tout en esquivant. Telle est la règle authentique du maniement de la hanicroche. Il y a d’ailleurs une formule rimée qui en fait foi :  » Quatre bottes ; trois accrocs, sept passes et neuf gestes, en tout, mettent fin au combat « . Ensuite Xu Ning exécuta selon la règle authentique chacune des neuf séries de mouvements afin que tous les capitaines puissent se rendre compte. Les soldats, eux, voyant avec quelle dextérité Xu Ning voltiger sa hanicroche exultaient. A partir de ce jour là, les plus aptes et les plus vigoureux soldats d’élite ne firent plus que s’entraîner de l’aube à la nuit « .

Jacques Dars dans ses notes précise que la hanicroche ou anicroche (Gou Lian Qiang), sorte de pique à fer unciné, était utilisée pour crocher et démonter les cavaliers. Il précise également que Xu Ning est littéralement  » Maître Instructeur de la compagnie des Lances d’Or de la Garde Impériale (Jin-Qiang-Ban jiao shi).

Quoi qu’il en soit, la pratique du  » bâton de l’Interne  » se poursuivit au sein de la branche du Xingyiquan de forme naturelle (Ziran) et fut transmise à Guo Yunshen (Kuo Yun Shen) par Li Lo Neng (Li Neng Jan) qui, lui-même disait la détenir de Cai Lingbang (Tsai Ling Pang). Cette pratique à partir de Guo Yunshen, suite à un accord réalisé avec Dong Haiquan (Tung Hai Chuan) du Baguazhang (Pa Kua Chang) fut transmise, d’une part à Wang Xiangzhai (Yiquan) et d’autre part à Chang Chao Tung (Chang Kuie).

Le premier la transmit à plusieurs de ses principaux disciples dont Wang Tseming (Tai Ming Wong), le second à la branche du Bagua représentée par Wang Shu Shin (Wang Heng Sun). Les changements politiques intervenus en Chine après 1949 firent que cette forme de bâton, ou de lance, tomba en désuétude puisque l’art de combat fut strictement interdit par les autorités. Wang Xiangzhai (Wang Hsiang Chai) demeuré en République Populaire de Chine cessa donc officiellement de l’enseigner. Wang Shu Shin (Wang Heng Sun) (1904 1981), réfugié à Taichung (Taiwan) continua de la transmettre de même que Wang Tse Ming (1909 ), réfugié en France depuis 1949. D’un coté comme de l’autre ces maîtres chinois eurent des disciples occidentaux Mandfred et Heinz Rotmann pour Wang Shu Chin et Georges Charles pour Wang Tse Ming.

Cette forme de bâton (ou de la Lance de Yue Fei) quelque peu « oubliée » en Chine finit donc par se transmettre au Canada et en France bien avant que quelques Chinois « continentaux » puissent prétendre avoir, très récemment, retrouvé la mémoire à ce sujet.

Lorsque l’on connaît cette forme de bâton, issue de la méthode de lance de Yue Fei, on comprend beaucoup mieux le mécanisme de l' »art du Poing » de forme naturelle et ses « Cinq Mouvements » puisqu’il se base sur le même principe. Cette forme de bâton permet également de mieux comprendre le mécanisme du travail à deux tant dans les poussées de mains (Toueishou) que dans les applications (Sanshou).

 

Les différents apports de la forme dite  » Naturelle « 

Il est significatif de constater que, concernant les divers ouvrages publiés tant en langue chinoise qu’en langue occidentale sur le Xingyiquan, la description des techniques porte généralement sur les méthodes dites « orthodoxes » (Laojia) alors que la théorie exprimée est majoritairement celle de la forme naturelle.

Un peu comme si les praticiens de la forme orthodoxe n’avaient rien à dire et ceux de la forme naturelle rien à montrer.

En un mot comme en cent, les photos et les techniques concernent la pratique des méthodes « orthodoxes » alors que les commentaires qui les accompagnent proviennent des Maîtres de la forme « naturelle« . On pourrait dire « évolutive ».

On cite donc très volontiers Guo Yun Shen, Che I Chai, Li Tsun I, Li Neng Jan, Wang Hsiang Chai et Sun lu Tang alors que ces Maîtres n’ont rien à voir avec les pratiques décrites dans ces ouvrages.

