L’ANNEE CHINOISE JIA CHEN DU SINGE DE BOIS

OU SINGE JOUANT DANS L’ARBRE par Georges Charles

Les Trois Singes de Laozi de droite à gauche comme dans l’écriture chinoise « Ne rien voir ; Ne rien entgendre ; Ne rien dire  » Ce qui est la négation du bon sens ! En fait « Ne rien regarder qui perturbe la vue ; ne rien entendre qui ,choque l’oreille ; ne rien dire qui agresse autrui !  » Ce qui est quand même un peu plus intelligent. « Les cinq couleurs fatiguent l’oeil : les cinq sons fatiguent l’oreille, les cinq paroles fatiguent la langue » Etant sous entendu lorsqu’il y a excès de couleur, excès de sons, excès de paroles. Il existe donc une légère différence entre la « sagesse chinoise » de bazard et les enseignements des Sages de la Chine classique. Comme il existe une différence entres l’astrologie chinoise de bazard et l’horoscopie chinoise classique.

Le singe japonais Izumi Saru Terre cuite Japôn XVIIIe Coll. GC Natifs de l’année du Singe : 1908 ; 1920 ; 1932 ; 1944 ; 1956 ; 1968 ; 1980 ; 1992 ; 2004

Natifs de l’année du Singe de Bois : 1884 ; 1944 ; 2004
Influence céleste Tian Gan (Tronc Céleste) : Bois
Influence terrestre Di Zhi (Branche ou Rameau Terrestre) : Terre/Métal
Influence cosmique (Energie Cosmique) : Shao Yang ou Feu Ministériel
Cycle sexagésimal de Wangdi : 21eme pilier « Eau des puits et des sources » (Mercure – Shui Yin) : Eau

 

L’Année du Singe Jouant dans l’Arbre :

Le 22 janvier 2004 commencera la nouvelle année chinoise Jia Shen (Kia Chen) du « Singe jouant dans l’arbre », parfois également nommé « Singe insatisfait » ou singe d’influence céleste de Bois et d’influence terrestre de Terre/Métal, également placée sous le signe cosmique du Feu Impérial (Shao Yang).

Cette année du Singe de Bois s’inclut dans le soixante dix neuvième cycle sexagésimal depuis que l’Empereur Jaune Wangdi (Houang Ti) ait créé ce calendrier en 2699 avant notre ère, chaque cycle de soixante ans se composant de cinq périodes de douze années, chacune d’entre-elles représentant une rotation complète des 12 signes du zodiaque animal.

L’empereur Jaune précisa lors de la création de ce calendrier « Ce qui est en haut (le Ciel donc l’influence céleste) donne ; ce qui est en bas (la Terre donc l’influence terrestre) reçoit ».

Dans le cas de cette année le Bois (influence céleste et Tronc Céleste) donne, la Terre (influence terrestre) reçoit et le Feu Ministériel (influence cosmique) opère la médiation tandis que le Métal (Rameau Terrestre secondaire) permet de récolter.

C’est donc une année assez équilibrée si on excepte toutefois un mouvement de l’Eau parfois en déficit et parfois en excès.

Cela est du au fait que l’année du Singe de Bois correspond au vingt et unième pilier, lié à Mercure, à « L’eau des sources et des puits ». L’Eau en déficit de la source a tendance à monter (évaporation) lorsqu’il fait trop chaud, tandis que l’Eau en excès du puits a tendance à descendre (précipitations) comme quand on renverse un seau trop plein posé sur la margelle.

Pleuvoir comme des seaux qu’on verse, donc pleuvoir à verse. Il est donc possible qu’il existe des conflits, au printemps et en automne, entre le Bois (Vent) et le Métal (orages et pluie). Il s’agit d’une année « double Yang » puisque le premier « Tronc Céleste » (Tian Gan) Jia est de tendance énergétique Yang et que le neuvième « Rameau Terrestre » (Di Zhi) Shen est également de tendance énergétique Yang.

Jia représente originellement un bourgeon fermé (Elément Bois Yang) et Shen la maturité de ce qui doit être récolté (Elément Métal Yang). L’image est celle d’un bourgeon encore fermé qui parvient rapidement à maturité et qui doit néanmoins être récolté si la chaleur devient trop forte.

