Pratique individuelle du Wushu. Quelle réplique d’arme blanche chinoise choisir ?

 

Par Jean Pierre Bousquet.
Enseignant San Yiquan et Ancien de l’Ecole

 

Le type d’arme blanche (épée, sabre, armes longues telles que la hallebarde, etc.) est logiquement lié à l’école de Wushu pratiquée. Généralement, l’enseignant propose un modèle particulièrement bien adapté aux spécificités de son école. Mais cela n’empêche pas certains pratiquants passionnés de jeter un regard envieux sur les catalogues de répliques des divers fournisseurs présents sur le marché pour agrémenter leur pratique personnelle.

Mais le choix est tellement vaste aujourd’hui… Quel modèle choisir ?

 

Une question de technologie de la lame et donc, de tarifs.

De nos jours, on peut trouver des reproductions d’épées ou de sabres chinois à partir de 25 € pour les modèles d’entrée de gamme, 700 € pour les modèles haut de gamme et à partir de 2500 € pour les modèles de très haut de gamme.

Le modèle d’entrée de gamme, fabriqué industriellement en Asie, est constitué d’une lame non tranchante, flexible découpée dans une tôle d’acier réputé inoxydable, sinon en aluminium brut ou anodisé, ou en acier à ressort (spring steel) chromé. Le poids de l’arme est sensiblement compris entre 200 à 500 grammes pour les épées et 300 à 600 grammes pour les sabres, en fonction de la longueur de la lame.

Le modèle premium, fabriqué industriellement en Asie, est constitué d’une lame tranchante, généralement en acier au carbone forgée semi-flexible à rigide. Le poids de l’arme est sensiblement compris entre 700 à 800 grammes pour les épées et 900 à 1000 grammes pour les sabres, en fonction de la longueur de la lame.

Le modèle haut de gamme, constitué d’une lame tranchante semi-flexible à rigide en acier au carbone homogène de coutellerie (type XC 75), fabriqué artisanalement sur mesure par quelques forgerons français.

Damas

Exemple de motif obtenu sur un acier de bas fourneau

Le modèle très haut de gamme, constitué d’une lame tranchante semi-flexible à rigide en acier de bas fourneau, fabriqué artisanalement sur mesure par quelques rares forgerons français.

La gamme de poids des modèles premium et haut de gamme sont sensiblement identiques.

La différence entre le modèle très haut de gamme et les autres modèles réside, certes dans le niveau de personnalisation et de finition attendu, mais surtout par la nature de l’acier qui compose sa lame. L’acier de bas fourneau n’est pas industriel. Il est obtenu par le forgeron lui-même à partir du minerai de fer ! Sachant que le bas fourneau est également fabriqué par le forgeron…

Ce mode d’obtention de l’acier a été mis au point en Chine ancienne. Ensuite, il a été exporté en Inde et dans les pays Moyen Orientaux.

C’est ainsi que les croisés découvrirent, lors de leurs missions en Syrie, des lames qui présentaient un aspect moré dû à la structure interne de l’acier qui composait les lames de sabre…

Hors, aux XIème – XIIème siècles, l’occident n’était capable de fabriquer que des épées en fer grossier constitué de trois bandes forgées puis soudées. La bande centrale était la moins cassante. L’aspect visuel des lames d’épées était bien moins beau que celui des sabres locaux que les croisés ont qualifié de « Damassé », du nom de la ville à proximité de laquelle ils ont découvert ce nouvel acier.

Attention de ne pas confondre « Damassé » avec « Damasquiné ». Une lame damasquinée s’est vue incruster à froid, au marteau, de petits filets (d’argent, d’or, de cuivre) formant décor. La nature de l’acier qui compose la lame est indifférente.

La vie n’étant pas toujours très simple, aujourd’hui, « acier damassé » n’est plus synonyme d’acier « de bas fourneau ».

Trousse de 16 couches 8 couches d’acier doux et 8 ciuches d’acier dur prêtes à être travaillées.

