L’ARBRE DANS LA TRADITION CHINOISE

Difficile d’embrasser l’arbre sans parler de l’arbre ! Et plus encore sans aimer l’arbre ! L’arbre est omniprésent dans la tradition chinoise.

Energétique, peinture, acupuncture, horoscopie, calligraphie, Taijiquan, Kung-fu Wushu, Xingyiquan, Méditation Zhan Zhuang ou Zhan Chan (Zen) utilisent conjointement l’image de l’arbre

Il est donc difficile de parler de l’Elément Bois, de l’ enracinement, des troncs célestes et des branches terrestres, des points racine ou des branches collatérales, du Monastère de la Petite Forêt (Shaolin), de se tenir debout droit comme un pin dans la montagne et de négliger ou d’oublier l’arbre !

Georges Charles posture de l'arbre

Georges Charles posture de l'arbre

A gauche : Georges Charles dans la posture de l’arbre. A droite une sympathique illustration que nous avons retrouvée sur un autre site traitant de la Posture de l’arbre – évidemment sans mention aucune sur la provenance ni l’origine. Mais l’illustration nous a plu ! On vous en fait donc cadeau. Embrasser le Ciel : la pratique cliquer ici

Il conviendrait donc avant tout de « Rendre à César ce qui est à César et à chacun ce qui lui est du »

Et deux articles étonnants en fin de page ; Les faux arbres qui vous espionnent L’Arbre sacré de Saint Claude entre Picardie et Normandie.

Lui, il est Thaïlandais !

 

« LES ENERGIES DU PRINTEMPS ET LA SYMBOLIQUE DE L’ARBRE »

Arbre :

Végétal ligneux de grande taille (6 à 7 mètres au minimum) dont la tige (le tronc) ne se ramifie qu’à partir d’une certaine hauteur. Du latin arbor (Hachette)

Plante ligneuse dont la tige, ou tronc, fixée au sol par des racines, est nue à la base et chargée de branches et de feuilles à son sommet. (Petit Larousse).

Un vieil ami italien

En chinois classique l’arbre est représenté par le caractère, ou sinogramme, Mu (Ricci 3569) qui constitue un radical ou une clé très importante (radical 75) à partir duquel sont créés un très grand nombre de caractères importants. On le retrouve, par exemple dans le Ji (Ki) du Taiji (comme dans Taijiquan ou Tai Ki Kuan) (Grand Faîte) où il représente une poutre maîtresse ou faîtière.

Mu signifie également le Bois, l’un des Cinq Eléments de la cosmogonie classique correspondant à l’Est, à l’Orient, au Printemps, au Petit Yang, au renouveau, à la renaissance, à la résurrection (ressuscitation = faire mouvoir de nouveau = lève toi et marche).

La notion d’arbre est donc essentielle à la pensée classique chinoise. Il serait étonnant qu’il en soit autrement dans les pratiques classiques qui découlent directement de cette pensée et de cette civilisation.

Littérature classique :

Il suffit de rappeler que la langue chinoise classique se compose de 214 caractères fondamentaux dits « radicaux » ou racines. Pour ces caractères chinois ou sinogrammes on distingue également la racine (base du caractère), le tronc (partie principale et verticale du caractère), les branches (parties secondaires du caractère horizontales ou obliques). Le caractère chinois classique se compose donc comme un arbre.

Quelques aiguilles pour une acupuncture terrrestre !

Yijing ou Livre des Mutations :

Dans le Yijing (ou Yi King – le Livre des Mutations) « Le Yi King est considéré par les Chinois comme le plus antique monument de leur littérature ; toutes les écoles sont d’accord sur ce point » (Philastre) on retrouve la notion d’arbre (Mu) dès le premier hexagramme : Qian (Kien) : Le Ciel .

« Les feuilles de l’arbre commencent à pousser, c’est l’action de la cause initiale (Bois). Les fleurs s’ouvrent c’est la liberté d’expansion (Feu). Les fruits se forment c’est le bien (Terre). Ces fruits se développent et mûrissent c’est la perfection ». Le commentaire de Wen Wang ajoute « La vie de perpétue dans la forme (Métal) ».

Tout, selon le Yijing, commence donc avec ce symbole de croissance et d’expansion contenu dans l’arbre.

