Bouddha et Saint Josaphat

par Georges Charles Le Bouddha canonisé par l’Eglise catholique …
sous le nom de Saint Josaphat !

Gautama Bouddha en Prince (Ve siècle)

Bouddha ; Saint Josaphat et la Légende Dorée des Saints du Bien Heureux Jacques de Voragine.

Le Bienheureux Jacques de Voragine (Varagine en italien)
Photo prise par Hobo au village de Varraze près de Gènes
Septembre 2007

Place du Bienheureux Jacques de Voragine
Archevêque de Gènes, philosophe et auteur 1228 1298

Une autre statue de Jacques de Vogagine ou Jacopo de Varagine à Varazze

Le tombeau du Bienheureux Jacques de Voragine à Varazze

Concernant la vie des Saints il existe un « classique » fort connu, mais peu lu, rédigé par un théologien dominicain, archevêque de Gênes, Jacques de Voragine (1225 1298), et connu comme « La Légende Dorée par le Bienheureux Jacques de Voragine. »
Cet ouvrage, rédigé à partir de 1250 connut une première édition en 1260 mais Jacques de Voragine y consacrera sa vie jusqu’en 1298.

Saint Jean Damascène ou de Damas
Tout d’abord nommé « Légenda Sanctorum di Jacobus de la Varagine », l’ouvrage trouve rapidement un autre titre « Legenda Aurea » ou « Légende qui vaut de l’or » que l’on traduira, par la suite, par « La Légende Dorée ».
Après la Bible ce fut le livre le plus diffusé et le plus lu au Moyen-Age.
Saint Josaphat apparaît dans la version de 1264 et dans le tome III en compagnie de Saint Barlaam, qui suivant le texte repris de Jean de Damas « est celui qui convertit à la foi chrétienne le roi Josaphat ».
Cette histoire fut originellement décrite par Jean Damascène, ou Jean de Damas, au VIIe siècle dans son ouvrage « La source des connaissances ».

Saint Jean Damascène
Un ouvrage récent de Martin Palmer « Les Evangiles de la route de la soie – L’histoire et les enseignements de l’Eglise Chrétienne en Asie. La rencontre du message de Jésus avec le bouddhisme et le taoïsme » aux Editions Sully, dont le titre anglais est plus simplement « The Jesus Sutras » démontre, si il en était encore besoin, que de nombreux contacts furent établis très tôt entre le catholicisme des origines et les religions, ou philosophies, orientales et notamment le Bouddhisme.

Mais ce fut, officiellement, Jean Damascène puis Jacques de Voragine qui firent connaître aux chrétiens la philosophie essentielle du Bouddha désigné alors par Saint Josaphat qui est une altération possible de Bodhisat puis Bodhiphat.

Il est même fort possible que le nom de Josaphat provienne simplement de Joseph, ou au moins de « Joseph le Juste », le mari de Marie, qui fut celui qui « a élevé Jésus ».
Joseph, on le sait, n’est pas le père de Jésus qui est considéré d’origine divine, mais il est celui qui a eu la charge de l’ élever, de se charger de son éducation et, même, de lui donner un métier manuel, donc fort utile, celui de charpentier.
Joseph est donc « celui qui élève et qui construit » et qui a aussi pour rôle de transmettre un enseignement , ce qui est pour le moins symbolique.
Dans cette hypothèse, qui vaut largement celle du pur hasard, Josaphat ne serait-il pas celui qui transmet un enseignement qui permet de s’élever ?

Et le Bouddhisme ne jouerait-il pas vis à vis de la foi chrétienne le rôle qu’a pu tenir Joseph vis à vis de Jésus ?

Si on relit avec attention « l’abrégé de l’origine de tous les cultes » par Charles François Dupuis, Membre de l’Institut (Chez Chasseriau Libraire Editeur Paris 1822) on est loin d’en douter.
Etrangement, lorsqu’on visite le Musée Guimet et lorsqu’on rentre dans la bibliothèque rotonde, c’est le premier ouvrage qui se trouve à portée de main, à hauteur des yeux, à main droite.
C’est encore, bien évidemment, ce fameux hasard qui fait si bien les choses quand elles dérangent un peu.
Mais il est vrai, aussi, que de ces histoires tout le monde s’en fout comme de l’an quarante car chacun doit définitivement camper sur sa position.
On a les lignes Maginot qu’on peut !
Prétendre et prouver que l’église catholique a pu, un jour, canoniser Bouddha n’arrange personne.
Ni les bouddhistes, ni les catholique, ni les autres.
Mais c’est toujours bon à savoir.

