Disparition de Henry Plée ce 19 août à l’age de 91 ans.

Je viens d’apprendre le décès de Henry Plée ce matin 19 août. Nous présentons à Léa, sa compagne, à Thierry et Pascal, ses fils, ainsi qu’à sa famille et ses amis nos sincères condoléances. J’ai été son élève au tout début des années soixante et professeur à La Montagne Sainte Geneviève pendant plusieurs années et nous avions toujours gardé le contact. C’est à la fois un monument et une bibliothèque qui disparaît.
Georges Charles.

Plee1

Henry Plée chez lui.

Henry Plée par Georges Charles

A son niveau il n’est plus question de Maître, de Sensei, de Pionnier, de Monsieur. Ni de titre ou de grade puisqu’il en alignait un bottin complet. Et qu’il avait reçu le 10eme Dan au Japon pour son Oeuvre. Henry Plée suffit.
Avec l’immense respect pour ce qu’il représente. A la fois un monument, qui pourrait être le Sphynx, et une bibliothèque. Mon père, Lionel Charles, qui avait étudié sous la direction de Kawaishi Shihan dans l’immédiate après guerre, voulait que je fasse du Judo et m’avait inscrit en 1958 au JJCE d’Enghien où officiaient Riva, Dupuy, Goldschmidt et quelques autres. Mais comme cela ne me convenait pas, sur le conseil de Beaujean, il avait accepté, au tout début des années soixante de m’inscrire à La Montagne Sainte Geneviève, seul cours de Karaté qui existait à Paris. On disait simplement « La Montagne ».
Le Maître des lieux, Henry Plée enseignait en Hakama ce que certains nommaient alors le « Karaplée ».

Il était de tradition que le nouvel arrivé soit présenté à son Sempai, donc un ancien, qui se devait de l’instruire pour l’essentiel : comment nouer sa ceinture, comment saluer, comment monter et descendre du « Dojo », comment plier son keikogi, comment balayer le parquet et des tas de choses qui semblent des détails mais qui font la différence entre la pratique en dojo et celle du club sportif. On était dans un Dojo.

Et mon Sempai était Jean Daniel Cauhépé, un gaillard qui était Officier parachutiste et qui me prit sous sa bienveillante protection. Il était déjà Ceinture Noire d’Aïkido de Maître Nocquet qui avait été disciple direct de Morihei Ueshiba, le Fondateur de l’Aïkido. Et qui avait décidé de pratiquer le Karaté pour parfaire son instruction. Autant dire que personne ne venait me chercher des embrouilles. Henry Plée était très exigeant mais juste et reconnaissait les efforts fournis par ne petite quinzaine de jeunes pratiquants qu’il initiait également à l’art du bâton, ce qui était exceptionnel pour l’époque. Il faisait venir, à ses frais, des experts Japonais qui dirigeaient des stages souvent très physiques, ce qui me permit de pratiquer sous la férule de Murakami, de Kasé, de Mochizuki, de Nanbu (avec deux N !).

On lui a par la suite souvent reproché de les avoir utilisé à son profit mais sans son invitation ils serait tous demeurés méconnus au Japon. De même pour Hoang Nam qui pratiquait le Karaté sous sa direction et qui, à l’époque, obtint plusieurs Dan dans cette discipline avant de se tourner vers les arts Sino-Vietnamiens. On a aussi reproché à Henry Plée d’être un habile commerçant doublé d’un habile publiciste mais il ne faisait là que d’utiliser ses capacités professionnelles. Il fut donc à l’origine des premières revues d’arts martiaux – ce terme n’existait pas à l’époque et on parlait de sports de combat- ce qui lui permettait de faire la promotion de sa boutique et de tout ce qu’il y vendait d’utile à la pratique en quasi exclusivité. La « Montagne » devint rapidement un lieu incontournable et Henry Plée le type qui tirait les ficelles au niveau des normes qu’il était le seul à pouvoir respecter. Ses bonnes relations avec les directions fédérales, Jacques Delcourt, entre autres, ayant été son élève, lui permettaient de jouer placé à coup sur. Mais comment reprocher à un enseignant de techniques asiatiques d’utiliser des stratégies chinoises alors que ses concurrents faisaient encore de la réclame ?