L’ancien caractère désignant cet hexagramme Qian représente à droite (Yin) l’impulsion première, le souffle originel protégé. A gauche (Yang) le Soleil entre feuillage et racines. Tout ce qui existe du plus haut au plus profond. Le soleil au zénith mais que l’on observe au travers des frondaisons représente alors la « scintillance de l’Esprit » (Ming Shen).

Daodejing ou Tao Te King

« Traité de la Voie et de sa vertu » de Lao Tseu, Laozi (Lao Tseu) dans le Daodejing affirme au chapitre XVI :

 « Les êtres multiples du monde feront retour à la racine. Faire retour à la racine c’est être serein, c’est retrouver le destin. Fu, le retour signifie revenir à la racine ».

Mencius et autres auteurs classiques :

De son coté Mengzi (Mencius) l’un des grands auteurs classiques de la Chine Antique explique :

« Toute chose à des racines et des branches. Les événements ne finissent que pour recommencer. A travers dix mille mouvements et dix mille changements le Tao reste Un ».

Wang Bi (226 249) ajoute :

« Le Tao spontané est comme un arbre. Plus il accumule de substance, plus il s’éloigne de sa racine. Moins il en accumule plus il se rapproche du faîte ».

 

ARTS CLASSIQUES DU TAO

La vie au soleil

La notion d’arbre est donc essentielle à la pensée chinoise et à ses applications dans les Arts Classiques du Tao.

Acupuncture :

Le précis d’acupuncture publié par l’Académie de Médecine Chinoise de Pékin indique :

« Les méridiens sont les troncs principaux et circulent longitudinalement tandis que les vaisseaux secondaires sont leurs branches »

Ce concept est précisé dans les « Cahiers d’acupuncture » N° 1 les Méridiens (Masson)

J.F. Borsarello et collectif dont Georges Charles (Masson) Page 20 :

« Le méridien principal est le tronc d’arbre si l’on veut bien considérer une ligne d’importance majeure par rapport aux branches, aux rameaux, au racines. C’est lui qui transporte l’énergie, la reçoit du tronc précédent et la transmet au tronc suivant ».

André Faubert explique encore dans « Initiation à l’Acupuncture traditionnelle » :

« Dans le Neijing (traité de médecine interne entre 400 et 250 Av. J.C.) les Chinois établissent une analogie entre la forme d’un arbre et celle d’un méridien. Comme l’arbre, le méridien a sa racine, son tronc, ses branches, son nœud. Les points antiques sont situés sur le tronc et les racines du méridien. Le chapitre 52 du Lin Zhu « Pilier de l’Esprit » parle du tronc et des brindilles tandis que le nœud et la racine sont traités au chapitre 5 ».

Horoscopie ou Astrologie classique :

On y retrouve la notion essentielle des « Troncs Célestes » (Tian Gan) et des « Branches Terrestres » (Di Zhi).

Suivant Françoise Bernier dans Horoscopie Chinoise – la vie à quatre sceaux – :

« Le calendrier traditionnel chinois est la combinaison d’un tronc et d’une branche, l’accouplement d’un indice solaire et d’un indice lunaire. En juxtaposant six fois les Dix Troncs et cinq fois les Douze Branches, on obtient un cycle de soixante combinaisons. La mise en place de ce cycle sexagésimal, invariable, va servir à désigner les années, les mois, les jours et les heures »

La conjonction de l’indice solaire et de l’indice lunaire forment la combinaison soleil/lune qui désigne le caractère Ming signifiant lumière, clarté, compréhension. C’est cette lumière qui apparaît dans l’hexagramme Qian au centre des branchages de l’arbre.

Pierre Dars dans les notes de Au Bord de l’Eau (Editions de la Pléiade ) ajoute encore :

« Nous nous servons pour les énumérations de lettre de l’alphabet romain ou grec ; les Chinois emploient, eux, deux séries de signes appelés respectivement « branches terrestres » (Di Zhi) et « troncs célestes » (Tian Gan). Les branches servent, par exemple à énumérer les douze heures du jour. Ces divisions horaires correspondent d’ailleurs à 12 signes du zodiaque, à 12 directions de la boussole et à 12 animaux symboliques qui sont dans l’ordre : rat, bœuf, tigre, lièvre, dragon, serpent, cheval, bélier, singe, coq, chien et porc. Si maintenant on combine deux à deux les 10 signes des troncs et les douze signes des branches on obtient au total soixante combinaisons. Ces combinaisons sont utilisées pour désigner les années ou d’autres périodes du temps, en particulier les cycles, années, mois, jours et heures de naissance d’un individu ».