Si on désire rendre à César ce qui est à César force est de constater que la forme naturelle a engendré en un demi siècle dix fois plus de textes que la forme orthodoxe en quatre cents ans.

Ce qui n’empêche pas les praticiens de la forme orthodoxe de se référer aux textes écrits par ceux de la forme naturelle sinon de les récupérer à leur profit lorsqu’ils publient un manuel.

De là à affirmer que les divers praticiens de la forme naturelle se sont posés quelques questions sur leur pratique il n’y a donc qu’un pas. La plupart d’entre eux se recrutaient dans les rangs des lettrés et souhaitaient donc pouvoir expliquer leur pratique au travers des textes dits classiques et des grandes théories qui motivaient la pensée chinoise comme celle des « Huit Trigrammes » ou des « Cinq Mouvements » que l’on retrouve, par ailleurs, en médecine classique donc en acupuncture.

Plusieurs de ces Maîtres comme Li Neng Jan (ou Li Lao Neng), Guo Yunshen, Wang Xiangzhai, Wang Tseming souhaitèrent également simplifier, donc densifier, leur pratique et leur enseignement. Guo Yunshen (Kuo Yun Shen), surnommé Fo Jun Sha, littéralement la « Paume assassine du Bouddha » ce que l’on traduit généralement par « Paume Divine Dévastatrice » (Divine Crushing Palm) ou, plus simplement encore, par « Paume Divine », fut le premier à simplifier cette pratique en cinq mouvements fondamentaux à la place des « cinq enchaînements » utilisés dans la forme orthodoxe que Li Neng Jan avait purement et simplement abandonnés au profit d’une pratique totalement libre et « spontanée » ce qui fut jugé, à l’époque, comme quelque peu excessif.

Guo Yunshen opéra donc un habile compromis entre les formes structurées de la méthode orthodoxe et la liberté totale prônée par Lin Neng Jan dans son fameux Yiquan.

Par la suite on assista donc à toutes les variations possibles entre ces trois tendances.

– Ceux qui souhaitaient respecter une pratique très structurée basée sur des enchaînements complexes (équivalents des Tao ou Doan en Chine et des « Katas » au Japon).

– Ceux qui prônaient la liberté totale du mouvement.

– Ceux qui utilisaient des mouvements codifiés aboutissant à la « spontanéité ».

– Ceux qui limitèrent leur pratique à la seule posture Zhan Zhuang (posture de l’arbre)

Sans parler de ceux qui, à l’instar de Sun Lu Tang, ou, plus tard de Wang Xuan Jie souhaitèrent codifier des synthèses entre le Taijiquan, le Baguazhang et le Xingyiquan et même le « Qigong ».

Si on ajoute le fait que certains enseignants axent plus leur travail, donc leur transmission, tantôt sur l’art de santé, tantôt sur l’art d’éveil ou de méditation, tantôt sur l’art de combat et tantôt sur une méthode d’éducation physique, on comprend que la situation n’est pas aussi simple.

Certains prétendent donc que seule leur école existe. C’est bien pour eux.

Le seul avantage de cette dernière position est de ne pas se poser de question et de refuser de répondre à celles que poseront et se poseront un jour les élèves lorsqu’ils se rendront compte que d’autres pratiquants tout aussi sincères qu’eux et issus du même courant pratiquent des choses différentes.

Photo Véronique Willemin Extraite de Mystère des Arts Martiaux Editions Tredaniel

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Certains confondent, ou feignent de confondre, Wang Xiangzhai, comme Ueshiba d’ailleurs, avec un fournisseur de Hamburgers ou de Pizzas qui aurait été capable de former des enseignants reproduisant toujours et indéfiniment la même chose sur toute la planète et sous la même et seule marque franchisée.

Or, le Xingyiquan ou l’Aïkido ce n’est pas une marque de hamburgers ou de pizzas dont on achète la licence de franchise pour revendre, ensuite, un produit calibré aux normes de la maison mère. Dans le principe de la transmission chaque Enseignant, ou au moins chaque successeur en titre d’un Maître reconnu et présent dans les généalogies se doit d’apporter une pierre, au moins, à l’édifice et ne devrait pas se contenter de dilapider l’héritage peu à peu en l’appauvrissant au cours des années.