La vie du Bouddha Gautama revue et corrigée à la sauce vaticane. Il existe diverses versions de la Légende Dorée dont une est publiée sur le Net par les Moines de l’Abbaye de Saint Benoît au Port en Valais * .
De mon coté j’utilise la version « traduite du latin d’après les anciens manuscrits par Teodor de Wyzeva », faisant partie de la bibliothèque familiale, et publié par Perrin en 1913.
Voici quelques extraits significatifs du Chapitre CLXX page 662 intitulé

« Saints Barlaam et Josaphat – 27 novembre » :

Barlaam et Josaphat

« Barlaam, dont l’histoire nous est racontée par Jean de Damas, convertit à la foi chrétienne le roi Josaphat.
En un temps où l’Inde entière était pleine de chrétiens surgit un roi puissant nommé Avenir qui persécuta les chrétiens et particulièrement les moines.
Le roi Avenir n’avait pas d’enfant. Il eut enfin un fils qui était d’une beauté merveilleuse et qui fut appelé Josaphat.
En l’honneur de sa naissance, le roi fit célébrer de grands sacrifices et réunit soixante astrologues qu’il interrogea sur les destinées futures de l’enfant.
Tous répondirent qu’il serait grand en puissance et en richesse et le plus sage d’entre eux ajouta  » Oui, Roi, l’enfant qui t’es né sera en effet tout cela, mais dans un tout autre royaume que le tiens car il sera l’un des princes de cette religion que tu persécutes ».

Ce qu’entendant le roi effrayé fit construire à l’écart un magnifique palais qu’il donna pour demeure à son fils.

Et il lui donna pour compagnons de beaux jeunes gens en leur recommandant de ne jamais parler à Josaphat ni de la vieillesse, ni de la maladie, ni de la pauvreté, ni de la mort, ni de rien d’attristant de telle sorte que l’esprit de l’enfant, tout occupé de choses gaies, n’eut jamais l’occasion de penser à l’avenir.

Si l’un des compagnons de Josaphat était malade, il aurait aussitôt à être remplacé par un bien portant.

Cependant le prince Josaphat était presque parvenu à l’âge adulte.
Etonné que son père le tint enfermé, il interrogeait là dessus son serviteur favori, ajoutant que cette défense de sortir lui ôtait désormais le goût de manger, de boire et de dormir.

Josaphat se lamente et Barlaam lui conseille de sortir du palais
Le roi informé de cela lui fit donner un cheval et lui permit de sortir dans la campagne à la condition qu’une escorte le précéda pour écarter de ses yeux tout spectacle attristant.

Josaphat sort du palais du roi Avenir et rencontre un lépreux et un vieillard (XIVe siècle)

Or, josaphat, dans l’une de ses promenades, s’êtant écarté des on escorte rencontra un lépreux et un aveugle. Stupéfait il demanda ce que c’était.
Ses compagnons répondirent « Ce sont là des maux qui arrivent aux hommes ». Sur quoi Josaphat rentra au palais plein d’anxiété.
Mais il décida de sortir à nouveau et rencontra, une autre fois, un homme brisé par la vieillesse.
L’homme avait un visage rugueux, un dos voûté, une bouche sans dents, une parole balbutiante.

Étonné Josaphat demanda ce que c’était. Et quand on lui répondit que c’était l’âge qui avait mis l’homme dans cet êtat il demanda alors « Et quelle sera sa fin ? »
On lui répondit « la mort ! ».

Et lui « Est-ce que tous doivent mourir, ou seulement quelques uns ? »

On lui répondit « Tous ! »

Et Josaphat « A quel âge ? »

Et eux « On peut vivre jusqu’à quatre vingt ou cent ans et puis on meurt « .

Et le jeune homme roulant dans son coeur toutes ces pensées nouvelles se désolait en secret. Cependant, devant son père, il continua de feindre la gaîté.

Après cela Josaphat voulut se retirer dans le désert mais longtemps les prières de son peuple le retinrent.

Un jour, enfin, il s’en alla, donnant à un pauvre ses habits royaux et en échange revêtit ses haillons.