Cela correspond à certains thés chinois dont on ne récolte que le bourgeon, ce qui produit une boisson de très grande qualité mais ce qui exclut la quantité lors de la cueillette.

Ce qui est quantitatif et subtil devra dont être privilégié par rapport à ce qui est quantitatif et grossier.

Il est à noter que, justement, une légende raconte que certains thés rares et précieux poussant dans les montagnes escarpées de l’Ouest de la Chine ne peuvent être cueillis que par des singes élevés et nourris au sein même de la famille des récoltants.

Des singes simplement dressés bâcleraient le travail ou en profiteraient pour s’enfuir.

Une année caractérisée par la chaleur du Shao Yang ou Feu Ministériel mais également favorable aux « affaires » :

Singes sur un toît Népal Photo Daniel Collin pour AMTM Le chapitre 71 du Suwen (So Ouen), ouvrage fondamental de médecine interne (acupuncture, moxibustion, massages, nutrition, exercices et mobilisations), attribué à l’Empereur Jaune, indique « que dans les années régies par le Shao Yang, il fait plus chaud que dans les autres années. La chaleur excessive est souvent cause de maladies dont les symptômes sont les suivants : abcès, diarrhées, gonflements, vomissements, douleurs au cœur. Quant au traitement en profondeur il convient de prescrire des médicaments et des aliments salés, âcres, aigres pour disperser l’excès de plénitude de l’énergie, ce qui permet d’éviter que ne se développent des maladies graves ».

Ceci dit, l’année du Singe de Bois est généralement favorable au commerce, aux spéculations et aux « affaires » dans tous les sens du terme. Symboliquement Mercure est à la fois le dieu du commerce et des voleurs et ceci en Occident comme en Orient. Elle permet à ceux qui sont déjà « malins comme des singes » de se livrer à toutes sortes de spéculations : financières, boursières, immobilières, politiques, professionnelles. C’est donc, pour eux, le moment d’investir en prenant quelques risques. Il va sans dire que ce type d’opérations est à fortement déconseiller aux balourds ou aux timides et autres réservés qui risqueront d’y laisser leur chemise qu’ils retrouveront plus tard sur le dos du singe. Ce qui n’arrangera pas sa réputation, mais il n’en a que faire puisqu’il se situe au-delà du commun.

Il se considère en effet comme l’animal le plus habile du cycle du zodiaque, ce qui lui permet de laisser de coté les complexes si nécessité se fait valoir. Il est donc particulièrement opportuniste et a tendance a ramasser et à adopter ce qu’il considère comme perdu par autrui. Quitte à être très étonné si on vient, plus tard, lui réclamer son bien. Et, de plus, c’est un quadrumane qui possède, pour certains, une queue préhensile. Il lui est difficile d’échapper à la tentation de voir (du savoir) et de prendre (pour comprendre). Sa devise pourrait être « Savoir pour comprendre » mais aussi « Pas vu pas pris ». C’est, en quelque sorte, un noble fripon qui demeure très vertueux tant qu’il n’a pas été tenté. Après il lui est difficile de faire machine arrière et il trouvera toujours dix mille excuses pour se justifier tout en demeurant parfaitement de mauvaise foi et totalement persuadé de son bon droit. Mais, d’autre part, ce coté quelque peu obscur de sa personnalité est compensé par sa générosité naturelle. Il peut très bien, comme Robin des Bois ou Mandrin, dépouiller les riches pour habiller les pauvres.

Petit marquis et gros barons :

Petits singes volant des fruits Stéatite Chine XIXe Coll. GC Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que ce petit marquis rusé ne cherche sans cesse à rouler les gros barons et même à leur tenir tête avec détermination et courage si il se sent acculé. Le caractère chinois désignant le singe, Hou, est homophone du caractère marquis, ce qui lui confère une certaine noblesse.

Dans l’imagerie populaire, un singe tenant une pêche (Hou Pao Jeou) signifie littéralement « Que votre descendance bénéficie de la longévité ». Un singe à coté d’un cheval (Feng Hou Ma Shang) se lit « Vous deviendrez rapidement marquis », donc une personne riche, importante et bien considérée, ce qui évoque une promotion sociale ou professionnelle rapide et méritée. Le singe, n’en doutons pas un seul instant, est un sacré malin. Malgré ses facéties et ses cabrioles il sait toujours retrouver son équilibre et, parfois même, se faire pardonner d’avoir voulu tirer les moustaches du tigre ou la queue du serpent.