Trousse de 16 couches : 8 couches d’acier doux et 8 couches d’acier dur prête à être travaillée

Le terme « Damas » est désormais repris pour désigner des aciers hétérogènes constitués de plusieurs nuances d’acier soudées et forgées pour obtenir des motifs plus ou moins complexes. Ce matériau, appelé « acier Damas de corroyage », emprunte le nom du métal historique par abus de langage à cause de sa ressemblance superficielle avec l’acier de bas fourneau.

 

 

Le Damas moderne se réalise à partir d’une trousse: c’est le nom donné à l’empilage de plaquettes muni d’un manche qui va permettre de réaliser le Damas.

Une lame de sabre haut de gamme en acier damassé à partir d’une trousse. Plus la trousse est étirée et repliée sur elle-même un grand nombre de fois, plus les motifs sont subtils et fins.

Les trousses alternent un acier dur avec un acier plus doux. Après forgeage, étirements, pliages et torsades de la trousse originelle, on obtiendra une lame aux motifs dont la finesse dépend du nombre de couches de la trousse et de la qualité du travail de forge effectué.

Une lame de sabre haut de gamme en acier damassé à partir d’une trousse. Plus la trousse est étirée et repliée sur elle-même un grand nombre de fois, plus les motifs sont subtils et fins.

Il existe également des plaquettes d’acier carbone ou inoxydable « Damas » réalisées industriellement. Il « suffit » alors de découper ces dernières et de leur donner un tranchant au moyen d’une bande abrasive adaptée. Mais la taille des plaquettes industrielles est généralement plus adaptée à la réalisation de couteaux.

En terme de finition, on peut rencontrer des lames :

  • Aux polissages plus ou moins brillants ou plus ou moins satinés,
  • Partiellement ou totalement brunies,
  • Gravées de calligraphies, de dragons, phénix ou tout autre animal merveilleux,
  • Damasquinées,

Ma lame a-t-elle une vraie ligne de trempe ?

Popularisée par les fameux Katana, la ligne de trempe fait désormais partie des lames de sabre. Pour que la lame d’un sabre soit résistante aux chocs, elle doit être « souple » avec un tranchant dur. A cette fin, on réalise une trempe sélective au cours de laquelle on protège la lame avec un produit à base d’argile SAUF le tranchant. Ce dernier subissant plus intensément la chaleur du four, il sera plus dur que le reste de la lame.

 

La ligne de trempe est la frontière SUBTILE qui sépare les deux zones dures et plus souple. Elle peut être révélée par polissage (sur les produits très haut de gamme) ou par acide (perchlorure de fer).

Toutefois, la grande majorité des lames n’a pas subi ce traitement thermique et donc cette révélation. Et pourtant, bien des lames montrent des lignes de trempe… fausses !

Certaines fausses lignes de trempe, bien marquées, sont réalisées au moyen d’une meuleuse. Elles sont grossières et facilement repérables, puisqu’elles sont formées de traits perpendiculaires au tranchant, alors qu’une véritable ligne de trempe suit le fil de la lame.

D’autres fausses lignes peuvent être obtenues en imprimant un motif par marquage laser. La technique permet de multiples possibilités !

 

Une question d’équilibre de l’arme.

Quel que soit le poids de l’arme, une part essentielle de sa capacité à être maniée réside dans son équilibre. Une arme légère et mal équilibrée sera plus difficile et plus fatigante à manier qu’une arme plus lourde de même type… mais mieux équilibrée !

En effet, le maniement d’une arme mal équilibrée va obligatoirement provoquer de petits mouvements parasites pour compenser le défaut. Outre la fâcheuse tendance à donner de mauvaises habitudes et mauvaises sensations aux débutants, ces mouvements parasites vont déformer la technique attendue, donc diminuer son efficacité sur un plan martial et son intérêt sur le plan ergonomique !