Josaphat et Barlaam
Josaphat échange ses vétements et se dépouille de sa tenue princière

Ainsi il erra dans le désert sans pouvoir trouver la paix. Enfin apercevant un caveau il frappa à la porte et dit « Père bénis-moi ! ».

La tentation de Josaphat et les illusions humaines
Et barlaam entendant sa voix sortit du tombeau.
Et Josaphat vécut là de nombreuses années dans la vertu et les privations et renonça à son royaume dans la vingt cinquième année de son âge.

Il vécut ensuite dans le désert pendant trente cinq ans, eut d’innombrables disciples et s’endormit, à son tour, dans le Seigneur ».

C’est une belle histoire mais qui ne date pas d’hier . Il s’agit bien là d’une belle histoire telle qu’on la racontait, en Occident, depuis fort longtemps puisqu’elle fut rapportée par Jean Mansour, ou Jean Damascus alias Jean de Damas ou John Damascus devenu Saint Jean de Damas ou Saint Jean Damascène (650 749) considéré comme le « défenseur des Saintes Images ».

Né à Damas, en Syrie, il fut l’un des Docteurs de l’Eglise, titre qui lui fut officiellement accordé par le Pape Leon XIII en 1890, et permit de sauvegarder la théologie bizantine en regroupant l’histoire des principaux saints et, particulièrement, des martyrs.

Son oeuvre fut reprise par Jacobus de la Varagine, ou Jacques de la Voragine, 1225 1298, élevé à la dignité de « Bienheureux » par le Pape Sixtus V en 1585.

C’est ce même pape qui confirmera la sainteté de Barlaam et de Josaphat, et accréditant très officiellement la « Légende Dorée » les concernant. Il ne s’agit donc pas d’une simple hypothèse et moins encore d’une quelconque coïncidence car l’histoire contée par Jacques de Voragine correspond bel et bien à celle du Bouddha Gautama telle qu’elle se transmet dans la tradition bouddhique. Les noms seuls changent mais chacun sait qu’en Chine le Maître Kongzi ne pouvait pas imaginer un seul instant qu’il se nommerait un jour Confucius en Occident !

C’est un peu comme le Maître Morihei Ueshiba que l’on retrouve en Chine sous le nom de Wang Shou Kao dans la génalogie de deux écoles de Baguazhang (Bagua ou Pa Kua).. Mais encore fait-il accéder à ces généalogies et lire le chinois afin de s’en persuader.
Ces généalogies ont été néanmoins publiées, mais en Chine, par le Dr Lee Ying Argn, chercheur et membre éminent de la Hong Kong Chinese Martial Arts Association. Mais ce qui est publié en Chinois, on s’en contrefout comme de l’an quarante.

Ou on s’en méfie car on ne lit pas ce language là qui ressemble à des miquets. Comme ces découvertes archéologiques préhistoriques chinoises attestant la présence d’ateliers de dépeçage très organisés et datant de deux millions d’années, dont Coppens disait récemment « Ces recherches ayant été publiées en langue chinoise on ne pouvait pas les connaître ni les reconnaître  » ! Si elles avaiet été publiées en volapük elles auraient probablement eu plus de chance de motiver nos doctes savants et nos chercheurs ! Mais en chinois !!! Ah ! Ah! Ah! Certains argumenteront sans fin sur le manque de preuve car il n’existe pas de photo de Wang Kao Shou, pardon de Maître Morihei Ueshiba, cassant des planches avec la tête dans un club chinois, faisant le grand écart sur le parvis de Shaolin ou serrant la main à Jet Li.

Dommage pour eux..

Mais le fait demeure.

Lorsque son fils, le Doshu Kishomaru Ueshiba, dans son ouvrage explique simplement
« Les deux années les plus importantes, pour mon père, dans la création de l’Aïkido sont les années 1924 1925 »
il suffit de rechercher une biographie du Maître Fondateur de l’Aïkido pour constater qu’ il était alors en Chine.
Probablement assis à la terrasse d’un café ou jouant à la pétanque ou à la belote.
Puisqu’il n’était nullement intéressé par les chinoiseries.
Certains le prétendent.
On se demande donc ce qu’il faisait là bas en train de tenter, avec son Maître Onisaburo Degushi, de remettre l’Empereur de Chine sur son trône. De même il n’existe pas de photo de Bouddha au Vatican serrant la main à un Pape fut-il Sixte V ou déjeunant avec Saint Pierre, Paul ou Jacques.
Sauf, à la rigueur, quelques vieux dessins de Gotlib mettant en scène Marcel Bouddha et Adolf Wotan.
Dommage pour nous.
Mais le fait demeure une fois encore et il faudrait être particulièrement demeuré pour lire la vie de Saint Josaphat telle que la relate Jacques de Voragine et ne pas faire le rapprochement avec Gautama Bouddha.