Ce serait comme un voyageur de commerce qui, à chaque étape, laisserait quelque chose sur place en oubliant de reconstituer son bagage. Au bout de quelques années il ne lui resterait plus qu’une brosse à dents usée et une paire de chaussettes dépareillées.

C’est pour cette raison que, traditionnellement, le nom même de l’école transmise changeait avec le nouveau successeur en titre.

Li Nen Jan (Li Lo Neng) (1842 1919) décida de nommer sa nouvelle Ecole Yiquan (I Chuan) ou « Poing de l’Intention ». Ceci pour se différencier du Xingyiquan (Hsing I Chuan) ou « Poing de la Forme et de l’Intention ». Guo Yun Shen (Kuo Yun Shen ou Fo Jun Sha) (1864 1935) qui fut un de ses successeurs nomma la sienne Wuxingquan (Wu Hsing Chuan) ou « Poing des Cinq Formes », en référence aux Cinq Eléments. Wang Xiangzhai (Wang Hsiang Chai ou Wang Yuseng)(1885 1963) qui fut l’un de ses successeurs initia le Dachengquan (Ta Tcheng Chuan) « Poing du Grand Accomplissement ». En réalité « Dachengquan » signifie littéralement « Taijiquan » (le fameux « Grand Faite » mais d’une façon plus littéraire. Kennichi Sawai, qui fut l’un de ses successeurs créa le Taikiken qui est la transcription en japonais du concept de Dachengquan. En japonais le Taijiquan se nomme « Taikyokuken ». Wang Tse Ming (Wang Zemin ou Tai Ming Wong) (1909 2002) qui fut également l’un des successeurs de Wang Xiangzhai créa le Liananquan (ou Lianhuanquan suivant la transcription utilisée) « Poing des Générations Circulaires ». Et il autorisa Georges Charles (Cha Li Shi) qui fut son successeur à fonder le San Yiquan (San Yi Chuan ou San I Chuan) »Poing des Trois Harmonies » ou simplement « Poing des Trois-Un » en 1979. Depuis cette école n’a jamais changé de nom et Georges Charles se nomme toujours Georges Charles bien que le nom porté dans les généalogies chinoises est « Cha Lishi » (Cha Li Chi) ce qui signifie littéralement « celui qui enseigne avec une règle ».

Voici ce que transmet Kongzi (Confucius) dans le « Rituel » (Yili ou I Li) au sujet du nom des Ecoles. Ce principe a été cité plusieurs fois par le Maître N’guyen Dan Phu (1911 1995) :

« Le nom d’une École appartient à son fondateur et le nom disparaît avec lui à sa mort. Si un disciple souhaite fonder sa propre École, il ne doit en aucun cas l’utiliser. Éventuellement il peut le garder en partie, associé au nouveau nom, et ce pour lui rendre hommage ».

Malheureusement, contrairement à cette règle établie depuis des millénaires, à partir de 1949, et pour des raisons qui lui étaient personnelles Wang Xiangzhai décida de reprendre le nom de l’Ecole Yiquan qui était celui du Maître de son Maître, donc de Li Nengjan (Li Lo Neng). Il enseigna donc conjointement Yiquan et Dachengquan, ouvrant ainsi la porte à une certaine entropie. Depuis ses divers successeurs ne savent plus trop à quel nom se louer et emploient parfois même les deux termes accolés, parfois par un slash (Yiquan/Dachengquan). Si on ajoute que le Dachengquan de Wang Xuan Jie (1936 2000) représente, quant à lui, une forme de synthèse personnelle entre Yiquan/dachengquan; Taijiquan et Bagua Zhang on comprendra que la situation est beaucoup moins claire que d’aucuns le prétendent de bonne ou de mauvaise foi.

D’autres, non moins éclairés, feignent de s’étonner que ces différences entre ces enseignements provoquent quelques frictions entre les enseignants et donc entre les pratiquants. Comme si il n’y avait jamais de frictions entre les successeurs du Maître Ueshiba, tous fondateurs de leurs propres écoles, et leurs multiples disciples. Ceci à tel point que les représentants « officiels », en France, de la maison mère, l’Aïkikai de Tokyo, dirigée par le Petit Fils, Moriteru Ueshiba, ne sont plus japonais ni disciples du Fondateur, mais Français ! Il aurait été étonnant que ce phénomène ne se reproduise pas entre la Chine et la France !