Il apprécie la majesté et la liberté du Dragon et la subtilité du Rat avec lesquels il s’entend pour réaliser quelques tours pendables, et souvent rentables, au détriment du Bœuf, du Coq et du Chien qui demeurent souvent un peu trop naïfs vis à vis de ses stratégies complexes et déroutantes. Il est sans pareil pour s’adapter rapidement à toutes les situations et demeure expert dans l’art de l’embrouille. Quelque peu vantard il est également capable des plus basses flatteries pour aboutir à ses fins. C’est, parfois et même souvent, sur un plan professionnel ou politique une espèce d’Iznogoud, ou de « speedy Monkey », qui, dans ses mauvais rôles, ne reculera devant rien pour être Khalife à la place du Khalife même et surtout si il sert celui-ci avec empressement et passion. Jusqu’au jour où il est le patron.

Ce qui ne l’empêche nullement de respecter la hiérarchie familiale puisque ses talents multiples s’exercent surtout en dehors de chez lui où il se comporte souvent avec beaucoup de rigueur et de droiture. Ce qui n’exclut nullement la tendresse et l’envie, parfois un peu envahissante, d’une nombreuse descendance. Le singe est souvent un chaud lapin. Difficile de lui résister et souvent, plus encore, de lui en vouloir. Dans l’esprit des Chinois c’est un animal attachant mais qui possède de nombreux défauts nécessaires à la survie en société. Il est donc très bien considéré car il convient de l’avoir comme allié plus que comme ennemi.

Un proverbe chinois affirme « Mieux vaut avoir un singe chez soi qui va pisser chez les autres que de le savoir chez les voisins ». La formule fut reprise par Eisenhower quand on lui demanda comment il pouvait supporter Edgar Hoover le chef de ses services secrets qui avait très mauvaise réputation et qui deviendra directeur du FBI surnommé « le plus grand salaud d’Amérique » par Norman Mailer. « J’aime mieux qu’il couche dans ma tente car quand il se lève le matin il va pisser sur la tente du voisin ! » De nombreux temples, en Chine comme en Inde ou au Japon, acceptent donc sa présence car nul mieux que lui sait égayer un lieu austère et y apporter une fantaisie toujours renouvelée. On excuse donc ses menus larcins et les quelques déprédations qu’il y commet et on respecte ses capacités physiques exceptionnelles, son équilibre dynamique et sa souplesse.

Sa Majesté le Roi des Singes :

Timbre canadien de l’Année du Singe Sun Wu Kong – le Roi des Singes – Le Roi des Singes, Sun Wu Kong, demeure donc l’un des héros les plus populaires du roman et de l’opéra chinois car, bien que respectueux de la sagesse, il sait s’opposer à la tyrannie et à la force brutale.

Il est particulièrement apprécié par le petit peuple des villes et des campagnes car malgré son rang élevé dans la hiérarchie sociale grâce à son titre de marquis, il se prétend lui-même « L’Invincible égal du Ciel », il incarne la rébellion et la subversion. Pour beaucoup il incarne donc la liberté du taoïste qui sait se moquer des convenances et qui cherche toujours à remettre en cause l’ordre établi lorsque celui-ci n’est pas celui du Ciel, donc du Tao.