Qu’en est-il de son enseignement ? Si les Catholiques avaient suivi l’enseignement de Josaphat, donc du Bouddha, ils seraient vraisemblablement bouddhistes.
Ou peu s’en fait.
C’est un peu pourquoi, avec les précautions d’usage, Josaphat est remis à sa place et n’occupe parmi les saints qu’une place de second et même de troisième ordre.
Certaines versions de la « Légende Dorée » prétendent qu’il eut « beaucoup de disciples », d’autres font l’impasse sur ce sujet mais le présentent comme un prêtre.
Donc comme quelqu’un qui aurait eu un enseignement et qui aurait transmis quelque chose.
Même si il demeura dans le désert jusqu’à la fin de sa vie !
On recherche en vain une illumination sous le figuier, nommé depuis cette époque lointaine, en latin « Ficus relogiosus » (ficus religiosa) le figuier religieux.

Ficus religiosa

Le « figier religieux » (littéralement le figuier qui relie -channeling figus ) ou ficus religiosa, l’arbre sous lequel Gautama Bouddha trouva l’Illumination !
L’anecdtote est oubliée mais le nom latin demeure pour les botanistes !

Mais les saints catholiques, apostoliques et romains ne connaissent pas ce type d’expérience sauf lors de leur mort.
Il eut été inconvenant de prêter à Josaphat une expérience que ne réalisèrent pas de leur vivant des saints autrement plus important dans la hiérarchie catholique.
Il connaît néanmoins une expérience mystique lors de l’ouverture du tombeau de Barlaam, son Maître, son complice et son ami.
Il n’est pas dit qu’il ressuscite celui-ci mais que Barlaam ouvre le tombeau de l’intérieur.
Mais, comme dans le Bouddhisme, tout l’enseignement de Josaphat est basé sur la dualité entre l’illusion et le réel.
Pour Josaphat l’illusion est un piège mais le réel n’est pas constant.
Le réel est donc illusion.
Il convient donc de dépasser le réel et l’illusion afin d’éviter le piège de la prédestination.
Et seule la méditation, donc l’action juste, peut permettre ce dépassement et cette libération.
Saint Josaphat médite dans la prière et agit comme il le croit juste.
Est-il bien différent de Bouddha ?
Et Bouddha est il différent de Josaphat ?
L’un est action dans la prière l’autre est prière dans l’action.
Mais méditer et prier n’est-ce pas déjà agir.
Comment pourrait-on « agir centré » sans rien faire ?
Et comment pourrait-on prier sans la foi dans l’action ?
Les preux chevaliers auxquels Saint Josaphat servit de modèle pendant plusieurs siècles ne se posaient pas ces questions puisqu’ils agissaient dans la foi de ce qui leur semblait juste.
C’est cette même foi qui animait les chevaliers indiens, japonais ou chinois lorsqu’ils respectaient les enseignements du Bouddha.
Mais depuis l’être humain prétend s’être civilisé parce qu’il fait bénir des canons au nom du « Got Mit Uns » et a oublié Josaphat.
C’est peut-être le Bouddha qui permettra qu’on se souvienne de lui.

Pour en savoir plus :

C’est dans le N°1 (mars avril 1997) de la revue bimestrielle Tao-Yin que j’ai créé et dont j’étais le rédacteur en chef, que j’ai fait publier un excellent article sur Josaphat et Bouddha de S. Leclerc intitulé « Bouddha, alias Saint Josaphat ». Le texte intégral de la Légende Dorée dans une autre traduction que celle de Teodor de Wyzeva :
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/index.htm Les évangiles de la route de la soie – L’histoire et les enseignements de l’église chrétienne en asie au premier millénaire – La rencontre du message de Jésus avec le Bouddhisme et le Taoïsme – par Martin Palmer aux Editions Sully Je remercie particulièrement Silvia qui a pris les photos des statues du Bienheureux Jacques de Voragine (Jacopo de Voragine) à Varazze car il n’est représenté nulle part ailleurs !