Pour donner un exemple, le 12 février 2002, lors de la douzième veille située entre 21h et 23 heure qui correspond à la douzième des « branches terrestres » (Zhi) correspondant au Porc (ou sanglier) des animaux cycliques, commencera l’année du Cheval de l’Eau de l’année Ren Wu. Dans ce cas Ren correspond au neuvième tronc céleste, qui représente les graines enterrées dans le sol et qui est de tendance Yang tandis que Wu, que l’on traduit par collision, heurter, se rencontrer correspond à la septième branche terrestre, de tendance également Yang, qui correspond à l’apogée du principe Yang. Ce Cheval de l’Eau, ou cheval noir, correspond à l’Eau terrestre mais au Bois céleste. « Troncs » et « branches » permettent donc de mieux préciser les tendances ayant rapport avec le Ciel (Esprit) et avec la Terre (forme ou matérialité) qui influencent à la fois le climat, les circulations d’énergie, le potentiel énergétique humain…donc les activités humaines.

Cette « branche » de l’horoscopie était jadis utilisée en médecine classique afin de complémentariser le diagnostic et de déterminer d’éventuelles perturbations climatiques ou/et énergétiques.

 

Pratiques énergétiques et chevaleresques ou « martiales » :

Le symbolisme de l’arbre est toujours également présent dans les pratiques énergétiques ou chevaleresques, dites « martiales ».

Taijiquan (Tai Chi Chuan) :

« Poing du Grand Faîte » – Le caractère Ji (faîte) se compose du caractère Mu (arbre) en réalité le Taiji c’est la « poutre faîtière » qui soutient le « grand faîte » (toit). La poutre (Yin et intérieur) soutient le toit (Yang et extérieur) mais le toit protège la poutre.

On retrouve assez constamment dans cette pratique la notion d’enracinement. Littéralement « Ji Ben Zhan Zhuang Shi » = posture d’enracinement de base.

Ji Ben (Ki Pen) représente le Faîte/Racine donc la liaison Terre/Ciel.

Xingyiquan ( Hsing I Chuan) :

« Poing du corps et de l’intention » ou « Poing de l’Intention prenant Forme ». Pratique utilisant les Cinq Mouvements (Wu Xing) : Eau ; Bois ; Feu ; Terre ; Métal. Le mouvement Peng correspond au Bois et permet de saisir (Na) et de projeter.

La pratique du Zhan Zhuang « Se tenir fermement debout comme un arbre » que l’on retrouve actuellement dans les écoles appartenant au Xingyiquan que sont le Yiquan, le Dachengquan, le Liananquan, le Wuxingquan, le San Yiquan (Sanyiquan ou San Yi Chuan), le Taikiken et dans bon nombre de « Qigong » actuels issus de l’enseignement, ou des enseignements, de Wang Xiangzhai, originellement issue du Zhan Chan (Ritsu Zen) ou Zen debout par opposition et complémentarité au Zhou Chan (Za Zen) ou Zen assis. Cette pratique utilise l’image de l’arbre (embrasser l’arbre, s’adosser à l’arbre…). Il y est donc habituel de parler d’enracinement, de tronc, de branches…En langue chinoise comme en français le tronc désigne la partie corporelle contenant les organes et où s’attachent la tête (sommet) et les membres (considérés comme racines et branches)

Quelques veines centenaires !

 

Daoyin Qigong (Tao-Yin Chikung) :

« Art d’entretien de la Voie » ou « Gymnastique taoïste » :

