Boudhisme et Zen

par Georges Charles Une éternelle question de définition…

Zen, en langue japonaise, est la dénomination la plus utilisée pour qualifier une pratique d’origine indienne, Dhyana en sanscrit, Jhâna en pali, qui s’est implantée en Chine sous le nom de Chan (Tch’an), est parvenue en Corée comme le Sôn, au Vietnam comme le Thiên et que l’on considère être, en Occident, une forme de méditation bouddhiste.

Or, en sanscrit ancien Dhyana signifie simplement  » agir « ,  » être  » (Nna)  » centré  »  » au milieu de  » (Dhyan, Dian). Cela fut littéralement, presque phonétiquement, traduit par Jhâna, Chan Na (T’ian Na, Tch’an Na) en langue chinoise puis par Zen Na en japonais. De là, on passe simplement au Chan puis au Zen.
Les Japonais ayant été les premiers à implanter cette pratique en Occident, et particulièrement en France, le terme Zen est demeuré comme un générique au même titre qu’un  » film de karaté « , terme japonais désignant un art martial spécifique, peut fort bien être, en réalité, un film chinois basé sur le kung-fu.
Ce qui est totalement différent.
De même on parlera plus volontiers de Do In, en japonais, pour qualifier l’art du massage oriental alors qu’il s’agit le plus souvent d’une pratique d’origine chinoise dont la transcription normale est Tao Yin ou Daoyin.

Cette nipponisation souvent excessive, on ne prête qu’aux riches, finit par déteindre sur la pratique elle-même puisqu’il est désormais question, presque officiellement, de Dan (niveau en japonais) et de ceintures noires jusque dans les pratiques chinoises et que les fédérations regroupant les pratiques japonaises prétendent encore et toujours faire valoir un monopole sur les pratiques chinoises… et par extension coréennes, vietnamiennes.

Il est, par contre, intéressant de remarquer que la dénomination originelle du Dhyana demeure très proche du terme français  » méditation « . En effet, celui-ci se compose d’une racine  » médius  » signifiant milieu *, centre et du suffixe  » action – axion  » signifiant agir, acte *. * On peut gloser pendant des heures sur les diverses significations etymologiques de méditation puisqu’il existe, parallèlement, deux racines principales l’une grecque, l’autre latine. La première implique la notion de préparation (d’où la préparation pharmaceutique qui sert de remède ou meditari provenant de medeor) comme la préparation d’un voyage. Il s’agit, dans ce cas, de quelque chose qui se situe donc avant l’action, en quelque sorte lié au spéculatif ou au contemplatif. Donc au fait de ne rien faire. La vision latine implique par contre la notion d’action (pendant) ce qui est donc lié à l’opératif. On privillégie évidemment chez les intellectuels occidentaux la vision liée à la philosophie grecque plutôt que celle liée à la civilisation latine. On préfère penser (ou raisonner suivant Descartes) que d’agir. Or les Jésuites en traduisant Chan (donc Zen) ont utilisé le terme de méditation dans l’hypothèse d’une action juste donc centrée. On imagine mal qu’ils aient pensé, ou proposé, de substituer la méditation aux remèdes médicaux, donc à la médecine !
Quoique.

Etymologiquement dans les deux cas il s’agit simplement, si l’on peut dire,  » d’agir centré  » ou, par extension  » d’être au centre « . Quelle meilleure définition capable, pour une fois, de réconcilier Confucius (rendre à chaque mot sa juste valeur) Boddhidarma (la rectitude de la pensée, donc la non falsification (Zheng Shen) engendre (Cheng) la rectitude de l’acte (Zheng Dong)
et Jacques Toubon (la Loi Toubon précisant l’usage des termes d’origine étrangère. En sanscrit Loi se dit Dharma.
En chinois Loi se dit Fa
La France, pour les Chinois est le  » Pays de la Loi  » (Fa Guo).
Par extrapolation anti-toubonnesque la France c’est donc « Le Pays du Dharma » !
On pourrait donc la qualifier comme « La Fille ainée du Zen » !

Dans l’explication des phénomènes, donc des causes, il peut, parfois, être louable de revenir aux sources, donc à l’origine
Cela permet, le plus souvent, d’éviter quelques oublis et quelques imprécisions.

Bodhidharma

Boddhidharma – la version chinoise –

Bodhidharma

Bodhidharma par Yoshitoshi – la version japonaise !

Bodhidharma Zen

et une version Zen de Bodhidharma !
Ses yeux grands ouverts sont la preuve de son éveil. Originellement donc, le Dhyana appartenait au Bouddhisme dit du  » Grand Véhicule  » (Mahayana), par opposition au Bouddhisme du  » Petit Véhicule  » (Hinayana) considéré comme plus formel et rituel. Il existait, par ailleurs, deux voies essentielles de pratique qualifiées de  » Baya Dhyana  » (méditation externe ou mobile, active, par référence à la posture debout) et de  » Antara Dhyana  » (méditation interne ou immobile, par référence à la posture assise).

Ces deux voies se retrouvèrent en Chine sous la forme du Zhou Chan, littéralement méditation assise et du Zhan Chan, littéralement méditation debout. Au départ il s’agissait simplement de différencier la pratique méditative  » assise face à un mur  » telle que la pratiqua Boddhidharma de diverses formes plus ou moins gymniques telles que le Yi Jing King Yi Sui Jing ( » Nettoyage des muscles et tendons, purification de la moelle et de la Qintessence* « ) – Ekkinkyo ou Ekki Kin Kyo Jya en japonais – ou, plus simplement, la marche rituelle ou Kin Hin. Cette même distinction se retrouvera, par la suite, au Japon entre le Za Zen (Zen assis) et le Ritsu Zen (Zen debout). * La traduction « moelle et sinus » provient d’une altération de la traduction anglo-saxonne de « sinews » en français.
Sur un plan médical sinews ce sont bien les « sinus » mais sinews désigne également  » le système endocrinien qui influe sur le comportement humain » (Th. Camberry – Science) donc ce qui a un rapport direct avec la thyroïde, les surénales, les gonades…etc

Ce qui est compris dans le sustème classique médical chinois par « principe essentiel » (Jing) donc « substanciel ».
Jing, dans ce cas c’est donc, précisément la « quintessence » (quinta essencia).
Les sinus n’ont pas grand chose à voir là dedans.
La même erreur de traduction est généralement commise avec « physician » qui représente simplement un médecin et non un physicien et cicada qui représente une sauterelle et non une cigale et encore moins un scarabée.
Dans le feuilleton « Kung-Fu » le jeune Kwai Chang Kaine devrait donc se nommer « petite sauterelle » et non « petit scarabée ». Ces deux aspects pendant des siècles, sinon un millénaire, furent jugés complémentaires et indispensables et ce n’est que fort récemment que la partie  » active  » disparut peu à peu de plusieurs tendances. Actuellement, si certaines écoles continuent à pratiquer la marche, les anciennes formes gymniques, parfois qualifiées par certains auteurs de  » gymnastiques bouddhistes « , ne sont que fort peu étudiées.