Par exemple, pour une épée « Jian » dont la lame mesure aux alentours de 80 cm, le point d’équilibre doit se situer aux alentours de 7 cm de la garde.

Il va de soi que la position de ce point d’équilibre varie en fonction du type d’arme concerné.

 

Une lame tranchante ou non tranchante ?

Si le niveau technique le permet, il va de soi que l’utilisation d’une lame affutée est idéale pour une utilisation en solo.  L’utilisation d’armes tranchantes avec partenaire est évidemment limitée aux experts de très haut niveau !

Une arme affutée permet de réaliser des tests de coupe si et seulement si la technologie de la lame le permet. Une lame affutée de piètre qualité risque de se briser au moment du contact avec sa cible et donc de blesser pratiquant ou spectateur !

Attention ! Une arme bien équilibrée à la lame tranchante de très bonne qualité coupe. Cela devrait être une évidence, mais les exigences cinématographiques laissent penser qu’une effort conséquent est nécessaire pour trancher…  En fait, quand le mouvement est correct, au moment précis de la coupe… on ne sent absolument rien de spécial ! L’arme est étudiée pour faire un certain travail. Elle le fait efficacement. Point. Attention donc aux risques de blessures vis-à-vis d’autrui mais aussi vis-à-vis de soi-même en cas de mouvement mal contrôlé !

Noter qu’un artisan forgeron pourra, si nécessaire, tester le tranchant de sa réalisation pour s’assurer de sa bonne tenue mécanique lors d’un test de coupe.

Un modèle d’arme, une myriade de répliques existantes… Laquelle choisir ? Pour quels objectifs ?

L’arme la plus chère n’est pas nécessairement la plus adaptée à l’utilisation qui en est faite…

Prenons un exemple : choisir une réplique du sabre à deux mains (Baodao) de l’empereur Kangxi. L’auteur a trouvé plus d’une douzaine de modèles différents. Quasiment tous les modèles reprennent les gravures de têtes de dragons et de chevaux-dragons, mais toutes les gammes de technologie et toutes les finitions évoquées plus haut sont proposées, même avec une lame volontairement oxydée pour donner l’impression que l’arme est ancienne !

Sabre Kangxi

Des modèles tranchants au non-tranchants, les dimensions (1m de long au total pour 50 cm de lame) sont voisines à ± 5 cm et les poids (sensiblement 1,5 kg) voisins à ± 500 gr.  Celui ou celle qui souhaitera acquérir une réplique de ce sabre devra donc se demander si, au-delà du maniement proprement dit, il y a, ou non, une recherche de travail de musculation et d’équilibre général du corps. Plus l’arme choisie sera lourde, plus son maniement correct sera exigeant en matière de capacités musculaires et d’équilibre corporel… Les difficultés et problèmes rencontrés ne seront pas causés par l’arme, mais par nous-mêmes… Il faudra donc travailler sur nous-mêmes et nous remettre en question plutôt que de laisser l’arme – soit disant TROP lourde – sur son présentoir !

 

Une telle arme pourra, par exemple, être utilisée occasionnellement pour travailler la forme du bâton d’interne : son poids obligera un travail plus précis aux niveaux musculaire et équilibre comme nous venons de le voir, mais également dans l’orientation et la précision du geste grâce à la présence de la lame… Sans oublier qu’avec sa longueur plus faible que celle du bâton, il sera bien utile lorsque les dimensions du local disponible ne permettront pas l’usage d’un bâton d’au moins 1m50.

Au niveau des tarifs, un écart de ± 2300 € a été observé en fonction des prestations proposées. Le modèle d’entrée de gamme étant de l’ordre de 160 €.

 

Quid du petit trou à l’arrière des poignées des épées et sabres industriels ?

Les poignées des épées et sabres industriels chinois se terminent par un écrou percé. Cet orifice permet, respectivement, la fixation de pompons et de foulards.