Henry Plée a toujours été un fin stratège dans ses affaires. Ainsi que dans son enseignement. Il me transmit au moins cette exigeance du pourquoi qui permet de ne pas se limiter au comment. On peut ne pas être d’accord avec ses écrits et ses chroniques mais ils permettent au moins de se poser la question de ce pourquoi là où les autres se limitent au comment.

Comment donner un coup de pied est une chose.

*ourquoi continer à des donner des coups de pied passé soixante ans est une autre chose. Il accepta, par exemple, que je puisse donner des cours de « Boxe Chinoise » (on dirait maintenant du Kung-Fu !)à la « Montagne » mais aussi des cours de Gymnastique Chinoise (on dirait maintenant du Qigong !) alors que ces pratiques étaient encore totalement inconnues. Puis récuéra la salle parce que ce n’était pas assez rentable. Je ne lui en voulus pas et lui présentai Yang Jwing Ming avec lequel il put traiter sérieusement affaires. Ensuite nous avons fondé l’Académie Française des Arts Martiaux avec ses deux fils, Pascal et Thierry, et pas mal de monde. Jusqu’au moment où je me rendis compte que cela faisait beaucoup trop de Tigres sur une aussi petite Montagne. Ce fiasco ne m’empêcha pas de participer à la fondation de la FIPAM (fondation pour la préservation des arts martiaux), un peu à sa demande. Bis repetita.

Ce faisant nous avons toujours conservé de bonnes relations et échangé pas mal de courrier où nous nous tutoyions, simplement, comme des gens bien élevés qui se connaissent depuis plus de cinquante ans.

Et qui se respectent donc mutuellement. Il m’a aussi connu avant ses fils. Et j’ai eu plusieurs fois l’occasion de lui rendre service. Sa disparition est pour moi un vide et je lui ai envoyé une carte de la Margeride cinq jours avant qu’il nous quitte. Donc vendredi dernier. Wang zemin est disparu il y a déjà un moment. Cauhépé est parti le rejoindre. Henry Plée venant de partir à son tour j’ai l’impression, tout à coup, de me retrouver en première ligne, ce qui n’est pas très rassurant car l’héritage n’est pas facile à assumer. Le 18 octobre prochain à Shenzhou dans le Hebei doit être érigée une stèle franco-chinoise dans le cadre du Mémorial du Xingyiquan dédié à Li Laoneng et où je figure en bonne place, représentant la cinquème génération de cette branche. C’est beaucoup d’honneur et de charge. Sans Henry Plée je n’aurai pas eu le courage de continuer cette Voie et de persister encore et encore.

Et pour cela je te remercie.

Henry. Maintennt libre à vous d’ajouter les mentions de Sensei, de Maître, ou celles qui vous conviennent, aux divers noms que je viens de citer.

Un proverbe anglais affirme qu’un gentleman est un type qui n’utilise jamais ce mot et qui sait jouer de la cornemuse mais s’en abstient.
Academie-AMT-1
L’Académie Française des Arts Martiaux. Quelques Membres à « La Montagne » Une autre époque… François Briouze (Kend) Pierre Portocarrero (Karatedo) Pascal Plée (Kug Fu Wushu) Alain Floquet (Aïkidi et Aïki Budo) Michel Soulenq (Aïkido), Dominique Balta (Aikidi Sei No Iki ) Martine Charles (San Yiquan), Henry Plée, Gérard Baron (Boxe Française et Panaché de Combat), Jean Pierre Reniez (Iai Do Battodo), Georges Carles (San Yiquan), Thierry Plée (éditeur).

plee_GC2
Georges Charles à « La Montagne » chez Henry Plée 1962
Section jeunes. 2eme à droite
plee_GC1
Georges Charles à « La Montagne » chez Henry Plée 1962 – cours de bâton 3eme à gauche

Plee2
Henry Plée par Feodor Tamarsky