Paradoxalement plusieurs centres de pratique du Zen, sinon certains monastères, proposent parallèlement à la méditation Zazen la pratique du Taiji Quan (Tai Chi Chuan) ou de différents  » QiGong  » plus ou moins taoïstes alors que les formes de Zhan Chan (… ou Ritsu Zen) qui appartiennent au Chan des origines tombent peu à peu dans l’oubli.
L’inverse se produit, par contre, en ce qui concerne la macrobiotique parfois encore qualifiée, à tort, de Zen macrobiotique. Cette théorie alimentaire fut, ce qui est souvent passé sous silence, au sens propre du terme recréée dans l’immédiate après-guerre par le Japonais Nyoiti Sakurazawa, dit Georges Ohsawa à partir de la traduction japonaise des travaux et des écrits de Christoph Wilhelm Hufeland (1762-1836) :  » La Makrobiotik « .
Elle ne possède donc que fort peu de rapports avec le Zen si ce n’est que ce fut un groupe d’adeptes de cette méthode qui invita en France, en Juillet 1967, le Maître Taisen Deshimaru qui fut à l’origine du développement de la pratique de la méditation Zazen en France. La confusion, ou l’amalgame, entre Zen et macrobiotique fut donc entretenue pendant plusieurs années alors qu’il s’agit bel et bien de deux choses très différentes. Le Zen, ou Chan, fait partie intégrante du Bouddhisme. La macrobiotique est une théorie philosophico-alimentaire basée sur la conception Yin/Yang, donc plus ou moins taoïsante, amplement revue et corrigée par son créateur. Cette même macrobiotique, pour ces raisons, est fort différente de la diététique chinoise traditionnelle. Il existe, par ailleurs, une excellente cuisine végétarienne spécifique aux monastères Zen du Japon, le Shôjin Ryôri (cuisine pour la pratique) mais celle-ci n’a rien à voir avec la macrobiotique si ce n’est l’utilisation de produits végétaux souvent d’origine japonaise (algues, champignons, sauces, soja fermenté… ).
Toujours dans le domaine de la terminologie il peut exister une certaine confusion dans l’utilisation et la compréhension du terme  » secte « .

Originellement une secte désignait, au sein d’une même religion, un groupe de personnes qui suivaient (du latin secta dérivant de sequi signifiant suivre) un enseignement ou une conception particuliers.
La religion catholique apostolique et romaine fut, par exemple, officiellement considérée comme une secte chrétienne, au même titre que la religion catholique orthodoxe ou que la religion anglicane.
Par la suite il fut souvent constaté que ces groupes se différenciaient, voire se séparaient ( secta, de sector issu de secare signifiant couper) des instances de la religion initiale.
Dans les deux cas il n’existait aucune connotation péjorative ou accusatrice. Il était simplement constaté une différence.
Ce n’est que fort récemment que le terme secte se mit à désigner un groupe idéologique ou mystique agissant sous l’influence particulière d’un guide qualifié, à tort, de gourou.

Ce terme de secte, de même que l’adjectif sectaire, devint donc très rapidement péjoratif sinon chargé de connotations fortement négatives. Dans une certaine mesure le Zen est, étymologiquement une  » secte bouddhiste  » puisque, bien qu’appartenant à la religion bouddhique, il possède ses propres particularités et enseignements. Au sein même du Zen les différentes tendances ou obédiances : Sôtô, Rinzai, Nembutsu, Sambô Kyôdan sont, étymologiquement, des  » sectes Zen « .
De la même manière on parlera de  » sectes taoïstes  » ou de  » sectes shintoïstes  » sans la moindre arrière pensée.
En aucun cas il ne s’agit d’une accusation et moins encore d’un aveu d’appartenance à une quelconque doctrine sectaire.
Le fait que le Zen macrobiotique ait pu être qualifié de secte, dans la connotation négative du terme, n’implique en aucune manière le Zen.
Il en résulte simplement que ce terme de secte doit être manipulé avec la plus grande précaution. J’avais remarqué il y a quelques années que le caractère Jiao (Ricci 597), que l’on retrouve dans « San Jiao He Yi » (Les Trois Enseignement font Un) est traduit, dans les dictionnaires classiques de la langue chinoise (Couvreur, Ricci, Wieger), par une très (trop) large palette de termes qui vont de « enseignement » en allant à « doctrine » en passant par « école » etc, le terme « secte » n’apparaissant (Couvreur) qu’en 17eme position.
Ce caractère signifie, également, instruire, éduquer, enseigner, diriger, guider, aviser.
Rien de foncièrment « sectaire » là dedans !
Il est alors étrange que nombre d’auteurs utilisent préférentiellement ce terme de « secte » à tous les autres.
Ne serait-ce pas une intention délibérée de nuire ?
En Chinois la tradution littérale de catholicisme (Tianzhujiao) suivant ce principe est donc « Secte (Jiai) du Seigneur (Zhu) Céleste (Tian) » !