On y retrouve bien évidemment la forme « embrasser l’arbre » originellement issue de l’enseignement transmis par Wang Xiangzhai (Wang Hsiang Chai ou Wang Yu Seng). Il existe deux possibilités majeures. Soit le pratiquant imagine qu’il s’adosse à un arbre, soit il imagine qu’il prend l’arbre dans ses bras (embrasser ou enlacer). Dans un cas comme dans l’autre il est toujours question de « racines » ou d’enracinement, de souche (entre racines et tronc), de tronc principal et de branches (membres supérieurs) qu’il convient d’harmoniser entre Ciel et Terre, donc du plus profond au plus haut comme le suggère le premier hexagramme du Yijing. Dans la pratique la plus classique et non seulement gymnique on envisage le travail avec « l’en deçà » (la profondeur, la matrice mais aussi les entités telluriques) et avec « l’au-delà » ( l’Esprit (Shen) et les entités célestes (Ming Shen) donc ce que l’on nomme en Occident les divinités). Pour les Japonais il s’agit, par exemple, des Kami (littéralement Feu (Ka) et Eau (Mi) ) présents dans la nature. Dans un Dojo, le Kamiza est l’endroit où « s’assoient » (Za comme Zazen) les Divinités (Kami). C’est l’endroit où l’on offre des végétaux…fleurs et branches disposés en bouquets composés (Ikebana) ; arbres miniatures (Bonsaï) ou fruits en offrande. « Voici des fruits, des feuilles, des fleurs et des branches… » dirait Verlaine.

Un Qigong bien occidental ! :

De son coté Henri Vincenot, plus prosaïque mais probablement initié, donne ce conseil dans « La Billebaude » (Folio N° 1370 page 139) :

« Si jamais tu es patraque, me disait le grand-père Sandrot, mets-toi le dos contre un beau chêne de futaie (chêne sauvage qui a poussé tout seul) ou un « moderne » de belle venue (chêne qui a été planté). Colle-toi les talons, les fesses, le dos et le « creuteu » (la partie postérieure du crane, l’occiput) contre le tronc, tourné vers le sud, la paume des mains bien à plat sur l’écorce, et restes-y aussi longtemps que tu pourras…une heure, si tu en a la patience : Guari ! Regonflé à péter que tu seras ! Regonflé de quoi ? Regonflé de vie, garçon ! Et c’est facile à comprendre : l’arbre suce sa vie dans la terre, ça remonte par ses racines et par son tronc, et il la suce aussi dans le ciel par ses feuilles, et ça descend par ses branches. Ca circule dans les deux sens, tu comprends ? Et toi tu te requinques au passage ! C’est comme ça qu’ils se regôgnaient nos anciens ! ».

Voilà qui est fort intéressant et qui en bouche un coin à ceux qui prétendent que seuls quelques maîtres chinois ont la science infuse et connaissent les secrets de cette posture (qu’ils ont eu, par ailleurs, l’autorisation de dévoiler par leurs pairs – voir Shigeru Uemura et Michel Oliver ! ) plus que millénaire et que pratiquaient probablement et également nos ancêtres et les ancêtres de nos ancêtres dans les forêts gauloises. Tout y est : le fameux réglage talon, bassin, dos, occiput décrit dans le Yijing (hexagramme N°52 Ken (Ken) : l’Immobilisation, la Stabilisation ) ; le fait de se tourner vers le sud, donc de « s’adosser au Yin et d’embrasser le Yang) (Daodejing de Laozi N°42) ainsi que l’explication de la jonction et de l’échange Terre/Ciel donc de l’énergie et de la matière.

L’écrivain Jean Louis Etienne, auteur de « Le pôle intérieur » (Editions Hoëbeke) cité dans le Point N°1448 du 16 juin 2000 reprend ce même principe :

« se coller contre l’arbre de tout son corps. On ressent les vibrations de l’arbre. On se sent comme traversé par la sève ».

Shaolinshi Quan et Kung Fu Wushu

« Poing du Monastère de la Petite Forêt ». Le symbolisme est évident puisque la « petite forêt » ou « bosquet » est représenté ici par deux arbres côte à côte. C’est la forme d’art du poing de l’externe la plus connue en Chine. C’est également le lieu où Bodhidharma (Daruma, Potitamo) initia les moines chinois aux subtilités du Chan qui deviendra le Zen. La pratique « se tenir debout comme un arbre » procède initialement du Zhan Chan (ou Ritsu Zen) le « Zen debout » en opposition et en complément avec le Zhou Chan (ou Zazen) le « Zen assis ». Il est bon dans ce cas de se souvenir que le Bouddha trouva l’Illumination alors qu’il méditait sous un arbre, plus précisément un figuier qui porte désormais le nom de Ficus Religiosus.