Or, il s’agit d’une technologie très moderne… et non traditionnelle : Aujourd’hui, la soie (partie qui relie la lame à la poignée et au pommeau) est généralement constituée d’une tige filetée. L’écrou extérieur relie les volutes, la garde, la fusée et le pommeau.

Dans certains cas, lesdits écrous peuvent avoir tendance à se desserrer. L’arme peut donc devenir dangereuse… mieux vaut donc coller une bonne fois pour toute l’écrou récalcitrant que le resserrer périodiquement…

Les armes anciennes n’utilisaient pas cette technologie. Tous les éléments étaient emmanchés en force. Si bien que les pompons des épées étaient fixés dans un trou qui transperçait la fusée et la soie… Et certains modèles modernes de haut de gamme reprenaient cette technologie ancienne.

Ceci étant dit, la présence de pompon à l’extrémité du pommeau permet de vérifier que le mouvement part bien du centre de la main… dans le cas contraire, le pompon s’enroule généralement autour du poignet ! C’est donc un excellent outil pédagogique.

De la même manière, on ne peut pas objectivement combattre avec un sabre doté d’un léger foulard simplement noué à un fil de fer de tout petit diamètre… Aujourd’hui il s’agit d’un ornement qui ne tiendrait pas plus de quelques secondes au combat !

Originellement, le « foulard » était aussi long que le sabre. Il servait, certes, d’élément perturbateur au combat car, au bout d’un moment il devient difficile de discerner la lame du tissu… mais, pour des motifs très pragmatiques souvent oubliés aujourd’hui, il servait également à essuyer la lame après avoir tranché car une fois cette dernière souillée, elle perdait un peu de son pouvoir de coupe et il fallait la ranger dans un état de propreté impeccable dans son fourreau afin d’éviter, notamment, les problèmes de corrosion !

 

L’affutage de la lame

Si l’affutage d’un « simple » couteau nécessite un certain savoir-faire, l’affutage d’une lame d’épée ou de sabre exige un savoir-faire certain…  Il est donc plus que recommandé de confier cette opération à un forgeron compétant ou de se former auprès de ce dernier.

Attention ! Avant de réaliser l’affutage d’une lame, en particulier industrielle, non encore tranchante, il convient de s’assurer qu’il est possible de l’affuter… tous les aciers, en fonction de leurs traitements thermiques et de leur composition ne donnent pas les mêmes résultats…

 

L’entretien de l’arme.

C’est une évidence. Une arme s’entretient. En fonction de sa structure, il sera peut-être nécessaire de nourrir le bois du manche, le cuir de la poignée, de désoxyder le laiton ou le cuivre de la garde, et de nettoyer la lame…

Le mode d’entretien varie en fonction de la composition de la lame. Il convient de se renseigner auprès du fournisseur. Certains produits chimiques ou abrasifs peuvent endommager la lame au lieu de la nettoyer !

L’objectif est de maintenir la lame constamment à l’état neuf. Sachant que prévenir vaut mieux que guérir, la première habitude à adopter consiste à ne pas toucher – malgré les tentations –  la lame avec les doigts… ils peuvent provoquer tâches et/ou corrosion !

Une deuxième bonne habitude consiste à ne jamais glisser une lame mouillée ou humide dans son fourreau.

L’entretien courant de la lame se résume – après chaque utilisation – à l’essuyer avec un chiffon doux puis à appliquer un très léger film d’huile de protection adaptée (Le fournisseur de l’arme propose généralement). En effet, les huiles alimentaires, très grasses, ne conviennent généralement pas.

Si des taches légères apparaissent, frotter la lame au moyen d’un chiffon doux sur lequel on aura déposé une petite noix de pate à polir de coutellerie. Il conviendra ensuite d’enlever toute trace de pate à polir avec un chiffon doux.

Attention ! L’expérience montre qu’il reste utile de rappeler que, pendant les opérations d’entretien, une lame tranchante continue à trancher ! C’est évident n’est-ce pas ? Et pourtant… il est si facile de laisser glisser les doigts devant la lame !