Envoyer ses enfants au cathéchisme devrait donc se dire, suivant le principe de nos traducteurs (traductueurs) patentés « envoyer ses enfants dans la secte du seigneur céleste » ce qui n’est évidemment pas trop rassurant vu le contexte actuel !
S’asseoir en silence… Si on demande à un adepte, et à plus forte raison à un Maître, du Zen ce qu’est le Zen, il répondra probablement et invariablement  » C’est Zazen ! « .
Si cette réponse ne vous illumine pas immédiatement c’est simplement parce que vous ne pratiquez pas Zazen. Or Zazen c’est s’asseoir en silence. Za, en japonais, Zhou en chinois signifie simplement siège, par extension s’asseoir sans bouger. Ce même caractère sanscrit utilisé dans le Dhyana d’origine, Antara est très proche de Asana (siège, posture) utilisé en Hatha Yoga, Zen, Chan ou Dhyana signifie littéralement  » centré « ,  » au milieu de  » et, par extension,  » agir centré  » ou  » méditer « .
 » Faire Zazen « * c’est donc s’asseoir en silence et agir centré. Zazen c’est la méditation silencieuse. * « faire zazen » « faire yuki » et on en passe et des meilleurs c’est un peu « faire du » ou « faire les »
comme on fait du vélo, du sport, du boudin aux pommes.
Ou comme « on fait » les pyramides, la thaïlande, la Chine, son âge, la gueule, un infarctus, des enfants donc « en touriste ».
Il y a une sacrée différence entre « pratiquer zazen » « pratiquer du Taijiquan » et « faire zazen » « être zen » ou « faire du Qigong » ce qui, dans ces derniers cas, est une vision « touristique » de la chose en question.
Un peu comme si Zidane « faisait du ballon » ! C’est simplement « assise-centrée-silence » (Zuo Chan ou Zazen). Cette proposition date du sixième siècle de notre ère lorsque Bodhidharma, fils du Roi Sughanda et descendant en lignée directe du Bouddha, considéré comme le vingt-huitième patriarche indien et premier patriarche chinois, réalisa l’illumination après avoir médité neuf années face à un mur du fameux et réputé monastère de Shaolin.
Bodhidharma, en sanscrit (Po Ti Ta Mo en chinois, Daruma en japonais) signifie littéralement  » Celui qui porte  » (Dharma)  » l’Eveil  » (Bodhi). .. ce qu’on a pu parfois pu traduire par  » l’Illuminé « .
Ce  » Porteur d’Eveil  » ou cet  » Illuminé « (CF Audiard « Bienheureux les fêlés car ils laissent passer la lumière ! » ) fut donc à l’origine profonde du Chan bien qu’il soit souvent considéré que ce soit à Houeï-Nêng (Hui Neng) (638-713) que revient cet honneur.

Entre Boddhidharma, représenté par Shenxiu, et Houeï-Neng il existe déjà une distinction entre une tendance qui met l’accent sur la progression des étapes et des moyens utilisés pour obtenir l’éveil et celle qui insiste sur le caractère subit de cet éveil (Satori) conçu comme une illumination.
Le premier affirme donc  » Le corps est l’arbre de l’éveil. L’esprit comme un miroir clair, sans cesse il convient de l’essuyer afin qu’il soit sans poussière « .

Ce à quoi le second répond  » Point d’arbre dans l’éveil, ni de miroir dans l’esprit. Lorsque le Bouddha est pureté où pourrait-il y avoir de la poussière ? « . Par la suite, sous les Song, le Chan se sépara donc en Cinq Maisons (Wu Tang) connues au Japon comme le Rinzai (Lin Chi), le Sôtô, le Igyô, le Ummon et le Hôgen. Ce fut à cette époque, à la fin du huitième siècle, que le Chan s’implanta en Corée sous le nom de Sôn et commença à se faire connaître au Japon.
Pour ce dernier il faudra attendre Eihei Dôgen (1200-1253) pour que l’école Sôtô y soit représentée peu de temps avant l’école Rinzai.

Ces deux écoles demeurent, encore de nos jours, les deux principales tendances traditionnelles du Zen japonais. A leur coté, bien que de moindre importance, il existe encore l’école Obaku, l’école Sambô Kyôdan (société des Trois trésors) synthèse entre le Sôtô et le Rinzai et diverses écoles du Chan chinois, du Sôn coréen, du Thiên vietnamien.

Sans compter d’autres tendances de synthèse comme la White Plum Sangha créée aux USA par Taizan Maezumi. Ou le « Bouddhisme social » vietnamien, le Phat Giao Hoa Hao, de Huynh Phu So, surnommé par ses détracteurs « le moine fou » qui prône la méditation chez soi et rejette le décorum des temples et l’oisiveté des moines ! Le vrai bouddhiste se doit de travailler et d’être actif dans la société. Inutile de dire que cela dérange quelque peu le système établi.

Adeptes du Boudhisme Hoa Hao

Adeptes vietnamiennes du Bouddhisme Hoa Hao dans les années soixante

Huynh Phu So

Une autre forme de Bouddhisme visant au dépouillement non des adeptes mais de son propre (sic!) Karma !

Malgré ces différences c’est pourtant la méditation assise en silence (Zazen, Zhou Chan… ) qui sert de dénominateur commun sinon de trait d’union.
Cette assise (Za) peut, techniquement, prendre plusieurs aspects :celui du lotus (Padmasana) issu de la pratique du Dhyana ; du demi-lotus ou posture parfaite (Shiddasana) issue du Chan chinois ; du Seiza (littéralement  » assise droite  » en japonais) agenouillé dit birman ou Vajrasana (posture du diamant) plus caractéristique des pratiques japonaises. Cette assise est généralement facilitée, notamment dans l’école Sôtô, par l’usage d’un coussin de méditation de forme ronde (Zafu – littéralement « assise dans le Bonheur » ou « Asside du Bouddha !) sur lequel reposent les fesses tandis que les genoux, en contact avec le sol, reposent soit sur le tatami (natte de paille tressée) soit sur un coussin de forme carrée (Zafuton) ou, à défaut, une couverture pliée.

A ce sujet, un Maître Indien du Astanga Yoga (Yoga des Huit Piliers) d’où est originellement issu le Dhyana, devenu le Chan puis le Zen, n’acceptait comme élèves, et à plus forte raison comme disciples (Sisya), que ceux qui étaient capable de reproduire parfaitement et sans hésitation le pliage particulier de cette couverture. A ceux qui prétendaient être venus étudier le yoga et non plier des couvertures il rétorquait le plus simplement du monde  » Si vous n’êtes pas capable d’apprendre à pratiquer un simple pliage de couverture comment pourriez-vous apprendre à votre corps à se plier à la pratique ? « .

Quelle que soit la posture, donc l’assise (Za), il convient avant tout comme le précisait Patanjali, fondateur de l’Astanga Yoga… donc du Dhyana… , que celle-ci soit simplement  » Shtirasukham  » (Shikantaza en japonais) c’est à dire équilibrée et plaisante, donc juste. Le dos est droit, le menton légèrement rentré, la bouche fermée pointe de la langue touchant le palais supérieur, les yeux mi-clos, la respiration profonde et fluide est issue du ventre (Tanden ou Hara). La position des mains peut varier suivant les écoles. L’école Sôtô préconise, par exemple que la main gauche repose dans la main droite, les pouces joints ne formant  » ni vallée, ni montagne « .
Plusieurs écoles chinoises de Chan ainsi que l’école coréenne Taego préconisent, au contraire, que la main droite repose dans la main gauche, comme pour un simple salut, que les deux pouces et les doigts de la main droite relevés forment le sceau du bouton de lotus.