Tout serait évidemment plus simple si tous ces « dissidents » notoires suivaient un seul style et une seule méthode au sein d’une seule école : la leur. Et d’une seule fédération : celle qui les reconnaît comme pouvant exercer cette exclusivité, moyennant quelque dédommagement.

Lorsque l’on connaît la propension des asiatiques à décerner des diplômes on se doute que les « représentants exclusifs » sont légions. Ils ne sont malheureusement pas tous seuls à proclamer ce fait de retour de voyage, dans les magazines spécialisés, puis à changer de « maison mère » lorsque les « représentants exclusifs » de celle-ci deviennent décidément trop nombreux et trop entreprenants.

Il est un fait : la franchise (franchising) a été créée en Chine plusieurs siècles avant que nous n’imaginions ce système très à la mode depuis à peine une trentaine d’années.

Il suffit de savoir que le Monastère de Shaolin du Honan, le « Premier sous le Ciel » concédait à d’autres monastères le droit de se nommer également « Shaolin » contre des espèces sonnantes et trébuchantes, il y a plus d’un millénaire. Il exista donc quatre ou cinq monastères de Shaolin en Chine (Fujian, Guangdong) et deux en dehors des frontières un en Corée (Chogye-Chong) et l’autre au Vietnam (Thieu Lâm).

Dans une certaine mesure le monastère japonais de Shorinji (lire Shaolin shi = Monastère de Shaolin ou de la Petite Forêt) fondé par So Doshin reçut l’aval des autorités religieuses chinoises donc l’acceptation contre un don très substantiel qui permit de restaurer le Monastère Chinois du Honan, de se nommer « Shaolin ».

Il suffit, dans bien des cas, de passer à la casserole, ou à la caisse, et le tour est joué.

L’autre intérêt, et non des moindres, de la forme naturelle est d’avoir su relier ce courant de pratique aux pratiques de santé et d’éveil tout en conservant, parfois, la pratique de l’art du poing donc du combat.

Wang Xiangzhai était lui-même très féru de ces pratiques de « régénération » (Yangsheng Fa = entretien de la vitalité) puisqu’il les pratiquaient personnellement dans la cadre du Daoyin Fa de l’Ecole du Ling Pao Ming.

Cette transmission jugée « ésotérique » datait de Guo Yunshen qui, lui-même, avait été initié par les taoïstes du Mont Wudang et par ceux des Monts du Tigre et du Dragon.

Guo Yunshen expliquait ce fait de la manière suivante : à l’origine il pratiquait le Xingyiquan de forme linéaire avec Li Neng Jan, lors de sa rencontre avec Dong Haiquan (Tung Hai Chuan) du Baguazhang (Pa Kua Chang), rencontre où il n’y eut ni vainqueur ni vaincu, il pratiqua l’art du cercle.

A la suite d’un accident où il tua l’un de ses élèves qui était le fils d’un important personnage il fit trois années de prison et dut pratiquer statiquement.

A la sortie de prison il décida d’aller dans les montagnes rencontrer des Taoïstes afin de se « libérer » et découvrit la pratique de la spontanéité donc les pratiques de l’alchimie interne du Ling Pao Ming (Clarté du Joyau Ecarlate ou Joyau Magique). Il résuma ceci dans la formule :

« Avec Li j’ai étudié l’art de la ligne, Dong m’a fait rentrer dans le cercle, la prison a affermi mon statique (carré) et les Taoïstes m’ont fait découvrir la nature (liberté de la nature Ziran) »

Par la suite il transmit cet enseignant à ses disciples dont le fameux Wang Xiangzhai (Wang Hsiang Chai ou Wang Yusen) celui-ci continua donc cet enseignement à la fois très martial, très ésotérique, très taoïste jusqu’au moment où le nouveau régime, parvenu au pouvoir en 1949, jugea ces pratiques comme contre-révolutionnaires. La plupart des enseignants quittèrent la Chine continentale et se réfugièrent à l’étranger. Wang Xiangzhai fut contraint de rester sur place et de composer avec les circonstances. Heureusement un ami lui fit rencontrer le Maréchal Zhude (Chu Teh), chef de guerre de Maozedong surnommé « la Vertu Rouge« .

Celui-ci avait pratiqué le Taijiquan avec Zhang Qinlin qui était également, dans cette discipline, le maître de Wang Xiangzhai et décida de le prendre sous sa protection.