 

Si on se laissait tenter par une arme sur mesures ?

Malgré le nombre important de modèles industriels, il peut être difficile de trouver « son » arme idéale. Dans ce cas, pourquoi ne pas se laisser tenter par une arme personnalisée sur mesures ? Il est alors possible de définir avec précision les dimensions, les éléments de décoration et la nature de chaque composant en collaboration avec le forgeron. Nous aurons ainsi une arme unique et personnalisée dans les moindres détails, une arme qui sort de l’ordinaire…

Ci-dessous un sabre à lame en feuille de saule (Liuyuedao) et une paire de couteaux papillon cantonais (Chan Ma Dao) réalisés voici une quinzaine d’années par le forgeron Yves Naert (The Edge www.aufildelalame.fr ).

Dao, Tao ou sabre à un tranchant

La poignée est en galuchat rouge recouvert d’une lanière de cuir noir dont le tressage est adapté à la main de son heureux propriétaire. Ce tressage personnalisé permet une prise en main idéale, même en présence de transpiration.

La garde évidée en laiton est, curieusement, de style japonais. Elle s’inspire du tsuba du plus célèbre des samouraï, Miyamoto Musashi. Pourquoi ne pas avoir reproduit la garde chinoise traditionnelle pour ce type de sabre ? Uniquement pour des raisons esthétiques. Pourquoi en laiton ? Pour apporter de la lumière au niveau de la poignée.

La lame de 71 cm, aiguisée comme celle d’un rasoir, est en acier homogène XC 75. Dotée d’une gouttière, elle a subi une trempe sélective de manière à ce que le tranchant soit plus dur que le reste de la lame qui reste donc plus souple.

Les idéogrammes gravés sur la lame ( ) signifient clarté (ou compréhension céleste). Ils symbolisent la recherche de matérialisation de la subtilité céleste jusque dans la matière particulièrement dense qu’est le métal.

« Malgré » une utilisation fréquente, grâce à un entretien régulier de la lame et du cuir, un nettoyage périodique de la garde en laiton, ce sabre est encore aujourd’hui en très bon état.

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Couteaux papillons ou Chan Ma Tao

Concernant les couteaux papillons, la poignée est en ébène réputé pour sa solidité. Bien que le désir initial fût qu’elles soient également en laiton pour des raisons esthétiques, les gardes sont en acier inoxydable afin que les chocs n’y laissent pas d’empreinte.

Les dimensions des gardes ont été déterminées pour permettre les manipulations et le crochetage des bâtons de diamètre courant de l’ordre de 2.5 à 3.5 cm de diamètre.

La longueur des lames a été déterminée par la morphologie du propriétaire : lorsque l’arme est maintenue le long du bras, la pointe doit légèrement dépasser du coude, afin de le protéger tout en autorisant des attaques en pique…

 

Il s’agit alors de véritables armes qui peuvent s’avérer dangereuses pour celle ou celui qui n’en maitrisent pas la manipulation (ou qui se laissent distraire) ainsi que pour un éventuel partenaire. Une très grande prudence est nécessairement de mise !

Ceci étant dit, l’arme, vue comme une partenaire, est un outil qui permet de travailler de manière très concrète les 4 principes de la pratique : Minimum d’effort pour un maximum d’efficacité, la force de la présence, accueil et ouverture et non-intervention…

Jian ou Kien Epée droite à double tranchant

Noter que certains forgerons proposent des « interprétations » très haut de gamme d’armes chinoises. Ainsi, Gaël Fabre www.gaelfabre.com (voir photo ci-contre) propose une épée à lame semi-rigide qui possède des pans concaves. Les tranchants restent d’une grande finesse et une petite mitre de cuivre couvre le talon de la lame. La garde est forgée laiton tandis que la fusée est en chêne recouvert de cuir bouilli. Des bagues en cuivre forgé recouvrent les extrémités de la fusée. Le pommeau à roue est forgé en laiton, ses pans sont concaves et son moyeu est plat. Les gravures Yin et Yang présentes sur les faces du pommeau sont réalisées à l’échoppe. L’ensemble est entièrement forgé et poli à la main… Pour amateurs avertis !