De même, certaines écoles préconisent de se concentrer sur la respiration profonde, d’autres sur les Koan (sentences). .. ou sur la  » non-concentration  » (Shikantaza) du  » juste s’asseoir « . En un mot comme en cent mille  » le Zen c’est Zazen ! « . Cela fait penser au précepte d’un illustrissime Maître du Thé (Chado ou Cha No Yu) au Japon qui déclarait sans sourire « La cérémonie du thé consiste à faire chauffer de l’eau, à infuser le thé et à le boire » Mais il faut une bonne quinzaine d’années pour parvenir à ce dépouillement dans la simplicité. Ou « juste un battement de cils ».

Les Koan ou Sentences éclair. Koan est un terme japonais issu de l’ancien chinois Gung (Kong, Kung) An (Kongan en coréen) signifiant littéralement  » qui fait jurisprudence  » et par extension  » à qui on ne s’oppose pas « . Il s’agit bien souvent d’un très court dialogue entre le Maître et le Disciple Le second pose une question et le premier y répond parfois d’une manière paradoxale et souvent incompréhensible de manière à provoquer l’Eveil. Il s’agit donc, en quelque sorte, de  » sentences éclair  » servant à illuminer l’esprit ne serait-ce que pour une fraction de seconde (un battement de cils) ou pour l’éternité. Cette méthode fut utilisée depuis l’époque des Song (960 1127) où parurent les premiers recueils. L’un des plus connus demeure le Mumonkan (Barrière sans porte) rédigé au XIIIeme siècle. Le premier Koan de cette  » Barrière sans porte  » est demeuré célèbre :  » Un chien a-t-il la nature de Bouddha ? : Mu ! « . Mu signifie  » non !  » (privatif ou vide) en japonais mais également aboyer Wu (Wou) en chinois. Le Maître Jôshû (Chao Chou) répond que le chien n’est pas la nature de Bouddha en aboyant ! Cette dernière subtilité issue de la langue chinoise échappe encore souvent aux commentateurs de tendance japonaise.

Le septième Koan relate l’anecdote où un nouveau disciple parvient au monastère en désirant recevoir un enseignement.
Le Maître Joshu demande  » as-tu déjeuné ? « .
Le disciple répond  » Oui  »
 » Alors, lave ton bol ! « . Le Koan de Basho n’est pas moins explicite.
A un moine qui lui demande ce qu’est le Zen (Chan) il répond  » Si tu possède un bâton je te donne un bâton, si tu ne possède pas de bâton je t’enlève ce bâton ! « . Mais, le summum est atteint dans le Koan de Ummon auquel un moine demandait  » Qu’est-ce que le Bouddha ?  » il répondit  » Une spatule à merde ! « . Puisque Bouddha est tout et est partout pourquoi ne serait-il pas autant dans une spatule à merde que dans une quelconque effigie de pierre ou de bois ? Logique. On rejoint, parfois, le meilleur de Pierre Dac.  » Le Zen c’est comme un sabre sans manche, sans lame, sans garde et sans fourreau « . Parfois même les Koan prennent une forme gestuelle. Un disciple demande au Maître ce qu’est l’Illumination. Le Maître retire sa sandale et assène, avec celle-ci, une claque retentissante au disciple en hurlant  » c’est cela ! ! ! « . Le disciple tombe en arrière et subit l’illumination ! Il est, encore, à préciser qu’en Chine il s’agit de sandales de paille tressée alors qu’au japon les sandales des moines sont de bois ! Petite différence entre l’effet du Chan et l’effet du Zen. Sans oublier le grand classique  » Lorsque l’on frappe des mains (exemple… clac !) quelle est la main qui produit le son ? « . Ou « Quel est le son d’une seule main ? »

Ce à quoi un provocateur, probablement un peu taoïste, répondit en se donnant une claque sur le ventre qu’il avait fort rebondi en disant : « Cela ! » Et cette dernière :  » Le Maître pose son sac à terre… cela c’est le Zen. Il le reprend… et cela l’illumination ! « . Certains affirmeront donc que le Zen c’est perdre ou abandonner et que l’Illumination c’est reprendre ou retrouver. Mais cela les regarde. Lorsque vous ne pratiquez pas le Zen les rivières sont des rivières et les montagnes sont des montagnes. Lorsque vous pratiquez le zen les rivières ne sont plus des rivières et les montagnes ne sont plus des montagnes. Lorsque vous réalisez le zen les rivières redeviennent des rivières et les montagnes redeviennent des montagnes. Lorsque vous atteignez l’Illumination les rivières deviennent des montagnes et les montagnes deviennent des rivières. Au delà cela n’a plus aucune importance.

Un de Koan mes préférés : « L’univers est une fiente de mouche sur la sandale du Bouddha !  »

Un certain Deshimaru… Il serait difficile de parler du Zen sans évoquer la figure de Taisen Deshimaru. De son vrai nom Deshimaru Yasuo, il naît en 1914 et se sent très tôt attiré par le Bouddhisme. Après des études d’économie et de commerce il effectue une première retraite au Monastère Rinzai d’Engakuji à Kamakura puis rencontre, en 1936, le fameux Kôdô Sawaki (1880-1965) surnommé  » le moine sans demeure  » qu’il considéra rapidement comme son Maître.
Kôdô Sawaki, bien que très connu, supportait très mal la vie monastique et demeurait très critique vis à vis du formalisme rituel des deux principales écoles japonaises de Zen.

Taisen Deshimaru

Maître Taisen DESHIMARU

Bien qu’ayant été directeur des moines (Godô) du Monastère Sôtô Sôjiji et ayant terminé sa vie au Temple d’Antaiji, il ne souhaitait pas être catalogué dans l’une ou dans l’autre tendance. Cet esprit quelque peu libéral, pour ne pas dire libertaire, influença fortement le jeune Deshimaru qui, en réalité, ne pratiqua jamais la voie monastique. Devenu homme d’affaire il n’en continua pas moins à pratiquer le Zen avec ferveur. En 1965, juste avant sa mort Kôdô Sawaki consentit à initier, à titre privé, Deshimaru Yasuo et à l’ordonner moine laïc sous le nom de Taisen. Peu après Taisen Deshimaru, par l’intermédiaire d’un autre Japonais, Nyoiti Sakurazawa, plus connu sous le pseudonyme de Georges Ohsawa, fondateur de la doctrine macrobiotique, fut invité à Paris. A partir de juillet 1967 il se mit donc à enseigner la méditation auprès d’un groupe d’adeptes de la macrobiotique. On parla donc assez rapidement de Zen macrobiotique, bien que le Zen et la macrobiotique n’aient, en réalité, que de très lointains rapports.