Dans le roman picaresque « Le voyage en Occident » (Xi You Ji ou Si Yeou Ki) il accompagne un saint homme, le pèlerin Xuan Zhang et, malgré son impertinence et ses erreurs, ne cesse de tirer ce dernier, quelque peu coupé des réalités, des multiples traquenards où il tombe au cause de sa bonté naïve. En réalité, et quoi qu’on dise, le Roi des Singes alias Sun Wugong (« Celui qui a pénétré le Vide »), alias Mei Hou Wang (« Parfait Roi Singe ») éclipse rapidement en renommée et intérêt celui qu’il est censé accompagner sans son périple vers l’Occident, donc vers les Indes, à la recherche des textes sacrés originaux du Bouddhisme. Il faut dire que le moine Xuan Zhang (Hiuan Tsang) alias Kin Shen « Contemplation Dorée », alias Tripitaka qui fut banni du Palais Occidental pour s’être laissé aller à sommeiller lors d’une méditation, est particulièrement fat, sentencieux et pénible à supporter. Dans un premier temps, le roman fait donc l’apologie du Bouddhisme et de ses enseignements, ce qui ne l’empêche pas l’auteur, un certain Wu Zheng An (Wou Tcheng Ngan) (1505 1580), entre les lignes, d’initier le lecteur à la cosmologie taoïste et de rendre le Roi des Singes de plus en plus sympathique alors que, visiblement, il ne cesse, et quel qu’en soit le prix, de s’opposer à ces enseignements. Donc à une doctrine extérieure à la Chine officiellement imposée comme modèle.

Le Singe représente la querelle entre Taoïstes et Bouddhistes

donc le désordre cosmique permanent :

Singe et racine de lotus Stéatite chinoise XIXe Coll. GC C’est l’opposition habituelle entre les taoïstes et les bouddhistes que les paysans de l’époque nomment, non sans un certain humour les « Singes Noirs » et les « Anes Jaunes ».

Ceci en référence aux habits portés par les représentants des deux tendances : les taoïstes vêtus d’une longue robe noire et d’un chapeau à ruban qui ressemble à une longue queue ; les bouddhistes habillés d’une tenue jaune safran et portant un collier de bois comme « un âne bâté ». Si on ajoute que les taoïstes « se tapent le derrière par terre jusqu’à ce qu’il devienne rouge » à l’occasion de leurs pratiques gymniques (Tao Yin) et que les bouddhistes « ont de longues oreilles à cause des poids qui y sont accrochés et acceptent, pour éviter de somnoler, de recevoir des coups de bâton » le tableau est parfait. Entre le singe insaisissable qui se méfie et critique par principe et l’âne qui accepte tout, sans broncher, Il est facile de comprendre vers lequel s’exerce naturellement la sympathie populaire. Cette opposition entre Taoïstes et Bouddhistes représente symboliquement l’organisation d’un désordre cosmique permanent que chacun tente d’expliquer et de résoudre à sa manière.

Un expert réputé dans l’Art Chevaleresque du Bâton et un modèle de bravoure et d’indépendance.

Le Roi des Singes est, bien évidemment, un redoutable expert dans ce que l’on nomme en Occident les Arts Martiaux et plus particulièrement encore dans le combat au bâton qui, entre ses mains, devient une arme magique et redoutable. De ce fait, il existe de multiples écoles de « Kung Fu Wushu » (Art Martial Chinois Traditionnel ou Art du Poing Chinois que l’on devrait traduire par Art de la Bravoure ou Art Chevaleresque) spécialisées dans la « Boxe du Singe » (Hou Quan) qui allie souplesse et rapidité.

Le Roi des Singe est, en Chine, considéré comme une sorte de Robin des Bois très malin et quelque peu provocateur qui aurait étudié la stratégie militaire de Sunzi (Sun Tseu) et qui aurait les pouvoirs magiques de Merlin l’Enchanteur. Il représente en quelque sorte le « barbare » au grand cœur qui se joue des interdits et des règles établies tout en faisant respecter la vraie justice.

Dans la conception chinoise le « barbare » est simplement celui qui vient d’ailleurs et « qui ne connaît pas de limite ni dans ses paroles ni dans ses actes ». Mais le rôle essentiel de ce « barbare », comme ce fut le rôle de Bodhidharma le fondateur du Chan ou du Zen, est de réveiller à coups de pieds dans le derrière ceux qui se sont paisiblement assoupis sur leurs lauriers. Donc de faire bouger les (braves)gens et les choses (bien faites) pour les faire avancer quelque peu quitte à employer les grands moyens. C’est un peu pour cela que le Singe de Bois risque d’être insatisfait car il a un travail énorme à accomplir et qu’il ne dispose que d’une année tous les soixante ans pour ce faire. En résumé, l’année chinoise du Singe de Bois est une année particulièrement fertile en rebondissements et pendant laquelle on ne risque surtout pas de s’ennuyer.