Un mot de Georges Charles, Maître Héritier de l’Ecole San Yiquan

Les armes ont une place très particulière dans la pratique et la transmission des Arts Chevaleresques Chinois, donc du Kung-Fu Wushu classique. En effet « L’arme précède le poing » car depuis des millénaires, sinon beaucoup plus, l’être humain a su utiliser des armes. Il n’a jamais été question d’affonter l’auroch ou l’ours des cavernes à main nue. Et encore moins un guerrier qui, lui, serait armé. Ce serait folie imbécile. On utilise la main nue lorsqu’on a été désarmé, qu’on a oublié son arme ou que l’on agit dans le cadre d’un rituel symbolique ou festif. Eventuellement lorsqu’on représente la force publique et qu’il faut contraindre quelqu’un à comparaître vivant devant la justice. Encore actuellement en Chine, l’art « souple des saisies » demeure l’apanage de la police et le citoyen lambda n’a pas à connaître les contre-prises qui pourraient lui servir à se dégager.
L’un des Arts Internes majeurs, le Xingyiquan (Hsing I Chuan) est lui-même issi des techniques de la lance. Originellement le général Yue Fei, expert de la lance, a vu un de ses frères d’armes qui faisait jeu égal avec lui, se faire massacrer par la piétaille adverse alors qu’il avait été désarmé par surprise. Il imagina utiliser les principes de la lance dans le combat à main nue afin simplement de survivre si une telle mésaventure se reproduisait. Simplement le temps d’être secouru. Cela engendra « La Longue Main du Yue Fei » puis « Le Poing de l’Unité des Six Harmonies » (Liuhe Yiquan) qui, au fil des siècles devint le Xingyiquan (Poing de la Matérialisation de l’Intention). La forme de lance à crochet de tue Fei et la forme à main nue basée sur les Cinq Eléments (Wuxingquan) se transmettent toujours actuellement au sein de San Yiquan (Poing des Trois-Un ou des Trois Unités).
Pour ma part j’ai toujours été un passionné des armes blanches (qui s’opposent, évidemment symboliquement, aux « armes noires », donc aux armes à feu). On retrouve cette opposition notoire dans une grande partie de l’oeuvre de Kurosawa (Les Sept Samouraï…) et même dans « Le dernier samouraï ». Littéralement l’Arme Noble (de nobilis « qui a un nom ») opposée à l’arme ignoble (de ignobilis « qui n’a pas de nom » – donc l’arme des lâches).
Lorsque je pratiquais, et enseignais, les Arts Chevaleresques Japonais (Budo ou Bujutsu) j’ai eu la chance de pratiquer avec un Katana dont la soie était signée : (Province) Bizen ; (District) Bichu (Village) Osa-Fune ; (Forgeron) Sukesada Yosozaemon ; (Ere) Ei Sho ; (date) Ni Gatsu Ei (un jour de février 1504). J’ai malheureusement du m’en séparer pour la revendre à un ami lorsque j’ai décidé de me consacrer à la pratique, à l’enseignement et à la transmission. Mais elle est toujours dans mon coeur. Il ne me reste que l’estampage de cette soie (sur papier de soie !) et la mémoire. Je continue à utiliser des armes chinoises anciennes mais qui proviennent d’une autre époque.
Actuellement une réplique d’une bonne qualité effectuée par un artisan passionné me semble réellement une bonne solution pas pour « faire » du Kung-Fu ou du Taiji comme on « fait » les pyramides, son âge, la gueule, un infarctus en touriste et par hasard, mais pour suivre un enseignement au sein d’une Ecole Chevaleresque.
GC

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Découvrir les Anciennes armes de la Chine, Par Georges Charles , Amphora – 1993