Cet épisode de l’Illumination sous un figuier est reprise dans la Légende Dorée du Bienheureux Jacques de Voragine (XIIIe siècle) où le Gautama Bouddha est nommé Saint Josaphat !

« Absolu » … comme un Arbre !

Karatedo, Shorinji Kempo et Karaté Shotokan :

A Okinawa et au Japon il est à l’origine des styles Shorei et Shorin du Karatedo et du Shorinji Kempo qui signifie littéralement « Poing du Monastère de la Petite Forêt » ce qui se lit Shaolinshi Chuan Fa en chinois. L’Ecole la plus connue du Karatedo créée par le Maître Gichin Funakoshi se nomme Shotokan , ce qui signifie littéralement « Maison des Pins Bleus qui ondulent sous la brise ».

Jujutsu, Judo, Aïkido :

Le caractère japonais Ju (en chinois Rou ; Jou) (Ric. 2451) qui signifie souple, souplesse, élastique est composé du radical Mu, l’arbre, le bois et du caractère Mao (Ric.3385) désignant une tige de saule ou d’osier, par extension une hampe et une lance. La souplesse est donc symbolisée par une jeune tige flexible. Le Jujutsu (ou Jiujitsu) (Ju Shu en chinois) est donc « la pratique de la souplesse » comme le judo (Ju Tao en chinois) est la « Voie de la souplesse ». Ce n’est donc pas un hasard si le Maître Jigoro Kano, fondateur du Judo, avait choisi comme origine à son art l’Ecole du Yoshin Ryu, fondée par Yoshin Miura, de son véritable nom Akiyama Shirobei Yoshitoki, médecin à Nagasaki et qui fut, dans les années 1670-1690 l’élève d’un médecin chinois nommé Bukan (Hakutei ou Pu Quan). Le caractère Yo (Ji) (Ric. 476), identique en chinois et en japonais, représente le saule. Yoshin Ryu est donc « l’Ecole (Ryu) du Cœur (Shin ou Xin…par extension du « principe » ou de la « méthode ») du saule (Yo) ».

La légende raconte que c’est en observant une branche de saule sur laquelle la neige s’accumulait et qui ployait pour laisser tomber celle-ci pour revenir à sa place que Yoshin Miura eut l’idée d’utiliser la souplesse(Ju) comme méthode de pratique (Jutsu). L’ « Art Souple des Saisies » ( Qin Na Ju ou China Shu),créé en Chine, est donc historiquement l’ancêtre du Jujutsu.

 

La physiologie de l’arbre et son rapport avec la pratique énergétique :

Si il s’agissait d’une simple image (Xiang) ou d’un simple symbole spéculatif, l’arbre, dans la pratique n’aurait qu’un rôle décoratif. Mais depuis des millénaires les sages de l’ancienne Chine eurent une vision assez précise des mouvements de vie qui animent les arbres.

Ils furent donc probablement les premiers, le Liji (Li Ki) ou Livre des Rites, l’un des Cinq Grands Classiques de la Chine , en atteste, à édicter des règles qui avaient pour but de les protéger (Calendrier des Xia, Prescriptions mensuelles…) :

« Premier mois du Printemps … Il est fait défense d’abattre des arbres. Qu’on ne renverse pas les nids. Qu’on ne détruise pas les petits animaux, les fœtus, les nouveaux nés, les oiseaux au sortir du nid, ni les faons, ni les œufs… » « Second mois de Printemps …qu’on protège les bourgeons et les pousses, qu’on nourrisse les petits animaux… »

« Premier mois d’Eté…que rien ne soit dégradé ni ruiné, qu’on n’abatte pas de grands arbres… » « Second mois d’Eté…qu’on protège la forêt, qu’on ne fasse pas de feux dans les endroit exposés au sud » « Troisième mois d’Eté…En ce mois les arbres prospèrent : il est ordonné aux inspecteurs d’aller à la montagne et de veiller à ce que les arbres ne soient ni taillés ni abattus ». Il est ajouté « Respecter les arbres, c’est respecter la vie ».

C’est probablement pour ces raisons que la cuisine chinoise classique permet, grâce à son découpage et à ses divers modes de cuisson d’économiser du combustible.

Bodhidharma et son arbre

Tout d’abord, comme tout être vivant, l’arbre respire. Il absorbe l’oxygène et produit et rejette du gaz carbonique. Ce qui pourrait être un inconvénient. Mais, heureusement, ce processus est largement compensé par la photosynthèse. Celle ci se réalise au travers des feuilles qui agissent comme de multiples panneaux qui captent à la fois la pluie et la lumière solaire.