En 1969 Deshimaru publia son premier livre  » Vrai Zen  » puis, sous l’impulsion de ses disciples, créa, en 1970, l’Association Zen d’Europe qui devint assez rapidement l’Association Zen Internationale. Sa très forte personnalité lui permit d’ouvrir, en 1972, le Dôjô Zen de Paris, rue de Pernetty où il dispensera son enseignement jusqu’à l’année de sa mort, en 1982. Ce n’est pourtant qu’en 1975 qu’il recevra la transmission officielle (Shihô) de Reirin Yamada Zenji qui deviendra le supérieur du monastère d’Eiheiji, faisant, enfin, de lui, enfin, un authentique et reconnu Maître Zen. Cet itinéraire étrange fait un peu penser à celui d’un grand résistant, le Dr Guérisse, un simple médecin Belge, qui pour recruter des agents de renseignement et d’une filière d’évasion se faisait appeler Pat O’Leary et prétendait être un Commodore britannique en mission. Ce qui fonctionna tellement bien qu’à la fin de la guerre il avait permis l’évasion de plus d’un millier d’aviateurs alliés et de leur rappatriement vers l’Angleterre. Quand on connaît la difficulté de former un pilote on imagine l’importance de son rôle effectif dans la victoire des Alliés !

Après la guerre les Alliés ne purent que lui reconnaître son grade de Commodore puisqu’à lui seul il avait sauvé plus d’aviateurs que tous les authentiques commodores réunis ! A partir de ce moment l’enseignement de Taisen Deshimaru fut donc considéré comme faisant partie de l’école Sôtô. Il est vrai que sa présence et son action de pionnier permit au Zen de s’implanter durablement en France et en Europe, ce qui lui valut, par ailleurs, quelques jalousies et autres inimitiés. Après avoir été copieusement critiqué, sinon accusé de crime de lèse majesté, il fut donc reconnu et même accepté par ses pairs japonais. Tous ceux qui ont approché le Maître Deshimaru reconnaissent son charisme exceptionnel et sa grande simplicité mêlée d’un sens de l’humour très particulier. Bon vivant, et bon buvant, il déployait une énergie exceptionnelle, particulièrement dans le Centre Zen de la Gendronnière qu’il souhaitait transformer en premier monastère Zen européen de l’école Sôto, jusqu’à sa disparition en Avril 1982.

Il souhaita, à cette occasion, retourner au Japon et décéda à Tokyo. Son enseignement se perpétue au sein de nombreux Dôjô de l’Association Zen Internationale tant en France qu’en Europe. L’héritage Zen.  » Il est Zen !  » ;  » Il convient de rester Zen !  » ;  » Il a eu beau faire, je suis demeurée Zen !  » ;  » C’est super Zen !  » sont presque devenues des expressions courantes dans un certain milieu qualifié de chébran, pardon de cablé, par un illustre président de la République.

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No commment !
Patrice Vaidie pour le « Kung Fu Wushu en souriant » de Georges Charles – Budo Editions de ll’Eveil
Cela représente à la fois une sorte d’impassibilité bienveillante, de patience compatissante, de fatalisme souriant, de détachement sympathique évoquant quelque peu le New-age californien et son fâmeux  » lâcher-prise  » mâtiné de profonde sagesse orientale telle que le démontrait David Carradine, alias  » petit scarabée « , donc, en réalité, « Petite Sauterelle » , dans le feuilleton  » Kung-Fu « . Jadis, à la campagne on aurait, plus pragmatiquement, proposé de  » laisser pisser le mérinos  » (sic !) . Ou du fameux « Laisse toi aller c’est une valse ! » encore du Audiard avec Bernard Blier. En oubliant d’évoquer, toujours du même auteur, le « Un con qui marche ira plus loin que deux intellectuels assis » – Un taxi pour Tobrouk Aphorismes qui rejoignent, nécessairement, les enseignements des Koan du Zen et des Kong Oan du Chan. Puisque « Méditer c’est agir centré » et non demeurer assis sur son cul C’est la fabuleuse petite différence qui existe entre le 12eme Hexagramme du Yijing, la stagnation, le demeuré où la terre est en bas et le ciel est en haut et le 11eme Hexagramme, la magnificence, la grandeur om la ciel est en bas et la terre en haut.

Le premier est « simplement » assis. Comme assis en sa demeure, donc demeuré. C’est la plage. Le deuxième agit sans intervenir. C’est l’influence. Donc le flux. Etre Zen, dans cette conception populaire mais certainement justifiée, c’est déjà agir sans ne rien faire de plus que ce qui est nécessaire c’est  » agir centré « ,  » être-soi  » donc, étymologiquement,  » méditer « . C’est une attitude, presque une philosophie sinon déjà une religion. On est Zen comme on est Rock ou Jazz, ou on ne l’est pas (Mu !). Il est, par contre, possible de tenter de le devenir au travers de nombreux moyens qui sont autant de points d’appui amenant, peu à peu, à une éventuelle illumination ou du moins à la recherche de celle-ci ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Mais, comme l’affirment certains Maîtres et non des moindres  » le chemin vers le but importe souvent plus que le but lui-même  » ce que d’autres ont pu traduire par  » Le meilleur moment de l’amour c’est monter l’escalier « .  » Qu’est-ce que la Voie… ? C’est suivre la Voie ! « .

Ce qui se résume au Koan le plus court de GC (Alias Cha Li Shi – Celui qui enseigne avec une rêgle – rêgle dans le sens de stick ou de cravache ! : … ?… ! Ces divers moyens résident, tout d’abord dans la méditation. Le Zen, c’est Zazen.
A partir de là il est possible d’agrémenter cette méditation par un rituel puis de situer ce rituel dans un espace sacré. Dans cette hypothèse il convient alors d’adapter cet espace, de le consacrer. Une fois consacré, il doit être reconnu. Rituel, consécration et reconnaissance se manifestent donc dans des activités aussi dissemblables et complémentaires que les diverses marches et cérémonies initiatiques permettant de délimiter une enceinte.

