Décès du Maître Wang Yen Nien

Le Maître Wang Yen Nien vient de nous quitter le 4 mai 2008

« Monsieur Wang » ou « Lao Shi » Photo prise au Chatillon près d’Angers par Olivier Chouteau Dans sa poche droite la fameuse « Dent de Dragon » !

Le Maître Wang Yen Nien nous a quitté dans sa quatre vingt quatorzième année le 4 mai dernier.

Il naquit le 12eme mois du calendrier lunaire de l’an 1914 du « Tigre de Bois qui se tient debout » à Taiyuan dans la province du Shanxi. Après avoir pratiqué plusieurs styles de l’Art du Poing, dont le Xingyiquan, il fut présenté par son Maître taoïste Zhang Maolin, de l’Ecole de l’Elixir d’Or (Jin Dan) * à Zhang Qinlin (Chang Ch’in Ling) un maître de Taijiquan très réputé qui avait été l’ élève direct de Yang Jian Hou.

Wang Yen Nien eut une part très active pendant la seconde guerre mondiale où il combattit les Japonais et où il fut décoré plusieurs fois pour actes de bravoure. Cela lui valut de commander un régiment en tant que Colonel. Après la victoire sur les Japonais son régiment fut engagé contre les troupes révolutionnaires et Wang Yen Nien, comme beaucoup de militaires gradés mais aussi d’ enseignants réputés de l’Art du Poing fut contraint de trouver refuge à Taiwan où, assez rapidement, il enseigna officiellement le Taijiquan de l’Ancienne Ecole Secrète de la Famille Yang (Yang Laojiao Michuan).

Celui qui le fit connaître aux Occidentaux est Robert W. Smith, un expert et chercheur américain de l’art du poing chinois qui fut le conseiller spécial du Président Richard Nixon. Dans son ouvrage paru en 1974 chez Kodansha – Chinese Boxing Masters ans Methods – il consacre en effet un chapitre entier à Wang Nien Yen le présentant comme le « Maître de la relaxation » et surtout comme un expert professionnel du Taijiquan. Smith étant, par ailleurs, un disciple de Chen Man Chinq (Zhen Manqing) il ne peut s’ empêcher d’affirmer la supériorité de ce dernier sur Wang. Mais tout le monde est loin d’être de cet avis puisque les deux Maîtres faisaient jeu égal. Sinon excepte le fait, bien chinois et très confucéen, que Wang Yen Nien concédait souvent le pas à Chen Man Ching simplement parce que ce dernier était son « ancien » auprès de Zhang Qinlin, plus âgé que lui, de constitution beaucoup plus fragile et, de plus, un lettré. Or de tous temps en Chine comme à Rome il était question que « l’épée cède le pas à la toge », donc que le militaire laisse le civil passer devant. Ce que Chen Man Ching, surnommé « Beaux Favoris » (belles rouflaquettes !) faisait fort bien.

Grâce à Smith j’ai eu la chance de rencontrer Chen Man Ching en 1975 à Taiwan. Puis, par la suite, l’honneur de rencontrer et de recevoir personnellement, en France, Wang Yen Nien que nous avions invité Serge Dreyer, Edmond Goubet et moi-même pour la première fois en Occident.

Et je puis affirmer maintenant qu’il est impossible de les comparer tant ils étaient dissemblables tant sur le plan technique que sur le plan personnel. Mais je conserve de « Monsieur Wang » l’image de la droiture, de la sympathie sans réserve, du bon sens, de la gentillesse et de la disponibilité. Mais aussi d’un roc qui se serait, peu à peu, recouvert de mousse comme on peut en voir dans les forêts de la Margeride. Je me souviens, au Chatillon près d’Angers, où je dirigeais parallèlement un stage, lui avoir offert une magnifique « dent de dragon » qui était en fait une énorme canine d’un ours des cavernes et le voir émerveillé comme un enfant devant cette chose qui ne pouvait pas exister mais qu’il tenait comme une épée devant l’air catastrophé de certains de ses « anciens » qui trouvaient évidemment ma plaisanterie de très mauvais goût. Cette complicité fut, par contre, partagée par Olivier Chouteau, qui, quelques instants plus tard prit la photo qui illustre cette page. On y retrouve « Lao She », ou plus simplement encore « Monsieur Wang » tel qu’il était réellement et tel qu’il demeurera dans notre souvenir.

Comme disait Robert Smith « Il y a beaucoup d’enseignants de grande valeur à Hong Kong et à Taiwan (note de georges Charles – on oublie qu’à cette époque le taijiquan était encore tout juste toléré sur le « Continent » où les Maîtres et experts avaient été pourchassés pendant la fameuse « révolution culturelle » – ) mais il y a seulement quelques vrais experts. Nombreux sont ceux qui ont une compétence technique mais à qui il manque quelque chose. Ce n’est qu’après avoir observé sinon testé leur pratique qu’on peut réaliser la grande différence qui existe entre un amateur compétent et un authentique professionnel. Wang Yen Nien est, sans conteste, un expert professionnel dans le Taiji ».

J’ajouterai que si la référence de la « maîtrise » nous est donnée dans les revues « martiales » spécialisées, « Monsieur Wang » était alors beaucoup plus qu’un Maître.

Wang Zemin, lui-même décédé en 2002, aurait probablement dit « Combien il est difficile de demeurer taoïste dans un pays où on ne respecte même plus Kongzi ! ».

« Monsieur Wang » s’en est donc allé paisiblement car il ne devait simplement plus trouver aucun intérêt à l’immortalité ni même à une plus grande longévité et que le temps était simplement venu de faire un dernier salut.

Ses proche parents et ses disciples regretteront probablement le seul mouvement d’égoïsme qu’il ait eu de son vivant en quittant ce monde comme tout un chacun.

Nous leur présentons donc toute notre sympathie et nos sincères condoléances.

Les Enseignants, les anciens, les pratiquants des Arts Classiques du Tao se joignent à moi pour cet hommage respectueux à « Monsieur Wang ».

J’exprime également et personnellement le souhait que l’Ecole qu’il a forgé puisse échapper aux problèmes d’héritage qui ne manquent jamais de se manifester lorsqu’un Etre Réalisé disparaît et que le temporel prend alors le pas sur le spirituel et sur « Autre Chose Encore ».

Georges Charles – Cha Li Shi – Daoshi du Ling Pao Ming Maître Héritier de Wang Zemin à la tête de l’Ecole San Yiquan.

* Il y a trois principales Ecoles des Praticiens du Tao :

  1. Mao Shan – La Montagne de Longévité 
  2. Ling Pao Ming -La Clarté du Joyau Ecarlate
  3. Jin Dan – la pilule d’élixir d’Or 

Jin représente le Métal, par extension l’Or. Dan (Tan) représente originellement le cinabre (cinnabar) ou sulfure de mercure qui permet, justement, d’extraire l’or du minerais où de découvrir en soi l’Or Philosophal. Jin Dan représente donc la « pilule d’immortalité » qui s’obtient par l’Alchimie Interne (Nei Dan Tong) et transformant ce qui est très grossier en très subtil. Jin Dan permet la mutation-transformation (Yi) puis la transmutation (Hua). Dans le cadre du Taijiquan il est donc question de transformer une méthode de combat en Art de Longue Vie pour aboutir encore à « Autre Chose ». Il y a souvent confusion entre Montagne de Longévité (Mao Shan) et Pilule-élixir d’Or. On trouve donc parfois la transcription flatteuse mais non exacte de « Montagne d’Or » concernant le Jin Dan. Cela est probablement du au coté quelque peu excessif des Occidentaux !