Cette lumière permet un processus alchimique subtil permettant de fractionner les molécules d’eau (H2O) amenées jusqu’à ces feuilles à partir du sol grâce à la sève brute ou a partir du ciel par la pluie. L’oxygène (O) est alors libéré et se répand dans l’atmosphère tandis que l’hydrogène (H) s’allie au gaz carbonique pour produire des glucides. Par la suite, ces glucides, toujours dans un processus subtil, se transforment en amidon, puis en lignine donc en bois.

Cette même photosynthèse permet également de synthétiser les acides aminés en utilisant l’azote puisé dans le sol et transporté par la sève brute. Cette synthèse permet la production de la sève élaborée à partir des feuilles, sève qui se répartit ensuite dans les diverses parties de l’arbre. Cela s’effectue à partir au travers d’un important réseau de canaux situés sous l’écorce au niveau du liber.

Cette circulation particulière amenant la sève brute à partir du sol dans l’aubier jusqu’à une hauteur considérable et distribuant la sève élaborée dans les différentes parties de l’arbre s’effectue grâce à deux systèmes distincts. Le premier est l’ évaporation qui attire la sève vers le haut. Le second est produit par la différence de concentration entre la sève brute et la sève élaborée, différence produisant une pression suffisante pour faire circuler la sève.

Lorsque l’évaporation n’est pas suffisante, les racines se chargent d’ions dans le sol ce qui crée un appel d’eau suffisant pour créer une circulation minimale. Il existe donc bien une différence particulière entre la respiration diurne (Yang) et la respiration nocturne (yin) de l’arbre, comme il existe une différence entre sa circulation printanière et estivale (Yang) et sa circulation automnale et hivernale (Yin).

On retrouve donc bel et bien les quatre cycles principaux de l’énergétique chinoise, le cinquième étant celui de la production des fruits destinés à la reproduction et de lignine, donc de bois assurant la structure de l’arbre. Cette dernière production s’opère à partir du cambium qui engendre à la fois le bois de l’aubier et le liber ou circule la sève.

Chaque année l’arbre produit une nouvelle quantité de bois, le cerne. L’aubier se constitue de lignine dont les cellules vivantes sont animées par la sève brute. Le cœur même de l’arbre se constitue de lignine dont les cellules sont mortes. Il constitue en quelque sorte le squelette de l’arbre.

Bien qu’il s’agisse à l’échelon microscopique d’échanges subtils, les quantités considérées par les grands arbres sont considérables tant au niveau de la production d’oxygène que de l’évaporation en eau. Une forêt produit ainsi plusieurs millions de mètres cubes d’oxygène et l’équivalent de plusieurs milliers de tonnes d’eau. Cette production et cette évaporation massive ne sont pas sans influence sur le climat et la climatologie.

Certaines espèces comme les pins, les mélèzes, les épicéa produisent également des substances balsamiques en grandes quantités.

Enfin, les arbres influent profondément sur le sol, permettant des associations particulières notamment avec les plantes et les champignons. On connaît les associations particulières entre les champignons et certaines espèces d’arbres.

L’amanite tue mouche (Amanita muscaria) ne pousse que sous les bouleaux et est donc plus fréquente sur les sols siliceux. Les truffes (tuber mélanosporum), comme la russule noircissante préfèrent les chênes. Lorsque l’on cueille des champignons il est donc d’abord préférable de regarder d’abord vers le haut afin de déterminer les essences d’arbres les plus favorables à la cueillette. Ce sous bois particulier aux essences d’arbres, aux espèces végétales spécifiques comme les lichens, les mousses, les fougères influe à son tour sur les espèces animales qui trouvent un biotope favorable à leur activités.

Le geai recherche les chênes dont il disperse les glands assurant la reproduction de l’arbre. Bon nombres d’insectes, particulièrement de papillons, sont liés à des espèces spécifiques (Bombyx du chêne, de l’ailante, sphinx du laurier rose…). L’arbre constitue donc bien un moyen d’ échange exceptionnel entre l’énergie et la matière, le ciel et la terre, l’être humain et son environnement le plus naturel.