Plusieurs écoles pratiquent ainsi la marche rituelle Kin Hin ainsi que diverses activités de travail manuel (Samu- rien à voir avec les ambulances !) dont certaines consistent simplement au nettoyage du lieu de méditation. La consécration passait, jadis, par un combat ou une lutte symbolique contre les puissances des ténèbres puis par une purification de l’enceinte sacrée.

Les moyens connus et réputés résidaient principalement dans le tir à l’arc où il convenait de décocher plusieurs flèches considérées comme purificatrices ou magiques. Il est donc tout à fait normal et conforme à cette ancienne tradition que le tir à l’arc soit encore considéré comme faisant partie intégrante de la pratique du Chan ou du Zen. Il suffit de lire l’excellent et unique ouvrage de Eugen Herrigel sur  » Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc  » pour s’en persuader. Comme le précise immédiatement l’auteur  » Etablir un parallèle entre le tir à l’arc et le Zen (quelque image que l’on se fasse) doit paraître de prime abord une intolérable dépréciation de ce dernier « .

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Anzawa O sensei par Patrice Vaidie pour « Le Kung-fu Wushu en souriant » de Georges Charles – Budo Editions de l’Eveil. Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc (Herrigel).
En est-il réellement ainsi ? Mais Herrigel va plus loin encore en terminant son ouvrage par un chapitre sur l’Art du sabre. Ce faisant il pose, en quelque sorte, la terrible question  » Un boucher peut-il être Zen ? « . Pourquoi ne le serait-il pas ?
Ce qu’admettent les Taoïstes, et particulièrement Zhuangzi ou Tchouang Tseu, serait-il réfuté par les Bouddhistes Zen ?
L’autre moyen de purification connu de tous temps réside dans la lutte rituelle. Or, nulle part ailleurs qu’au monastère de Shaolin, berceau initial du Chan, ne fut mieux développé l’art de combat à main nue.

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Méditation à Shaolin par Patrice Vadie
Dans le fond de la salle un ratelier d’armes. Les moines de ce monastère ayant eu de la main même de l’empereur de chine l’autorisation de posséder et d’utiliser des armes, comme celle, par ailleurs, de consommer de la viande, cette lutte à main nue ne possède, en réalité, aucune autre justification logique que celle du rituel sacré. Ce principe de rituel sacré accessible au monde profane se retrouve au Japon dans le Sumo. Cette appartenance à l’obédience Bouddhiste des formes martiales issues de Shaolin, donc attachées qu’on le veuille ou non au Chan, demeure explicite puisqu’on les qualifie, en Chine, d’Externe (Wai Jia) par opposition aux formes issues de la tradition Taoïstes qualifiées d’Internes (Nei Jia).

Ces pratiques de purification s’accompagnent nécessairement de l’utilisation d’instruments particuliers, qualifiés à tort d’instruments de culte. Concernant le Zen, ainsi que d’autres traditions bouddhistes, il existe plusieurs moyens de produire des sons spécifiques liées à des cloches de bronze (Bonsho), des bols et des clochettes, des plaques de métal et de bois, des Congs et tambours, des claquettes et même un poisson de bois (Mokugyo) à la forme et au son très particuliers permettant de rythmer certains Sûtras. Si on ajoute à cela quelques fumigations d’encens ainsi que plusieurs objets spécifiques aux officiants comme le Kolomo, robe noire à grande manches, le Kesa ou vêtement rectangulaire qui se porte sur l’épaule gauche, le Kotsu ou sceptre d’enseignement, le Kyôsaku ou bâton d’encouragement qui sert à frapper les épaules des méditants, les coussins ronds zafu et carrés zafuton, il existe déjà tout un artisanat Zen disponible en boutique et du meilleur effet dans un intérieur japonais.

La reconnaissance, enfin, permet d’établir une cohésion spécifique au Zen ou à chacune des écoles chinoises, japonaises, coréennes, vietnamiennes, européennes et américaines. Elle se manifeste dans l’expression particulière d’une forme d’art global prenant en compte l’arrangement floral (Ikebana), la cérémonie du thé (Chado ou Cha No Yu), l’architecture et l’arrangement des jardins de sable et de rocaille (Jodo) ou jardins de contemplation, la peinture et la calligraphie spécifiques au Zen ainsi que la poésie du Haïku forme profane et littéraire du Koan. Il s’agit, exclusivement, de poèmes utilisant dix sept syllabes : cinq, sept et cinq et permettant de fixer l’instant dans un éclair spirituel.

Par essence, malheureusement, ces formes poétiques demeurent très difficiles à traduire et plus encore à adapter faute de mieux il convient de se contenter d’une approximation littéraire.  » Un vieil étang. Une grenouille. Quel vacarme ! « .
«  Plancher poli. Absence du Maître. Espace « .  » Loquet ouvert. Amant. Rais de lumière à minuit « …

il en existe quelques milliers et même un peu plus ou probablement un peu moins.

Le Zen futur… Paradoxalement le Zen est à la fois héritier d’une très longue tradition plongeant ses racines en Inde, en Chine, au Japon et le vecteur, particulièrement en Occident, d’une recherche d’absolu caractéristique de la fin de ce millénaire. Cette recherche laisse présumer une nouvelle évolution prenant en compte tant le retour aux origines que la fusion probable avec d’autres conceptions philosophiques ou religieuses.

Pour des raisons historiques et politiques le Chan, qui fut en Chine à l’origine du Zen japonais, a quelque peu été oublié. Or, la Chine retrouve peu à peu la mémoire*. * Ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes car les Chinois se souviennent qu’au VI eme siècle un certain Bodhidharma, alias Boddhi Daruma, Daishi, Damo, Putitammo (etc et quel que soit le nom qu’on lui donne et sa transcription phonétique en EFEO, Pinyin, Wade, Lessing) avait déjà proposé à l’Empereur Leung Wudi de dépoussiérer le Bouddhisme de tous ses ornements ostentatoires, de ses rituels compliqués, de ses pampres et de ses ors, de son cérémonial et de ses hiérarchies turlututtu-chapeau pointu.

Or, tout à coup, il semble que l’Occident veuille imposer à la Chine le modèle idéal d’une forme de Bouddhisme descendue, jadis, de l’Hymalaya et ne correspondant pas tout à fait à ce qu’ils jugent comme êtant la forme de Bouddhisme implantée en Chine depjuis plus de mille cinq cents ans, voire deux mille ans avec Batuo, le « ‘premier ancêtre » (du Chan) !