On prétendait que Maozedong protégeait le Taijiquan car il appréciait cette pratique par conséquence Wang Xiangzhai fut donc protégé par et de Mao grâce à Zhu De.

Ce qui lui permit de continuer à pratiquer et surtout à enseigner sans être inquiété à la seule condition de ne pas trop faire référence aux anciennes traditions et conceptions jugées comme des relents du passé.

Wang Xiangzhai adapta donc sa pratique, son enseignement et son discours aux nouvelles circonstances et put, ainsi, reprendre à son compte la fameuse formule de Deng Xiaoping :

« Peut importe qu’un chat soit noir ou gris, l’important est qu’il attrape des souris« .

Il eut en fait assez rapidement plus d’un millier d’élèves et basa le principal de son enseignement sur la pratique de santé, le  » Qigong  » et la posture  » embrasser l’arbre  » (Zhan Zhuang).

Mais il ne fut plus question de référence au taoïsme.

Bon nombre de ses disciples furent donc persuadés de pratiquer un simple art de santé et continuèrent à transmettre celui-ci comme une pratique de « Qigong ». Vers la fin de sa vie Wang Xiangzhai jugeant ne plus avoir rien à perdre reprit son enseignement du Xingyiquan donc du Yiquan et du Dachengquan. Celui-ci était désormais très influencé par la pratique de santé, puisque cette pratique était la seule à être autorisée et favorisée par le régime en place. chose qui est demeurée chez la plupart de ses disciples d’après 1949.

Certains de ses disciples, au contraire, n’ayant jamais entendu parler de Taoïsme ou de spiritualité et n’ayant aucune préoccupation pour les pratiques de santé, imaginèrent qu’il s’agissait d’un simple sport de combat où l’essentiel était de vaincre autrui et de le crier sur tous les toits.

Dans tous les cas une bonne partie de l’enseignement de Guo Yunshen et de Wang Xiangzhai fut jetée aux oubliettes de l’histoire, elle concerne principalement la transmission des formes énergétiques liées au Ling Pao Ming, donc rattachée au courant des Praticiens du Tao.

Rappelons pour mémoire que cette doctrine, dite « taoïste » en occident, n’était que très peu appréciée des deux régimes de la République Populaire de Chine et de République de Chine (ROC ou Taiwan). Dans le premier cas il s’agissait d’une doctrine « perverse » opposée aux principes du marxisme-léninisme. Dans le second, le taoïstes étaient considérés comme des espèces de chamanes-rebouteux et mystificateurs par un régime qui fut institué par Chiang Kai Shek qui était chrétien convaincu et pratiquant !

Jusqu’à une époque très récente ceux qui avaient des affinités avec la doctrine, la philosophie et plus encore la pratique taoïste ne le criaient donc pas sur tous les toits.

Dans la pratique avec les arbres, les arbres existent, aussi ! Photo Véronique Willemin Extraite de Mystère des Arts Martiaux Editions Tredaniel

Par la suite, chacun enseignants qui pratiquèrent sous la direction de Wang Xiangzhai à un moment ou à un autre, avant 1949 puis après cette date, comme c’est le cas pour Ueshiba, eurent des visions très différentes de sa pratique et de son enseignement. Le fait que Wang Xiangzhai ait pu surnager prouve sa grande capacité d’adaptation. Mais il est fort probable que si il avait survécu après 1963, il aurait néanmoins eu beaucoup de mal à traverser le Révolution Culturelle.

Bien qu’il ne fasse plus référence à ce qui le motiva avant 1949, il continua jusqu’au dernier jours de sa vie à pratiquer de manière très taoïste et finit par emporter une partie de ses secrets dans la tombe.

Wang Tse Ming qui pratiqua dix ans avec lui et le quitta en 1949 pour s’installer en France sous le nom de Tai Ming Wong résume la situation ainsi :

« J’ai été obligé de partir de Chine, il a été contraint d’y rester, nos voies se sont donc séparées à cet instant précis mais nul ne peut nous blâmer car, l’un comme l’autre, avons pu continuer à pratiquer et à transmettre de ce que nous avait enseigné Guo et ses prédécesseurs. C’est cela l’essentiel puisque malgré les travaux la pratique continue ».