Dans la vision chinoise de l’énergétique l’arbre ne se limite donc pas aux seules racines et à son faîte mais prend en compte ce qui est à son origine, le sol et ses minéraux (sels minéraux, cristaux attachés au Métal) et à son environnement général. Un philosophe chinois, Zhang Shi (1133 1180) a pu affirmer dans « L’initiation Correcte » (Zhengmeng) :

« l’être humain possède des défauts comme l’arbre possède de la mousse, des insectes et des oiseaux. Un arbre sans mousse, sans insecte et sans oiseau n’est plus un arbre. Un être humain sans défaut n’est plus humain ».

 

Taiji et arbre dans la Cité Pourpre à Pékin

 

L’arbre et la notion de renouveau :

La Chine , nous l’avons déjà vu, ne possède pas le monopole exclusif du symbolisme de l’arbre. On retrouve bien évidemment l’arbre de vie dans la Kabbale et l’arbre de la connaissance (ou du péché !) dans la bible au coté de Adam et Eve. Mais on le retrouve également avec Ygdrasil l’arbre cosmique de la mythologie scandinave sans parler des arbres du zodiaque et des arbres généalogiques qui symbolisent la succession des générations, donc le passé, le présent et le futur. L’arbre représente donc et bien l’axe du monde (axis mundi) qui relie le Ciel et la Terre.

En énergétique chinoise l’arbre, donc le Bois, symbolise le Printemps, l’Est, l’Orient, le Petit (ou Jeune) Yang, la croissance, la régénération, la renaissance et la résurrection.

Il puise sa force dans les profondeurs de la Terre , ce qui correspond au Nadir, au Grand Yin, au Nord, à l’Eau grâce à ses racines mais sort de l’obscurité pour venir à la rencontre de la lumière. Chaque année il semble mourir en hiver mais ressuscite (se remet en mouvement) à nouveau au printemps. Cela correspond symboliquement en Chine à l’hexagramme 36 « Ming Yi », « l’obscurcissement de la lumière » ou le matériel funéraire et en Occident et au Moyen Orient à la mise au tombeau. Cette mise au tombeau, donc à l’obscurité des profondeurs de l’hiver, est naturellement suivie par le retour à la vie, à la lumière du printemps, à la résurrection, donc à la renaissance et au renouveau des énergies. En Chine, le premier jour de l’année est également le premier jour du Printemps, donc celui du renouveau de la nature, de la germination des énergies. L’élément bois est donc rattaché à la vue. On dit toujours « il a vu le jour à telle date ». Mais également aux muscles et au tendons qui motivent le mouvement et l’activité physique.

Le symbolisme occidental de l’Arbre de Vie ou de l’Arbre de Croix

On parlait jadis de « l’arbre de la croix ». On arborait donc la croix. La croix symbolisa donc aussi l’épée franque qui souhaitait se mesurer au cimeterre, donc au croissant. Il est à noter que la croix, constituée de bois, se compose d’une barre verticale (symbolisant le Ciel) et d’une barre horizontale (symbolisant la Terre ), d’une partie visible se tournant vers l’au delà et d’une partie invisible se situant dans l’au deçà. Elle symbolise donc la vie…et la Voie. Le métal des clous et de la lance symbolise la mort physique. Le tout se transforme, lors de la résurrection, en lumière céleste et en éternité.

avant la pratique matinale

 

Et une information sur les faux-arbres antennes : cliquer ici

Et une curiosité occidentale : l’arbre de Saint Claude ou Saint Gleude. C’est « l’arbre à loques » situé entre Picardie et Normandie. cliquer ici

 

DING SHU TAO YIN QIGONG

« Travail énergétique de prise de contact avec l’arbre », ou un autre vision des choses !

Suivant la tradition classique du Ling Pao Ming Siu Dan Pai Tao Yin Fa (Lingbaoming Xiaodanbai Daoyinfa ) ou « Travaux énergétiques de la Petite Réalisation du Joyau Ecarlate » transmise au sein de San Yiquan et remontant au XIeme siècle il existe une relation particulière entre l’être humain et l’arbre. Cette mise en relation particulière est codifiée dans la pratique du Tao Yin Fa de « forme céleste ». Il s’agit d »établir une relation liée à la sensation entre le pratiquant et l’arbre. Dans ce cas il y a mise en relation entre les diverses parties de l’arbre et les diverses parties du corps du pratiquant.