Evidemment l’argument, que l’on pourrait juger à tort fallacieux, est repris par les politiciens chinois mais simplement parce qu’il trouve, aussi, un écho favorable parmi la population mais aussi dans le milieu des intellectuels.
On ne peut pas se mettre à la place des Chinois mais on peut tenter de les comprendre.
Le Bouddhisme que peut leur proposer le Dailai Lama, aussi respectable soit-il, ne correspond en aucune mesure et en aucune façon au Bouddhisme tels que le considèrent les Chinois, à tort ou à raison.

C’est un peu comme si les Chinois, qui ne sont pas des « Extrême-Orientaux » mais les « habitants du Pays du Centre » (ou du Juste Milieu !) proposaient au Vatican de revenir à l’Eglise originelle des Coptes d’Alexandrie, qui, on s’en doute, fut fortement influencée par le culte d’Akénathon (CF Dupuis l’origine des cultes !)
La comparaison est scandaleuse, certes, mais elle est assez proche d’une certaine réalité vécue en Chine comme une provocation.Il fallait le dire et maintenant cela a été dit.

Sans qu’il soit question d’engager une quelconque polémique, le Zen japonais, sous ses diverses tendances et au travers de ses diverses écoles est souvent présenté comme l’évolution, presque suivant la conception de Darwin, et l’aboutissement naturel du Dhyana ou Jhâna indien puis du Chan chinois. Il y a quelques années on présentait, de même, les arts martiaux japonais comme l’évolution et l’aboutissement suprême des arts martiaux indiens puis chinois. Or, actuellement ils se pratiquent parallèlement et défendent leur identité spécifique. Il a simplement fallu que la Chine cesse de se prétendre amnésique et que l’Inde accepte d’admettre qu’il existait encore d’autres pratiques traditionnelles que le Yoga. De nombreux occidentaux pratiquent désormais le Kung-Fu Wushu, le Taijiquan, le QiGong, le Daoyin Fa, comme en Chine ou le Kalaripayat, comme en Inde.

Cela n’empêche nullement d’autres occidentaux de pratiquer le Karaté, le Taikyokuken, le Do In comme au Japon. Il suffit que les Chinois retrouvent le chemin du temple ou du monastère pour que le Chan retrouve sa place.
Ce Chan des origines donne une large part aux conceptions Taoïstes qui, en Chine, sont à l’origine des pratiques d’éveil et de santé liées à l’Alchimie Interne (Nei Dan), principes que l’on retrouve amplement dans l’acupuncture, la pharmacopée, les gymnastiques psychosomatiques (Tao Yin, QiGong… ), la nutrition, la géomancie et géobiologie qui motivent de plus en plus de pratiquants.

D’autre part, en Occident, il semble que le Zen puisse, sans qu’il soit pour autant question de syncrétisme, établir des passerelles très privilégiées entre le Bouddhisme et le Christianisme. De nos jours bon nombre de prêtres, de moines, de religieux et de religieuses chrétiens ont choisi d’intégrer le Zen dans leur démarche spirituelle. Des précurseurs tels que le père Enomiya-Lassalle, Karlfreid Graf Dürckheim, Thomas Merton permirent la création, en 1978, en étroite collaboration avec le Conseil Pontifical, d’une commission pour le dialogue interreligieux monastique destiné à faciliter cette rencontre.

Pour en savoir (un peu) plus :

Tchan-Zen Racines et floraisons 4 Hermès Editions les Deux Océans 1985
Important recueil concernant les principaux textes issus du Dhyana indien, du Chan chinois, du Zen japonais.
Réédition élargie de Tch’an (Zen) Textes chinois fondamentaux, témoignages japonais, expériences vécues contemporaines publié par le collectif Hermès en 1970.

Guide du Zen par Eric Rommeluère – Les guides Sélène –
Le livre de poche 320 pages 79F00 nombreuses photos couleurs et illustrations Guide comportant plus de 350 adresses de centres Zen à travers le monde et de nombreux renseignements pratiques. Historique succinct, glossaire des termes japonais, bases de la pratique. En quelques sorte le  » routard  » indispensable à tout Zenniste qui se déplace entre deux méditations.

La Sagesse Orientale par C. Scott Littleton Editions du Club France Loisir
Ouvrage album superbement illustré comportant une étude didactique sur l’Hindouisme, le Bouddhisme, le Confucianisme, le Shintoïsme. Permet un large survol des philosophies et des religions d’Extrème-Orient.

Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc par Eugen Herrigel Editions Dervy Un indispensable classique parmi les classiques occidentaux traitant du Zen au travers du Kyudo.

Je ne suis pas un être humain – Un maître Zen contemporain commente les Koans du Mumonkan – par Albert Low Editions de Mortagne. Il s’agit des quarante huit Sentances (Koan), qualifiés de  » Barrière sans porte  » utilisés par Mumon, Maître chinois du Chan au XIIIeme siècle et commentés par le directeur et responsable du Centre Zen de Montréal, Albert Low, qui fut le disciple direct de Yasutani Roshi et de Philip Kapleau.

Pour pénétrer de plein pied dans le monde déroutant des Koan de Mumon dont le plus connu demeure :  » Qu’est-ce que le Bouddha ? – Une spatule à merde ! « … C’est Zen ! Zen – Editions Albin Michel Spiritualités. Ouvrage dédié à Taisen Deshimaru. Nombreuses illustrations noir et blanc.

L’Eveil du Bouddha par Tom Lowenstein Editions Albin Michel collection Sagesse du Monde
Ouvrage didactique présentant le Bouddhisme sous ses aspects les plus divers dans le monde entier. Très belles illustrations photo.

Le Chemin de l’Eveil par Catherine Despeux Editions l’Asiathèque
Présentation illustrée et commentée du dressage du buffle dans le Bouddhisme Chan, du dressage du cheval dans le Taoïsme, du dressage de l’éléphant dans le Bouddhisme Tibétain. Probablement les premières B.D. chinoises créées à partir du huitième siècle pour transmettre la sagesse et l’illumination !

Le Silence Foudroyant par Thich Nhat Hanh collestion spiritualités vivantes Editions Albin Michel
L’Un des très multiples ouvrages – il en a rédigé plus de quatre vingt – du maître vietnamien Thich Nhat Hanh, fondateur de l’Ordre de l’Interêtre -Tiep Hien – représentant la tendance vietnamienne du Zen, le Thiên. Il présente ici deux soutras, ou paroles de Bouddha,  » La Maîtrise du Serpent  » et le  » Soutra du Diamant « . Pour une autre vision du Zen. Japanese homes and their surroundings par Edward S. Morse Editions Tuttle.