– Les doigts et les orteils, plus particulièrement l’auriculaire, le périnée (muscle ancestral Zong Jin et le point Huiyin) sont mis en relation avec l’élément métal et les racines de l’arbre qui représentent la structure (Ti) et le forme (xing).

– Les poignets et les chevilles ainsi que l’annulaire et le ventre (Xiabu Tandian et le point Qihai) sont mis en relation avec l’élément eau et la souche de l’arbre qui représente le souffle et l’énergie (Huxi et Qi).

– Les coudes et les genoux ainsi que le majeur ou médius, la poitrine et le point Zhongting sont mis en relation avec l’élément Bois et le tronc de l’arbre qui représente l’émotionnel, le relationnel, le sensationnel (Tang et Ganjue)

– Les épaules et les hanches, l’index ainsi que la gorge et le point Tiantu sont mis en relation avec l’élément Feu et les premières branches qui représentent l’intentionnel (Yi)

– Le front, le point Yingtang et le pouce sont mis en relation avec les frondaisons qui représentent à la fois l’Esprit (Shen) et la production (Heng).

– Le sommet du crâne et le point Baihui ainsi que les cinq doigts sont mis en relation avec le faîte, le sommet de l’arbre (Taiji) qui représente la « mutation » (Hua) ou « quelque chose d’autre encore » et qui dépasse l’esprit

– Le corps tout entier du pratiquant est mis en relation avec l’arbre tout entier « au deçà et au delà » (Xia Shang), donc avec le « terroir » et le « climat » de l’arbre ainsi qu’avec tout ce qui est dans son environnement direct et indirect (oiseaux, champignons, papillons, mousses, minéraux…).

Au terme de cette « prise de contact » il est possible d’obtenir une « image symbole » (Xiang) de l’arbre qui peut être transcrite sur un charme (Fu Lu) taoïste. Il s’agit alors de l’image du « Ciel Antérieur » (Xandian) de l’arbre, donc de son énergie originelle (Yuanqi). Cette transcription de la vision de cette énergie fondamentale est souvent considérée comme « écriture magique » ou « écriture en herbe » alors qu’elle représente en fait quelque chose de parfaitement concrêt puisque parfaitement abstrait. Dans ce cas cette énergie-image peut être utilisée à diverses fins puis retranscrite sous la forme d’un « charme taoïste » (Fulu). Ces charmes sont particulièrement utilisés dans le Feng Shui de l’Ecole des Charmes (Fulupai Tao Yin Fa) utilisée au sein du Ling Pao Ming. En effet, sur le modèle de l’arbre la « prise de contact » est effectuée avec un rocher, une montagne, une chute d’eau et leur énergie reproduite afin d’apporter un traitement à un lieu ou à un habitat particulier.

Mais comme souvent seule la vision « externe » du Feng Shui prédomine et cette école particulière des Charmes est oubliée ou laissée dans l’ombre par les praticiens qui ont autre chose à faire que de méditer face à un arbre !

Comme il existe donc des « charmes » ou « viatiques » utilisés en médecine chinoise classique et qui peuvent traiter l’être humain en profondeur, il existe des « charmes » qui peuvent traiter un environnement ou un habitat en influençant profondément sur son énergie, en rééquilibrant celle-ci.

Mais il est déjà difficile pour certains d’imaginer que le Feng Shui et l’acupuncture sont deux branches d’un même domaine, l’une destinée au macrocosme environnemental, l’autre au microcosme humain !

Nos anciens praticiens chinois soignaient la nature comme ils soignaient le corps humain, les aiguilles étant remplacées par des arbres, des rochers, des lacs, des fontaines.

En Occident les mégalithes et autres alignements, les arbres sacrés, les sanctuaires avaient probablement le même but et la même fonction.

Mais tout cela est quelque peu éloigné du « scientifisme » conquérant et de la Loi d’Airain du Marché Tout Puissant !

Donc mérite d’être oublié ou passé sous silence voire considéré par les praticiens d’acupunture ou du Feng Shui comme une supersticion dont, heureusement, ils ont su se débarrasser !

Où irait-on en effet si ces anciennes croyances dont on s’était débarassé à grand peine, comme les loups et les ours, venaient à ressurgir du néant.