Réédition d’un grand classique essentiel et indispensable de la fin du siècle dernier… L’influence du Zen dans la maison, dans la cuisine, dans le jardin… des milliers d’idées de non-décoration à la japonaise. C’est très Zen. Zen pour chats par Christian Gaudin Editions Source – La Sirène – L’un des multiples petits ouvrages d’une grande collection réalisée par des Disciples Zen du Maître Deshimaru. Le septième sens, probablement le plus important par les temps qui courent, demeurant le sens de l’humour, nos amis les chats sont mis à contribution pour nous transmettre l’esprit de la Voie.

Si celui-ci vous plaît vous pourrez de la même manière découvrir le Yoga, le Tai Chi ou les Massages ! Mille ans de littérature japonaise – Anthologie du VIIIeme au XVIIIeme siècle – Tome I et Tome II – par Ryôji Nakamura et René de Ceccaty Editions Picquier de poche. Pour mieux comprendre la poésie japonaise, notamment de l’art du Haiku, On y trouvera notamment les entretiens de Kyorai et propos du Maître Basho ainsi que le recueil des Cent Poèmes.

Querelle des doctrines

Faut-il, encore, réellement, entretenir ces querelles de clochers ? Par Patrice Vaidie

Quelques textes Zen (ou Chan !) à méditer ! « Si on me demande « Quel est le véritable esprit de la méditation ? »
Je répondrai qu’il consiste à maintenir en tout temps un coeur bienveillant et compatissant, que l’on parle ou que l’on remue son coude en écrivant, que l’on soit en mouvement ou en repos, que la chance soit bonne ou mauvaise, que l’on soit dans l’honneur ou dans la honte, dans le bien ou dans le mal, ramassant tous ces élèments en une seule srophe, dirigeant et concentrant son énergie avec la force d’un roc de fer sous le nombril et la partie inférieure de l’abdomen »Hakuin Zenji – Orate Gama. « Tout l’art de nourir la vie consiste à garder fraîches les parties supérieures du corps et chaudes les parties inférieures. Il est essentiel de savoir que, pour la nourriture de la vie, on doit concentrer ses forces dans les parties inférieures. Souvent les gens, entendant dire que pour obtenir l’élixir de vie il suffit d’accomplir les cinq bonnes oeuvres, ignorent que les cinq fondements qui composent le corps matériel, le feu, le métal, l’eau, le bois et la terre, se connaissent par les cinq organes des sens, l’oeil, l’oreille, le nez, la langue, le toucher. Il convient alors de répondre qu’il y a la loi des cinq éléments qui prévient l’acroissement du désir. L’oeil par exemple ne doit pas regarder au hasard, l’oreille ne doit pas écouter au hasard, la langue ne doit pas parler au hasard, le corps ne doit pas toucher au hasard et l’esprit ne doit pas penser au hasard. Si on obéit à ces lois importantes l’esprit de cette nature essentielle, complexe, se présentera pour ainsi dire devant les yeux eux-mêmes » Hakuin Zenji -Ogate Gama. Ceci étant dit pour celles et ceux qui pratiquent « Zhan Chan » ou « Ritsu Zen », souvent au coeur de « Yiquan », et qui n’ont jamais entendu parler de ces principes qui sont à l’origine même de cette pratique de « méditation active », ni des « Cinq Eléments » qui en sont partie constitutive. En rappelant, aussi pour information, que j’ai été, à la fin des années soixante dix, le Directeur Technique de la Fédération Française de Ritsu Zen (FFRZ) avec le titre de Ryunomaki. Ritsu Zen se lisant Zhan Chan cela me fait un peu marrer quand j’aprend qu’untel ou untel, Français, Chinois ou Japonais, se prétend à l’origine de l’introduction de cette pratique en France dans les années quatre vingt et quelques. Mais je suis Chan et reste Zen !

Et encore un peu de « terminologie classique »

Pour une lecture « classique » du caractère Chan Chan caractère 159 113-12 -RICCI –
1/ concentration de l’esprit ; méditation ; contemplation
Chan (Jap Zen) L’une des écoles di bouddhisme chinois
2/céder ; abdiquer

3/ Nettoyer, aplanir un terrain (pour les sacrifices), aplanir, racler avec une pelle

4/offrir un sacrifice à la terre ou aux divinités de la nature (des collines, des fontaines etc)
Sacrifice à la terre associé au sacrifice dit Feng offert au ciel par les empereurs. Chan – COUVREUR- Nettoyer ou arranger en plein air un terrain pour faire un sacrifice ou une offrande au ciel ou à la terre ; emplacement où on offrait des sacrifices en plein air ; sacrifice ou offrande au ciel ou à la terre ; Lorsqu’on veut offrir des sacrifices aux esprits des montagnes, du ciel ou de la terre on balaie l’emplacement.

Céder, donner, transmettre un héritage à un homme d’une famille étrangère.

Paisible, tranquille, repos état contemplatif des bouddhistes Il peut évidemment sembler à certains étrange de prendre pour référence des « dictionnaires classiques de la langue chinoise » ppour tenter de définir des mots, ou des caractères, chinois. Surtout pour celles et ceux qui ne souhaitent se référer qu’aux caractères japonais. Mais dans le cadre du « classique » et donc des caractères « classiques » il convient de rappeler, également, que ce sont les mêmes en chinois et en japonais et que, si ils se prononcent différemment, l’essence du caractère, donc sa racine est chinoise. Le japonais classique est du chinois classique si on excepte quelques caractères particuliers et modernes. Il convient donc de simplement revenir à la racine pour se faire une idée précise de l’identité de l’arbre. Retrouver la racine du caractère c’est comme retrouver son ADN. Ainsi Do signifie Dao ou Tao, Ki signifie Qi, Do In signifie Tao-Yin ou Daoyin, Ai signifie He…Aikido c’est He Qi Dao ! Et on se rend compte, simplement, que les racines amènent à un tronc, les troncs à des branches et les branches à des feuilles, le retour formant l’humus qui nourit les racines. Dans la nature l’humus produit par un arbre peut être tout à fait favorable à d’autres arbres qui ne sont pas nécessairement de son espèce. Se bloquer sur les feuilles et leurs différences c’est donc mal connaître l’arbre. Et ignorer sinon critiquer la racine ne produit pas grand chose.